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  • « Katyn » d’Andrzej Wajda

    « Katyn » de Wajda ce soir au cinéma : l’histoire sordide du massacre de 12 000 officiers polonais dans la forêt de Katyn en territoire soviétique, ou comment les barbaries nazie et soviétique se sont cumulées pour dépouiller la Pologne. Le film démarre sur la vision saisissante de populations civiles fuyant au milieu d’un même pont, les nazis arrivant d’un côté et les soviétiques de l’autre, se poursuit sur l’exécution des officiers et se termine sur l’après-guerre où la Pologne socialiste dénie la responsabilité du grand frère soviétique alors que la Pologne réelle sait bien qui est coupable. En suivant le parcours de quelques familles polonaises le film insiste sur le drame humain plus que sur l’analyse historique que le spectateur est censé connaître.

    Ce drame est une conséquence du pacte Molotov-Ribbentrop signé ci-dessus sous l’œil goguenard de Staline (cf. photo, Molotov est en train de signer, Ribbentrop est en arrière-plan à droite de Staline). Pour Hitler les slaves sont des sous-hommes, pour Staline la Pologne est un non-sens historique et géographique, tous deux conviennent du dépeçage du pays toute affaire cessante. La gestapo et le NKVD collaborent allègrement et se livrent l’une à l’autre des Polonais suspects, des russes en cavale, afin d’émasculer le pays en le débarrassant de ses élites. Un peu par hasard, les 12 000 officiers polonais tomberont dans les mains soviétiques. Staline estime qu’ils représentent un obstacle à l’instauration du socialisme éclairé en Pologne, les fait exécuter d’une balle dans la nuque en 1940 et ensevelir dans les charniers de la forêt de Katyn. Le père de Wajda était l’un d’eux. Dans le même temps le NKVD exécute d’autres nationalistes et contre-révolutionnaires polonais, voire ukrainiens et biélorusses. On parle en tout de 15 à 22 000 exécutions relatives à la décision du politburo de mars 1940 (signée notamment par Staline, Beria, Molotov).

    Alors que les Allemands attaquent l’URSS en 1941, ils découvrent les charniers et cherchent en s’en disculper en accusant les juifs et les bolchéviques. Au procès de Nuremberg, les soviétiques arrivent à faire inclure ce massacre dans l’acte d’accusation sans pour autant qu’il ne soit cité dans le jugement final. Il faudra attendre 1990 pour que Gorbatchev reconnaisse la responsabilité soviétique et présente ses excuses à la Pologne. Quel siècle !

  • Pas de cannabis au parlement européen

    Il semble que la liste Cannabis sans frontières n’aura pas de député à Strasbourg pour cette fois-ci.

  • Du racolage à tous les étages

    Il faut lire les tracts électoraux officiels du scrutin européen de demain dimanche. Rien de bien percutant ; intriguant néanmoins, la liste « antisioniste pour une Europe libérée de la censure du communautarisme des spéculateurs et de l’OTAN » de Dieudonné Mbala Mbala, humoriste amer, qui inclut un coupon réponse proposant trois options : (i) je soutiens la liste antisioniste, (ii) je soutiens financièrement la liste antisioniste et (iii) je suis sioniste et je soutiens Tsahal !

    Dieudonné a organisé en direct lors de l’un de ses récents meetings un coup de fil avec Carlos depuis sa prison de la santé qui soutient la liste antisioniste. Comment est-ce possible ? Comment Carlos, terroriste condamné à perpétuité, qui a fait trembler l’Occident pendant des années, peut-il tranquillement téléphoner à Dieudonné du fond de sa prison ? Est-ce que la loi ne peut rien contre une telle situation, ne pourrait-on coincer le Dieudonné pour ce soutien qui devrait au minimum pouvoir être qualifié d’illégal ? La faiblesse des démocraties face à ces alliances nauséabondes est insondable.

    Pendant ce temps le pédégé de la branche média du groupe Lagardère (Didier Quillot) fêtait hier soir son anniversaire sur une péniche de bord de Seine. Le collectif Sauvons les Riches a arraisonné la péniche et ses membres déguisés en pirate font une haie d’honneur aux invités où ils ont reconnu toute une palanquée de mondains médiatico-politicards. Les jet-setters surpris par cet accueil réagissent plus ou moins bien. On y trouve entre autres Messier, Xavier Bertrand, Elkabbach et l’ineffable BHL. Tapie n’a pas été signalé, ce sera pour l’an prochain. Rigolo !

  • La question de la Tong

    C’est le retour des beaux jours et de la Tong en ville. C’est étrange cette capacité des jeunes filles à marcher en tongs sur le béton parisien. D’abord cette savate nécessite des pieds élégants et agiles pour être portée avec nonchalance. Ce n’est malheureusement pas le cas de la majorité des citoyens amateurs de tongs. Ensuite, crapahuter en ville avec de telles sandales entraîne en quelques minutes un noircissement des pieds des impétrants, état de fait difficile à cacher bien entendu. Le recyclage d’une savate de plage en chaussure de ville ne présente a priori que des inconvénients techniques, mais quels avantages acquis n’abandonnerions-nous pas au profit du look ?

  • Un discours important du président américain Obama

    Le discours de Barak Obama au Caire, une pensée de haute volée adressée aux musulmans du Monde et non restreint aux seuls arabes, rappelant les liens historiques entre les Etats-Unis d’Amérique et les peuples musulmans. Il rencontre un franc succès en mentionnant « le premier Américain musulman qui a été élu au Congrès a fait le serment de défendre notre Constitution sur le Coran que l’un de nos Pères fondateurs, Thomas Jefferson, conservait dans sa bibliothèque personnelle. » ou « …le Maroc qui fut le premier pays à reconnaître mon pays. »

    Il aborde avec sérénité et sans langue de bois les causes actuelles de conflits entre les peuples musulmans et l’Occident : l’Afghanistan, l’Irak, l’impasse israélo-palestinienne, l’Iran. Il parle de la démocratie qui n’est probablement pas le seul système politique défendable (aucun système de gouvernement ne peut ou ne devrait être imposé par un pays à un autre) mais que tout système devrait refléter la volonté du peuple. Il aborde la liberté de religion et les droits des femmes.

    Tout ceci n’est que mots affichés devant un public trié sur le volet, mais il faut au moins les mots pour guider l’action. Ils sont prononcés par cet homme :

    « Tout ceci n’est pas simple. Il est plus facile de se lancer dans une guerre que de faire la paix. Il est plus facile de blâmer autrui que de s’examiner soi-même ; il est plus facile de voir ce qui nous distingue, plutôt que ce que nous avons en commun. Mais il faut choisir le bon chemin, et non le plus facile. Il y a une règle essentielle qui sous-tend toutes les religions : celle de traiter les autres comme nous aimerions être traités. Cette vérité transcende les nations et les peuples. C’est une croyance qui n’est pas nouvelle, qui n’est ni noire ni blanche ni basanée, qui n’est ni chrétienne ni musulmane ni juive. C’est une foi qui a animé le berceau de la civilisation et qui bat encore dans le cœur de milliards d’êtres humains. C’est la foi dans autrui et c’est ce qui m’a mené ici aujourd’hui. »

  • Une perte de 160 milliards en quelques années

    Time Warner remet AOL sur le marché en le vendant en bourse. Acheté 167 milliards d’USD en 2000, dévalorisé de 100 milliards dès l’année suivante, son prix est estimé aujourd’hui à 2,7 milliards. Si c’est effectivement le prix auquel le marché achètera les actions AOL, il s’agira du plus important hold-up légal de l’histoire de l’Humanité (enfin de la bourse) réalisé par une classe de dirigeants illuminés au profit des actionnaires d’AOL puisque ce sont effectivement eux qui ont touché le gros lot.

  • Une catastrophe médiatique

    Un avion de ligne tombe en plein océan Atlantique avec 228 passagers et personnel d’équipage. Il n’y ni trace ni indice ni communication de dernière minute pour comprendre la catastrophe. Il n’y a rien de rien pour commencer à imaginer ce qui a pu se passer. Au moins peut-on penser que la destruction de l’aéronef a dû être brutale et que ses passagers n’ont, heureusement, pas dû avoir trop de temps pour réaliser ce qui s’est passé.

    Cet avion est français alors les médias nationaux s’emparent du sujet à grandes envolées d’émissions spéciales, de logos AF 447 et autres détails destinés à cacher qu’ils n’ont rien à dire sur le sujet. Les rédactions envoient des reporters dans les aéroports, ressortent les experts en catastrophes aériennes qui confirment que pour le moment il n’y a rien à dire, retrouvent les survivants d’anciennes catastrophes, ressassent les cellules d’assistance psychologiques mises en place pour les familles. Bref, meublent le vide, mobilisent leurs antennes et n’apportent aucune information puisqu’il n’y en a pas de disponible à ce stade, mais ils le font avec énergie et détermination. C’est la comédie humaine appliquée aux médias sur un sujet morbide.

    Que se passerait-il si une des chaînes de télévision généralistes essayait de se démarquer du comportement moutonnier de l’ensemble en expliquant qu’il n’y a rien à dire pour le moment que sa rédaction suit ce sujet dramatique et reprendra l’antenne quand il y aura de la matière ? On a l’impression que cette chaîne paraîtrait plus intelligente et professionnelle et l’audimat devrait lui en savoir gré ! Mais sans doute doit-on rêver…

  • Fallada Hans, ‘Seul à Berlin’.

    Sortie : 1965, Chez : . Ecrit par un écrivain allemand, publié en 1947 l’année de sa mort. La chronique d’un immeuble berlinois durant les années de guerre et l’itinéraire solitaire d’un couple de vieilles personnes entré en résistance, entouré d’un melting pot de citoyens ordinaires, des bons et des mauvais, comme toujours en ces périodes troublées. Le sujet est grave mais le ton est enlevé. Cela se termine mal pour les gentils mais nous savons heureusement que l’Histoire a triomphé des méchants en 1945.

  • The Asteroids Galaxy Tour – 2009/05/30 – Paris le Point Ephémère

    Découvert sur Arte (One Shot Not) le groupe nordique The Asteroids Galaxy Tour se produit ce soir au Point Ephémère. Le duo danois Mette et Lars forment le chœur du groupe, elle, sorte de Blondie slave à la voix aigue et joyeuse, lui, à la basse et aux claviers, coiffé d’un improbable keffieh. Mette danse et tournoie les bras largement déployés, le guitariste est rapidement torse nu, la section cuivre souffle tant qu’elle peut et marque le rythme de couinements délicieux. Tout ce petit monde plein d’innocence délivre une pop/reggae/funk sans ostentation ni technologie, juste de la joie de vivre et de jouer. Une ambiance légèrement anarco-psychédélique règne sur scène, accentuée par l’ambiance confinée du Point, mais notre équipe détendue n’en est pas moins professionnelle et entoure Mette qui incarne si bien cette musique légère et endiablée :

    Flying away from reality/ Whatever-ever happened to gravity?/ I see it clear, a shooting star/ And I’m really gonna sing it like da-da-da,

    et qui parfois se laisse aller à vocaliser des Whoooooo, whooooooooo dignes de La Callas, assorti d’un regard narquois derrière ses lunettes fluo perdues sous une cascade de blondeur. Rafraichissant comme un glaçon dans un verre d’Aquavit !

  • Les banquiers veulent augmenter leurs salaires

    Dans Les Echos du 25, le patron de Bank Of America précise son souhait de rembourser les fonds étatiques injectés par le contribuable américain pour sauver le système financier par suite des errements se son management, et que sa première décision sera de revoir le système de rémunération et de rétablir les bonus. Au mois c’est clair ! On aurait pu penser qu’il allait consacrer son temps et ses ressources à mieux financer de l’économie ou à essayer de comprendre les mécanismes fondamentaux de la crise financière pour éviter qu’un tel séisme ne se reproduise ou à remercier le contribuable de l’avoir sauver de la banqueroute, à faire son travail tout simplement. Que nenni ! Sa première décision, il le dit, sera se rétablir les bonus… Le bonus est-il vraiment l’unique carburant qui fait fonctionner le secteur financier ?

    Et Les Echos titrent aujourd’hui en première page : « Pour accélérer son désendettement EDF lance un emprunt auprès des particuliers de l’ordre de 1 milliard ». Heu… emprunter auprès des particuliers ce n’est pas de l’endettement ? EDF n’a pas l’intention de les rembourser ? C’est la dernière mode financière : lancer des emprunts auprès du public en les assortissant d’un discours brain washing sur l’engagement émotionnel du public en faveur de l’émetteur (voir campagne de publicité actuelle d’EDF).Dans les dîners en ville des patrons du CAC 40 ce doit être le dernier sujet dont on cause : « tu as vu le succès de mon gros emprunt auprès du public ? » Il n’y a pas à dire cela doit classer son pédégé au milieu des petits fours.

  • L’extrême gauche toujours vivace

    Etonnante interview écrite de Julien Coupat, mis en examen pour terrorisme et soupçonné de sabotage de caténaires de la SNCF. On y découvre un stupéfiant discours extrême. Quelques extraits :

    Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de « mouvance anarcho-autonome » et d’ »ultragauche » ?

    Laissez-moi reprendre d’un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d’une période de gel historique dont l’acte fondateur fut l’accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d’ »éviter une guerre civile ». Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L’avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d’avoir pris l’initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant « sans complexe » avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l’Occident, l’Afrique, le travail, l’histoire de France, ou l’identité nationale.

    Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu’elle n’ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d’entre ses éléments. Quant à l’extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l’état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n’a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

    Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n’a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l’importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c’est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d’entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

    Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s’imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les « anarcho-autonomes ». On leur prêtait, pour commencer, l’organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le « triomphe électoral » du nouveau président.

    La police vous considère comme le chef d’un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu’en pensez-vous?

    Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d’un régime sur le point de basculer dans le néant.

    Que signifie pour vous le mot terrorisme ?

    Rien ne permet d’expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d’avoir orchestré, au su de la DST, la vague d’attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d’expliquer non plus la soudaine transmutation du « terroriste » en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d’Evian, en policier irakien ou en « taliban modéré » de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

    Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d’avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s’exécutera avec promptitude. Qui n’étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – « terroristes » devenus l’un premier ministre d’Israël, l’autre président de l’Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

    Le flou qui entoure la qualification de « terrorisme », l’impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l’on peut, elle, très bien définir : l’antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L’antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite « psychologique », pour rester poli.

    L’antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n’est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c’est la méthode par quoi l’on produit, positivement, l’ennemi politique en tant que terroriste. Il s’agit, par tout un luxe de provocations, d’infiltrations, de surveillance, d’intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l’ »action psychologique », de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d’anéantir la « menace subversive » en associant, au sein de la population, l’ennemi intérieur, l’ennemi politique à l’affect de la terreur.

    L’essentiel, dans la guerre moderne, est cette « bataille des cœurs et des esprits » où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l’ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l’exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l’humilier publiquement, inciter les plus vils à l’accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. « La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l’arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu’une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l’effort de guerre de la façon la plus discrète possible », conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l’armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

    Une fois n’est pas coutume, dans notre cas, l’antiterrorisme a fait un four. On n’est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée « raisonnable » est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l’échec; comme est compréhensible l’acharnement un peu mesquin des « services », depuis le 11 novembre, à nous prêter par voie de presse les méfaits les plus fantasques, ou à filocher le moindre de nos camarades. Combien cette logique de représailles a d’emprise sur l’institution policière, et sur le petit cœur des juges, voilà ce qu’auront eu le mérite de révéler, ces derniers temps, les arrestations cadencées des « proches de Julien Coupat ».

    Il faut dire que certains jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière, comme Alain Bauer [criminologue], d’autres le lancement de leurs nouveaux services, comme le pauvre M. Squarcini [directeur central du renseignement intérieur], d’autres encore la crédibilité qu’ils n’ont jamais eue et qu’ils n’auront jamais, comme Michèle Alliot-Marie.

    Vous êtes issu d’un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction…

    « Il y a de la plèbe dans toutes les classes » (Hegel).

    Vous définissez-vous comme un intellectuel? Un philosophe ?

    La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon entend déjà la parole d’Héraclite comme échappée d’un monde révolu. A l’heure de l’intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait spécifier « l’intellectuel », sinon l’étendue du fossé qui sépare, chez lui, la faculté de penser de l’aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

    Comment analysez-vous ce qui vous arrive?

    Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C’est d’ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d’une procédure judiciaire « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n’y a pas d’ »affaire de Tarnac » pas plus que d’ »affaire Coupat », ou d’ »affaire Hazan » [éditeur de L’insurrection qui vient]. Ce qu’il y a, c’est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu’il se sent réellement menacé. Le Prince n’a plus d’autre soutien que la peur qu’il inspire quand sa vue n’excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

    Ce qu’il y a, c’est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d’un paradigme de gouvernement à un paradigme de l’habiter au prix d’une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s’instaurer, à l’échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d’une gestion « décomplexée », une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s’est jamais vu qu’une classe dominante se suicide de bon cœur.

    La révolte a des conditions, elle n’a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l’Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d’opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu’un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n’a aucun titre à exister et mérite seulement d’être mis à bas ? C’est une affaire de sensibilité.

    La servitude est l’intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c’est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu’elle se demande « pour qui vais-je voter ? », mais « mon existence est-elle compatible avec cela ? »), c’est pour le pouvoir une question d’anesthésie à quoi il répond par l’administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l’anesthésie n’opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

    Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu’une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d’autres, comme tant de « jeunes », comme tant de « bandes », de nous désolidariser d’un monde qui s’effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d’escrocs, d’imposteurs, d’industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l’heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu’ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle « victoire » dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d’autres termes : la situation est excellente. Ce n’est pas le moment de perdre courage.

    Fascinant ! On en vient à se demander à quoi ce jeune intellectuel a pu être biberonné pour développer une telle pensée au XXIème siècle. Le délit d’opinion n’est plus reconnu par le droit français mais on ne peut s’empêcher de penser que l’auteur d’un tel texte est capable d’avoir posé des bouts de ferraille sur des caténaires de la SNCF.

  • Tourisme en famille au Baloutchistan

    Des touristes français voyagent au Baloutchistan avec deux enfants. Ils se font attraper par une bande de forbans locaux : bilan un otage, le reste de la famille est libéré. Passer des vacances au Baloutchistan c’est comme de faire une croisière au large de la Somalie. Qu’est ce qui peut pousser des citoyens du Monde à partir en vacances au Baloutchistan ? Un engagement militant, le goût du risque, un désir d’exotisme forcené, l’ignorance de ce qui s’y passe ? Il semble se confirmer qu’il n’est pas raisonnable de voyager au Baloutchistan comme en Somalie.

  • « Tati : deux temps trois mouvements… » à la Cinémathèque

    Délicieuse expo Tati à la Cinémathèque où l’on revient sur le regard perçant que portait le cinéaste sur les illusions de notre société et les défauts de nos compatriotes. Tout ceci est terriblement actuel, malheureusement !

  • La protection sociale française coûte cher

    Intéressant (mais compliqué) rapport de l’INSEE (dit rapport « Cotis » du nom de son directeur général) sur le partage de la valeur ajoutée, des profits et les écarts de rémunérations en France : il en ressort que la part des rémunérations dans la valeur ajoutée des entreprises non financières (donc hors administration, sociétés financières et ménages, soit environ 60% de la valeur ajoutée nationale en 2007) est restée stable depuis 1950 aux environs des 2/3, avec un pic post-choc pétrolier dans les années 70 puis une redescente dans les années 90. Mais à l’intérieur de ce bloc de 2/3, la part consacrée aux charges sociales a progressé plus vite que le salaire net. De même que la progression du millième le mieux rémunéré a été plus forte que celle des salaires médians, elle-même moins forte que celle des bas salaires.

    On y découvre que les 10% des plus hauts revenus salariaux appartiennent aux trois secteurs du conseil, des activités financières et du commerce de gros. En 2005 le revenu moyen (salaires + divers transferts) était de 20 500 EUR, avec une progression très forte à partir des années 90 pour les 0,01% des plus hauts revenus que pour les 90%. Il semble que le creusement de cet écart en faveur des plus riches soit beaucoup plus fort dans les autres pays. La France est dans la moyenne, entre les Etats-Unis où les inégalités sont les plus fortes et la Suède à l’autre bout de l’échelle.

    L’excédent brut d’exploitation, c’est-à-dire les 40% de valeur ajoutée restant après déduction des 60% consacrés aux rémunérations, est réparti en 2007 est réparti entre l’autofinancement des entreprises (40%), les revenus du capital versés aux propriétaires du capital (25%), les impôts (15%), les frais financiers (10%) et divers dont (10%).

    La conclusion note que malgré la stabilité sur longue période de la part de la valeur ajoutée consacrée aux rémunérations (60%), la faible « dynamique » (ce qui signifie croissance) des salaires nets s’explique notamment par l’augmentation de la part des salaires bruts consacrée au financement de la protection sociale de haut niveau (choix politique français), la montée en puissance de l’emploi précaire.

    Bref, une réflexion sophistiquée afin de donner un peu de sens aux débats « café du commerce » que l’on entend dans les enceintes politiques relayées par les journaux de TF1.

    Lire le rapport ici

  • Les Bretons dans le XIVème

    Tranche de vie du XIVème arrondissement n°3 : festnoz devant la mairie.

  • Bistrot musique dans le XIVème tous les samedis après-midi

    Tranche de vie du XIVème arrondissement n°2 : 4 musicos, plutôt talentueux, s’amusent et nous régalent. Ils font scène ouverte et convient les amateurs du coin à venir s’associer aux gigs. Très, très sympa de se taper une petite bière en écoutant leur blues-rock de quartier.

  • La Justice tranquille

    Tranche de vie du XIVème arrondissement n°1 : au tribunal où l’on dépose sa procuration de vote pour les prochaines élections européennes, je suis servi par un employé sans doute un peu benêt mais très serviable. Une administrée placée devant moi fond en larmes en découvrant un jugement rendu (qu’elle lit tout haut comme pour être sûre de bien le comprendre) qui bloque « l’exhumation du corps ». On ne sait pas de quel cadavre il s’agit, ni pourquoi, ni comment, ni pour qui, il était nécessaire de le ressortir de son cimetière : une recherche en paternité, un complément d’enquête pour un crime ? Allez, c’est aussi bien comme ça, il n’est pas nécessaire d’aller interroger les morts pour régler des soucis de vivants.

    Il est rassurant de voir la République rendre la Justice, même si cela se passe dans un bâtiment un peu délabré. On ne peut pas aller déterrer les morts n’importe comment.

  • Un président n’a-t-il rien d’autre mieux à faire ?

    Un match de foot-balle oppose deux clubs bretons pour une finale franchouillarde et parisienne. Tout se passe correctement, pas de massacre de CRS, pas de symbole extrémiste, pas de bagarre hystérique, pas de crâne rasé, juste le Grand Ouest tranquille qui vient taper dans un ballon.

    Seul débat, la venue ou non du président de la République pour regarder le ballon rouler. Il semble qu’il avait autre chose à faire mais que devant le scandale qu’aurait représenté son absence (i) pour la dignité des bretons et (ii) la culture française, il aurait finalement décidé de venir faire le zouave dans un stade aux frais des contribuables qui payent son salaire pour qu’il bosse.

  • La chute de l’Allemagne

    7 mai 1945, Jodl signe la reddition militaire de l’Allemagne à Reims. Les signataires conviennent de garder le secret jusqu’au 8 mai afin de laisser encore un peu de temps aux populations allemandes pour passer en zone alliée, de l’autre coté de ce qui sera bientôt le rideau de fer.

    Le lendemain à Berlin l’acte définitif est signé au quartier général soviétique par Keitel et une brochette de militaires nazis.

    Lire les actes : ici

    C’est la fin d’un carnage qui aura fait plus de 50 millions de morts. C’est l’aboutissement d’une tragédie dans laquelle la vieille Europe s’est compromise d’une façon définitive et qui n’a pas fini de produire ses effets délétères.

  • The Ting Tings – 2009/05/07 – Paris le Bataclan

    The Ting Tings au Bataclan pour une soirée de mai plutôt chaude, un couple de musiciens de Manchester montés sur ressort, un concentré d’énergie et de simplicité, The Ting Tings ont enflammé Paris.

    Après l’extinction des feus, Jules de Martino arrive éclairé par derrière, grosses lunettes à montures vertes, monte l’estrade et marque une pose devant son clavier tel un empereur romain se demandant le sort qu’il va réserver aux gladiateurs. Le temps de lancer une petite ritournelle en boucle, il s’assied sur sa batterie, aligne quelques riffs de guitare, délaisse les cordes et s’empare des baguettes pour marquer un beat redoutable qui sera la marque de la soirée. Katie White déboule ensuite sur sa propre estrade, jupette à carreaux et casquette ouvrière sur chevaux blonds, elle chante en tripotant un peu d’électronique, puis passe avec talent à la guitare, le tout sans arrêter de danser et de grimper d’une estrade à l’autre, sous l’œil attentif de Jules. Une voix parfaitement maîtrisée, aigue comme le sentiment d’urgence qui anime ce show.

    Episodiquement apparaissent en fond de scène trois grâces qui soufflent dans des cuivres, grandes lianes accrochées à leurs instruments, l’une en perruque jaune, l’autre en perruque bleue et la troisième en rouge.

    Les Ting Tings nous déclinent leur unique disque We Started Nothing devant des spectateurs qui s’agitent et une température qui monte en flèche. Au fond il n’y a rien d’exceptionnel dans ces compositions, elles sont bien pensées et plus que correctement balancées. Les deux musiciens tiennent leur rôle, techniquement sans plus. Mais il y surtout la magie de ce duo diabolique qui marie si parfaitement musique et attitude, qui porte le rythme comme une religion, qui sait trouver l’alchimie entre la brutalité du rock et la répétitivité de l’électronique, l’humanité de la voix humaine marié à la modernité des compositions. Il y a du brio et du culot dans cette prestation, de l’insouciance dans la création mais déjà assortie de conscience. Bien sûr on pense aux Talking Heads / Tom Tom Club auxquels ils se réfèrent eux-mêmes. C’est du plus concentré mais tout aussi réjouissant.

    1h20 de concert, les tubes s’alignent, l’audience trépigne, Mon Dieu qu’il fait chaud ! Le chroniqueur ressort ébahi et plutôt humide d’une soirée parisienne de mai !