Exposition Sophie Calle à la Bibliothèque nationale de France rue Richelieu. Un site superbe que cette gigantesque salle de lecture d’un autre temps. Calle avait présenté à la Biennale de Venise 2007 l’actuelle exposition plus le film de la mort de sa mère, les quinze dernières minutes de la vie d’une mère aimée. On n’a pas vu cette vidéo controversée qui est parait-il un acte d’amour presque doux et serein.
Le sujet du jour est un email de rupture reçue par Sophie de « X », une rupture qui ne lui plaît, ni sur le fond ni dans la forme :
« J’ai reçu un mail de rupture. Je n’ai pas su répondre. C’était comme s’il ne m’était pas destiné. Il se terminait par les mots : “Prenez soin de vous”. J’ai pris cette recommandation au pied de la lettre. J’ai demandé à 107 femmes, choisies pour leur métier, d’interpréter la lettre sous un angle professionnel. L’analyser, la commenter, la jouer, la danser, la chanter. La disséquer. L’épuiser. Comprendre pour moi. Répondre à ma place. Une façon de prendre le temps de rompre. À mon rythme. Prendre soin de moi. »
Sophie Calle
Elle présente ce message à 107 femmes qui y réagissent. Des professionnelles (comptables, juristes), des psy et assimilés, des artistes (Feist, Laurie Anderson, Camille, Peaches, Mazarine Pingeot), et chacune tombe à bras raccourci sur « X », à coup de vidéos, de contre-lettres ou de photos. Ces 107 femmes sont photographiées lisant la lettre.
Sophie Calle, artiste contemporaine toujours aussi déjantée, se met en scène dans son intimité avec un culot éclatant et inégalable. C’est son fonds de commerce. J’aime beaucoup. On ne sait pas si la lettre a vraiment existé. On le croit en tout cas et on imagine la tête de son expéditeur visitant l’exposition…
J’ai vu ce soir, pétrifié d’admiration, le film de Julian Schnabel sur la tournée 2007 Berlin de Lou Reed. Un excellent complément du concert de l’an passé au Pavillon des congrès. Les gros plans permettent de mieux partager le travail créatif des musiciens. En bonus par rapport aux concerts français nous avons Antony (d’Antony & The Johnsons) qui chante dans les chœurs et interprète Candy Says en duo avec Lou pour le premier rappel.
La voix de Lou est terrifiante de gravité et de simplicité. Sa complicité avec Steve Hunter saute aux yeux. On sort de ce film le cœur serré.
Georges-Marc Benamou, ci-devant candidat parachuté par l’Elysée comme futur patron de la Villa Médicis à Rome, après avoir été débarqué de son poste de conseiller culturel du président, risque de devoir défaire ses valises, le monde de la culture s’émouvant de la présence de ce personnage dans la ville éternelle. Il pourra méditer sur les promesses politiques qui n’engagent que ceux qui y croient… A force de coucher avec la politique il aurait pu s’en souvenir.
Avec les célébrations du 40ème anniversaire de mai 68, les ex-Mao (qui ont soutenu et approuvé la révolution culturelle jusque dans les années 70, derrière Sartre…) sortent du bois et chacun y va de son livre commémoratif. En ce moment, vous shootez sur un lampadaire et vous avez quatre révolutionnaires mondains qui vous tombent dans les bras et courent vers un plateau de télé ou de radio pour raconter leur mai 68. J’ai entendu ce matin sur France-Culture Alain Gesmar et un autre intello-soixante-huitard-historien s’étrangler de fureur (40 ans plus tard) en écoutant la chronique de Gérard Slama intitulée : Du pavé à la limousine. J’ai failli me couper en me rasant tellement je riais !
Toujours à la barre d’un navire coulé, Mugabe, 84 ans, organise sa réélection au Zimbabwe en battant le record du monde d’inflation de tous les temps. Le pays à la dérive s’est définitivement effondré après la réforme agraire de 2000 qui a constitué à redistribuer aux copains et aux coquins les terres confisquées aux fermiers zimbabwéens blancs. Autrefois grenier de l’Afrique australe, la production agricole ne suffit plus à nourrir la population. C’est affligeant !
La polémique bat son plein, le boycottage de la cérémonie d’ouverture des Olympiades est en jeu pour cause de répression chinoise au Tibet. Quelle affaire ! La Chine risque sûrement d’être bouleversée si le président français renonce à cette cérémonie…
Une jeune femme s’installe à mes côtés sur le Rennes-Paris. Elle pose son énorme sac à ses pieds et envahit une partie de mon espace vital. Je lui suggère de mettre son bagage dans le filet prévu à cet effet ce qu’elle refuse poliment m’expliquant qu’elle a tous ses bouquins dans son sac. Je m’attends donc à la voir potasser des manuels de physique quantique ! En fait elle passe le voyage à feuilleter violemment Gala avec une main, l’autre étant occupée par son téléphone mobile. Bon, tant pis pour la mécanique quantique…
Françoise de Panafieu, candidate à la mairie de Paris, se fait sortir avec panache et quelques larmes. Elle renonce même à devenir maire du XVIIème arrondissement comme les résultats électoraux l’auraient autorisé à prétendre. Elle déclare qu’il faut laisser la place à la nouvelle génération. C’est bien, elle va se consacrer à son mandat de député-conseiller municipal, et puis peut-être aussi un peu son mari et ses enfants. Si Tibéri avait pu faire de même…, il est vrai que lorsqu’on voit sa harpie épouse on imagine qu’il préfère se calfeutrer dans sa mairie du Vème.
Mme. Collomb, elle, femme du maire réélu de Lyon gifle un journaliste le jour de l’investiture. L’impétrant aurait manqué de respect à son mari, laissant entendre des bidouilles au niveau de marchés publics de la municipalité. En fait il semble qu’ils se connaissaient depuis l’université ce qui expliquerait cette énergique familiarité. Bon, elle a immédiatement présenté ses excuses et du coup n’a pas honoré de sa présence l’investiture du maire de Lyon. On ne sait ce qu’il en est de la transparence des marchés de la ville de Lyon, mais il n’est pas fondamentalement mauvais en démocratie que le pouvoir politique se révolte un peu contre le populisme médiatique, dans la mesure bien sûr où il n’en profite pas trop par ailleurs… Bien sûr, le mépris serait préférable à la violence, la Collomb s’est excusée mais qu’est-ce qu’elle a dû se sentir soulagée après cette gifle municipale et médiatique !
Patti Smith en vedette en France pour les prochaines semaines : alors que son exposition sera inaugurée à la Fondation Cartier pour l’art contemporain le 28 mars, elle sera la rédactrice du numéro de Libération de mardi et la vedette d’une soirée Arte la semaine prochaine. Le film de Julian Schnabel sur la série des concerts Berlin de Lou Reed de l’an dernier sort mercredi prochain en salles. La culture rock est toujours vivante et résiste sans difficulté à la Star Academy, Dieu merci.
La « théorie de la pétaudière » pour tenter d’expliquer l’inexplicable : ou comment Kerviel le trader-fraudeur a pu faire perdre cinq milliards à son patron sans que personne ne s’aperçoive du pot aux roses, comment les banques mondiales ont pu surendetter des pauvres sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique (on ne parle pas du Bangladesh mais bien des USA !) à coups de centaines de milliards de dollars sans que personne ne se pose la question du risque, comment votre banque est incapable d’enregistrer votre changement d’adresse en moins de six mois et sans que vous l’ayez relancée dix fois, etc.
La sophistication de nos systèmes d’information, la bougeotte permanente érigée en mode de fonctionnement (fusion, OPA, rapprochement, etc.), le court-termisme nouvelle philosophie des marchés, l’instantanéité unique refuge de la politique spectacle, rendent l’Homme dépassé par les évènements et les environnements qu’il a lui-même créés, privilégiant le suivisme à l’analyse car plus personne n’y comprend rien. C’est la pétaudière généralisée !
La sémantique douce d’Alan Greenspan
Dans un discours datant de 1996, Alan Greenspan, alors gouverneur de la banque centrale américaine qui qualifiait alors d’exubérance irrationnelle la capacité des marchés à surévaluer des actifs
“ […] Clearly, sustained low inflation implies less uncertainty about the future, and lower risk premiums imply higher prices of stocks and other earning assets. We can see that in the inverse relationship exhibited by price/earnings ratios and the rate of inflation in the past. But how do we know when irrational exuberance has unduly escalated asset values, which then become subject to unexpected and prolonged contractions as they have in Japan over the past decade? […] ”
Qu’en termes élégants ces choses sont dites ! Eh bien la réponse à proposer à l’ex-gourou de Wall-Street est que l’on peut qualifier cette exubérance de pétaudière et qu’il faut y mettre de l’ordre, bref, réguler.
Whaoooooh ! The Dø ce soir à la Cigale nous a apporté un grand bol d’air frais et d’énergie après le warm up de Ziveliorkestar, un groupe de cuivres méditerranéen façon Kustorica band qui a fait plus que chauffer la salle et plongé les spectateurs dans un joyeux boxon aux fraîcheurs de garigue.
L’intro de Playsround Hustle s’échappe des enceintes alors que des flashs tournoyants se substituent aux lumières falotes de la salle. Dan surgit des coulisses tel un diable de sa boîte, ses cheveux bouclés couverts par un Borsalino sombre, jean et chemise noirs, il sort une petite flûte de berger de l’Atlas qui déclame ses trilles alors qu’Olivia déboule sur scène, grande liane habillée d’un tutu doré porté sur une combinaison panthère, petite couette de cheveux bruns en fontaine sur la tête. Le batteur est surmonté par un amoncèlement de plateaux arabisants, de surfaces diverses sur lesquels il frappe de temps en temps agrémentant sa classique batterie de sonorités incongrues.
We are not crazy/ … We are not shady/ We are not afraid of you adults…
mais déjà ils nous apparaissent gentiment cinglés, Dan assis sur ses claviers frappe sur sa bass sous son chapeau. Le La est donné par The Dø (désolé, je n’ai pas pu m’empêcher…), le ton d’une ambiance éclectique créée par ce trio multicolore, compositions délicieuses, chanteuse à la voix élastique, joie de vivre et originalité. Des accords souples et malins riffés sur une guitare blanche par Olivia qui laisse ses vocalises déborder du cadre convenu d’une chanteuse rock.
Tout leur(unique) disque défile dans une Cigale soubresautant de bonheur. Un sommet est atteint avec Aha repris en chœur par le public qui trépigne et se trémousse sur ce son grisant et ces accords tressautant :
This time you caught me alive, aha/ I had my head in the clouds, aha/ I thought no one could track me down/ Till I got shot in the back, aha.
Le show se termine alors qu’une bienfaisante et novatrice fantaisie a envahi la salle, laissant presque oublier le travail immense de ce trio de choc pour en arriver la. L’alliance du sud et du nord réunit sur le sol de la planète internet, conjoncturellement localisée à Paris, merci pour nous.
When Was I Last Home joué en premier rappel sur un clavier apporté sur scène, Bohemian Dances repris ensuite avec les cuivres serbo-croates.
The Dø, un heureux miracle de l’amour et de la musique, ces deux là font déjà un malheur. Bonny & Clyde sont de retour, passés de la mitraillette à la Fender. Il y a un an ils étaient inconnus et n’avaient jamais joué en concert comme nous le rappelle D avant d’entamer Stay (Juste a Little bit More) en final, joué par Ø sur sa guitare folk. Et ils reviennent pour un dernier salut à 3 devant l’audience conquise, séduite et impatiente des prochaines étapes.
Set list : Playground Hustle, Unissassi laulelet, The Bridge Is Broken, At Last !, How Could I ?, On My Shoulders, Trave Light, Crazy (Gnarls Barkley Cover), Tammie, Aha, Queen dot kong.
Encore : When was I last home, Bohemian Dances, Stay (Just A Little Bit More).
Les caciques africains, Bongo, Sassou et consorts, ont eu la tête du ministre français de la coopération (Jean-Marie Bockel) qui s’était fixé comme louable objectif de signer l’avis de décès de la Françafrique, le tout agrémenté d’articles récents dans la presse française sur les fortunes parisiennes de ces dictateurs (hôtels particuliers, flottes de véhicules de luxe, etc.). D’autres avant lui s’y étaient essayés et tous avaient mordu la poussière devant les récriminations de nos chefs de bandes locaux. La rupture sur ce point est repoussée à plus tard…
Avec l’aggravation de la crise financière c’est le retour en première ligne des économistes mondains, les de Boissieu, Touati et autres Cohen, qui y vont chacun de leurs jugements à l’emporte-pièce et de leurs solutions de café du commerce du genre « les banques centrales n’ont pas les moyens de traiter le problème, il faut faire sauter les barrières intellectuelles ». Que n’ont-ils mené d’aussi subtiles analyses lorsqu’ils s’esbaudissaient sur la création de valeur !
Le sous-ministre des sports s’émeut du fait que les télévisions payantes trustent les droits de retransmission des matchs de fouteballe et qu’il faudra donc payer pour voir des brutes anabolisées taper dans un ballon. Pour ceux qui n’ont pas accès aux réseaux payants, eh bien non seulement ils font des économies mais en plus ils échappent au foot-balle. C’est du win-win comme on dit.
Et puis une civilisation qui est capable de valoriser des droits de transmission d’un jeu de baballe à des centaines de millions d’euros ne tourne plus rond.
C’est maintenant la quatrième banque d’affaires américaine, la Bear Stearns, qui est en faillite et en cours de sauvetage par la banque centrale. Une nouvelle affaire financière majeure au pays du capitalisme roi. Du coup l’administration et la banque centrale « indépendante » font tourner la planche à billets pour éviter le désastre. In fine le contribuable américain paye pour sauver une banque privée, comme le citoyen britannique paye pour la Northem Rock tombée en faillite fin 2007. Les Etats-Unis nous avaient déjà fait le coup avec le fonds LTCM (Long term capital management) en 1998 et surtout les Caisses d’épargne dix ans plus tôt. Les contribuables de l’oncle Sam continuent à régler l’addition, comme les Français celle du Crédit Lyonnais. Il est vrai que l’axiome syndical voulant que le capitalisme privatise les profits et nationalise les pertes se trouve malencontreusement vérifié… On aurait pu laisser tomber la Bear Stearns, quitte à ce que l’Etat indemnise les petits épargnants, mais là on a vraiment une impression d’impunité. En gros, jouez au casino avec nos sous, il y aura toujours un crétin de contribuable pour renflouer. Tout ceci est tout de même inquiétant et donne l’impression que la crise s’emballe sans que personne ne contrôle vraiment le système.
Pendant ce temps, l’inflation revient doucement en Europe vérifiant ainsi les craintes d’un certain Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne que la politicaille franchoulllarde vilipende régulièrement du haut de sa méconnaissance des mécanismes de l’économie. Il fallait voir durant la campagne électorale des présidentielles les (petits) barons de l’UMP et du PS affirmer que l’inflation était jugulée pour toujours et qu’il était temps de relâcher la politique monétaire. Aujourd’hui les mêmes pleurent sur l’augmentation du paquet de nouilles.
MArielle, MArielle, MArielle… a récupéré 14,5% du XIVème arrondissement et un siège de conseiller municipal, autant que l’UMP ! Evidemment dans cet arrondissement c’est le PS qui rafle la mise avec 8 sièges sur 10. Bon, ce n’est pas grave Mariellita, t’as bien fait de te maintenir, tu vas montrer maintenant à tous ces tambouillards des partis, à tous ces mirlitons de la cuisine postélectorale, de quel bois tu te chauffes. Tu as le seul siège du MoDem au Conseil de Paris, il va falloir défendre l’honneur du centre qui ne couche pas. On compte sur toi, ne nous déçois pas.
Les socialistes ont le vent en poupe, Hollande fait déjà des bons mots. Le PS aurait fourni un petit effort supplémentaire qu’il aurait pu nous débarrasser aussi du Gaudin à Marseille qui est vieux, plein de cholestérol, qui a fait son temps, mais qui est accroché au Vieux Port comme la Bonne Mère à son rocher. Ah n’oublions pas non plus le Tibéri soudé à la Place du Panthéon comme des fausses factures aux circuits de financement des partis politiques… Dommage que le ménage n’ait pu être fait un peu plus dans les coins de ces vieilleries politiques françaises.
La Chine rétablit l’ordre au Tibet avec son cynisme habituel. Le Dalaï Lama est accusé d’être un hideux terroriste à la tête d’une clique de forces séparatistes et réactionnaires de l’intérieur et de l’étranger. Plus c’est gros plus ça passe !
Les fonds d’investissement de « private equity » grands spécialistes de rachat d’entreprises à restructurer, donneurs de leçons de gestion à tout va, professionnels du downsizing, extracteurs de valeur sans foi ni loi, parangon des vertus du marché, semblent rencontrer quelques difficultés financières face aux dettes colossales qu’ils ont accumulées au royaume du leverage buy out… On ne peut s’empêcher de sourire discrètement devant cette situation, notre hilarité serait d’ailleurs franche et massive si les conséquences d’une telle situation ne pouvaient s’avérer désastreuse pour le système financier mondialisé.
Ce soir à Bercy les Cure ont osé le concert évènement de 3h1/2 devant un public médusé, enthousiaste et multi-générationnel. Une très grande simplicité, quatre musiciens dont trois guitaristes, un light show dépouillé, pas de chichi ni d’artifice technique, juste la musique et la voix métallique de Robert Smith. Le best of d’une carrière de presque trente années, et même quelques nouveautés d’un prochain disque annoncé pour les mois à venir.
Quatre hommes de noir vêtu comme il sied à ces hérauts de la new wave, princes de la mélancolie. Robert, toujours les mêmes cheveux hirsutes, rouge aux lèvres et yeux cernés d’obscurité, Pierrot lunaire et timide. Simon Gallup, bassiste de toujours, collant et débardeur noirs sur muscles tatoués. Porl Thompson, guitar-hero au crâne chauve rayé de fines tranches de cheveux horizontales, habillé d’une combinaison moulante et tablier de forgeron, Nosferatu vaguement inquiétant. Jason Cooper, le blondinet de la bande qu’il a rejointe en 1994.
Lorsque les lumières s’éteignent la scène continue de clignoter comme un arbre de Noël et les Cure démarrent Plainsong, le morceau qui entame l’album Disintegration sorti en 1989, 18 ans déjà, l’âge de ma jeune voisine aux cheveux bleus turquoises qui déjà danse, danse, danse.
Plainsong un titre sombre, dans la lignée parfaite de l’inspiration de cette époque :
“I think it’s dark and it looks like rain” you said/ “And the wind is blowing like it’s the end of the world” you said/ “And it’s so cold it’s like the cold if you were dead”/ And there you smiled for a second…/ Sometimes you make me feel I’m living at the edge of the world/ It’s just the way I smile you said.
Un son profond envahit la cathédrale de Bercy, la voix cristalline de Smith perce au-dessus des guitares lancinantes. Le show est lancé, 15 000 spectateurs sont déjà en adoration.
La set list est un joyau finement ciselé, il n’y a rien à en retirer. Bien sûr, le concert aurait duré une heure de plus, quelques ajouts auraient pu être envisagés… Mais le show s’est clos au bout de 3 heures ½ ce qui est finalement bien peu pour ce groupe à la tête d’une discographie aussi phénoménale. 3 heures ½ de plongée en apnée dans l’univers trouble de ce groupe phare qui n’a pas quitté les sommets du box office depuis trente ans, grâce à la magie de son inspiration et loin des recettes du marketing. Une alchimie étrange qui fonctionne toujours de façon redoutable, fusion subtile de la mélancolie des mélodies et des mots avec la modernité des sons et des rythmes. L’absence de clavier et l’omniprésence des guitares donnent ce soir à cette formation sa pureté originelle du temps de Boys Don’t Cry.
Et au-dessus de tout la voix unique de Smith, criée, torturée, poussée dans ses derniers retranchements, en permanence au bord de la brisure, mixée en écho, sépulcrale. Une alchimie qui rencontre le feeling d’une époque et en tout cas celui de Bercy ce soir…
L’enchaînement Push, How Beautiful You Are… (avec en fond de scène Notre Dame de Paris projetée sur les écrans), Friday I’m in Love, In between Days, Just Like Heaven déclenche le feu sur l’assemblée. Ma voisine coiffe bleue des mers du sud continue à danser, danser, danser, déclamant les paroles de ces chansons sans en oublier une rime.
Le show nous emmène sans répit jusqu’à un Disintegration étiré à l’infini alors que défilent sur les écrans toutes les images de la noirceur de notre bas monde. L’approche de la Fin accroît la fébrilité de tous et lorsque nos quatre Imaginery Boys s’en vont alors qu’un champignon atomique se dissout sur les écrans personne ne s’inquiète trop, nous savons qu’ils ont fait trois rappels à Marseille la semaine dernière. Ils en feront quatre ce soir pour Paris…
A eux seuls ces rappels sont un concert dans le show, la sélection parfaite des tubes du groupe. Et lorsque que démarre Play For Today, Bercy hurle son soutien et son émotion, cheveux turquoises défaille et appelle une copine sur son mobile pour lui passer l’intro en live : Ohhhhh Oh Oh, Ohhhhh Oh Oh… It’s not a case of doing what’s right/ It’s just the way I feel that matters… Ohhhhh Oh Oh, Ohhhhh Oh Oh…. Bob appuie ses riffs sur sa guitare noire et sourit presque joyeusement devant 15 000 fans prosternés. S’en suivent des versions d’une incroyable énergie de Three Imaginary Boys, Fire in Cairo, Boys Don’t Cry, Jumping Someone Else’s Train, Grinding Halt, 10:15 Saturday Night, Killing An arab.
On a peur de devoir en rester là cette fois-ci mais ils reviennent une quatrième fois “We just have time for one more” et de terminer sur Faith ce qui nous ramène au troisième album du groupe en 1981. C’est ce qu’il fallait pour faire redescendre la tension, revenir à la mélancolie fondatrice des Cure et clôturer un concert d’anthologie. Trois notes de guitares en mode mineur sur une bass obsédante :
No-one lifts their hands/ No-one lifts their eyes/ Justified with empty words/ The party just gets better and better…/ I went away alone/ With nothing left/ But faith.
Robert Smith salut une dernière fois, gêné derrière sa crinière ébouriffée et puis s’en va, nous laissant planer bien haut sur la démonstration éblouissante de son immense talent.
Petite faute de goût, un étendard au couleur du club de fouteballe de Reading soutenu par Bob. On pardonnera à ce poète hors norme cette incursion dans la vulgarité.
Faith
catch me if i fall
i'm losing hold
i can't just carry on this way
and every time
i turn away
lose another blind game
the idea of perfection holds me...
suddenly i see you change
everything at once
the same
but the mountain never moves...
rape me like a child christened in blood painted like an unknown saint there's nothing left but hope... your voice is dead and old and always empty trust in me through closing years perfect moments wait... if only we could stay please say the right words or cry like the stone white clown and stand lost forever in a happy crowd...
no-one lifts their hands no-one lifts their eyes justified with empty words the party just gets better and better...