Sortie : , Chez : . Une nuit décavée dans une boîte parisienne chic. C’est un retour sur les excès de Beigbeder dont il fit son fonds de commerce avant de se recycler dans la littérature. Il faut savoir que cela existe !
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The Rolling Stones – 2005/08/21 – Boston Fenway Park
The Rolling Stones – The Biggest Band
Fenway Park – Boston – 21 août 2005
Stade de France – Paris – 28 juillet 2006Waiting on a Friend à Roissy ce 20 août 2005 : embarquement sur le Boston express de 11 h, départ pour le concert inaugural de la nouvelle « dernière » tournée des Rolling Stones.
I’m just trying to make some sense/ Out of these girls go passing by/ The tales they tell of men/ I’m not waiting on a lady/ I’m just waiting on a friend!
Les baladeurs jouent en boucle dans l’avion les extraits du dernier disque, A Bigger Bang, chargés sur le web histoire de se mettre en jambes. Au delà de la « fascination du groupe pour la création de l’univers » mise en exergue dans le communiqué de presse, le fan avisé se doute que l’acception érotico-argotique du mot bang n’est pas étrangère au choix de ce titre. Ah ! l’ironie salace des vieux pirates…
Les lectures sont stoniennes bien sûr pour devancer l’ambiance : Rock & Folk livre une interview de Charlie qui parle de Françoise Hardy et des Stones qui doivent « continuer à énerver les gens », Manœuvre chronique le dernier disque à sortir le 6 septembre en lui collant les cinq stars du statut incontournable. Paris Match offre une interview de la fille Richards expliquant que malgré ses allures de dur, son père est un tendre qui lui a appris la vie dans le bon sens. Dans une plus ancienne interview il y a 2 ou 3 ans, à la question « et que diriez-vous à vos filles si elles se droguaient ? », Keith répondait « je leur dirais surtout d’en acheter de la bonne ! ben oui.. sinon, à quoi ça sert un père ? ». Les temps changent.
Nous sommes dans le bain.
Boston, 16 h : un douanier octroie joyeusement son coup de tampon après s’être enquis de la raison de notre séjour aux Etas-Unis : « The Rolling Stones show, of course » ! Le kiosque à la sortie nous délivre la presse locale pleine des rumeurs stoniennes sur le sound check de la veille au Fenway Park, plus interviews et photos de Mick et Keith. Les compères viennent de passer un mois de répétition à Toronto et ont débarqué à Boston où convergent des milliers de fans du monde entier pour cette nouvelle fête du rock. Le gang est dans la ville déjà à l’unisson du « plus grand groupe rock du monde ».
18 h, peu d’animation sur le Fenway Park pour guetter l’arrivée de la bande pour le sound check final. Nous planquons à l’entrée de service du stade mythique du base ball américain, temple des Red Sox. Une dizaine de gros bras black en costumes noirs mangent leur burgers sur le plateau d’un monstrueux camion de l’écurie Truck ‘n’ Roll. Tout ce petit monde mâche du chewing-gum sous les ordres du chef au look de Mickey Rourke accroché à son talkie-walkie. Une trentaine de fans font le pied de grue dans une ambiance sympathique. Le T-shirt qui fait fureur cette année affiche Keith Richards for President et quand on voit la tête du Keith imprimé sur coton on se dit que l’Amérique aurait été plus détendue avec lui à la maison Blanche.
Des vans noirs aux vitres fumés se succèdent mais pas de vedette à l’horizon, seule la fiancée de Mick, L’Wren Scott, créditée du titre de « costume designer and stylist to Mick Jagger » pour la tournée passera par cette entrée. Une grande bringue new-yorkaise de 30 ans de moins que lui, probablement trop sophistiquée pour emporter l’agrément des fans. Le bruit a couru que certains proches, voire des membres du groupe, l’avaient surnommée Yoko Ono, mais le porte parole officiel de Mick s’est fendu après quelques semaines de tournée d’un communiqué démentant formellement ces rumeurs et affirmant qu’elle était appréciée de tous.
Quand soudain retentissent les décibels de Miss You, tube planétaire de 1978, dans les rues qui bordent le Fenway Park :
I have been haunted in my sleep/ You’ve been the star in all my dreams/ Lord, I miss you,…
Damned ! Les Stones sont passés par une autre entrée ! Le quartier vibre, les badauds sont éberlués, les fans dansent dans la rue …Girl, I miss you… Les langues se délient. Le bitume se fissure. Une joyeuse surprise irradie les passants. …Girl, I miss you…
Les notes des Stones ont atteint le centre ville et la jeunesse bostonienne débarque aux abords du Park. Concert volé, instants partagés dans la ferveur du Game One, le bar des Red Sox, le check se poursuit pour le pus grand plaisir de nos oreilles : et se termine sur Sympathy for the Devil. Les Stones ont l’air prêts pour la fête de demain. Nous y seront.
Dès les derniers Ouh Ouh… du Devil, le ballet des vans noirs ramène tout ce beau monde dans les hôtels de la ville. Darryl et Lisa passent par la porte officielle, les autres font faux bond et doivent utiliser une sortie de service et des véhicules plus discrets.
Décalqués par le décalage horaire, les bières du Game One et les riffs de Keith, les fans européens vont se coucher. Demain sera un autre jour d’anthologie !
Au grand matin, la tête impériale de Mick s’étale à l’infini dans le couloir de l’hôtel en première page du Boston Globe aimablement déposé devant chaque porte de chambre.
La préparation psychologique au show démarre sous des litres de café. La journée inaugurale est donc marquée du signe des Stones. Ce n’est d’ailleurs pas difficile tant la ville parade aux couleurs du groupe. La presse continue d’en faire ses unes : Charlie était hier soir dans un club de jazz de Cambridge, les Stones ont une loge à l’Avalon, célèbre boîte bostonienne pour les pré-concerts. Les fans ont investi la place et affichent sur leTresspass trail leurs T-shirts aux couleurs langoureuses de quarante années de tournée. Les galeries d’art de Newberry Str. ont ressorti les portraits de Mick peints par Wahrol (50 000 USD premier prix, à la portée seulement des vieux fans enrichis…). Ron Wood, que l’on dit désalcoolisé, expose ses toiles dans l’une d’elles. Discussions de ci de là avec les fans dans les rues et l’on se dirige doucement vers le Fenway pour la cérémonie.
Une dernière pose saucisse pépéroni à l’entrée du stade, juste le temps de voir Charlie, seul dans un taxi blanc précédé de deux motards américains de légende, entrer par la porte des artistes. Une manif anti Schwarzenegger devant les boutiques rassemble quelques péquins avec leurs affiches cartonnées « No Sympathy for Arnold ». Schwarzy serait alentour, louant à prix d’or des places dans sa loge pour financer une prochaine campagne. Des avions publicitaires traînent de longues banderoles aux couleurs des Stones dans le ciel bleu et pur de Boston.
La scène est gigantesque, inspirée à Mick par les répétitions de Shakespeare de sa fille qu’il a aidée à faire un exposé sur le théâtre élisabéthain et a appris qu’il y avait à l’époque des spectateurs on stage… Le résultat est surprenant, plus proche de rampes de parking superposées que des loges de théâtre. Un concours SMS lancé le matin a permis de sélectionner quelques dizaines de fans qui assisteront au show accoudés à ces improbables balustrades dominant la scène. Les rampes convergent de chaque coté de la scène vers un écran aux dimensions colossales.
Les Black Eyes Peas assurent la première partie et débarquent sur la scène comme un gang de boxeurs pressés d’en découdre. Une chanteuse blonde au milieu d’un combo black dégorge un rap plutôt agréable à l’oreille avant d’abandonner le champ libre aux derniers roadies préparant l’arrivée des héros du jour.
Le stadium en plein air est « non smoking », les français fument bien entendu et nos voisins américains quémandent des cigarettes avec le doux plaisir de violer la loi…
L’excitation monte en même temps que la nuit tombe. La bande son (approuvée par Mick et Keith) débite un rock assourdi. On tend l’oreille pour reconnaître Should I Stay or Should I Go du Clash puis les White Stripes… coupés dans leur élan par les lumières qui s’éteignent et 36 000 fans qui hurlent leur joie de voir démarrer, là, sous leurs yeux, la 31ème tournée mondiale des Rolling Stones : The Bigger Bang Tour. D’un seul élan, 36 000 sièges se retrouvent piétinés par 72 000 pieds pour permettre à un même nombre d’yeux de découvrir une nouvelle aube se lever sur le monde éternel des Stones et de leurs fans.
L’écran géant diffuse un entremêlement de planètes qui voguent à travers l’éther comme des étoiles filantes : les bases de l’évangile selon Sir Mick sont posées, l’Histoire de l’humanité est rebootée, le Monde recommence. Un double-bang explose au milieu des flammes dans la nuit bostonienne et les Rolling Stones déboulent sur scène accrochés aux riffs de Start Me Up.
A la seconde, 36 000 fans chavirent, oublient la vraie vie et reprennent en cœur avec Mick …
If you start me up/ If you start me up I’ll never stop/ You make a grown man cryyyyyyyyyyyy…/ If you start me up…
Jagger est habillé T-shirt noir à paillettes sur pantalon bleu sombre, coiffé d’un chapeau et d’une espèce de gilet queue de pie couleur argenté. Richards déjà un genou à terre à torturer sa guitare de ses gros doigts bagouzés, accumulent veste et chemise informes avec d’improbables locks bigoudants sur ses cheveux longs coiffés d’un passe montagne.
Le couvre-chef de Mick vole dans le stade comme dans un pick off géant quand démarre You Got Me Rocking bientôt suivi de Shattered. Mick a déjà parcouru trois fois le chemin de scène d’un bout à l’autre, offrant ses fameux déhanchements à faire défaillir une none intégriste. Il a aussi pris le temps de caresser son audience dans le sens du poil en félicitant « Boston, the champion’s town ». Asséné du haut de la scène qui domine le strike des Red Sox, un tel slogan ne peut pas faire de mal.
La set list est attrayante. On n’est pas dans une tournée de promotion alors le nouveau disque, A Bigger Bang, n’est pas au centre de ce concert. On est dans un show de tous les bonheurs alors c’est la discographie complète des Stones qui sera parcourue sur un train d’enfer, de Satisfaction en 1965 à Rough Jutice pas même encore dans les bacs. Ce sont les incroyables étapes du parcours agité de ce groupe mythique, passé des feus de l’enfer à ceux de la gloire, guidé par une seule étoile, celle de la musique, même si la comète dollar a essaimé dans sa queue tourbillonnante de bien utiles billets verdâtres.
Plusieurs centaines de chansons n’ont pas asséché une inspiration bluesy, reconnaissable entre toutes. Plusieurs milliers de concerts à travers le monde depuis 40 ans n’ont pas fatigué l’enthousiasme de la bande. Des tournées toujours plus démesurées n’ont pas lassé nos quatre capitaines tenant bon la barre du plus gigantesque show de l’histoire du rock. De la drogue, de la musique, des fâcheries, de la musique, des réconciliations, de la musique, la mort des amis, de la musique, comme ingrédients très solubles dans le plus fabuleux cocktail musical qui soit.
Les shows des Rolling Stones rassemblent aujourd’hui le meilleur de la technique dans les domaines de l’éclairage, de la vidéo, de la scénographie et, bien sûr, du son. Tout ce fatras techno au service de quatre lascars et de leurs fidèles comparses musiciens. Tous s’amusent comme larrons en foire. Il faut voir Keith plaquer ses accords en souriant dans la fumée de sa cigarette. Il faut se souvenir de Lisa vocalisant sur Night Time is The Right Time, une très belle reprise de Ray Charles. Il faut admirer Mick, habillé tout en rouge tel un cosaque du Don, chantant ce merveilleux blues Back on My Hand sur sa slide guitare. Il faut entendre les coups de sourd assénés par Charlie sur ses caisses pour accompagner la rythmique de Darryl. Pas une fausse note, au propre et au figuré, juste les Rolling Stones qui s’en donnent à cœur joie pour une audience bien sûr conquise.
Tout ceci manque parfois un peu de légèreté, la lourdeur grasse de certains riffs comme les évocations d’une langue pernicieuse en perpétuelles et scabreuses contorsions sur écran géant… Mais nous sommes sur scène avec les Stones, pas dans un salon de thé avec Sa Majesté la Reine, alors ne lésinons pas !
Comme c’est de tradition, une partie du show se déroule au milieu du stade sur la B-stage dont tout le monde se demande quelle forme elle revêtira cette année. C’est le secret le mieux gardé de la tournée. Après le set de Keith, c’est tout un pan de la scène principale qui se déplace vers le centre du stade tel un paquebot majestueux avec Mick en figure de proue. C’est Di Caprio et Windslet sur leTitanic fendant les vagues de l’atlantique en route vers leur futur. Le groupe nous déroule une réjouissante version de Miss You qui enflamme un peu plus les foules : … Oooh oooh oooh oooh oooh oooh oooh/ I’ve been holding out so long/ I’ve been sleeping all alone/ Lord I miss you… avant que ne retentisse le légendaire riff de Satisfaction, chanson éternelle interprétée de main de maître par un Mick déchaîné.
Honky Tonk Women marque le retour du Titanic à son port d’attache car les Stones savent inverser l’Histoire, éviter les écueils et continuer à nous faire rêver. Le show se poursuite sur le même rythme et passe en revue tous les classiques attendus et se termine en rappel sur It’s Only Rock ‘n Roll. Les héros nous quittent sous un feu d’artifice après un dernier salut de la bande des quatre.
De retour dans son avion transatlantique le chroniqueur ébouriffé et déjà nostalgique lit le premier tome des mémoires de Bob Dylan, le seul géant de la planète Rock dont l’ampleur des compositions égale celle de Mick et Keith : How does it feel/ With no direction home/ Like a complete unknown/ Like a rolling stone?
Un an plus tard, après une gigantesque tournée américaine et asiatique, un concert rassemblant un million de personnes sur les plages de Rio, un premier show en Chine à Shanghai après l’annulation en 2003 de celui de Pékin pour cause de SRAS, et une chute de cocotier mondialement médiatisée pour Keith, les Rolling Stones sont de retour en Europe et à Paris ce 28 juillet 2006 au Stade de France avec Razorlight en première partie.
Même intro, même ferveur, même Big Bang ! Cette fois-ci on démarre sur Jumping Jack Flash enchaîné avec It’s Only Rock’n Roll. Les riffs endiablés chassent les nuages menaçants et raniment le cœur des juilletistes collés à Paris loin des plages. La set list nous offre un émouvant retour en arrière avec As Tears Go By (1965), Paint It Black (1966), Midnight Rambler (1969) et le lot habituel des Miss You, Brown Sugar, Start Me Up, Honky Tonk Women. C’est notre vie qui défile à nouveau dans nos synapses en même temps que les lignes de la liste, 40 années de Rock comme autant d’étapes de nos mémoires musicales, Paint It Black… I wanna see the sun, blotted out from the sky/ I wanna see it painted, painted, painted, painted black … nous étions au lycée.
Mick chante à corps perdu comme si sa survie en dépendait. Sa performance vocale est éblouissante, sa voix se bonifie avec le temps avec une incroyable régularité ; jusqu’où ira-t-il ? Il danse sur les charbons ardents tel un lutin démoniaque sur un fil de glace tendu à travers le cosmos.
Keith remporte un franc succès avec son « It’s good to be here, it’s good to be anywhere… » servi avec constance à chaque concert. Et puis il rappelle l’anniversaire de Mick : 63 ans ce 26 juillet 2006. Un spectateur malicieux agite un cocotier gonflable sous son nez pendant qu’il interprète This Place is Empty de sa voix décavée mais si familière.
Cette fois-ci encore, la B-stage a traversé le stade comme un tapis volant avec Charlie le poussah entouré de ses trois califes grimaçants. Cette fois-ci encore les spectateurs éberlués ont vu arriver au milieu d’eux Mick et les siens, déchaînés et adulés, pendant qu’une immense langue bleutée se gonflait sur la scène principale
De retour au fond du stade, Mick grimé en diablotin rouge interprète Sympathy For The Devil pendant que la langue redevenue rouge sur l’écran vidéo se divise en deux appendices fourchus et vibrionnants : Pleased to meet you hope you guess my name/ But what’s puzzling you is the nature of my game/ Ooouh, ooouh/ Ooouh, ooouh…
Satisfaction et feu d’artifice en final, le rideau tombe sur Paris !
Au-delà de la bande son de la génération des baby-boomers, les Rolling Stones ont créé à travers les années l’indéfectible fidélité d’une armée de grognards acquis à leur cause et pour toujours reconnaissants de ces notes et de cette joie fulgurante, chaque fois renouvelées lorsque ces vieux amis montent sur scène :
I’m just trying to make some sense/ Out of these girls go passing by/ The tales they tell of men/ I’m not waiting on a lady/ I’m just waiting on a friend!
Ce soir encore en voyant nos quatre pirates saluer le Stade de France dans leurs tenues chamarrées, la clope au bec, 80 000 personnes, les tympans résonnant de l’écho de Satisfaction, ont eu, comme à chaque fois, le sentiment d’avoir été invitées à une fête privée au cours de laquelle nos hôtes n’ont ménagé ni leurs talents ni leur bagou ni leur bonne humeur pour partager une inoubliable soirée bien loin de la planète Terre.
Alors bonne route à vous les Rolling Stones et à la prochaine : Waiting on friends…
Set list Paris 28 juillet 2006
1. Jumping Jack Flash
2. It’s Only Rock’n Roll
3. Oh No Not You Again
4. She’s So Cold
5. Tumbling Dice
6. As Tears Go By
7. Streets Of Love
8. Midnight Rambler
9. Night Time Is The Right Time — Introductions
10. This Place Is Empty (Keith)
11. Before They Make Me Run (Keith)
12. Miss You (to B-stage)
13. Rough Justice (B-stage)
14. Start Me Up (B-stage)
15. Honky Tonk Women (to main stage)
16. Sympathy For The Devil
17. Paint It Black
18. Brown Sugar
19. You Can’t Always Get What You Want (encore)
20. Satisfaction (encore)
Set list Boston 21 août 2005
1. Start Me Up
2. You Got Me Rocking
3. Shattered
4. Tumbling Dice
5. Rough Justice
6. Back Of My Hand
7. Beast Of Burden
8. She’s So Cold
9. Heartbreaker
10. Night Time Is The Right Time— Introductions
11. The Worst (Keith)
12. Infamy (Keith)
13. Miss You (to B-stage)
14. Oh No, Not You Again (B-stage)
15. Satisfaction (B-stage)
16. Honky Tonk Women (to main stage)
17. Out Of Control
18. Sympathy For The Devil
19. Jumping Jack Flash
20. Brown Sugar
21. You Can’t Always Get What You Want (encore)
22. It’s Only Rock’n Roll (encore)
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Beigbeder Frédéric, ‘L’Amour dure trois Ans’.
Sortie : , Chez : . Tous les poncifs sur l’amour éphémère que l’on ose pas dire en public de peur d’être poltiquement incorrect, mais qu’il fait tellement plaisir de lire sous la plume mondano-clinquante de Beigbeder !
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Roth Philip, ‘Pastorale Américaine’.
Sortie : 1997, Chez : . L’intrusion de la violence révolutionnaire anti-guerre du Vietnam dans une famille américaine modèle : la description des personnages est d’une précision stupéfiante, la plongée dans la douleur et l’incompréhension d’un père désespéré devant la dérive de sa fille est bouleversante. Un grand roman sur l’Amérique du XX° siècle (bien moins manichéenne qu’on veut bien se le dire dans les salons parisiens) confrontée aux séismes de l’après deuxième guerre mondiale : le racisme, la religion, la lutte contre le communisme, l’économie capitalisme, etc. Philip Roth nous donne une vision claire et émouvante d’un pays en manoeuvre permanente au milieu des écueils.
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Dylan Bob, ‘Chroniques volume 1’.
Sortie : , Chez : . L’arrivée de Bob Dylan à New York au début des 60’s, il joue dans des caves enfumées, vit à la petite semaine chez des potes et cherche à percer dans la musique folk. L’enregistrement (difficile) en 1987 de Oh Mercy produit par Daniel Lanois, à la Nouvelle Orléans. La signature de son premier contrat chez Columbia Records, la vénération pour Woddy Guthrie et Robert Johnson, la phobie de l’image qu’on lui a collée de porte-parole d’une génération… On suit d’une façon non chronologique les étapes de ce grand poète dont la plume autobiographique se révèle douce, concise et perspicace : « Je n’ai jamais vraiment été plus que ça : un musicien de folk qui scrutait la buée derrière un écran de larmes, dont les chansons flottaient dans une brume lumineuse. »
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Houellebecq Michel, ‘Les Particules Elémentaires’.
Sortie : , Chez : . Incroyable roman de Houellebecq dont le cynisme désabusé croque avec tant de justesse la décadence de notre civilisation. On trouve ici la description minutieuse des perversités de l’individualisme triomphant. Deux frères se croisent au hasard de leurs quêtes respectives : l’un à la poursuite du plaisir individuel, l’autre à la recherche d’une humanité clonée, raisonnable « organisant elle-même les conditions de son propre remplacement ». Le premier finira à l’asile, le second se suicidera au faîte de sa gloire scientifique. Houellebecq développe avec une redoutable précision une philosophie de fin du monde faisant preuve d’une créativité dont on se demande toujours si elle est le fruit d’une imagination foisonnante ou d’un réalisme débridé.
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Wolfe Tom, ‘Le Bûcher des Vanités’.
Sortie : , Chez : . Un golden boy se trompe de sortie sur l’autoroute, se retrouve dans le Bronx au lieu de Park Avenue sur Manhattan et deux mondes se percutent, l’arrogance de Wall Street contre la démagogie des bas quartiers ou des procureurs élus. C’est un portrait haletant et décapant de l’Amérique des années 80. La vision est sombre et parfois cauchemardesque, mais ainsi va la vie dans nos cités occidentales, autant le dire !
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« Le cauchemar de Darwin » d’Hubert Sauper
Darwin Nightmare au cinéma L’Etrepôt, un film documentaire hallucinant sur le désastre de l’Afrique où l’on voit des Illiouchines ukrainiens débarquer des cargaisons d’armes au bord du Lac Victoria et en repartir chargés comme des mules de filets de perches du Nil, le tout au milieu d’une population ravagée par le sida et la famine. C’est une ambiance de désastre permanent, les putes côtoient les éclopés, les mercenaires racontent leurs souvenirs d’Angola en buvant des bières tièdes, le lac Victoria est écologiquement ravagé par l’introduction de la perche du Nil, terrible prédateur, qui a bouffé tout ce qui vivait dans le 2ème lac de la planète par sa superficie. Bref, l’Afrique erre dans le néant et Darwin s’en retourne dans sa tombe et tout ceci se passe aujourd’hui !
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Aimee Mann – 2005/07/08 – Paris la Cigale
Aimee Mann, l’une des plus intéressantes song writers américaines du moment nous reçoit à La Cigale au milieu de son Forgotten Arm tour pour nous narrer l’étrange et triste histoire de John et Caroline, personnages du concept-album éponyme de sa tournée.John est un vétéran du Vietnam, devenu boxeur, en proie à la drogue. Un looser dont Caroline est folle amoureuse. Ils chargent leurs tourments dans une vieille Cadillac et parcourent l’Amérique en traînant leur dépression au hasard des motels vers le Mexique. Elle dessine son homme avec une ancre tatouée sur l’épaule. Il trace un oiseau qui ne pourra pas survivre dans sa cage. Et elle comprend que cette histoire va lui briser le cœur. Mais la seule chose qu’elle saura faire c’est ouvrir la porte. Il n’arrive à rien, même plus à se désintoxiquer, mais parfois des moments de tendresse illuminent leur route désespérée jusqu’au knock out.
Très grande, très blonde, très fragile, Aimee Mann joue de la guitare en nous déroulant les étapes d’une fuite américaine. On se croirait dans un film de Wim Wenders, un sombre naufrage à la recherche de nos illusions. Entourée d’un groupe solide elle nous conte cette histoire avec une grande douceur et la ponctue d’extraits de ses disques précédents qui déjà abordaient ses obsessions d’addiction. Elle est dans la tradition du folk-rock américain, mélancolique et puissant, dont la monotonie des rythmes appuie encore la révélation du déroulement de vies ordinaires.
Une artiste exquise, un concert émouvant dont on ressort complètement sous le charme.
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Kissinger Henry, ‘La Nouvelle Puissance Américaine’.
Sortie : , Chez : . Ecrit en 2001, cet ouvrage nous délivre une puissante analyse des relations internationales en ce début de 21ème siècle. La puissance américaine y est passée au crible de ce spécialiste des affaires du Monde. Les raisonnement sont précis et structurés, toutes les hypothèses sont envisagées et calmement démontées avec de constantes références à l’Histoire des derniers siècles. Tout paraît plus simple à la lecture de ces chapitres. On y rencontre le souffle de l’Amérique des conquérants confrontés aux réalités plus sordides de l’Humanité d’aujourd’hui, la sécurité nationale affrontant la sécurité collective de la planète. Il est rassurant de voir que la politique étrangère des Etats-Unis s’appuie non sur des coups de tête mais sur des doctrines forgées sur la théorisation de grands principes et à l’épreuve du terrain, que l’on soit ou non d’accord avec ces doctrines. En refermant ce livre, on a l’impression que le Monde peut finalement survivre s’il est dirigé par des hommes clairvoyants. Il semble que le New York Times en ait recommandé la lecture à l’équipe W. Bush !
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Suzanne Vega – 2005/06/19 – Paris la Cigale
Suzanne Vega chanteuse new-yorkaise décalée, mi folk mi rock, nous déroule un show du plus extrême dépouillement, seule avec un bassiste, sur la scène intimiste de La Cigale. Fragile et délicate, elle nous enchante de ses compositions douces-amères depuis Solitude Standing sorti en 1987 et son célèbre Town’s Dinner, créé a capella et repris en version dance sur rythmes syncopés.
A l’écart des chemins de violence qu’inspire généralement sa ville natale, elle fait dans la douceur. Chevelure rousse et yeux bleus, elle ne quitte pas sa guitare électro-acoustique dont elle joue, debout, avec naturel et allant. Une voix troublante, brumeuse, détachée du monde. Elle maîtrise cet ensemble à cordes à la perfection.
Suzanne poursuit un chemin solitaire pour son plaisir et le notre. Pas de nouveau disque récent, Songs in Red and Gray date de 2001, mais simplement le bonheur de jouer en public et de présenter sa poésie et ses mélodies, un peu de douceur dans un monde musical de chocs :
If language were liquid/ It would be rushing in/ Instead here we are/ In a silent more eloquent/ Than any word could ever be/ Words are too solid…
Le concert attendrissant d’une post-adolescente romantique suivant le fil de ses rêves, mettant à jour l’harmonie de la vie ordinaire. Comme la verseuse de lait de Town’s Diner elle observe de derrière la vitre les passagers du vent. Et justement elle termine son set sur cette jolie contine :
Oh, this rain/ It will continue/ Throught the morning/ As I’m listening/ To the bells/ Of the cathedral/ I’m am thinking/ Of your voice…
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Joe Jackson & Todd Rungren – 2005/06/15 – Paris le Bataclan
Joe Jackson est de retour, sans réelle nouveauté, mais juste pour le fun. Pour l’occasion, des sièges sont disposés sur le parterre du Bataclan et un piano à queue sur la scène. Joe apparaît seul, avec sa bouille de clown triste, vêtu d’une redingote mauve et nous rejoue son répertoire avec une virtuosité jamais démentie. L’air mutin, ingénu et so british, il nous replonge dans ces années 80 que nous avons tant aimées. Grand compositeur, grand mélodiste, grand pianiste, il s’amuse et nous réjouis de ce flashback pour Grand Piano. Mais on regrette un peu le temps du Joe Jackson Band où ces mêmes morceaux étaient joués avec l’énergie rock insufflée par une rythmique de légende.
Joe a emmené avec lui sur la route des salles européennes Todd Rungren, rocker et producteur américain, qui a marqué l’imaginaire contestataire états-unien. Les campus pro-Vietnam démocratique ont résonné de ses chansons au hasard des manifestations anti-Nixon. Il nous en ressert quelques unes à la guitare électroacoustique, vêtu d’une veste bariolée digne des 70’s à San Francisco, évoquant sans doute peu de choses aux quadras parisiens venus fêter Joe Jackson.
Tout ce petit monde revient pour le rappel avec Ethan, quatuor à cordes déjanté ayant assuré la première partie, pour une dernière reprise jacksonienne et la clôture d’une soirée légère.
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Lodge David, ‘Thérapie’.
Sortie : , Chez : . Scénariste à succès de sitcom télé, Lawrence affronte toutes les thérapeutes pour régler ses problèmes personnels : sa femme qui le quitte, ses cheveux qui tombent, son genou qui le fait souffrir, la bêtise du monde des médias qui le fait vivre. Rien ne se règle jusqu’à ce qu’il retrouve l’amour de ses quinze ans. Lodge toujours aussi drôle et caustique pour décrire les soit-disant maux qui nous accablent.
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Dugain Marc, ‘La malédiction d’Edgar’.
Sortie : , Chez : . La bio romancée d’Edgar Hoover qui est resté patron du FBI durant près de 50 ans à force de manipulations, dossiers secrets, enquêtes illégales, pressions amicales, assassinats téléguidés, amitiés mafieuses, pratiques douteuses… Toute une vie consacrée à défendre l’Amérique du communisme, sous l’étendard glorieux de la morale WASP, et à cacher une homosexualité honteuse.
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Djian Philippe, ‘Sainte-Bob’.
Sortie : , Chez : . En pleine agitation post divorce, un écrivain voit débarquer sa belle-mère chez lui dans le petit village où il habite, ainsi d’ailleurs que son ex entretemps remariée à un voisin ! S’en suit un jeu du chat et de la souris avec cette nouvelle-venue, attirance-répulsion, séduction-destruction, qui se terminera dans la luxure et le sang. Une fin à la Kill Bill. Djian toujours aussi subtil et hilarant dans son auto-description de looser créateur au grand coeur à qui finalement plein de choses réussissent.
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The Musical Box – 2005/05/18 – Paris l’Olympia
Un grand frisson ce soir lorsque Musical Box, groupe canadien a entamé sur la scène de l’Olympia, trente ans plus tard, l’histoire démoniaque de Rael : And the lambbbbb… lies down… on Broooooadway et nous revivons l’époque fulgurante du Genesis de nos 20 ans.
Dernier opéra de l’époque Genesis de Peter Gabriel, The Lamb Lies Down on Brodway a marqué l’ultime création de ce quintet britannique, héraut du rock progressiste qui a force d’imagination foisonnante et de créativité débordante a uni sur scène rock et théâtre en une synthèse musicale et lyrique exceptionnelle, marquant toute une génération dont les représentants, aujourd’hui quasi-quinqua, se bousculent dans le music-hall parisien pour y découvrir, ébahis, la re-création en l’état de cet opéra rock de 1974. Le décor, la mise en scène, le son, les projections de diapositives, les instruments, les masques et costumes, jusqu’au mimiques des musiciens grimés avec perruques pour singer leurs modèles dans une troublante similitude, tout est conforme à l’original, à commencer bien sûr par le chanteur, physiquement le portrait de Gabriel, qui chante avec la même voix légèrement éraillée, en reprenant sa gestuelle saccadée.
Les ingénieurs du son ont restitué les « Enossification » bricolées à l’origine par un Brian Eno en délicatesse avec Roxy Music, et toutes les ficelles techniques mises en œuvre à l’époque pour créer ce son si particulier de The Lamb…
Alors avec quel plaisir nous nous sommes laissé glisser une nouvelle fois sur les pas de Rael. Mon voisin qui était déjà au show d’hier en tremble de joie et moi, je ne boude pas mon plaisir, en revisitant ce disque si passionnément vénéré.
And the lamb lies down on Broadway,/ Early morning Manhattan/ Ocean winds blow on land…./ They say the lights are always bright on Broadway./ They say there’s always magic in the air. Sorti d’un midnight show Rael bondit sur le pavé de New York au petit matin, sous les assauts du vent venant d’un ciel bas et noir, croise Lenny Bruce et Howard Hugues aux coins des blocks. Rael court dans un monde irréel où les murs s’éloignent à mesure qu’il les atteint, la poussière l’enveloppe, il ne voit plus, ne sent plus et la seule chose qu’il entend encore est l’eau qui s’écoule, alors il s’endort. Puis se réveille dans une cage de stalactites et stalagmites où il reconnaît son frère John, une larme de sang coulant sur ses joues, il l’appelle au secours mais John disparaît. Prisonnier d’une cellule sur Brooklyn The only sound is water drops Rael hurle pour sortir de cette cave/cage insensée, garder son self-control pour survivre dans son âme, distorsion/obsession et l’orgue décline sa folie sur In The Cage quand dans un effort surhumain Rael s’expulse de sa prison pour se retrouver dans la chambre aux 32 portes dont une seule s’ouvre sur la sortie. Une vieille femme aveugle se propose de le guider et malgré son interrogation What’s the use of a guide if you got nowhere to go? Il suit Lilywhite Lilith dans un tunnel d’obscurité vers la lumière tout en frôlant son héros Death au hasard des roches froides qui forment ce tunnel. Il se retrouve dans une piscine naturelle d’eau rose où nagent des créatures reptiliennes à têtes de femmes, The Lamia of the pool, qui l’invitent à goûter la douceur de l’eau. Elles sont si belles que Rael cède à leur invite et entre dans l’eau. Les Lamia envoûtantes le caressent puis commencent à le grignoter. Mais à peine ont-elles croqué quelques bouchées de Rael qu’elles meurent en criant We all have loved you Rael. Alors, voyant flotter les corps des Lamia sur l’eau, il les dévore à son tour pour retrouver son intégrité corporelle. Il ressort par la porte par laquelle il est entré et se retrouve dans un ghetto dont les membres à l’allure monstrueuse sont tous issus de la même tragédie romantique vécue avec les Lamia qui se régénèrent après chaque aventure. Ces monstres sont condamnés à satisfaire l’appétit sans fin de leurs sens, hérité de la tragédie des Lamia. Et Rael y reconnaît son frère John. Une seule voie de salut, le Doktor Dyper qui reçoit Rael et John, et leur propose comme unique remède : la castration, Dock the Dick! Mais comme le résultat de l’opération était placé dans un tube jaune, soudain, un corbeau noir surgit de nulle part s’empare du précieux chargement et s’envole au loin. Rael hurle à l’aide mais son frère l’abandonne une nouvelle fois alors qu’il s’enfuit à la poursuite du mystérieux corbeau noir pour finalement apercevoir à la sortie d’un sombre tunnel l’oiseau fatal jeter le tube dans l’eau bouillonnante d’un rapide. Il court le long de la gorge du fleuve en furie, regarde par une fenêtre qui s’ouvre sur le ciel et y reconnaît les rues de chez lui, Is this the way out from the endless scene?/ Or just an entrance to another dream?/ And the Light dies down on Broadway, puis entendant un cri de détresse, reconnaît Brother John se débattant plus bas dans le flots. Rael doit choisir entre la fenêtre sur la liberté et son frère qui se meurt. Alors il plonge secourir John. Après l’avoir sorti des rapides et reposé sur la rive, il regarde son visage et y reconnaît sa propre face !
Et au crépuscule de cette odyssée fantastique narrée avec la puissance musicale de Genesis et la folie des mots de Gabriel, son sosie réapparaît sur scène vêtu d’un improbable vêtement de martien boursouflé. Il se gonfle des bourses monstrueuses à l’air comprimé avant d’entamer l’hymne final It dédié à la puissance du sexe sur un emballement mélodique ultime It is here, it is now/ It is Real, it is Rael.
En rappel, The Musical Box jouera le titre éponyme The Musical Box extrait d’un autre monument des Genesis : Nursery Crime et nous laissera pantois, redescendre doucement des nuages psychadélo-progressistes sur lesquels ces mélodies nous ont ramenés. C’est la musique d’une époque dont l’incroyable créativité a traversé les années sans trop de rides.
Lire aussi : The Musical Box – 2007/03/24-25 – Paris l’Olympia
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Sebold Alice, ‘La Nostalgie de l’Ange’.
Sortie : , Chez : . Elle est morte à 14 ans, assasinée, et elle observe depuis le paradis le cheminement des siens à travers la douleur et l’absence. C’est triste et doux, comme la vie qui recommence après la souffrance.
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Interpol – 2005/04/21 – Paris le Zénith
Interpol est de retour à Paris, au Zénith, après un concert à l’Elysée Montmartre en novembre, raccourci pour cause de malaise du batteur. Le quatuor new-yorkais fait salle comble, et le mérite après la sortie de son remarquable deuxième disque : Antics.
L’ambiance sur scène est crépusculaire, à l’image de la musique, les éclairages venant de derrière le groupe font baigner celui-ci dans une lumière en contre-jour dans laquelle les musiciens se déplacent comme des fantômes. A chaque intermède la salle est replongée dans une obscurité totale où l’on sent que ces quatre là aiment se ressourcer. Bien habillés, ils jouent avec application une musique sombre et urbaine.
Paul Banks, chanteur/guitariste reste collé derrière son micro pour scander ses textes d’une voix sépulcrale. Daniel Kessler, fondateur du groupe, superbe guitariste amène sa touche de légèreté dans cette atmosphère blafarde ; il danse et bouge connecté sur l’infini. La rythmique est obsédante, menée par le bassiste Carlos Denger, tout de noir vêtu, grimé en Nosferatu filiforme
La pureté du son, les arpèges mineurs, les rythmes puissants, nous délivrent une ambiance poignante. On sent des influences post-punk : Joy Division, The Cure, Echo & The Bunnymen… Ce groupe nous emmène voyager au fil d’un Temps qui n’est pas toujours celui qu’on espère : Time is a like broken watch/And make money like Fred Astaire/…/We sail today/Tears are drowning in the wake of your life/There’s nothing like this built today/You’ll never see a finer ship in your life (Take you on a Cruise).
Interpol, un groupe abouti et sincère qui évite le macabre gothique et transforme en musique de qualité sa vision de la vie, sombre mais créatrice.
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Mark Knopfler – 2005/04/19 – Paris Bercy
Mark Knopfler est à Bercy pour un concert complet, multi générations où tout le monde se presse sans doute plus pour revoir l’ex-héros des Dire Straits que le récent compositeur de ballades solos. Il présente son 4ème disque solo Shangri-La. Ecrit et enregistré en Californie, il en restitue la mollesse langoureuse et surannée des feux de bois au coucher de soleil sur une plage du Pacifique…
Le groupe est accompagné de deux claviéristes et de l’ancien batteur de Dire Straits, dont les reprises égrènent ce concert. Knopfler nous insuffle alors un peu de son énergie d’antan lorsqu’il assure les guitares de Sultan of Swing mais ces tubes éculés ont tout de même passablement vieilli ! Et lorsqu’il s’assoit sur une chaise pour jouer ses dernières compositions bluesy, on se verrait mieux au New Morning plutôt qu’à Bercy, temple peu propice aux manifestations d’intimisme.
Knopfler n’en reste pas moins un guitariste d’exception, au toucher si particulier ; un chanteur remarquable à la voix grave et l’articulation si personnelle, reconnaissable entre mille. Ces remarquables qualités furent exprimées ce soir dans une salle qui ne correspond plus à l’atmosphère musicale d’une inspiration, par ailleurs en petite forme.
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Lou Reed – 2005/04/18 – Paris le Grand Rex
Hey Lou ! Te revoilà à Paris, vieux Frère. On s’y est croisé souvent tout au long de ma carrière d’homme normal que tu as ponctuée de mots exceptionnels. Te revoilà avec un groupe intense et une violoncelliste aux longs cheveux.
Tu as l’air de bien te porter Lou. Tes rides se creusent et accentuent ta morgue apparente mais tu continues à écrire des choses si bouleversantes. Tu pourrais changer de tailleur mais tu t’en fous, et puis ce n’est pas grave puisque tu caches tout ce fatras derrière les guitares auxquelles tu t’accroches depuis 35 ans.
Hey Lou ! Tu n’imagines pas combien ta musique a ponctué ma route. A la différence de Jenny dans Rock ’n’ Roll je n’ai pas découvert le rock sur une station de New York mais à l’écoute du Velvet Underground. Je n’avais que 10 ans quand le premier VU est sorti mais j’ai rattrapé mon retard et il a meublé mes tourments post-adolescents. Pale blue Eyes et Femme Fatale ont accompagné mes nuits nostalgiques à l’inspiration stérile. Je n’ai pas su écrire I’ll be your Mirror/ …Let me be your eyes/ A hand to your darkness/ So you won’t be afraid, et je n’avais personne à qui l’offrir, alors j’ai écouté Nico chanter ces vers en boucle pendant les heures sombres.
Tu as quitté ensuite tout ce beau monde : Andy, John Cale, Nico, pour t’enfoncer vers la mort et sortir Rock’n Roll Animal. A l’époque on pensait que tu ne passerais pas l’hiver. Ah, ce disque de légende ! Quelle fulgurance, quelle référence ! Les solos de Steve Hunter ont marqué à jamais les déambulations de Jack et Sweet Jane. Ce microsillon à la couverture si obscure m’a suivi tellement longtemps que je n’ai pas encore osé racheter le CD. Mais je vais bientôt le faire Lou car c’est une pièce essentielle de notre passé.
Mon histoire, elle a aussi été jalonnée par Transformer, Berlin et Coney Island baby. Ces trois joyaux ils sont avec moi pour toujours. J’ai marché des heures dans les rues New York, guettant ton ombre, en écoutant She’s my Best Friend sur mon walkman. Et lorsque j’étais épuisé, j’allais griller des cigarettes au bar du Chelsea Hotel à la recherche des Chelsea Girls disparues pour toujours.
Tu sais Lou, Perfect Day, c’est devenu la référence du bonheur dans mon univers. Chaque fois que je passe au Jardin des Plantes je vais pour Feed the animals in the zoo/ And then later a movie too and then home/ …Just a perfect day !
Alors, ce soir au Grand Rex, Lou, je me suis souvenu de tout ça. Lorsque tu nous a dit que Vanishing Act était la chanson préférée de ton dernier disque, j’ai écouté religieusement It must be nice to disappear/ To have a vanishing act/ To always looking forward/ And never looking back et j’ai pensé que tout allait bien mieux, pour tout le monde, que lorsque tu ânonnais I’m gonna try to nullify my life sur Heroin il y trente ans !
Et ce soir, Lou, tu nous a joué beaucoup de récentes compositions pour rappeler à ceux qui l’aurait oublié que tu continues à créer avec autant de d’excitation que par le passé : Guardian Angel (…who often saved my life), Halloween Parade, Mad, Ecstasy, et bien d’autres interprétées avec cette voix chevrotante mais assurée qui débite les poèmes de notre urbanité sclérosante, les vers inspirés par New York et le coté sombre de sa force, car toujours tu reviens sur la rue de New York où les déchets cohabitent avec la plus incroyable créativité. Sur ce tas de fumier, Lou, toi et les tiens, vous avez déposé les diamants désespérés de la culture de notre XX° siècle et c’est inoubliable.
Hey Lou ! Tu es revenu une dernière fois ce soir pour nous servir Perfect Day. Ah le cello Lou, ce cello déhirant est venu comme une larme salée, coulant sur une fontaine de glace. Just a Perfect Day !
Merci Lou, tu es un mythe vivant maintenant. Je serai là pour la prochaine et en attendant nous continuons derrière toi à marcher sur le coté sauvage de la Route.