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  • Festival Rock en Seine – 2004/08/28 – Paris Parc de Saint-Cloud

    Pour la deuxième année consécutive, un politicard quadra, ex-rocker-soixante-huitard-PSU œuvre en faveur de l’organisation d’un festival de rock aux portes de Paris. Elu chef de la région Ile de France il oublie les lambris de la République en se replongeant dans l’univers de ses jeunes années. L’embonpoint gagné grâce aux cuisines des ministères du VIIe arrondissement n’a pas entamé le bon goût de l’impétrant, la programmation de ce festival reste excellente. Nous nous en félicitons !

    White Stripes, Archive

    Il a plu ce week-end et les flaques de boue donnent un petit air Woodstock au parc, pas désagréable. La jeunesse en jean et piercing passe des stands de merguez aux deux scènes mises en place au pied des collines boisées. Les White Stripes ont fait flamber Saint-Cloud hier. Ce soir samedi de lourds nuages noirs survolent le festival quand Archive entre sur la petite scène à 20h30. Avec un nouveau disque Noise ce groupe britannique continue sa route trip hop et un relatif succès d’estime. Trois claviers, deux guitares et une rythmique pour une musique pesante et triste à qui le live donne une touche de réalité. C’est du Massiv Attack mâtiné de The Cure et on aime ça. Une Nouvelle Vague réinventée à la sauce bionique et glaçante. Les morceaux sont construits sur une intro lente peuplée de stances vocales tragiques et nappes de claviers amers. Le climat est sombre et propice à la montée de tension. Les guitares entrent dans le jeu et transforment une mélodie horizontale en une déchirure verticale où les riffs métalliques ouvrent la route vers l’apocalypse et l’électronique est supplantée par les cordes au service de la violence. Les textes parlent d’amours diaboliques et d’ivresses désespérées, de larmes et de fuites. Les harmonies en mode mineur bousculent la voix élastique d’un chanteur-guitariste qui n’est qu’un élément de ce groupe à l’unité percutante qui nous aura ravi une bonne heure durant.

    Certains spectateurs désertent avant la fin du show pour ne pas rater le début de celui de Muse sur la scène principale. Pour ceux-ci et pour les autres qui en redemandent, Archive sera de retour à Paris le 1er décembre à L’Elysée Montmartre.

    Muse

    Le temps d’enjamber quelques flaques de boue et on arrive au milieu de l’extravagante prestation de Muse emmenée par un Matthew Bellamy multi instrumentiste de génie et chanteur virtuose. La scène est immense, comme l’autorisent ces festivals de plein air, et notre trio de choc l’occupe pleinement. Un anonyme n°4 apporte un peu de renfort à la prestation live en pianotant quelques touches et complétant les chœurs.

    La pleine lune s’est levée sur Saint-Cloud et ajoute son éclairage trouble à une musique qui ne l’est pas moins. Le souffle des Muse est porté par un son à la hauteur de l’évènement, vaste et puissant. On retrouve dans les compositions les envolées symphoniques qui ont fait les beaux jours du rock progressiste mais les temps ont changé et il ne s’agit plus de planer même si le rêve est de mise. L’électricité trépidante rythme l’inspiration dramatique de cette musique urgente venue d’ailleurs.

    Le light-show est violent, les stroboscopes alternent avec les images spatiales aux couleurs crues projetées sur un écran découpé en tranches verticales. Les pupilles des spectateurs explosent sous les flashes et leurs tympans peinent à suivre les décibels. C’est un monde d’excès sensoriels au sein duquel on se sent bien.

    Bellamy passe des guitares aux claviers avec la même maestria et une emphase redoutable pour créer une musique d’espace, de volume et de géométrie avec au centre de ce nouvel univers, sa voix à la voilure gigantesque qui emporte tout sur son passage. Cette voix est le quatrième instrument du trio, soleil autour duquel tournent les autres. Qu’il susurre ou qu’il tonne, dans les graves ou les aigus, Bellamy semble connecté avec une autre galaxie. Quand sa voix élégiaque s’élève, il parcourt de nouveaux territoires en nous donnant un redoutable aperçu des horizons qui sont les siens.

    Muse est le groupe de trois albums dont les plus grands tubes seront joués ce soir, avec une préférence pour ceux extraits du dernier : Absolution. Après un rappel unique, Bellamy se jette dans les caisses de la batterie laissant une scène sens dessus dessous et un désordre identique dans l’âme des spectateurs qui tentent de reprendre leurs esprits:

    Sing for absolution / I will be singing / And falling from grace / Our wrongs / Remain unrectified / And our souls / Won’t be exumed.

    Et l’impératif d’absolution révélé par un trio rebelle s’élève vers les immeubles huppés qui bordent le parc de Saint-Cloud…

    Muse, c’est l’histoire de trois copains d’enfance anglais qui ont créé leur premier groupe à 13 ans et qui voguent depuis aux altitudes stratosphériques d’un rock baroque et unique qu’ils ont su inspirer. Le tout est un peu clinquant, mais c’est la Loi du genre.

    A l’année prochaine pour le troisième festival Rock en Seine !

  • BOURAOUI Nina, ‘La Voyeuse Interdite’.

    Sortie : , Chez : . Un livre violent et amère sur la condition d’une jeune fille à Alger. Élevée dans la « tradition », elle n’y développe que haine et bile contre sa famille, son environnement, sa vie et elle-même. Elle rêve de dissolution et de mort. Premier succès littéraire de Nina Bouraoui, l’auteur y construit son style qui deviendra encore plus dépouillé et percutant par la suite, mais on y voit déjà poindre la finesse à faire partager au lecteur émotion et douleur. L’expression du talent d’écrivain !

  • Nothomb Amélie, ‘Métaphysique des tubes’.

    Sortie : , Chez : . Les pérégrinations d’une enfant belge entre 0 et 3 ans dans le Japon où est installé sa famille. Le regard ahuri de celle qui allait devenir un écrivain original assis sur le fonds de commerce du traumatisme de son expérience japonaise. Léger, rigolo et pas indispensable !

  • Patti Smith – 2004/07/08 – Paris le Bataclan

    Patti Smith – 2004/07/08 – Paris le Bataclan

    Il est quelques valeurs inamovibles qui ponctuent notre vie ordinaire pour nous rappeler au sacré ; Patti Smith et ses inspirations sont de celles-ci. Le Bataclan était rempli pour deux soirées de ce mois de juillet d’un auditoire en quête d’élévation spirituelle et de nostalgie. Les spectateurs, conquis d’avance, furent comblés par la prestation fulgurante de la Mother Courage du Rock !

    A l’occasion de la sortie de son dernier opus, le très remarquable Trampin’, Patti a repris la route accompagnée du fidèle Lenny Kaye aux guitares, et de son groupe. Lorsque que s’éteignent les lumières, un tournesol sur l’épaule, elle nous (ré)-apparaît inchangée, cheveux longs, jeans délavé, T-shirt aux couleurs de la paix, veste noire sur chemise blanche et démarre par Trampin’, un Negro spiritual des années 30, chanté a cappella, évoquant les déambulations terriennes vers le paradis Try’n-a make heaven my home… Nous en sommes tous là !

    Les choses sérieuses débutent ensuite sur Jubilee et les guitares lourdes accompagnant cette pérégrination sur le questionnement de la vie : People don’t be shy / Weave the birth of harmony / With children’s happy cries / Hand in hand / We’re dancing around / In a freedom ring.

    Un écran en fond de scène diffuse les images inspirant notre vestale poétesse. On y voit défiler les photos de sa mère sur Mother Rose et ce long hommage à celle qui lui a donné la vie : Roses shall divine / Holy mother / …  / She felt our tears / Heard our sighs / And turned to gold / Before our eyes / She rose into the light.

    Tous les morceaux de Trampin’ seront joués, parfois entrecoupés de longues déclamations poétiques sur fond de murs sonores construits par les guitares exprimant tous les sentiments, de la terreur nucléaire à la douceur d’un amour de printemps. Patti déclame ce que la vie devrait être : Come on move where dreams increase / Where every man is a masterpiece (Stride of the Mind).

    Patti clame ses admirations et ses illusions. Le Peuple doit exiger puisqu’il est le Nombre : Awake from your slumber / And get ’em with the numbers /  Long live revolution (Gandhi).

    Patti disperse sur nos têtes embrumées les pétales de roses de la tolérance et de la non-violence. C’est beau et inutile, mais ça réchauffe nos cœurs cirrhosés par trop de cynisme : And the golden flowers / Of the young girls / Well they dropped all around / They dropped like candy / And people cried / Gandhi Gandhi / Awake little man / Awake from your slumber (Gandhi).

    Patti susurre ses tendresses à l’oreille de sa fille qui l’accompagne au piano sur son disque : Come my one, look at the world / Bird beast butterfly / Girls sing notes of heaven / Birds lift them up to the sky / Spring is departing (Cartwheels).

    Patti hurle ses furies et ses révoltes en reprenant un Because the Night d’anthologie qui rejoint People have the Power, tubes planétaires des 80’s, joués pour une assemblée déjà baignée dans la chaleur torride de la Foi.

    Patti à la voix cassée rend hommage à ses inspirateurs, Blake (My Blakean Years), King, Gandhi et bien sur Rimbaud et sa célèbre photo en jeune premier, nœud blanc à la manche, qui à dix sept ans avait terminé son œuvre diabolique et partait sur une Route incertaine. Avec quarante années de plus, Patti emprunte toujours les mêmes voies. Celle, notamment, de la fidélité qui marque son œuvre. Fidélité aux idées, aux amis (Lizzy Mercier-Descloux, l’ange décédé début 2004 à qui hommage est rendu au cours de la soirée), à ses musiciens, ses dévots, ses rythmes, ses poètes. Fidélité comme guide de sa vie à une époque de zapping systématisé.

    Ultime référence à l’urgence de la révolte, Patti présente Radio Baghdad avec une longue introduction qu’elle joue à la clarinette (hommage, encore, à Fred « Sonic » Smith, son professeur en la matière et le père de ses enfants, précocement disparu). Les images de Nabuchodonosor alternent avec la fabuleuse architecture des mosquées de Baghdad : You sent your lights / Your bombs / You sent them down on our city / Shock and awe / Like some crazy t.v. show / They’re robbing the cradle of civilization. L’écran diffuse les images des révoltés anti-guerre de Washington. Patti en nouveau Saladin à l’assaut des croisés continue à déclamer, debout sur une cité de cendres : Drop Bush, not bombs.

    On se souvient de Patti Smith en première partie de REM à Bercy en 1999. On l’avait crue apaisée sur la voie de la méditation comme substitut à la révolte. On l’a retrouvée ce soir, debout, tenant fermement l’étendard de la contestation, souquant vigoureusement sur un océan de braise avec ceux qui continuent à se battre envers et contre toutes les violences. Elle n’a pas abdiqué, elle continue d’écrire en suivant son chemin, traçant derrière elle l’inépuisable sillon de ceux qui se tiennent debout.

    Les mains ouvertes vers les spectateurs en un geste subtil, tel le Christ montrant ses blessures à ses apôtres. Elle s’offre à tous, indifférente aux quolibets, elle donne son cœur, sa vérité, son combat. Elle donne sa vie à la lutte ! Une vie de passion, une vie de musique, une vie d’engagement. Une Vie vraie !

    Ce soir j’ai pleuré des larmes amères en écoutant Patti Smith fiévreuse sur la scène du Bataclan. Comme toujours, cette artiste honnête sait faire remonter du plus profond de nous-mêmes des émotions ordinaires recluses par les conventions, cachées par les habitudes. Au gré des mots et des hymnes elle met à jour nos blessures et nos remords, elle met à vif la somme de nos compromissions avec le système. Elle est restée debout à scander We are the People quand nous avons pactisé avec le renoncement et oublié nos principes. Notre vie dévastée apparaît encore plus absurde et inutile à l’écoute de People have the Power, chanté le poing levé. Toujours elle parie sur l’Homme quand nous avons abdiqué pour la possession.

    Ce soir j’ai pleuré des larmes de nostalgie, hanté par un passé carbonisé. Il y a 25 ans tout était possible lorsque Patti nous emmenait sur les cavalcades sauvages de Horses. Aujourd’hui tout est vain et je suis seul sur un glacis de sentiments dévoyés, un permafrost d’idées abandonnées en chemin vers nulle part.

    Ce soir j’ai pleuré des larmes de bonheur lorsque Patti est revenue chanter Gloria, épuisée mais heureuse d’avoir, comme toujours, convaincu.

  • BOURAOUI Nina, ‘La Vie Heureuse’.

    Sortie : , Chez : . Écrivain de père algérien et de mère française Nina nous raconte ses souvenirs de vacances d’adolescence à Saint-Malo dans cette Vie Heureuse. On y croise la mort d’une tante, la musique de Klaus Nomi, les boîtes de nuit, les vagues bretonne. On y découvre l’émoi de la découverte des amours au féminin. Nina écrit comme on parle, par courtes phrases, cassantes, pressées, répétitives. Elle courre sans reprendre haleine tout au long de 123 courts chapitres à la sensibilité masquée.

  • BOURAOUI Nina, ‘Garçon Manqué’.

    Sortie : , Chez : . C’est une histoire de déchirement, celle d’une jeune fille quittant Alger pour « devenir française ». Une histoire de mer et de soleil, de silence et de solitude, d’amour et de violence. Il y a beaucoup de sensibilité sous la plume de Yasmina-Nina à évoquer par courtes phrases le séisme d’une enfance dévastée entre France et Algérie, tellement de justesse pour nous faire sentir les inoubliables odeurs du jasmin et des glycines des rues d’Alger, pour nous faire comprendre les jeux et les ombres de ce pays d’hommes.

  • Léger Jack-Alain, ‘A contre Coran’.

    Sortie : , Chez : . Violent pamphlet contre la pernicieuse invasion de l’islamisme dans la pensée française ; l’obsession du « politiquement correct » empêche de rappeler quelqes évidentes vérités. Léger ne se gêne pas pour le faire, dans le style excessif qui sied au genre qu’il a choisi.

  • Mailer Norman, ‘Morceaux de Bravoure’.

    Sortie : , Chez : . Recueil de textes « journalistiques » et interviews de ce grand écrivain américain qui nous fait entrer dans ses pensées complexes sur l’art, la politique, le processus créatif, l’écriture et, bien sûr, l’Amérique. Une vision intellectuelle passionnante de notre XXe siècle !

  • Harrison Jim, ‘Lointains & Ghâzals’.

    Sortie : , Chez : . Pensées débridées d’un homme du Middle West sous forme de poésies persanes. On y trouve de tout dont : « Belles femmes (ou filles) enchantées. Acceptez-vous de prendre / place à mes cotés, ou tenez-vous à bousiiler votre vie allleurs ? » ou « Je voulais tire quelques mots du silence avant de dormir, mais aucun / ne correspondait à mes souhaits. Tant de silence et tant de mots. », et bien d’autres.

  • Nouvelle Vague – 2004/06/01 – Paris le Café de la Danse

    Nouvelle Vague nous revient au Café de la Danse, lieu discret pour musique élégante. Pas de grandes nouveautés depuis leur prestation au festival des Inrocks en octobre dernier, on parle d’un disque pour la rentrée. Juste le plaisir de voir se poursuivre une expérience musicale heureuse.

    Camille, en pleine promo de son disque solo Le Fil, joue la star de la soirée. Se succèdent également sur scène : Mélanie, Phoebe et Marina. Le répertoire n’a pas vraiment changé, elles interprètent avec la même innocente originalité les standards de l’album sous la direction unificatrice du guitariste arrangeur Olivier Libaux : Love Will Tear Us Apart (Joy Division), Making Plans For Nigel (XTC), Just Cant Get Enough (Depeche Mode), This Is Not A Love Song (PIL), Too Drunk To Fuck (Dead Kennedys), Guns Of Brixton (The Clash), et quelques extras comme Ever Fall In Love (Buzzckoks) et Mongoloid (Devo). Un quatuor de nanas qui nous chantent des chansons de mecs avec aplomb et créativité. Au-delà du choc divin provoqué en 2004 par la découverte de ces musiques post-punk rafraîchies en bossa-nova, on attend de Nouvelle Vague qu’il nous surprenne de nouveau comme il en a les moyens. L’effet réinterprétation s’estompe doucement, l’arrangement est éphémère dans la véritable composition. Alors il nous reste le phantasme généré par ces gamines ravivant The Clash  dans nos neurones embrumés.

    Mais on prendra tout de même avec beaucoup de plaisir le prochain disque où l’on devrait retrouver les bonus de la soirée gravés dans ce CD étape II.

  • Garcin Jérôme, ‘Théâtre Intime’.

    Sortie : , Chez : . Comme nous tous l’auteur a lu Le Temps d’un Soupir de la femme de Gérad Philippe, Anne, et comme nous tous il est tombé immédiatement follement amoureux de son auteur qui a commis l’une des plus boulversante déclaration d’amour de la littérature française. Il a rencontré Anne et a épousé sa (leur) fille dix ans plus tard. Elle fait perdurer la tradition familiale du théâtre, Garcin délaye ses souffrances et éblouissements devant le statut d’actrice de sa femme. Qui aime-t-il le plus passionément d’Anne ou Anne-Marie ? On ne le sait plus. Elle sont l’une et l’autre l’émanation d’une légende qui s’estompe de la mémoire collective, et c’est le Cid qui fonde cette confession intime.

  • David Byrne – 2004/05/05 – Paris le Bataclan

    David Byrne and the Tosca Strings

    David Byrne, ex-leader-créateur-concepteur-animateur d’un groupe phare des années 80, The Talking Heads, s’est installé pour une soirée au Bataclan à la tête d’une troupe originale et rafraîchissante qui outre batteur et bassiste, met en scène un ensemble de cordes (quatre violonistes et deux violoncellistes) et un redoutable percussionniste : The Tosca Strings. Ils viennent de sortir un disque ensemble : Grown Backwards.

    L’homme n’a guère changé. Seuls ses cheveux ont sévèrement blanchi mais on retrouve le même pantomime en baskets, dont les pas de danse sont aussi furieux que les riffs de guitare. La voix haut perchée est toujours mélodieuse et agile. L’ensemble est souple et intelligent. Au milieu de ses nouvelles créations, dont des musiques de film, on reconnaît sans peine quelques standards des Talking Heads (Heaven, I Zimbra, Life During Wartime, Blind, Psychokiller) qui déclenchent l’enthousiasme du petit monde intello-parisien qui se pressent auprès de l’artiste britannique ; Sophie Calle est de la partie.

    Avec Talking Heads on avait un groupe éminemment urbain qui nous a ouvert sur les rythmes de la ville et de la folie. En association avec Tosca Strings il crée une fantastique rythmique sud-américaine qui transpire le soleil de Rio et la violence des favelas, c’est le carnaval à notre porte.

  • Harrison Jim, ‘Aventures d’un gourmand vagabond’.

    Sortie : , Chez : . Les aventures culinaires burlesques de l’inénarrable auteur américain de La Route du Retour et de Dalva. Des envolées lyriques et gargantuesques sur les vraies saucisses de cochon ou la bécasse sauvage traversant le ciel du middle-west, sur l’homme politique et sa relation à la bonne chère, des correspondances épicées avec des compères français de boustifaille. Et toujours le style impérieux de cet amoureux lucide de la vie qui a commis parmi les plus belles oeuvres de ma bibliothèque.

  • The Stranglers – 2004/04/01 – Paris le Trabendo

    « Always Heroes… »

    Mais après quoi courent The Stranglers depuis vingt-cinq ans ? Tout ce temps passé depuis le déferlement punk jusqu’à la vague électronique n’a pas fait dévier d’un iota nos hommes en noir. Exsudant toujours la même sinistrose, teintée de violence urbaine et inspirée d’un bestiaire obscur : entre la peste vicieuse du rat et l’élégance racée de la panthère noire, le vol rectiligne du corbeau vient nous rappeler que la fin rode.

    A l’écart des grands courants du Rock, ils continuent de décliner les mêmes rythmes tribaux en montant à l’assaut de notre tranquillité bourgeoise. Ils sont restés fidèles à la pureté initiatique du Rock premier lorsque leurs camarades de couloirs de maisons de disques dérivaient vers des formats FM sans âme. Et pendant que Sid Vicious chantait My Way sur les plateaux télé en prime time Hugh Cornwell et sa bande composaient la mélodie dévastatrice de No More Heroes en faisant poser Jean Jacques Burnel sur la tombe de Troksky… c’était en 1977 !

    The Stranglers ne courent finalement plus après grand-chose. Ils emmagasinent simplement le plaisir d’aller jusqu’au bout d’une idée, celle de l’essence d’une musique/attitude à une époque où le zapping est érigé en standard de vie.

    Et maintenant, que la Scène, oubliant ses renoncements, redécouvre le Rock, les Stranglers reviennent en odeur de sainteté. Ils sortent même en single Norfoalk Coast, chanson éponyme de leur récent album, alors que, fâchés avec l’industrie du disque, ils s’étaient toujours refusés à toute promotion de leur œuvre. C’est sous les nuages lourds et sombres de la cote britannique que Burnel est allé composer cette ode solitaire :

    I was a looser in the loving wars / I took my treasure to the Norfoalk Coast /… / I walked alone on the Norfoalk coast / And the screams of the birds they echoed around my mind

    Il en résulte un petit joyau de musique entêtante qui sera présenté au cours de la soirée.

    Le concert a lieu au Trabendo, bar-boîte aux pieds du Zénith. Peu d’espace et une atmosphère confinée. La ritournelle aigre-douce de Waltzinblack annonce, comme depuis des années, l’arrivée du groupe sur scène. Tous de noir vêtu, ils attaquent Norfoalk Coasti suivi de Skin Deep, Bing Thing Comming, Long Black Veil. Les trois lascars d’origine ont pris quelques années mais tiennent leurs places : Burnel à la basse, un Jet Black balzacien, barbe et cheveux blanc, à la batterie, et Dave Greenfield aux claviers. Paul Roberts le chanteur, qui a rejoint le groupe depuis 10 ans et Baz Warne (ex-guitariste des Small Town Heroes) depuis 4, rajeunissent la bande, mais on les dirait nés Stranglers. Une étrange nostalgie émane des textes de ce groupe tourné vers un futur urgent où la révolte rémanente continue d’irriguer une inspiration fataliste sur l’incontournable nécessité d’accompagner ce Temps qui passe en laissant les loosers dans le fossé : There is a new time coming / We’re gonna have to change / Big thing coming and it’s comming real soon. Mais malgré tout, comment oublier les souvenirs fondateurs qui sont finalement si proches : To sin and repent just wasn’t for me / I’ve been wild / I’ve been wild.

    Les chansons défilent non-stop, celles du dernier album et des reprises, notamment : Always The Sun, Duchess, Something Better Change, Walk On By, Five Minutes.

    Ces hymnes sont menés sur le même rythme ardent qui a fait le son du groupe : une ligne mélodique de basse appuyée, des nappes de claviers obtuses et entêtantes ajoutant une touche gothique à l’ensemble, une batterie épileptique portant la voix grave du chanteur sur des mélodies sulfureuses et concises. Bref, la même furia sophistiquée qui les avait fait détester par les Sex Pistols et adorer des frustrés de la vague punk. Mais à force de crier No Future, les punks sont morts et les Stranglers nous font danser sur leur tombe :

    I need a dream where I can live what I said / I need a place where I can put my head / I need a hole where I’ll find darkness now…

    Quelques rares moments de respiration avec Golden Brown, une ode à l’héroïne composée sur une bluette pour clavecin ou Tucker’s Grave et son envolée de claviers de cathédrale.

    Le groupe reprend sa course effrénée avec Lost Control, Who Wants The World, Grip, Tank, I’ve Been Wild…, la salle chauffe, Roberts ouvre sa chemise et dévoile des pectoraux qui font se pâmer les jeunes femmes, on voit même quelques sourires se dessiner sur la bouche des musiciens. La machine infernale Stranglers trace son sillon dans un terreau qui reste des plus fertiles : celui du Rock’Roll honnête et dur, prévisible donc éternel.

    Pour terminer le deuxième rappel JJ frappe sur sa basse et lance No More Heroes et son hallucinante mélopée synthétique aux relents purificateurs :

    Whatever happened to all the heroes? / All the Shakespearoes? / They watched their Rome burned / Whatever happened to all the heroes? / No more heroes any more…

    Et nos héros sont partis ! On les retrouvera 48 heurs plus tard pour un dernier concert en direct sur FIP avant de poursuivre une tournée européenne. On espère que le prochain disque avant les cinq années qui furent nécessaires à l’accouchement de Norfoalk Coast !

  • AUSTER Paul, ‘Tombouctou’.

    Les déambulations désespérées du chien Mr Bones qui, comme son maître Willy, désertera le monde ingrat des humains pour retrouver Tombouctou, l’au-delà des bienheureux. Une fable tristement réaliste.

  • Don Delillo , ‘Outremonde’.

    Sortie : , Chez : . 890 pages (un peu longues…) sur les pérégrinations d’une balle de base-ball issue d’un célèbre match à New York en 1951 qui parcourera ensuite toute l’Amérique de la guerre froide. Edgard Hoover y croise les personnages les plus divers, les aventures s’entremêlent et les destins de croisent, le tout donne le « le miracle américain » avec ses saints et ses déchets.

  • Bashung – 2004/01/30 – Paris le Zénith

    « La tournée des grands espaces »

    Kronic à venir

    Setlist

    Tel/ Je me dore/ Faites monter/ La nuit je mens/ Sommes-nous/ Aucun express/ Le Dimanche à Tchernobyl/ L’Irréel/ Mes prisons/ Fantaisie militaire/ Volontaire/ Étrange été/ Légère éclaircie/ Bombez !/ What’s in a Bird/ Mes bras/J’passe pour une caravane/ Osez Joséphine/ Les Grands Voyageurs/Samuel Hall/ Vertige de l’amour/ 2043/ Faisons envie (en duo avec Chloé Mons)/ Cantique des cantiques (en duo avec Chloé Mons)/ Madame rêve/ Ma petite entreprise/ Martine boude/ Bijou bijou/ Angora/ Malaxe

    (setlist d’après le DVD live « La tournée des grands espaces »)

  • LEVI Primo, ‘Si c’est un homme’.

    Sortie : 1947, Chez : Editions Julliard.

    Une plongée désespérée au cœur du processus concentrationnaire de la barbarie nazie : Une plongée désespérée au cœur du processus concentrationnaire de la barbarie nazie : l’auteur n’en sortira pas indemne et mettra fin à ses jours 40 ans plus tard (bien que la thèse du suicide [il a chuté dans un escalier] soit discutée). Et tout ceci s’est passé dans notre vieille Europe donneuse de leçons, à la génération de nos grands-parents !

  • The Strokes – 2003/12/10 – Paris le Zénith

    The Strokes arrivent en France précédés d’une dithyrambique réputation et le public parisien se presse au Zénith pour découvrir « le nouveau Velvet » encensé par la presse rock internationale. Leur dernier disque Room On Fire est disponible dans les bacs depuis un mois. Il déclenche a priori moins d’enthousiasme que le premier.

    Et l’on voit débouler sur la scène nos cinq trublions new-yorkais qui entament leur set avec Reptila sous une lumière éblouissante de stroboscopes flashant la salle. Avec son refrain déclamé sur un rythme effréné :

    I said please don’t slow me down / If I’m going to fast

    le ton est donné, et personne ne viendra ralentir ni tenter de décourager cet emballement musical.

    Ils sont dégingandés, fagottés dans d’improbables Jeans/Converses, le cheveu dégoulinant, le jeu de scène plutôt statique. Julian Casablancas, auteur compositeur du groupe, promène sa rogue hésitante entre deux cigarettes et trois pirouettes avec le public. Fils du patron de l’agence de mannequins Elite, on imagine sa vie sentimentale plutôt fluide. Il développe une voix rocailleuse qu’un traitement électronique rend nasillarde. Il déclame des onomatopées sur les couples, la gloire, l’après, les nuits urbaines, le temps qui manque, bref l’urgence de la vie sur une planète hystérique.

    Ce look désabusé n’empêche pas un déferlement d’énergie stupéfiant. Le son est puissant, les riffs saccadés crachent l’urgence sans rémission (Give me some time, I just need a little time / Is this how it ends?), les guitares déchaînent le beat furieux de nos temps modernes. Les solos sont réduits au strict minimum, quelques notes qui s’échappent par accident de la machine infernale en route vers l’enfer (Never was on time). Le tout est prévisible mais furieux, contrôlé mais débridé. On ne croule pas sous le déluge des notes ni des accords mais on reste pantois de leur maîtrise répétitive et machinale du fond musical. Guitares, bass et batterie sont au carré pour déployer le tapis pourpre d’une cadence hallucinante. C’est la grande force des Strokes d’impulser un rythme itératif et féroce sur lequel se placent à bon escient la voix et les mots de Casablancas.

    Les morceaux de leurs deux disques se succèdent tels les flots de voitures dans les rues de Manhattan, seulement ponctués des Walk / Don’t Walk de feux impuissants à enrayer le déferlement : What Ever Happened, Automatic Stop, 12 :51, New York City Cops, Hard To Explain, Someday, Last Nite, …

    Hommage aux Maîtres, ils nous offrent une redoutable reprise de Clampdown du Clash prélevé sur London Calling. Et plutôt que les références journalistiques au Velvet Underground ou à Blondie, on tient avec The Clash la réelle inspiration de ce groupe hargneux qui hurle à la cantonade :

    The end has no end the end has no end

    The Strokes nous sert un final éblouissant avec Take It Or Leave It et après une petite heure de musique enfiévrée, plie bagage pour ne plus revenir, laissant frustré un Zénith dans le feu du coitus interomptus.

    Ce départ précipité relève de la faute de goût, d’autant plus qu’elle est récurrente. Mais soyons généreux, il s’agit seulement d’une bande de cinq gamins de 23 ans, à la morgue rafraîchissante, qui nous ont fait rock’n’roller aux rythmes incandescents de la rue new-yorkaise dans la joie et la bonne humeur. C’est revigorant et percutant. Ca pulse, ça déménage et ça réveille es morts. Ce n’est peut-être pas l’avenir du Rock’nRoll mais c’en est un présent emblématique.

    Et puis des garnements qui inscrivent Thank You au dos de leurs disques ne peuvent pas être simplement de mauvais garçons.

  • Pearl Mariane, ‘Un cœur invaincu’.

    Sortie : , Chez : . Bouleversant récit de la femme d’un journaliste américain enlevé et décapité par le terrosrisme islamique dans un faubourg glauque de Karachi. Elle est enceinte de lui et va vivre dix jours d’horreur avant d’apprendre la fin. Elle décortique la montée de la douleur qui se substitue à l’espoir. Boudhiste, elle survit à la folie, abandonne la haine et remonte le flot de l’horreur pour donner naissance à leur fils déjà orphelin de son père.