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  • SEMPRUN Jorge, ‘L’écriture ou la vie’.

    Sortie : 1994, Chez : Editions Gallimard.

    Jorge Semprun (1923-2011), militant républicain espagnol et adhérent du parti communiste espagnol, se réfugia en France avec sa famille en 1939 après la défaite des républicains face au troupes franquistes. Il rejoint alors les réseaux de résistance, est arrêté en 1943 par la gestapo puis déporté au camp de concentration allemand de Buchenwald. Il y survivra et reviendra en France poursuivre la lutte contre le franquisme en Espagne et mener une brillante carrière d’écrivain et d’intellectuel.

    « L’écriture ou la vie », paru en 1994, est le livre que Semprun n’a pas réussi à écrire après sa libération de Buchenwald en avril 1945 sur la si terrible expérience de la déportation qu’il venait de vivre. Il lui aura fallu 50 ans pour assimiler ce qui s’était passé en Allemagne pour finalement publier cette œuvre importante. Et encore, Semprun n’aborde-t-il pas directement sa vie dans le camp de la mort mais n’y revient qu’à petites touches en narrant ce qui s’est passé pour lui après ou avant.

    Après, ce sont la dizaine de jours qui se sont déroulés entre l’arrivée des troupes américaines qui libèrent officiellement le camp déjà déserté par les nazis qui ont emmené avec eux une partie des prisonniers, et son rapatriement à Paris. Il y rencontre notamment le lieutenant américain Rosenfeld, un juif berlinois exilé aux Etats-Unis lors de la montée du nazisme dans son pays, et qui y revient avec la nationalité américaine pour libérez l’Allemagne. Tous deux intellectuels de haut niveau ils vont dialoguer, en allemand, sur « l’expérience du Mal », se référant aux grands philosophes de l’humanité. Ensemble ils visiteront la maison de Goethe à Weimar pour évoquer ce pays étrange qui construit un camp de concentration sur la colline verdoyante d’Ettersberg, à deux pas de Weimar, ville qui fut un creuset culturel européen bouillonnant au début des années 1900.

    Après c’est le retour à Paris, les conquêtes féminines éphémères, les petits plaisirs comme l’achat d’un livre sans une librairie, la reprise d’une vie intellectuelle et culturelle intense, la décision de plonger dans l’oubli du camp, « …Mais qui aura été disponible, autour de nous, en ces temps-là du retour, à une écoute inlassable et mortelle des voix de la mort ?« 

    Après c’est encore la reprise de la lutte antifranquiste et la plongée dans l’internationale socialiste, puis son exclusion du parti communiste espagnol. Mais c’est aussi la réouverture du camp par l’Union soviétique pour y parquer ses opposants, Buchenwald étant situé en zone d’occupation soviétique, la future Allemagne de l’est… une pilule amère pour Semprun.

    Et après c’est, enfin, le retour à Buchenwald en mars 1992 avec deux de ses petits-enfants de cœur pour affronter ce passé morbide et y apprendre par hasard comment le déporté communiste chargé d’enregistrer les arrivants en septembre 1943 lui avait sans doute volontairement sauvé la vie en refusant de mentionner « étudiant » comme profession sur sa fiche, retrouvée en 1992. Semprun raconte alors aux siens ce qui s’est passé en ce lieu. Et il découvre aussi… que les oiseaux sont revenus sur la colline d’Ettersberg qu’ils avaient désertée lorsque le camp était en activité, et que la fumée sortant des cheminées des fours crématoires polluait toute la forêt.

    « Je ne peux pas dire que j’étais ému, le mot est trop faible. J’ai su que je revenais chez moi. Ce n’était pas l’espoir qu’il fallait que j’abandonne, à la porte de cet enfer, bien au contraire. J’abandonnais ma vieillesse, mes déceptions, les ratages et les ratures de la vie. Je revenais chez moi, je veux dire dans l’univers de mes vingt ans : ses colères, ses passions, sa curiosité, ses rires. Son espoir, surtout. J’abandonnais toutes des désespérances mortelles qui s’accumulent dans l’âme, au long d’une vie, pour retrouver l’espérance de mes vingt ans qu’avait cernée la mort. »

    Le parti de Semprun de ne pas raconter mais d’évoquer lui permet de signer un récit majeur de notre XXème siècle, passant en revue la vie intellectuelle européenne, la lutte pour la démocratie en Espagne, les grandes heures du communisme international et tout ceci en regard du Mal absolu généré par le nazisme au cœur de l’Allemagne de Goethe, de Bach et de la folle créativité de la République de Weimar. Un livre qui a été long à mûrir et à publier, mais un livre qui est venu du fond de l’âme de cet acteur des temps les plus sombres et des plus créatifs du XXème siècle. Un jalon unique et exceptionnel ce cette période !

  • Déprimant dialogue…

    « Mcfly et Carlito » sont deux jeunes « casquette-baskets-capuche » sévissant sur une chaîne YouTube (plus de 6 millions d’abonnés) avec des vidéos un peu nunuches, parfois drôles, mais pas méchantes, en tout cas pour ce que nous en avons vu, c’est-à-dire très peu puisque l’internaute doit se farcir de la publicité abrutissante à chaque début de clip. Bref, Mcfly et Carlito gagnent leur vie ainsi en distrayant les « djeuns ». Ils doivent trouver cette activité plus drôle que de travailler chez Amazon ou la BNP. Après tout ce type d’activité de service rentre aussi dans le produit national brut (PNB) de la France. Ils ne font pas trop de mal à leur population cible, qui serait quand même plus avisée de lire Zola et les rapports de la Cour des comptes pour mieux comprendre la marche du monde.

    Tout ceci ne serait vraiment pas bien grave si la présidence de la République ne s’était avisée de dialoguer avec nos deux « casquette-baskets-capuche » via Emmanuel Macron lui-même ! Certes, pour la bonne cause puisqu’il leur a lancé un défi de composer une vidéo promouvant les gestes barrière anti-covid, ce qu’ils ont fait, et dont la récompense sera de venir tourner une nouvelle vidéo à l’Elysée même. Est-ce vraiment indispensable de mêler ce type de communication tout de même légèrement abrutissante avec le fonctionnement de la République ? N’y-a-t-il pas moyen de privilégier l’intelligence pour diffuser des messages sanitaires ? Sans doute pas, hélas ! Gros soupir déprimé des sexagénaires…

  • Fermer les frontières signifie que les frontières ferment !

    Devant la dégradation de la situation sanitaire en Moselle et les risques de contagion, l’Allemagne a annoncé la fermeture de sa frontière avec le département français de la Moselle. Aussitôt c’est un déchaînement de lamentations côté français, dirigeants et chefs d’entreprise déplorent les effets à attendre de cette fermeture pourtant assortie de nombreuses souplesses, notamment en faveur des travailleurs transfrontaliers.

    L’aspect comique de ce chœur des pleureuses est que certaines d’entre elles appartiennent à des partis politiques qui prônent le rétablissement des frontières sur les plateaux médiatiques toute la sainte journée. Jean Rottner, président conservateur de la Région Grand-Est, semble découvrir dans son tweet que fermer les frontières veut dire que la frontière est fermée, c’est-à-dire que les flux d’hommes et de marchandises vont être au moins partiellement compliqués car contrôlés, voire ralentis. C’est à ça que sert une frontière.

    Cette expérience permettra sans doute à M. Rottner et aux siens de bien peser les conséquences d’une fermeture des frontières françaises avant de la prôner à tout va comme ils en ont l’habitude. On peut les fermer mais cela ne donne pas exactement les mêmes résultats que quand elles sont ouvertes !

  • Le Royaume-Uni montre le chemin

    Le Royaume-Uni annonce sur le site web de son ambassade à Paris une hausse du taux d’impôt sur les sociétés et les individus. L’impôt sur les sociétés passera de 19 à 25% d’ici 2023 sauf pour les petites et moyennes entreprises. Pour les individus, l’augmentation fiscale sera obtenue par la non-réévaluation des tranches d’impôt progressif jusqu’en 2026, ce qui revient au même qu’une hausse du taux.

    Maintaining the income tax Personal Allowance and higher rate threshold from April 2022 until April 2026.
    To balance the need to raise revenue with the objective of having an internationally competitive tax system, the rate of Corporation Tax will increase to 25%, which will remain the lowest rate in the G7. In order to support the recovery, the increase will not take effect until 2023. Businesses with profits of £50,000 or less, around 70% of actively trading companies, will continue to be taxed at 19% and a taper above £50,000 will be introduced so that only businesses with profits greater than £250,000 will be taxed at the full 25% rate.

    Budget 2021: What you need to know – GOV.UK (www.gov.uk)

    Comme souvent, le Royaume-Uni montre le chemin en matière économique et n’hésite pas à affronter la vraie vie. Les hausses d’impôt sont inévitables, au Royaume-Uni comme ailleurs pour financer une partie du désastre financier généré par la pandémie de la Covid19. La France serait bien avisée de cesser de raconter des sornettes à ses citoyens et d’admettre que les impôts vont bien augmenter et que ce qui reste à déterminer c’est le meilleur calendrier pour lancer cette évolution.

  • Le Café du commerce sur CNews

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    On sait qu’en France les papes du CAC40 ont depuis toujours un furieux appétit pour posséder les médias. Comme ceux-ci sont en permanence à moitié au bord du dépôt de bilan et ils tombent progressivement comme des fruits mûrs dans leurs escarcelles. Cela avait commencé dans les années 1950 avec Marcel Dassault, fabricant d’avions et marchand d’armes, qui avait lancé Jours de France, un hebdomadaire dit « féminin » pour salles d’attente de dentistes et ne présentait aucun intérêt, sinon les photos de têtes couronnées sur papier glacé. Il y tenait une chronique intitulée « Le Café du Commerce » donnant ainsi son nom à cette expression passée dans le langage commun pour évoquer les papotages stupides et éphémères. Il acheta plus tard Le Figaro et ses pairs du CAC40 s’inspirent depuis de son exemple en rachetant la presse française à tour de bras. Le groupe Lagardère détient Paris-Match, Elle, Télé 7 jours… Bernard Tapie possède La Provence, Nice-Matin… Bernard Arnault détient Les Echos, La Tribune…, François Pinault Le Point, L’Agefi, Le Magazine Littéraire, Xavier Niel-Matthieu Pigasse Le Monde, Daniel Kretinsky Le Monde, L’Obs, Elle, Bouygues TF1… etc. etc.

    Bien entendu chacun de ces capitaines d’industrie jure la main sur le cœur qu’il n’intervient pas dans la « ligne éditoriale » de ses journaux mais tout le monde s’accorde à penser qu’il est assez peu probable que Le Figaro publie, par exemple, des articles contre les marchands d’armes. Il y a donc une forme relativement compréhensible d’autocensure, « on ne tape pas sur la main qui signe le chèque », le tout est de l’exécuter avec subtilité. Et après tout, la plupart de ces journaux seraient morts et enterrés depuis longtemps si ces capitalistes n’avaient pas accepté d’en faire leurs danseuses, parfois sur leurs deniers personnels. Sans doute ces hommes d’affaires s’imaginent-ils ainsi accroître leur pouvoir, ou plus simplement leur capacité d’influence, donc de pression, pour faire fructifier leurs activités et donc leurs revenus ! Pas vraiment sûr que ce ne soit pas une illusion. Pas grave car ils ont les moyens de se payer des illusions. En revanche, cela fait sûrement très chic dans les dîners en ville du Siècle ou d’ailleurs d’afficher non seulement sa réussite dans les affaires mais aussi son bureau dans une grande rédaction parisienne.

    Plus improbable est le cas de Vincent Bolloré, le « Mozart du cashflow » comme on le surnommait au temps de sa jeunesse. Homme d’affaires breton, il est parti dans les années 1980 du business familial de papeterie pour arriver aujourd’hui à un conglomérat multicarte et international, notamment dans le secteur des médias. Une franche réussite et une habileté certaine. A la tête du groupe Vivendi il se retrouve de ce fait et, par la grâce de quelques ficelles juridiques, patron du groupe Canal+. Il va alors mettre un malin plaisir à transformer les médias de ce groupe en entreprises où le Café du Commerce est érigé en modèle et la vulgarité en mode de fonctionnement.

    Il a commencé par démanteler le côté bobo de la chaîne Canal+ en supprimant son émission phare Les Guignols, il a poursuivi en recrutant Cyril Hanouna sur C8, Zemmour et Morandini sur CNews, chaîne d’information ex-I-Télé, relooké pour la circonstance, où officie un parterre de journalistes en préretraite, s’écoutant parler, ressassant le simplisme comme philosophie, la beaufitude comme stratégie, Mme Michu comme cible. La « ligne éditoriale » n’est pas même conservatrice, elle est juste « plouc ». Et c’est un franc succès d’audience, Bolloré triomphe.

    Qu’est-ce qui peut pousser ce garçon à promouvoir ainsi l’abrutissement des masses ? Catholique traditionaliste, personne ne lui reproche ses idées conservatrices ni son sens de l’humour limité, mais que peut rapporter cet investissement dans la bêtise en termes de pouvoir, de fierté, de sous ? Pour choisir il faudrait au minimum le comparer avec un engagement dans l’intelligence avec les mêmes convictions conservatrices. Est-ce si compliqué que pousser vers la retraite quelques journalistes ventouses de plateaux de plus de 70 ans, faire un peu moins dans les slogans et un peu plus dans l’analyse ? Le Figaro est un média conservateur avec des journalistes et non des piliers de bistrot. Ils délivrent un journal de qualité avec un minimum d’exigence.

    Merci Messieurs les capitaines d’industrie d’investir dans les médias pour vous substituer aux consommateurs qui ne veulent plus en payer le coût de l’information. De Libération au Figaro, chacun y retrouve ses petits mais quelques brebis galeuses parmi vous préfère investir dans la bêtise, ne serait-ce pas encore une illusion qui se paiera un jour collectivement ?

  • GAITSKILL Mary, ‘Faites-moi plaisir’.

    Sortie : 2020, Chez : Editions de l’Olivier, Traduction de l’anglais (Etats-Unis) : Marguerite Capelle.

    Novelliste américaine connue, Mary Gaitskill (née en 1954) raconte ici comment le comportement séducteur à la mode du XXème siècle conduit un éditeur à être licencié pour harcèlement, dénoncé par les femmes auprès de qui il fit le beau durant des années sans qu’elles aient eu à s’en plaindre au moment « des faits » au XXIème siècle.

    Ce livre décrit l’incompréhension propre aux changements de génération pour ceux qui, parfois, ne voient pas les temps changer. C’est l’histoire de la génération des 20-30 ans d’aujourd’hui qui se laisse facilement convaincre par l’idéologie féministe d’une minorité extrémiste agissante considérant que la galanterie pratiquée par ses parents s’est transformée en agression pour elle. Les féministes surfent sur l’excès pour imposer un changement drastique des comportements qui est finalement entériné par le silence de la majorité. Quin, notre héros new-yorkais découvre, incrédule, cette évolution qu’il n’a pas vu venir, ou dont il a cru pouvoir se tenir à l’abri.

    Cette nouvelle évoque le cheminement oh combien pernicieux de ces idéologies dans notre société, leur utilisation minoritaire par des opportunistes de la victimisation et, finalement, leur acceptation par la masse qui ne dit mot. C’est le propre des idéologies de balancer d’un excès l’autre. Quin n’a pas vu le balancier lui revenir en pleine tête. Il sera trop vieux lorsque ce balancier inversera son cours.

  • BARBUSSE Henri, ‘Le Feu’.

    Sortie : 1916, Chez : Flammarion.

    Cet ouvrage d’Henri Barbusse (1873-1935) est l’un des classiques sur la « Grande Guerre » qui a ravagé l’Europe de 1914 à 1918. Engagé volontaire dans l’infanterie en 1914 à 41 ans malgré une santé fragile et une conviction pacifiste marquée, il va vivre les affres de la ligne de front durant presque deux années et les restituer dans ce récit marquant qui est publié et récompensé du prix Goncourt en 1916 alors que les horreurs de la guerre sont encore loin d’être terminées.

    La première partie décrit le monde des « poilus », ces soldats venus de la France entière, plus ou môns gradés, chacun avec son patois (retranscrit dans les dialogues du livre, pas toujours faciles à suivre…), son histoire, son humour, ses racines. Tout ce petit monde vit, cerné par les bombardements et la mort, dans la solidarité des tranchées, l’héroïsme des individus, alternant les montées en première ligne avec le repos dans des villages de l’arrière. Où qu’ils soient, les conditions de vie sont dures mais les poilus papotent entre eux de l’air du temps, des « boches », des disparus, de la fin de la guerre. C’est un peu le Café du commerce des tranchées rapporté par l’auteur.

    On en vient ensuite à la vie dans les tranchées en première ligne dans les conditions dantesques de la pluie d’acier des obus, ceux reçus des boches, ceux envoyés par l’artillerie française, les tués qui restent parfois des jours entiers là où ils ont été touchés, au milieu des survivants (« En attendant, ils ne sont enterrés que dans la nuit. ») , les blessés souvent dans des conditions atroces. Comme Maurice Genevoix dans « Ceux de 14 », l’auteur détaille longuement l’envahissement de la boue dont personne n’arrive à se protéger, qui envahit les guitounes où les soldats essayent de se reposer malgré le bruit continu des bombes, qui recouvrent les cadavres, noie les blessés… Les soldats se perdent parfois dans les méandres du réseau de ces tranchées boueuses et peuvent se retrouver… du côté allemand. C’est un enfer qui s’ajoute à l’angoisse de cette guerre sinistre qui voit la mort et la peur roder partout.

    Les derniers chapitres sont plus réflexifs sur la pensée de ces glorieux poilus quant à la paix, l’éventualité de nouvelles guerres après celle-ci, leurs propres interrogations sur les morts qu’ils ont tués, sont-ils aussi des « tueurs » ?

    Deux armées qui se battent, c’est comme une grande armée qui se suicide.

    Un livre hommage aux frères d’armes d’Henri Barbusse qu’ils ont mérité au prix de leur sang et de leurs souffrances. Heureusement que des écrivains comme lui ou Genevoix ont aussi participé à cette guerre pour avoir pu nous en rendre compte avec tant de réalisme. Ils ont écrit l’indicible avec tout leur talent (peut-on employer ce mot en de telles circonstances ?).

    Il fait dire à l’un de ses camarades :

    …Non, on ne peut pas s’figurer. Toutes ces disparitions à la fois excèdent l’esprit. Il n’y a plus assez de survivants.. Mais on a une vague notion de la grandeur de ces morts. Ils ont tout donné ; ils ont donné petit à petit , toute leur force, puis finalement, ils se sont donnés, en bloc. Ils ont dépassé la vie ; leur effort a quelque chose de surhumain et de parfait.

  • Un dimanche à l’Eglise

    Notre-Dame-de-la-Gare, Paris XIIIème


    Paris, place Jeanne-d’Arc, l’église paroissiale Notre-Dame-de-la-Gare se dresse devant un petit square. A l’intérieur, en ce dimanche après-midi se déroule une « Veillée de prière – Louange, Adoration, confessions ». Un sympathique prêtre officie en appelant à la prière, notamment en faveur des chrétiens d’orient faisant ainsi écho à la visite en cours du Pape en Irak. Une assistance attentionnée, parfois agenouillée sur le carrelage (il n’y a plus de prie-Dieu ?) partage avec ferveur les incantations du prêtre sur fond du chœur peint par Anders Osterlind, peintre suédois aux attaches bretonnes.

    Les indications pédagogiques nous apprennent que Cette église consacrée en 1859 sous le nom de « Notre-Dame de l’Immaculée-Conception » a été dénommée par la suite « de la Gare » car partie du « quartier de la Gare » dont subsiste la station de métro « Quai de la Gare » sise à l’endroit où devait être construit un port fluvial communiquant avec la Seine au niveau de l’actuel Pont de Bercy.

    Le site web de l’Eglise nous rappelle que « Ce temps [de prière] est source de nombreuses grâces : le Seigneur nous y donne les forces et la joie pour avancer dans ce monde avec Lui. »

    Et puis, il faut laisser la place, la messe de 18h va commencer.

  • Bunny Wailer est mort

    Bunny Wailer est mort hier dans un hôpital de Kingston en Jamaïque, son pays. En 1963, il a fondé The Wailers, avec Bob Marley et Peter Tosh, qu’il a quitté en 1974 pour mener une carrière solo. Marley continuera avec le groupe renommé Bob Marley and the Wailers, ils feront aimer la musique reggae-jamaïcaine au monde entier.

    Bunny était le dernier survivant de ces trois légendes de la Jamaïque !

  • « The House of Cards » d’Andrew Davies, épisodes 1 et 2/4

    Arte rediffuse cette série britannique de 1990 romançant la succession de Margaret Thatcher au poste de premier ministre. C’est une « série », donc du cinéma étriqué et à courte vue. C’est une « série », donc du simplisme et du papotage de Café du commerce. C’est une « série », donc un format peu intéressant et il serait vraiment superfétatoire de regarder les épisodes 3 et 4.

  • Une note intermédiaire sur le Rwanda et le génocide des Tutsis

    En avril 2019, pour tenter d’apaiser les relations conflictuelles entre le Rwanda et la France concernant l’implication de cette dernière dans le génocide des Tutsis et des Hutus modérés en 1994, le président français a fondé une commission d’historiens censée produire un rapport sur la politique française au Rwanda durant la période 1990-1994.

    Une « Note intermédiaire » a été produite en avril 2020 qui détaille en 29 pages la méthodologie de recherche et l’accès aux différentes archives de l’administration sur le sujet. Les hommes en charge de la mission et les outils dont ils disposent semblent à la hauteur de l’enjeu majeur de cette étude qui est de savoir si la France a participé peu ou prou au dernier génocide du XXème siècle ?

    Le rapport final doit être remis le mois prochain au président de la République.

    Lire aussi : la Note intermédiaire

  • Respectons la Justice mais…

    Un ancien président de la République « de droite », Nicolas Sarkozy, est condamné en première instance par la Justice pour délit de « corruption active et trafic d’influence », embarquant avec lui dans son malheur son avocat et un autre juriste. Ils ont fait appel aussitôt après le prononcé du verdict. Ce n’est pas la première fois qu’un président, ou un ministre, revenu à la vie civile est mis en cause pour diverses filouteries, et ce ne sera sans doute pas la dernière.

    Le fond de l’affaire n’a guère d’importance et n’est que de peu d’intérêt. Ce qui en présente cependant beaucoup plus sont les réactions partisanes face à l’évènement. Chacun commence par asséner : « je crois en la Justice de mon pays et je n’ai pas l’habitude de commenter des décisions de justice, mais… » et vient alors le commentaire de la décision de justice dont le principe vient d’être contesté. Alors la corporation des avocats défend l’avocat « injustement » condamné, celle des magistrats fait part de sa révolte contre le sort réservé à leur collègue, les partis politiques hurlent à la « justice politique » et les journalistes font leurs choux gras de cette nouvelle polémique qui agite le microcosme.

    L’ancien président quant à lui donne une interview dans Le Figaro pour clamer son innocence et doit passer à la télévision demain soir. L’appel a déjà été interjeté, l’affaire reprend à zéro et un nouveau jugement sera prononcé dans quelques mois. Business as usual… Le mieux désormais est d’attendre le jugement d’appel et de passer à des sujets plus sérieux, et il y en a beaucoup en France par les temps qui courent.

  • Division du travail et immigration

    Menacé de se voir refuser la délivrance de son statut de réfugié, un immigré soudanais a assassiné son conseiller du centre d’accueil du coin de sa rue à Pau. Aussitôt se multiplient les réactions pavloviennes des élus et polémistes opposés à l’immigration. Leur argumentation est connue et une bonne partie de celle-ci est d’ailleurs recevable. Il est assez probable que les réglementations régissant l’immigration en France vont aller se durcissant (pour les candidats à l’immigration) quelles que soient les futurs majorités politiques qui vont gouverner la France après les prochaines élections présidentielles de 2022.

    Mais il reste un point qui, comme toujours, n’est jamais abordé, un point qui ne devrait pas faire polémique mais qui est pourtant soigneusement passé « sous le tapis » par les parties, celui des emplois occupés par les immigrés. Il n’est pas besoin d’être un grand clerc pour constater assez facilement que nombre d’emplois sous-qualifiés, physiquement durs à exercer et socialement dévalorisés (notamment parce que payés dans le bas de l’échelle des salaires) sont exercés par des travailleurs immigrés. Les cuisines des restaurants, les entreprises de travaux publics ou les camions d’éboueurs sont peuplés de travailleurs immigrés qui occupent des emplois dont ne veulent plus les citoyens français aux racines hexagonales plus anciennes. Réduire les flux d’immigration, voire les stopper complètement, posera à terme la question de savoir qui occupera alors ces emplois.

    On se souvient que lors du premier confinement en France de mars et avril 2020, la fédération de l’agriculture FNSEA avait lancé un appel aux chômeurs et étudiants français pour qu’ils s’inscrivent afin de participer aux récoltes de printemps habituellement réalisées par des travailleurs venant du sud ou de l’est européen empêchés de voyager du fait de la crise sanitaire. De nombreuses personnes s’étaient portées volontaires mais avaient abandonné après quelques jours, fatiguées ou découragées, et en tout cas bien loin d’avoir délivré la productivité de ceux qu’ils étaient censés remplacer.

    Bien évidemment souligner cette division du travail en France peut être considérée comme « politiquement incorrecte » mais c’est une réalité et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, généralement, les syndicats patronaux en France sont plutôt favorables à l’immigration qui permet notamment d’éviter une inflation salariale dans ces métiers à forte intensité de main d’œuvre. Si demain ces emplois sont redéployés il est assez probable que ce ne sera pas au même coût.

    Expliquer à Mme. Michu que l’on va arrêter l’immigration, c’est bien, lui dire qu’il faudra peut-être que son mari chômeur ramasse les poubelles ce serait aussi plus honnête ! Mais sortir du simplisme est sans doute hors de la portée des polémistes de plateaux télévisés.

  • STEWART Michael, ‘Après Keynes’.

    Sortie : 1970, Chez : Editions du Seuil.

    Michael Stewart, économiste britannique, revient en 1970 sur les concept de Keynes, 35 ans après la publication de la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ». Ce livre analyse la situation économique britannique des année 1960 à la lumière de cette révolution keynésienne que fut la « Théorie générale ». L’un des éléments clés de cette théorie consiste à édicter qu’en cas de dépression économique l’Etat à intérêt à relancer la demande en baissant les impôts, en distribuant des subventions et en investissant pour soutenir les entreprises privées. De cette façon, le pouvoir d’achat injecté par la puissance publique va relancer la demande ce qui permettra d’atteindre un nouvel équilibre économique entre offre et demande tout en préservant la croissance globale de l’économie. L’application de ce principe permit d’éviter le chômage de masse dans les économies capitalistes durant les trente glorieuses.

    Keynes a aussi compris et analysé les liens entre croissance économique, balances des paiements et liquidités internationale que Stewart explique de façon très pédagogique dans de courts chapitres. Evidemment, de nombreux autres phénomènes entrent en ligne de compte et les crises ont continué à secouer les économies modernes depuis des décennies, mais les bases de l’analyse keynésienne restent valables, même si certaines des solutions proposées sont devenues un peu datées.

    Aujourd’hui, en pleine pandémie de coronavirus, les politiques de relance massive de la demande par la distribution tous azimuts d’argent public sont appliquées partout. Merci Keynes !

  • GALLIENNE Alicia, ‘L’autre moitié du songe m’appartient’.

    Sortie : 2020, Chez : NRF Gallimard poèmes.

    Urgence : c’est le premier sentiment qui vient à l’esprit du lecteur du recueil de poèmes d’Alicia Gallienne décédée en 1990 à 20 ans d’une maladie de sang. Consciente de son état après avoir assisté au décès de son frère Éric, du même mal, lorsqu’elle avait 7 ans, elle a composé des centaines de poèmes, saisie par cette urgence vitale d’écrire avant que sa plume ne s’éteigne comme elle en saisissait la possibilité.

    Issue d’un milieu favorisé, nourrie aux meilleurs auteurs et poètes de la littérature, sautant des fêtes parisiennes à ses études de lettres, alternant Cyndi Lauper et Jean Genet, elle passe ses nuits à écrire des mots qui coulent de son âme comme un flot furieux. Il est question d’amour, de partage, d’émerveillements, de doutes, de fragilités, d’Éric ; peu de son propre sort sinon par quelques pudiques évocations. Mais il y a surtout la longue obscurité de la nuit dans laquelle Alicia noircit les pages d’une écriture fiévreuse par peur de ne pas arriver à graver l’explosion permanente de ses sentiments, souvent tragiques.

    Le style n’est sans doute pas des plus académiques mais l’émotion du lecteur est d’autant plus intense devant ce flux ininterrompu et saisissant des mots, tellement matures et poétiques. Quel incroyable embrasement de sentiments pouvait ainsi saisir l’esprit de cette jeune femme ? Quel fulgurant talent lui a permis de les partager ! 30 ans plus tard, Sophie Naulleau, éditrice, qui n’a jamais connu Alicia Gallienne, approchée par Guillaume Gallienne, cousin d’Alicia, décida qu’il fallait publier une sélection de ses poèmes, composée de près de 400 pages… Hommage à une étoile filante. Grâce lui soit aussi rendue !

    Lire aussi : Alicia Gallienne lue au théâtre de l’Athénée – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • « Pulp Fiction » de Quentin Tarantino (1994)

    Près de 25 ans après Orange mécanique, Tarantino nous a régalé de la violence ironique de Pulp Fiction qu’il ne faut pas de priver de revoir ! Monté de façon non chronologique on y suit les aventures des deux porte-flingues d’un puissant mafieux de Los-Angeles ainsi que d’un boxeur sur le retour chargé de truquer un match par le chef mafieux. Beaucoup de sang, beaucoup de cynisme et d’humour, il ne faut pas craindre l’hémoglobine mais les mises en situation sont burlesques, les comportements et dialogues de Vincent Vega (John Travolta) et Jules Winnfield (Samuel L. Jackson) sont hilarants. Le film a obtenu la palme d’or au Festival de Cannes 1994 ce qui fut bien mérité et lança la carrière internationale de Tarantino qui poursuit depuis son œuvre sur le même sillon.

  • « Orange mécanique » de Stanley Kubrick (1971)

    Alors que des sauvageons mal élevés mettent à mal l’autorité de la police et de la justice en injuriant, taguant et agressant à tout va, certains parlent d’une génération « Orange mécanique ». Il était temps de revisionner ce film de Stanley Kubrick, tiré du roman d’Anthony Burgess paru en 1962, le film datant de 1974. Et l’on suit les aventures d’Alex et sa bande, modérément intéressés par la chose scolaire mais beaucoup plus par la violence et le sexe. Alex, passionné de Beethoven, laisse ses parents désemparés qui ne savent pas comment le ramener à la raison. La police essaiera de s’en charger et, en prison, il subira un protocole médical destiné à le faire revenir dans le droit chemin. Un peu de chimie en échange d’un peu plus de tranquillité pour la société, deal qui se retournera contre le pouvoir politique qui croyait avoir trouvé le graal contre la violence mais sera finalement accusé de totalitarisme !

    Le roman ainsi que film peuvent être qualifiés « d’anticipation » et la métaphore du traitement chimique provoquant un débat de société n’est pas très éloignée des polémiques sans fin de notre monde d’aujourd’hui face à une ultraviolence qui elle, est bien notre quotidien.