ALEXIEVITCH Svetlana, ‘La Fin de l’homme rouge’,

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Sortie : 2013, Chez : Actes Sud.

Prix Nobel de littérature 2015 Svetlana Alexievitch écoute et raconte la vie de l’Homme sovieticus durant la période trouble du passage du communisme au capitalisme. La Fin de l’homme rouge est le récit captivant de la vie de citoyens nés en URSS et vivant en Russie.

On y croise les vieux dont certains ont connu le goulag et Staline et sont déboussolés dans cet nouveau pays aux mœurs si libérales. Ils regrettent souvent leur Union soviétique d’avant même s’ils ont eu à en souffrir dans leur chair. Ils pensent avec nostalgie à l’enthousiasme naïf des foules pour la construction d’un monde nouveau, pour le patriotisme inculqué dans les mentalités jusqu’aux sacrifices démesurés de la seconde guerre mondiale, ils rêvent à ce « grand pays », cet « empire » qu’était l’URSS. Le plus souvent ils ont pardonné à Staline et au « système », surtout quand ils constatent le pillage généralisé et la perte de tout sens moral auquel a donné lieu la libéralisation de l’économie.

On y découvre les jeunes nés avec Gorbatchev mais indécis devant l’anarchie capitaliste sauvage qui a saisi la Russie et la perte de grandeur et de valeurs de leur pays.

On y vit « l’âme russe » toujours tiraillée entre drames et souffrance, larmes et violence. On a le cœur parfois serré devant les témoignages de guerre, de camps, vécus avec tant d’abnégation par des citoyens désabusés. On a l’âme parfois emportée par le romantisme de ce peuple qui a guidé de si nombreuses actions d’éclat.

Le sentiment unanimement partagé de tous ces témoignages est celui d’un Empire inspiré par Lénine et Pouchkine, qui s’est brûlé les ailes en essayant d’approcher ses utopies pour devenir un pays où l’argent, le bling-bling et l’inculture ont pris le dessus. Chacun espère secrètement un changement et replonge dans ses rêves de « socialisme à visage humain », du moujik au fonctionnaire. Seul le pillard de la nomenklatura, généralement ancien responsable du parti, se satisfait de la situation actuelle, hautement instable.

Svetlana Alexievitch transcrit ces discussions avec poésie et sensibilité. On imagine qu’elle le fait également de façon objective. C’est une plongée au cœur d’une population qui a toujours été mis au banc d’essai des idéologies les plus violentes, du totalitarisme soviétique au capitalisme débridé. Un grand peuple pour un destin incertain !

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