Troisième épisode des aventures haletantes du Moyen-Orient de l’après IIème guerre mondiale : cela ressemble à une série policière télévisée, ce n’est que l’Histoire tragique narrée par Henry Laurens.
1951-52 : le déclin britannique au Moyen-Orient se poursuit. Les peuples arabes critiquent l’Occident, qui les considèrent comme irrationnels, plutôt que leurs dirigeants dont certains le mériteraient assez largement. Pour les Etats-Unis, la « perte » de la Chine avec l’arrivée de Mao au pouvoir en 1949 a traumatisé Washington qui ne veut pas que le Moyen-Orient suive la même voie.
En Egypte le roi Farouq, déconsidéré pour sa vie personnelle, a écarté du pouvoir le parti nationaliste majoritaire Wafd. En Syrie, Shishakli, militaire, arrivé au pouvoir à l’occasion d’une succession de coups d’Etat depuis 1949, a rétabli le parlement après l’avoir dissous mais contourne le pouvoir des partis politiques. La Syrie est le seul pays arabe sans base militaire occidentale, l’islam en est la religion majoritaire mais pas la religion d’État. Les Frères Musulmans s’y définissent comme socialistes. Des tentatives d’assassinat contre Shiskakli ont lieu en 1950, soutenues par l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Nationalisme arabe et anti-impérialisme caractérisent le politique de ce pays pro-Palestine et antisionisme suite à la Naqba. L’armée et les partis s’opposent pour revendiquer l’incarnation du peuple. La déclaration tripartite Etats-Unis/ Royaume-Uni/ France de mai 1950 est renforcée et marque une espèce de statu-quo territorial, doublé de ventes d’armes occidentales aux pays du Moyen-Orient…
Au Liban est établit une forme de libéralisme économique ; Beyrouth apparaît comme une enclave de modernité dans la Région, fortement aidée par bourgeoisie palestinienne exilée dans ce pays alors que population palestinienne « ordinaire » vit recluse dans les camps qui existent toujours aujourd’hui. Il y a (déjà…) des tensions avec la Syrie, la famille Joumblatt (déjà…) fonde le Parti socialiste progressiste qui est et restera propalestinien.
En Palestine les litiges et affrontements avec Israël se poursuivent sur la zone démilitarisée (DMZ) issue des accords de cessez-le-feu pots-guerre de 1948.
En Europe, les pays de l’Est autorisent leurs citoyens juifs à émigrer vers Israël entre 1950 et 53. De façon plutôt inattendue, ce mouvement renforcera l’antisémitisme local sur le thème : « pourquoi eux peuvent partir et pas nous » ? El République fédérale d’Allemagne (RFA, créé en mai 1949 sur les ruines du IIIème Reich) devient la seule représentation de l’Allemagne pour négocier les réparations collectives et individuelles de la Shoah. Israël donne la nationalité israélienne à tous les morts de la Shoah.
Juillet 1952 marque la rupture en Egypte avec le coup d’Etat militaires
des « officiers libres ». Le roi Farouk abdique et quitte le pays
mais la monarchie demeure sous la forme d’une régence. Les « officiers
libres » sont nationalistes mais sans véritable direction politique. Ils
entretiennent des contacts avec les communistes et les Frères musulmans. Les
Etats-Unis semblent informés de la préparation du coup d’Etat, après avoir
tenté de pousser Farouk à réformer le pays, sans succès. Washington intervient
alors pour freiner la volonté de réaction militaire britannique et sauver la
vie de Farouk. Il n’y a pas de véritable résistance au coup. Les officiers putschistes
décident de la marche à suivre de façon collective et mettent en avant le
général Naguib, Nasser restant en retrait. Ils purgent les partis politiques de
leurs « éléments corrompus » et lancent la réforme agraire. En
décembre 1952 constitution est dissoute et la révolution est instaurée
comme seul fondement du pouvoir. Début 53 Nasser sort de l’ombre et discourt
contre l’impérialisme, le parlementarisme, la pauvreté du peuple… Le
slogan est « la religion est à Dieu, la patrie est à tous ». La
révolution cherche à reprendre la rue aux Frères M. Malgré les apparences, les « officiers
libre » sont pro-occidentaux et pro-américains, au moins au départ. L’Egypte
demande aide alimentaire et armes aux Etats-Unis. Côté CIA les positions
pro-arabes défendues par Kermit Roosevelt s’opposent à celles pro-israéliennes
de James Angleton. Le premier rencontre rapidement Nasser et Naguib au Caire juste
après leur arrivée au pouvoir. Les « officiers libres » acceptent de
déconnecter dans leur revendication la question du départ des britanniques de
celle de l’annexion du Soudan.
Israël mènent des contacts secrets avec l’Egypte en Europe mais pas ils ne
donnent rien car Tel Aviv ne veut pas entendre parler de retour des réfugiés
palestiniens ni revenir aux frontières existantes avant la guerre de 1948.
En 1953, les Etats-Unis sont en plein réarmement 1953 et voient aussi le Moyen-Orient comme un marché intéressant pour le complexe militaro-industriel. On entre dans l’après-guerre avec Eisenhower qui remplace Truman à la Maison Blanche en janvier 1953 et la mort de Staline au Kremlin en mars de la même année. Eisenhower est un grand chef militaire plutôt centriste habitués des coups tordus et tolérants pour les opérations clandestines comme il en a menées durant la IIème guerre mondiale. Les frères Dulles dirigent le Département d’État (Foster) et la CIA (Allen), ils sont tous deux farouchement anticommunistes. Foster entame rapidement une tournée au Moyen et Extrême Orients : Egypte, Israël, Jordanie, Syrie, Liban, Iraq, Arabie Saoudite, puis Inde et Pakistan. Il reçoit une délégation palestinienne, prend la mesure des conséquences de la création de l’Etat d’Israël. Il pousse Israël à s’intégrer dans la région et prône la neutralité des Etats-Unis.
Jusqu’en 1951 l’URSS soutient Israël à l’ONU et refuse principe du droit au retour des réfugiés qui pourrait le gêner dans le cas de la Pologne ou des minorités allemandes… La seconde guerre mondiale et son règlement ont entraîné des génocides, des purifications ethniques, des déportations et des transferts de population considérables de la guerre qui ont mis quasiment fin à l’existence de minorités dans les pays de l’Est (d’où les positions actuelles de ces pays réticents envers l’immigration) qui sont de ce fait plutôt réticents au concept de « droit au retour ». Cosmopolitisme et décadantisme sont haïs et conspués par Staline qui déclenchent des purges sinistres dont beaucoup les juifs soviétiques. A l’occasion du « complot des blouses blanches » en 1953 (les médecins juifs de Staline sont accusés d’avoir voulu l’éliminer) l’URSS rompt ses relations diplomatiques avec Israël. Staline meurt peu après et Beria qui lui succède provisoirement mène une politique de paix. Il aurait même envisagé une de-communisation de l’URSS ! Il est rapidement débarqué par le parti et exécuté. En août 1953 explose la première bombe H soviétique. Les relations diplomatiques sont reprises avec Israël. L’URSS continue s’opposer émigration des juifs soviétiques et souhaite des relations commerciales avec pays arabes. La nouvelle URSS se consacre à l’Europe plutôt à l’Europe qu’au Proche Orient.