Le fils du président de la Guinée Equatoriale, Teodorin
Obiang, lui-même vice-président du pays, a été condamné en France en octobre
dernier à trois années de prison avec sursis et 30 millions d’amende,
également avec sursis, dans le cadre de la procédure des « biens mal
acquis », pour s’être bâti frauduleusement un patrimoine immobilier
considérable. Son père Teodoro Obiang Nguema est au pouvoir dans son pays
depuis 40 ans après avoir renversé son oncle en 1979 qui était lui au pouvoir depuis
1969. Le fiston, qui a fait ses études en France, a été nommé à divers postes
de ministre par papa avant de devenir vice-président en 2016. Il adore les
voitures de luxe et accumule Ferrari, Lamborghini et similaire, qui lui ont été
généralement saisies dans le cadre de différentes procédures dans les pays où
il a investi. Le fiston était absent lors de son procès, un appel et une
procédure devant la cour internationale de justice.
La fille de l’ex-président de l’Angola, Isabel dos Santos,
est au centre d’une enquête internationale journalistique menée par le Consortium
international de journalistes d’investigation (ICIJ), qui révèle en janvier
2020 sa fortune considérable (se chiffrant en milliards de dollars) et
les voies complexes et opaques par lesquelles elle et son mari ont accumulé ces
actifs dont beaucoup sont localisés au Portugal, ex-puissance colonisatrice de
l’Angola. Cette enquête a été lancée à la suite d’une importante fuite de
700 000 documents, probablement le fait d’un hackeur. Son père José
Eduardo dos Santos est resté 38 ans au pouvoir dans son pays où fifille a
exercé différents postes officiels, notamment la présidence de la société
pétrolière nationale. Papa est maintenant installé à Barcelone et son
successeur a lancé des poursuites contre la famille dos Santos. A la suite
de ces révélations médiatiques le banquier portugais de la banque locale dont elle
détenait 42,5% des parts a été retrouvé mort à son domicile, probablement
suicidé. Isabel est désormais persona non
grata dans un certain nombre de pays occidentaux et, bien entendu, aussi en
Angola.
Le fils du président du Congo (Brazzaville), Denis Christel
Sassou Nguesso, est mis en examen en France pour blanchiment dans le cadre de
cette même procédure des « biens mal acquis ». Son père Denis Sassou
Nguesso est au pouvoir dans son pays depuis 36 ans et le fiston, député, a
exercé des fonctions dans la société pétrolière nationale, tiroir-caisse du
pouvoir et, à une époque sans doute révolue, de certains partis politiques
français. Denis Christel a accumulé des biens assez considérables, notamment
dans l’immobilier en France.
Ces trois affaires en cours sont intéressantes par leurs
similitudes. Elles concernent toutes des « fils et filles de » dont
il est juste techniquement impossible qu’ils aient accumulé de telles fortunes,
se chiffrant en centaines de millions ou en milliards de dollars, en partant de
leurs salaires de ministres ou même de vice-président. Comme le confirment les
enquêtes de justice et de l’ICIJ, ils ont largement détourné les fonds publics
des Etats dirigés par leurs pères respectifs. Tous trois ont développé un sens
du clinquant jet-set qui les a beaucoup desservis, publiant des photos
bling-bling sur les réseaux dits-sociaux ou paradant un peu partout où la
presse pipole aime à se trouver. La discrétion sied mieux aux opérations
illégales que la publicité qui les a attirés comme la lumière brûle les
insectes. Ils ne l’ont pas compris. Ils ont également dépensé/investi la plus
grande part de leurs sous en dehors de leurs pays d’origine vie des montages légaux et fiscaux
complexes largement validés par les cabinets d’audit internationaux, on n’est
jamais trop prudent…
Tous clament la complète légalité des transactions qui les
ont enrichis en convoquant le « néocolonialisme » des procédures
entamées. Dans les cas du Congo et de la Guinée Equatoriale, les papas sont
toujours au pouvoir, les justices locales ne sont donc pas saisies comme en
Angola où la famille dos Santos est poursuivie localement.
Tous ont des papas qui sont au pouvoir depuis plus de
30 ans sans discontinuer, arrivés à ce niveau le plus souvent à l’issue d’élections
fantoches. Cette durabilité hors normes a favorisé ces pactes familiaux de
corruption. On n’a pas trouvé de solution à ce jour pour mettre fin à cette
mauvaise gestion généralisée, ni dans les pays concernés, ni plus en Occident où
les donateurs cherchent à améliorer la situation qui est nuisible pour tous,
sauf pour la minorité qui s’enrichit et qui arrive donc à rester en place.
Il serait moral que ces « fils et filles de » rendent
l’argent pillé dans leurs pays. Il n’est pas sûr que cela advienne puisque pour
le moment au moins deux des trois pays mentionnés ne réclament même pas ce
retour. Seule Isabel dos Santos est sur le grill mais il est loin d’être acquis
que ses actifs puissent être saisis, vendus ou restitués à son pays. Son mari Sindika
Dokolo déclarait au journal Le Monde
en 2017 :
« Je préfère que la richesse du continent revienne à un Noir corrompu plutôt qu’à un Blanc néocolonialiste. »
Tout est dit mais si le « Noir corrompu » n’a pas
respecté la Loi des pays où il a investi, il aura peut-être des comptes à
rendre si les justices de ces pays se mettent en mouvement !