Transition au Soudan

Général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan (Soudan)

Le galonné qui avait pris le pouvoir au Soudan lors d’un coup d’état en novembre 2021 voit sa position contestée par un autre galonné, qui faisait d’ailleurs partie de l’équipe ayant mené le putsch de 2021. Les deux galonnés s’affrontent à Khartoum, le premier à la tête de l’armée « légale », le second dirigeant une bande de mercenaires, ex-rebelles, en cours d’intégration dans l’armée officielle. Tout ce petit monde semble relativement bien armé et les combats font rage. En principe les munitions devraient se tarir assez vite, les convictions des uns et des autres s’émousser tout aussi rapidement et un vainqueur émerger sous peu.

Lire aussi : Les galonnés aiment le pouvoir en Afrique

Cette soldatesque s’est plutôt illustrée ces dernières années par ses crimes de guerre contre les tribus du Darfour, le trafic d’otages et celui de réfugiés, ou le pillage des ressources locales, que par son sens de la discipline et de la défense de l’Etat. On se souvient qu’une autre guerre civile à forte connotation religieuse entre les musulmans du nord et les chrétiens du sud avait amené à l’indépendance du Soudan du Sud, Etat créé de toutes pièces en 2011 au terme d’un conflit sauvage qui fit deux millions de morts. Ce nouvel Etat est quasiment en guerre civile depuis sa création. On scinde les Etats pour résoudre les guerres civiles, mais telle la division cellulaire, les guerres civiles se divisent également et se multiplient dans les nouveaux Etats tout en se maintenant dans les anciens.

Au-delà des combats en cours qui ont tout de même fait quelques centaines de morts, dont des civils, cette montée de tension enfonce sans doute un dernier clou dans le cercueil des illusions occidentales sur la démocratisation en Afrique. Le coup d’Etat devient désormais le mode privilégié de changement de pouvoir sur le continent, largement approuvé par les pays « illibéraux » anti-occidentaux comme la Chine et la Russie qui n’arrêtent pas de ressasser que le système démocratique est minoritaire sur la planète et que le mode de gouvernance international doit maintenant évoluer en faveur de leur système autoritaire.

General Mohamed Hamdan Daglo, Sudan’s deputy head of the Transitional Military Council, attends the signing of the constitutional declaration with protest leaders, at a ceremony attended by African Union and Ethiopian mediators in the capital Khartoum on August 4, 2019. (Photo by ASHRAF SHAZLY / AFP)

Il n’est pas sûr qu’une telle évolution se réalise, en attendant, les réfugiés soudanais lorsqu’ils en ont la possibilité choisissent plutôt la route vers l’Occident que celle vers la Chine ou la Russie…

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Mais de quoi se mêle-t-on ?

Capitaine Traoré (à gauche) et Colonel Goïta

Le président de la République française vient de faire un voyage officiel de quelques jours en Afrique sub-saharienne pour y asséner des messages un peu surannés, très peu utiles et annonciateurs de problèmes :

« Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable [avec l’Afrique] »

Combien de fois a-t-on déjà entendu ce genre de billevesées finalement très peu suivies d’effets ? La France, ex-puissance colonisatrice est en bonne voie de retrait du continent, parfois poussée très fort dans le dos par les ex-colonisés. Il faut en prendre acte et ne pas chercher à rentrer par la fenêtre après avoir été poussé vers la sortie par la porte.

Lire aussi : L’armée française a quitté le Burkina Faso

Compte tenu du passé colonial de la France, la relation ne sera jamais « équilibrée, réciproque et responsable », ou tout au moins pas avant plusieurs générations. Alors laissons le secteur privé français faire du business sur le continent à ses propres risques s’il l’estime utile mais cessons d’y faire de la politique. Après tout les groupes Bolloré, CMA-CGM et d’autres ont plutôt bien réussi. Et pour l’aide au développement ou humanitaire il est plus approprié que la France la prodigue désormais via les institutions de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui sont là pour ça. Les équipes diplomatiques, financières, militaires françaises présentes à grand frais sur le continent seront parfaitement bien réemployées sur le territoire national.

Il faut également accélérer le démantèlement de la « Zone Franc », survivance préhistorique du passé qui déresponsabilise ses pays membres, et laisser les pays africains qui le souhaiteraient mettre en place une monnaie commune ou unique, mais sans lien avec le Trésor français qui, encore aujourd’hui, garantit la valeur du franc CFA avec l’EUR.

Hélas, Paris ne semble pas vraiment emprunter cette voie. La dernière étape du voyage présidentiel se déroulait en République populaire du Congo (RDC, ex-Zaïre), en conflit quasi ouvert avec son voisin oriental le Rwanda. Le président Macron s’est encore senti poussé des ailes de médiateurs et tente de réconcilier les présidents congolais et rwandais. La France est tout sauf légitime à interférer dans ce conflit régional compte tenu de son implication des deux côtés : avec l’ex-Zaïre dont elle a gâté l’ex-dictateur Mobutu, avec le Rwanda qui l’accuse ouvertement d’avoir participé au génocide des Tutsis en 1994… Il y a des pays (vraiment) neutres ou les instances de l’ONU qui savent bien mieux faire ce genre de négociations dans lesquelles il n’y a que des coups à prendre, tout spécialement pour un pays comme la France qui a été à ce point impliqué (parfois à son corps défendant) dans les dérives dans lesquelles ces pays se sont abandonnées au cours des dernières décennies.

Lire aussi : Les frères siamois du Sahel

L’Afrique de toute façon vogue vers son destin et celui-ci se fera sans la France. Evitons qu’il ne se fasse contre elle !

Le Mali franchit le Rubicon à l’ONU

L’assemblée générale des Nations Unies (ONU) a voté ce 23 février une résolution demandant le retrait des troupes russes de l’Ukraine. 141 sur des 193 Etats membres se sont prononcés :

  • 7 ont voté contre – Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Mali, Nicaragua, Erythrée
  • 32 se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud
  • Et donc 102 ont voté pour

Cette résolution mentionne qu’elle « exige de nouveau que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays, et appelle à une cessation des hostilités » (https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132607)

Le délégué russe s’est exprimé au cours du débat précédant le vote pour rappeler la position de son pays, c’est-à-dire celle d’une « guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité » et celle de « la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme » qui justifierait aussi le combat russe.

Rien de nouveau à ce stade, une partie de ce que dit la Russie, avec excès bien entendu, n’est d’ailleurs pas tout à fait inexact mais son péché originel restera d’avoir déclenché la guerre et que son armée et ses milices se comportent sur le terrain comme des forbans sans foi ni loi ce qui, vu de « l’Ouest collectif », est contraire au droit international, mais pour les pays qui la soutiennent et ceux qui se sont abstenus (c’est à dire la majorité de la population de la planète) est un mode de gouvernance « normal ». Là est le souci de l’Occident : il est minoritaire en nombre mais semble néanmoins présenter quelque intérêt pour tous ces autocrates et oligarques qui investissent massivement en Occident et envoient leurs enfants dans les universités américaines. La vraie question serait de comprendre pourquoi un oligarque russe dépense des dizaines de millions pour acquérir des villas de nabab à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de Mer Noire ? Pourquoi un milliardaire chinois rachète à grand frais des vignes dans le Bordelais plutôt que de se lancer la viticulture dans son pays d’origine ?

L’attractivité de « l’Ouest collectif » pour ces régimes autoritaires, dits par fois « illibéraux », reste forte. La guerre d’Ukraine va probablement rebattre les cartes. Déjà les oligarques russes qui l’on put sont allés ancrer leurs yachts clinquants sur les bords de la Mer de Marmara ou dans le Golf persique. La mise sous sanctions occidentales d’un certain nombre de hiérarques russes va probablement leur faire mieux comprendre le concept de « risque politique » : quand on investit à l’étranger, cela peut rapporter plus mais on est aussi soumis aux potentielles humeurs du pays où l’on dépense ses sous, risque qui est moindre lorsqu’on investit chez soi où, cependant, existe un risque fiscal significatif. La Russie pourra toujours investir chez ses nouveaux amis mais il n’est pas sûr que le Mali ou le Nicaragua attisent véritablement l’appétit des investisseurs russes.

L’Histoire dira si l’Occident, même minoritaire au niveau « des valeurs » dans cette guerre d’Ukraine, reste néanmoins le leader en termes d’attractivité, d’innovation et de réussite économique ! En cela, cette guerre sauvage annonciatrice de révisions déchirantes pour le monde de demain, ou pas !

Déclaration du délégué russe

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné qu’il y a un peu plus d’un an, « l’Ukraine et ses parrains occidentaux » ont convoqué la onzième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui a prêté à confusion pour de nombreux États. Depuis lors, de nombreux pays ont compris ce qui s’est passé et ce qui se passe, et le camp occidental a beaucoup plus de difficulté à mobiliser les États Membres de l’ONU en faveur de leur croisade contre la Russie, a-t-il dit. Ceci est également attesté « par un projet de résolution au rabais » qui sera mis aux voix, a relevé le représentant en le qualifiant de « texte antirusse et malveillant ». Il a rappelé que « le régime nationaliste criminel », qui est arrivé au pouvoir à Kiev grâce au soutien occidental par un coup d’État anticonstitutionnel, a mené une guerre sanglante contre les habitants du Donbass dont le seul défaut était qu’ils voulaient rester russes.

Le délégué a relevé que grâce aux révélations bien connues d’un certain nombre de dirigeants occidentaux à la retraite, il ne fait aucun doute que les accords de Minsk, approuvés par le Conseil de sécurité, avaient pour but de préparer l’Ukraine à une guerre contre la Russie. Toutes ces années, le « régime de Kiev » a poursuivi selon lui sa politique inhumaine de bombardement des villes pacifiques des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Au vu des actes des Occidentaux en Ukraine, nous n’avions pas d’autre choix que de protéger la population du Donbass et assurer la sécurité de notre pays par des moyens militaires, a—t-il justifié. Il a exprimé les préoccupations russes de voir s’étendre l’infrastructure de l’OTAN jusqu’à ses frontières, alors que des déclarations « hypocrites » font croire que c’est la Russie qui est responsable de la destruction des systèmes de sécurité régionaux et mondiaux. Il a rappelé que fin 2021, la Russie avait pourtant avancé un certain nombre d’initiatives de désescalade et de renforcement de la confiance dans la zone euro-atlantique. Nous avons invité les États-Unis et l’OTAN à signer des accords de garanties de sécurité, a-t-il dit. Nous avons donné une chance à la diplomatie, a-t-il poursuivi, soulignant que ces propositions furent rejetées avec arrogance par les États-Unis et leurs alliés. Pourtant, si elles avaient été mises en œuvre, ces initiatives auraient permis d’éviter ce que nous voyons aujourd’hui, a-t-il regretté.

Le délégué a affirmé qu’un an après le début de la phase active de la crise ukrainienne, peu de gens doutent aujourd’hui du fait que la Russie n’est pas en guerre avec l’Ukraine, qui a gaspillé son potentiel militaire dans les premières semaines du conflit, mais plutôt avec « l’Ouest collectif » représenté par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN et de l’UE. Non seulement ils fournissent armes et munitions à Kiev, mais ils lui communiquent également des informations du renseignement et s’entendent sur des cibles pour les frappes de missiles. Il a dit que ces alliés ont abandonné toute pudeur et fixé un objectif : armer l’Ukraine, infliger une défaite stratégique à la Russie, puis la démembrer et la détruire. Au nom de cet objectif, a-t-il relevé, ils ont fermé les yeux en Occident, et les ferment encore maintenant, sur la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme. Il a ensuite évoqué l’hégémonie des États-Unis et de ses alliés qui ne veulent laisser personne gouverner la planète, parce qu’ils la considèrent comme la leur et seulement la leur.

Quant à notre pays, a expliqué le représentant, nous percevons tout cela comme une guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité. Une guerre dans laquelle, comme il y a 80 ans, nous avons été défiés par un ennemi insidieux et puissant qui voulait nous soumettre, a-t-il expliqué en évoquant des chars allemands à nouveau envoyés afin de tuer les Russes. Et l’Ukraine, dans tout ce schéma, n’est rien de plus qu’une monnaie d’échange, a-t-il analysé. Selon lui, le texte soumis par l’Ukraine ne contribuera pas à la paix, car il vise plutôt à encourager l’Occident dans ses actions, à donner à nos adversaires une raison de prétendre que la Russie est soi-disant isolée dans le monde. « Cela signifie continuer la ligne militariste russophobe, en se cachant derrière un prétendu soutien des États Membres de l’ONU. » De plus, dans les conditions où beaucoup d’entre vous font face à la pression la plus sévère et le chantage de Washington et ses alliés, a lancé le représentant à l’endroit des délégations, il faut soutenir les « amendements d’équilibrage » qui sont devant vous et qui ont été présentés par le Bélarus. Si ces derniers sont rejetés, alors le projet de la résolution restera tel qu’il est maintenant : unilatéral et dénué de toute réalité, a-t-il conclu.

Source : https://press.un.org/fr/2023/ag12491.doc.htm

L’armée française a quitté le Burkina Faso

Partisans du capitaine Ibrahim Traoré défilent avec un drapeau russe dans les rues de Ouagadougou (Burkina Faso), le 2 octobre 2022. SOPHIE GARCIA / AP

L’armée française a annoncé avoir terminé le repli de sa troupe du Burkina Faso à la suite de la dénonciation par ce pays de l’accord de défense le liant à la France. C’est une bonne chose, les troupes françaises et les économies budgétaires ainsi réalisées pourront être utilement redéployées sur des terrains plus en rapport avec les intérêts de la France et de ses citoyens. Il reste maintenant à poursuivre ce repli des militaires français de l’Afrique de l’Ouest où subsistent encore des bases, notamment au Niger et en Côte d’Ivoire.

Cela devrait se faire assez naturellement désormais. Le ministre français de la défense vient d’ailleurs de faire une visite à Abidjan le 20 février et de convenir d’une « réarticulation » (signifiant « réduction » en français) du nombre de soldats français stationnés dans ce pays, 950 à ce jour. Le journal Le Monde a rapporté ses propos :

L’armée de Côte d’Ivoire n’a rien à voir aujourd’hui avec celle d’il y a dix ans […] Cela fait de la Côte d’Ivoire un pays de stabilité dont le rôle de puissance d’équilibre régionale s’établit de plus en plus.

Peut-être le ministre français croie à ses propos, peut-être pas. Le mieux à faire est effectivement de tester ce « rôle de puissance d’équilibre » et de laisse la Côte d’Ivoire face à son destin.

Ce même journal Le Monde informe que les Etats-Unis d’Amérique auraient proposé en décembre 2022 à la République Centrafricaine (RCA) de former son armée et d’accroître son aide humanitaire en échange du renvoi des mercenaires russes de la milice « Wagner ». Ceux-ci assurent non seulement la protection rapprochée du président centrafricain mais sont investis dans l’économie du pays qui leur a délégué, non seulement l’exploitation de mines de métaux et quelques autres activités économiques, mais aussi le contrôle des douanes locales qui sont la principale source de revenus publics dans ce genre de pays.

Cette proposition américaine est raisonnable car la transformation de ces pays en Etats mafieux présente un risque pour le continent et même pour l’Occident, mais elle est vouée à l’échec tant ce pays a fait la preuve de son incompatibilité avec toutes normes minimales de gouvernance. Il est hélas à craindre que le gouvernement centrafricain continue de faire affaire avec la milice Wagner ou d’autre forbans du même acabit, qui seuls sont en mesure de s’adapter aux pratiques de la RCA. Les Etats libéraux et démocratiques, et même l’ancienne puissance coloniale, se sont révélés impuissants à comprendre et à collaborer avec ce pays. Une nouvelle tentative des Etats-Unis devrait connaître le même sort. C’est regrettable mais faut-il insister pour tenter une nouvelle fois d’accompagner la RCA sur une voie qu’elle ne veut pas prendre ?

Publié le
Catégorisé comme Afrique

L’armée française quitte le Burkina Faso

Partisans du capitaine Ibrahim Traoré défilent avec un drapeau russe dans les rues de Ouagadougou (Burkina Faso), le 2 octobre 2022. SOPHIE GARCIA / AP

Le Burkina-Faso a dénoncé l’accord de défense qui le liait à la France et se traduisait, notamment, par le stationnement d’une base militaire française dans ce pays. Ces accords prévoient aussi généralement la possibilité d’intervention militaire française à la demande des autorités locales. Ils ont généralement été signés dans la foulée des indépendances et ont généré des interventions militaires discutables, essentiellement pour maintenir des dictatures au pouvoir : au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Mali… Ces accords sont des survivances d’une époque révolue où la France voulait maintenir son statut d’ex-puissance coloniale en mal d’influence sur le monde.

Lire aussi : Le Mali a toujours un coup d’avance sur Paris

Ce temps est désormais passé, les pays partenaires dénoncent les accords les uns après les autres et la France évacuent ses bases militaires, parfois pour les remplacer par une coopération avec la Russie. C’est ainsi et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour Paris ! Par les temps qui courent le redéploiement des militaires français sur l’Europe et la réaffectation des dépenses budgétaires engagées en Afrique ne présentent pas que des inconvénients. Dans le contexte de la guerre d’Ukraine des troupes françaises sont présentes en Roumanie et dans les pays baltes où elles sont a priori bien mieux accueillies qu’à Bamako ou à Ouagadougou, le choix est donc assez simple à faire.

Lire aussi : Bonne stratégie diplomatique au Burkina Faso

Après le départ de l’armée française du Burkina il restera encore des troupes au Niger, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, à Djibouti, au moins pour ce qui concerne l’Afrique et pour autant que l’on sache. Le sort à terme de ces bases militaires à l’étranger sera immanquablement posé un jour ou l’autre.

Un autre sujet de démantèlement qui lui n’avance pas beaucoup est celui du Franc CFA, monnaie commune de nombre de pays africains ex-colonies françaises du continent et dont la convertibilité avec l’euro est garantie par la France. La fin de cette monnaie commune et son remplacement par l’Eco ont été annoncés en 2019 mais le choses n’ont pas beaucoup bougé depuis et le Franc CFA a toujours cours dans ces pays. Dans le projet initial la France était toujours engagée à maintenir la convertibilité de l’Eco. Après la dénonciation de certains accords de défense il est temps de ressortir des cartons ce projet de réforme monétaire, de le mettre en œuvre, voire de l’ajuster en fonction du nouveau contexte des relations franco-africaines. Ce projet intéressant est au point mort, il mérite d’être relancé.

Lire aussi : Une bonne nouvelle pour l’Afrique

Bonne stratégie diplomatique au Burkina Faso

Partisans du capitaine Ibrahim Traoré défilent avec un drapeau russe dans les rues de Ouagadougou (Burkina Faso), le 2 octobre 2022. SOPHIE GARCIA / AP

Alors que Burkina Faso est l’objet d’attaques religieuses régulières faisant des dizaines de morts dans les populations locales, le gouvernement burkinabé est en train de suivre la voie déjà empruntée par le Mali du rejet de la France et du tapis rouge déployé pour accueillir la Russie en remplacement. Une lettre adressée par le ministre burkinabé à son collègue français du Quai d’Orsay qui a « fuité » demanderait le remplacement de l’ambassadeur de France qui n’a plus l’heur de plaire au gouvernement local.

Il faut étudier avec soin cette demande qui va dans le bon sens et rapatrier l’ambassadeur de France sans le remplacer. Un simple chargé d’affaires suffira amplement à gérer la relation franco-burkinabé qui ne représente qu’un intérêt limité pour la France dont le statut d’ancienne puissance coloniale rend vain et inutile toute tentative d’améliorer la relation entre ces deux pays. Le Burkina-Faso lorgne vers la Russie et c’est une bonne chose.

Les intérêts économiques français au Burkina sont minimes, il reste cependant quelques français installés dans le pays, avec un statut de résident permanent ou temporaire, qui seront moins en sécurité si l’ambassade de France réduit son activité et si l’armée française quitte ce pays comme elle a déserté le Mali, poussée dehors par les autorités maliennes. Il y a de nombreux citoyens burkinabés installés en France, avec un statut de résident permanent ou temporaire, légalement ou pas, et leur vie administrative sera certainement rendue plus compliquée par une baisse du niveau des relations diplomatiques entre Paris et Ouagadougou.

L’heure des révisions déchirantes entre la France et ses anciennes colonies a sonné depuis longtemps. Suivons la voie déjà empruntée par la Mali : réduisons les relations diplomatiques avec le Burkina-Faso au minimum vital, résilions les accords de coopération militaires et donnons rendez-vous dans 50 ans pour voir s’il y a lieu de réduire encore ces relations. Les populations respectives de l’un chez l’autre devront prendre en compte ce nouveau contexte qui est désormais incontournable, et souhaitons un avenir fructueux à la coopération entre la Russie d’une part, le Mali et le Burkina-Faso d’autre part.

Lire aussi : Au Burkina Faso : un capitaine putschiste remplace un lieutenant-colonel putschiste

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Les frères siamois du Sahel

Capitaine Traoré (à gauche) et Colonel Goïta

Le galonné qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat au Burkina Faso en octobre est allé rencontrer le galonné qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat au Mali en 2020. Ils essayent sans doute de recréer le duo des années 1980 entre le président burkinabé Thomas Sankara et son homologue ghanéen Jerry Rawlings. Les africains les appelaient « Tom et Jerry ». Tous deux militaires, ne s’habillant qu’en tenue de combat, avaient déjà essayé de mettre un coup de pied dans la fourmilière du développement de l’Afrique de l’Ouest. Le premier a fini assassiné lors du coup d’Etat mené par son successeur en 1987, le second était aussi arrivé au pouvoir lors d’un coup d’Etat mais a été plus malin en démissionnant ensuite de l’armée et en se faisant réélire président en costume civil. Accessoirement, le développement politico-économique du Ghana a été bien plus probant que celui du Burkina.

Lieutenants Rawlings (à gauche) et Sankara

Ces deux trublions en tenue camouflée surfaient à l’époque sur la vague de l’anti-impérialisme, du tiers-mondisme et de la révolution communiste panafricaine, avec des résultats mitigés… C’était il y a quarante ans.

Leurs successeurs malien et burkinabé sont aujourd’hui engagés dans la guerre contre le djihadisme et le rejet commun de la France, l’ancienne puissance coloniale et, toujours, un vain espoir de développer leurs pays. Mis à part l’arrivée du combat religieux, on ne note pas d’évolution très significative entre les deux époques sinon le creusement du fossé entre le continent africain et le reste du monde.

L’un et l’autre manifestent un intérêt certain pour la coopération avec la Fédération de Russie, leurs populations déploient des drapeaux russes dans les manifestations anti-françaises régulièrement organisées dans les rues de Bamako et de Ouagadougou. Pour le Mali c’est un retour aux sources tant ce pays fut considéré comme « frère » par l’Union soviétique après son indépendance. Pour le Burkina, eh bien laissons ce pays rejoindre la communauté des pays amis de la Russie et faire sa propre expérience. La fin de la coopération militaire et civile avec le Sahel permettra à la France de redéployer ses ressources de façon plus conforme à ses intérêts. Et si par malheur la coopération russe décevait le Mali et le Burkina (qui n’a pas encore complètement cédé aux sirènes de Moscou) ils pourront toujours revenir vers la coopération internationale (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International [FMI], Banque Africaine de Développement [BAD], etc.) mais il importe que la France sorte définitivement du puits sans fond de la « Françafrique » dont tous ses présidents depuis François Mitterrand ont annoncé la fin sans jamais la réaliser. Il suffit désormais de faire ce que l’on dit et de profiter de la bonne conjoncture pour enfin y parvenir. Le rejet de la France (largement instrumentalisé) par la majorité de ces pays colonisés, l’arrivée en fanfare de la Russie sur le continent qui suit celle de la Chine déjà effective depuis des décennies, le rejet parallèle de la notion de démocratie telle que l’Occident a essayé de l’insuffler localement et, enfin, les déficits abyssaux des finances publiques françaises, tout converge pour que la France se retire calmement du continent africain comme elle l’a déjà fait du Mali.

Lire aussi : Evacuation de l’armée française du Mali : une première étape !

Publié le
Catégorisé comme Afrique

« Peuls du Sahel » de Pascal Maitre à l’Académie des Beaux-Arts

Tchad, Cavaliers submergés par une tempête de sable, 2012

Pascal Maître, photographe né dans l’Indre en 1955, lauréat en 2020 du Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière, expose ses photos sur les Peuls entre le Niger, le Mali et le Burkina-Faso à l’académie des beaux-arts. Les clichés sont superbes et leur présentation est aussi politique qui explique pourquoi et comment les Peuls ont intégré le djihadisme pour en constituer l’essentiel des troupes au Sahel. Entremêlée avec la rébellion des Touaregs contre le pouvoir central au Mali qui dure depuis (au moins) les années 1970, cette population Peul forte d’environ 70 millions de personnes n’a jamais su tenu compte ni des frontières ni des Etats mais, surtout, majoritairement composée de d’éleveurs-nomades elle s’est opposée de tous temps aux populations sédentaires, souvent violemment.

Ces comportements corporatistes, ajoutés à l’influence religieuse musulmane, en ont fait des recrues de choix pour le terrorisme islamique. Plutôt bons guerriers, ils constituaient les troupes de chocs de la Libye de Kadhafi. Après l’effondrement du régime de ce dernier à la suite de l’intervention occidentale, ils ont regagné le Sahel avec armes et bagages.

Au Mali, le gouvernement a armé certaines populations, notamment les Dogons, les érigeant en milices pour lutter contre l’islamisme. Il s’en est suivi nombre de massacres, de vengeances et de contre-massacres qui durent toujours, souvent autant pour des raisons ancestrales et claniques que du fait du djihadisme. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est similaire et les pays où se déroulent ces conflits sont à la dérive.

Derrière les couleurs de ses photos, Pascal Maitre explique la triste réalité de cette population Peul avec réalisme.

Milice Dogon anti-islamique

Au Burkina Faso : un capitaine putschiste remplace un lieutenant-colonel putschiste

Nouveau coup d’Etat en moins d’un an au Burkina Faso : le capitaine putschiste Traoré remplace le lieutenant-colonel putschiste Damiba investi en janvier dernier. Le putsch est accompagné de la même logorrhée sur la suspension de la constitution, la dissolution du gouvernement, celle du parlement, et bla-bla-bla. Le coup d’Etat militaire en Afrique de l’Ouest devient maintenant la voie normale de changement de dirigeant en substitution d’un système électoral démocratique qui n’est pas près de fonctionner dans cette région du monde malgré des décennies de tentatives sponsorisées par l’Occident, jamais concluantes.

On note le rajeunissement du nouveau président et de son entourage, sa silhouette plus affinée ainsi que son moindre grade.

Ce n’est pas si grave pour le moment tant ces coups sont relativement inoffensifs, faisant peu de victimes, sinon la démocratie, déjà moribonde en Afrique comme dans bien d’autres régions du monde. Habituel également en ces circonstances, la France, ancienne puissance coloniale, est vouée aux gémonies. En l’occurrence, son ambassade et un camp militaire ont été attaqués aujourd’hui par une foule bruyante avant d’être plus ou moins calmée par une déclaration télévisée du président putschiste.

La nouveauté réside dans l’appel d’une partie du peuple à renforcer la coopération avec la Russie par des manifestants agitant des drapeaux russes. Le Burkina Faso suivrait alors la voie du Mali et de la Centrafrique qui ont déjà rejeté les liens avec l’ancienne puissance coloniale pour se tourner vers Moscou. Pas sûr que ces pays aient misé sur le bon cheval vu les développements en cours de la guerre d’Ukraine.

Après les échecs de la France en Afrique ces dernières décennies, militaires comme civils, c’est le bon moment pour cesser la coopération française avec le Burkina Faso comme cela vient d’être fait avec le Mali. L’opération de repli des militaires français du Mali s’est achevée mi 2022 dans de bonnes conditions, il faut penser à la poursuivre avec les forces françaises qui restent présentes en Afrique et qui en seront immanquablement chassées un jour ou l’autre. L’armée française et les économies budgétaires ainsi réalisées pourront être utilement redéployées sur le territoire national plutôt que sur des opérations extérieures de puissance utopiques.

Que la Russie remplace la France comme puissance tutélaire d’une Afrique postcoloniale mal gérée n’est pas un problème en soi, juste la roue qui tourne. Il vaut sans doute mieux que Paris investisse au Kazakhstan et Moscou en Centrafrique que l’inverse. Les « intérêts économiques » français en Afrique se terminent souvent en dépenses publiques financées par les contribuables. La sécurité des nationaux résidant en Afrique restera posée si le retrait militaire français est généralisé. Il n’est pas sûr que les groupes paramilitaires russes déjà présents en Afrique et les armées nationales prennent soin d’eux autant que l’infanterie de marine française en cas de danger…

Le Mali se plaint de la France à l’ONU

Dans une lettre à l’organisation des Nations Unies (ONU) qui serait datée du 16 août mais non encore rendue publique, le ministre des affaires étrangères malien aurait demandé une réunion d’urgence du conseil de l’ONU pour se plaindre de son ancien allié français qui serait coupable de « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien national pour « collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions ».

Le ministère des affaires étrangères français s’est cru obligé de répondre, ce qui n’était pas forcément très approprié :

Nous condamnons la multiplication des manipulations de l’information qui ne doivent aucunement détourner l’attention de la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays dont les populations sont les premières victimes.

Il est possible que l’armée de l’air française, toujours présente au Tchad et au Niger, se dispense de déposer un plan de vol lorsqu’elle survole le territoire malien. Ce fut certainement le cas durant l’évacuation des troupes française du Mali qui s’est achevée le 15 août.

Il paraît quand même hautement improbable que les informations que la France continue à obtenir de ses observations du terrain malien soient communiquées aux mouvements religieux et Touaregs en lutte contre le gouvernement malien.

Le mieux serait sans doute que la soldatesque au pouvoir à Bamako se concentre sur la consolidation de sa relation avec sa nouvelle amie la Russie et, accessoirement, au développement politico-économique du pays, plutôt qu’à nouveau trouver le responsable de ses malheurs à l’étranger, et plutôt du côté de Paris bien entendu.

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Evacuation de l’armée française du Mali : une première étape !

Le ministère des armées a confirmé aujourd’hui que le dernier soldat français avait quitté le Mali. C’est bien, et tout semble s’être passé à peu près calmement, sans trop d’attaques ni d’attentats. Les bases françaises et tout le matériel qui n’a pas pu être emmené avec les troupes ou détruit sur place a été remis aux forces armées maliennes mais risquent très probablement d’être récupérés assez vite par les groupes terroristes religieux ou Touaregs qui hantent la région. Ils pourraient aussi intéresser les mercenaires russes qui appuient désormais le pouvoir malien, ce qui serait un moindre mal.

Communiqué du Ministère des armées (15/08/2022)

Une partie des forces françaises a été « réarticulée » au Niger afin de poursuivre « le combat contre le terrorisme au Sahel ». Il faut dès maintenant commencer à préparer l’évacuation du Niger par l’armée française (puis du Tchad) car celle-ci va immanquablement devoir se produire, du fait du rejet de la population ou à la demande des autorités locales qui vont affronter rapidement le poids de supporter une armée étrangère sur leur territoire. Le plus tôt sera le mieux, pour le Niger comme pour la France.

Publié le
Catégorisé comme Afrique

SARR Mohamed Mbougar, ‘La plus secrète mémoire des hommes’.

C’est un flamboyant roman livré en 2020 par l’écrivain sénégalais de langue française, résidant en France où il fit ses études supérieures, qui obtint le Prix Goncourt 2021. Inspiré de la vie de l’écrivain malien Yambo Ouologuem pour créer celui de la fiction, l’écrivain sénégalais T.C. Elimane, auteur du « Labyrinthe de l’inhumain » qui guide les recherches, la vie et le récit du narrateur Diégane Latyr Faye, lui aussi écrivain en recherche de son Œuvre à laisser au monde, mais peut-on exister après « Le labyrinthe… » ?

Au cœur de la communauté africaine de Paris des années 2000, il rencontre Siga, possiblement cousine ou sœur d’Elimane, Aïda, une amante qui le fait presque chavirer, Muzimbwa l’étudiant zaïrois qui a connu le pire dans son pays et tente de l’oublier dans la fête parisienne, la poétesse haïtienne. Tout ce petit monde festoie, divague, refait le monde, s’aime, se mélange, tente d’écrire, de laisser des traces, jusqu’à ce que Diégane mette la main sur « Le labyrinthe de l’inhumain » qui change sa vie et le pousse à la recherche de son mystérieux auteur.

Cette quête va lui faire rencontrer de savoureux personnages qui vont l’accompagner et le guider jusqu’à son retour au village d’Elimane au Sénégal. Elle le ramène aussi à la deuxième guerre mondiale, à la Shoah, aux tirailleurs sénégalais, au monde littéraire du Paris des années folles. Et d’ailleurs, comme pour le livre d’Ouologuem, celui d’Elimane est accusé de plagiat. La vengeance de l’écrivain fictif sera terrible… mais son retrait de la littérature définitif comme son modèle dans la vraie vie.

Outre son histoire rocambolesque, ce roman fait aussi la chronique des effets délétères de la colonisation et de la décolonisation, de l’exil, de l’attirance-répulsion exercée par le monde intellectuel de l’ancienne puissance coloniale, de la volonté d’émancipation d’écrivains africains installés à… Paris. Mais il relate aussi l’ordinaire d’une Afrique tiraillée entre des traditions d’un autre âge et la Révolution seule susceptible de bousculer l’immobilisme et de toucher à la modernité.

Le style de Sarr est hyperactif, foisonnant, sautant d’une époque à l’autre au cœur d’une multitude de personnages et de situations. On s’y perd avec délices dans l’attente du dénouement de la recherche sans limite, littéraire et humaine, de Diégane. Nombre de mots employés ne sont pas d’usage courant et accentue le sentiment de richesse et de profusion de ce roman original dans son thème comme dans son style.

Il reste maintenant à lire le « vrai » livre de Yambo Ouologuem !

Le Togo et le Ghana adhèrent au Commonwealth

Le secrétaire général du Commonwealth annonce que le Togo et le Ghana adhèrent à son organisation.

The Commonwealth has admitted Gabon and Togo as its 55th and 56th members respectively. Both countries are former French colonies.
Leaders accepted applications by the two west African countries at the closing session of the Commonwealth Heads of Government Meeting in Kigali, Rwanda. It follows formal expressions of interest by Gabon and Togo and consultation with member countries.

https://thecommonwealth.org/news/gabon-and-togo-join-commonwealth

Le Commonwealth est un « machin » comparable à l’organisation de la francophonie. Les deux organisations sont basées à l’origine sur les anciens empires coloniaux britannique d’une part, français d’autre part. Ces organisations ne servent pas à grand-chose sinon à organiser des réunions annuelles dans un pays ou un autre où paradent entre les petits-fours des brochettes de chefs d’Etat et de gouvernement. Elles ne disposent quasiment pas de fonds de développement à distribuer sinon ceux qui servent aux frais de fonctionnement de ces réunions dispendieuses. Il est quand même indiqué de se montrer dans leurs shows qui fleurent bon les confettis des empires déchus.

Pour un pays comme le Togo, déjà membre de la Francophonie, ou le Ghana, déjà membre « associé », adhérer au Commonwealth offre de nouvelles occasions de se montrer aux frais des de Paris ou de Londres, mais aussi de rappeler à leurs anciennes puissances coloniales qu’elles sont loin d’avoir fini de payer la dette du colonialisme et de l’esclavage. Alors autant le faire savoir en adhérant aux deux organisations en même temps.

Pour le Commonwealth et la Francophonie, en élargissant leurs domaines respectifs, c’est un peu un retour nostalgique aux fastes des empires. Alors plus on élargit plus on gonfle d’importance. C’est surtout l’histoire des restes d’empires qui ravalent leur culpabilité face à leurs anciennes conquêtes. Ce n’est pas nuisible, c’est juste inutile.

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Reprise d’une coopération militaire franco-rwandaise ?

Un article du Monde (27/05/2022) fait allusion au réchauffement des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda qui avaient été sérieusement refroidies après les accusations de Kigali sur la « complicité » de Paris avec le pouvoir hutu ayant mené le génocide de 1994. Alors Paris nomme un ambassadeur, le poste était vacant depuis plusieurs années, rouvre son centre culturel, reçoit un message de félicitations du président rwandais à l’occasion de la réélection du président Macron, etc.

Tout ceci est bel et bien beau, assez insignifiant d’ailleurs, s’il n’y avait la perspective d’une reprise de la coopération militaire entre les deux pays. Comme si l’application de l’accord militaire interétatique existant en 1994 n’avait pas provoqué suffisamment de dégâts, la perspective d’un nouvel accord de ce type laisse pantois. Ainsi Paris envisagerait de se fourvoyer à nouveau dans une coopération militaire avec un Etat africain, coopération qui se terminera forcément mal compte tenu de l’instabilité ethnique qui continue de régner en Afrique de l’Est.

On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’irait faire Paris dans une telle galère, comme si tous ces accords militaires d’un autre âge entre la France et des pays africains n’avaient pas généré assez de désastres, au Mali, en Centrafrique ou au Rwanda, pour ne parler que des principaux échecs. Une telle coopération aurait par ailleurs un coût que le contribuable français n’a plus les moyens de payer aujourd’hui.

Vous avez aimé Kigali I, vous allez adorer Kigali II.

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Le Mali a toujours un coup d’avance sur Paris

Dans un communiqué lu hier soir à la télévision publique, le gouvernement malien a annoncé sa décision de dénoncer le « Traité de coopération en matière de défense » qui l’unissait à la France depuis le 16 juillet 2014 et remplaçait un accord plus ancien de 1985. Cette dénonciation est faite conformément aux dispositions de l’article 26, notamment concernant le préavis de six mois après la réception d’une notification écrite.

Après avoir expulsé l’ambassadeur de France en début d’année, le gouvernement malien poursuit sa stratégie de rupture avec la France, et il le fait dans le respect des textes signés, sans excès de propagande et avec une relative discrétion gage d’efficacité pour l’atteinte de ses objectifs. Ces accords de défense n’avaient bien entendu plus de sens depuis plusieurs mois alors que le Mali avait décidé de mettre fin à l’intervention de l’armée française dans ce pays sahélien.

Il aurait été plus satisfaisant pour l’égo français que ce soit Paris qui dénonce en premier ces accords, et même expulse l’ambassadeur du Mali, plutôt que l’inverse, mais la France doit préserver la sécurité de son armée en cours de retrait et de ses citoyens résidant au Mali. Paris avale donc ces pilules amères depuis un an mais au moins une fin nette est prononcée à cette coopération militaire et c’est une bonne chose. Il faudra saisir cette occasion pour passer en revue l’ensemble des « accords de défense » que Paris entretient avec ses anciennes colonies qui n’ont plus guère de sens aujourd’hui.

Espérons que la France ne perdra pas la mémoire de sitôt et qu’elle ne cherchera pas à revenir au Mali par la fenêtre alors qu’elle en a été chassée par la porte ! Il faut laisser le Mali aller vers son destin qui sera désormais sans la France. C’est ce qu’on appelle la décolonisation.

Lire aussi : https://rehve.fr/2022/02/une-decision-porteuse-davenir-levacuation-du-mali-par-larmee-francaise/
~~~~~~~~

L’armée malienne va mieux !

La présidence militaire malienne se félicite de la meilleure santé de son armée avec force photos d’avions gros-porteurs débarquant du matériel militaire, sans doute en provenance de Russie dans le cadre de la coopération entre les deux pays qui est en train de se substituer à celle que Bamako entretenait avec Paris.

Dans le même temps des opérations sont menées par l’armée malienne et des supplétifs russes, dont on ne sait pas bien s’ils sont des mercenaires privés ou des soldats russes officiels, contre les rebelles religieux dans le pays avec quelques débordements et massacres comme il y en a également en Centrafrique, également dans un cadre de coopération avec la Russie.

Le gouvernement malien vient de décréter l’interdiction des médias RFI (Radio France Internationale) et France24 sur son territoire et interdit leur rediffusion par les médias locaux. Tout en subtilité, le gouvernement malien compare ces médias français à « Radio Mille Collines » qui, durant le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, appelait les citoyens à tuer les « cafards », noms donnés aux Tutsis et aux Hutus modérés.

Il semble que les autorités maliennes ne rompent pas totalement les relations avec l’Europe, dont l’ancienne puissance coloniale, car elles auraient compris que la Russie ne financera pas leur développement, et selon le précepte éternel « on ne tape pas sur la main qui signe le chèque » il convient de continuer à bénéficier des subsides des contribuables européens pour maintenir l’économie locale la tête hors de l’eau. Evidemment si des exactions de ses forces armées sont mises à jour et documentées cela risque de jeter un petit froid dans le cœur des bailleurs de fonds. Le procureur de la République a donc ouvert une enquête le 06/04/2022 sur les « allégations d’exactions présumées commises sur des civils dans la période du 23 au 31 mars 2022 dans la zone de Moura ». Les conclusions de ce travail seront intéressantes.

Le retrait de l’armée française du Mali est en cours dans une relative discrétion et c’est bien ainsi. Ce seront sans doute les derniers jours de cette évacuation qui seront les plus cruciaux, on peut supposer que les Maliens comme les Russes ont intérêt à ce qu’elle se passe bien. Seuls les terroristes religieux pourraient vouloir perturber les derniers jours comme ils l’ont fait en Afghanistan sur du retrait occidental sur l’aéroport de Kaboul en 2021.

Souhaitons maintenant la réussite de la coopération militaire entre le Mali et la Russie. Elle a été librement choisie et unit des gouvernants qui partagent la même conception du pouvoir et de l’organisation de la société. Elle a donc plus de chances d’aboutir que celle avec la France qui, non seulement était marquée du sceau infamant du néo-colonialisme, mais, surtout, s’est épuisée à vouloir faire évoluer le Mali vers un modèle démocratique dont pas grand monde ne voulait dans ce pays sahélien.

MENGISTE Maaza, ‘Sous le regard du lion’.

Sortie : 2012, Chez : Actes Sud.

Maaza Mengiste est une écrivaine d’origine éthiopienne, naturalisée américaine. Née à Addis-Abeba en 1971, trois années avant l’instauration d’une dictature militaire communiste à la suite de la déposition de l’Empereur Haïlé Sélassié en 1974, elle garde un souvenir très prégnant de ces premiers mois de la « terreur rouge » qui s’abattaient sur ce pays, avant l’exil de sa famille au Nigeria puis au Kenya et, enfin, aux Etats-Unis d’Amérique.

Cette période trouble est le cadre de ce premier roman qui narre l’histoire d’une famille plutôt favorisée au cœur de la capitale éthiopienne en proie à la folie du régime. Arrestations, torture, exécutions, nationalisations, défilés à la « gloire de la Révolution » sont le quotidien de la ville et du pays. Dans ce contexte dangereux et idéologisé, les membres de la famille de Hailu, chirurgien, réagissent différemment, puis tous se retrouveront contre la terreur promue par le major Guddu, inspiré de Mengistu Hailé Mariam, militaire qui dirigea le pays durant ces années noires (il est aujourd’hui toujours exilé et protégé au Zimbabwe, il a été condamné à mort pour génocide par la justice éthiopienne en 2008, on estime le nombre de morts durant son régime aux alentour d’un million, de répression, de famines et de mauvaise gestion).

Ce roman rappelle cette sombre période le l’histoire contemporaine de l’Ethiopie, commencée par la guerre coloniale menée et gagnée par l’Italie dans les années 1930, et dont la violence se poursuit encore aujourd’hui avec la énième reprise de la guerre civile entre Addis-Abeba et la province rebelle du Tigré.

Il décrypte les comportements de résistance de chacun face à l’oppression, le questionnement intime des uns et des autres sur la meilleure réaction possible, les risques à prendre, et pour quel résultat tangible ? On imagine aisément que ce type de réflexion est mené par tout peuple en proie à la répression ou à l’occupation. Jusqu’où peut-on accepter, à quel moment la contestation doit être violente, quel prix est-on prêt à payer pour la liberté ? De l’occupation allemande de l’Europe en 1939-1945, à celle de l’Ukraine par la Russie en 2022, ce problème est aussi vieux que le monde et bienheureux sont les pays démocratiques qui n’ont pas eu à se la poser depuis près de 70 ans !

Des communiqués de circonstance

Le retrait annoncé de l’armée française du Mali a été accompagné d’un communiqué officiel signé ce 17/02/2022, en plus de la France, par certains pays européens et africains, ainsi que par l’Union africaine. L’idée était sans doute de marquer un caractère multilatéral à cette décision bien qu’il s’agisse essentiellement d’un problème entre le Mali et son ancienne puissance coloniale. Sans doute Paris se sent moins seul ainsi et la conférence de presse organisée à la suite de la publication de ce communiqué a associé différents dirigeants africains qui entouraient le président français. Ceci ne fit guère illusion tant le pouvoir de la force est dans les mains du seul Macron en tant que chef des armées françaises, mais cela ne fait pas de mal non plus.

Lire aussi : https://rehve.fr/2022/02/une-decision-porteuse-davenir-levacuation-du-mali-par-larmee-francaise/

Le communiqué est un pur objet de diplomatie, on y parle de paix, de stabilité, de soutien à la population malienne, de droits humains et d’aide humanitaire et blablabla. Bref, le projet a dû être rédigé par un stagiaire de l’ENA au ministère des affaires étrangères, revu et corrigé par un vieux diplomate de la Françafrique, madré aux arcanes des cocktails diplomatiques tropicaux. C’est ce qui se fait en de telles circonstances.

Les autorités maliennes ont réagi dès le 18/02/2022 par un intéressant document signé du porte-parole du gouvernement qui commence par rappeler que le retrait français « unilatéral » viole les accords de défense avec la France, ce qui est formellement exact mais ne manque pas d’ironie dans ces circonstances où les autorités maliennes ont tout fait pour décourager la France de poursuivre ses opérations au Mali. Paris aurait dû commencer par dénoncer formellement son accord de défense avec le Mali, qui avait bien pris garde de ne pas le faire même s’il en avait demandé la révision.

La partie malienne rappelle ensuite que le terrorisme dans son pays a été renforcé notamment par suite de la déstabilisation de la Libye en 2011 par… les forces de l’OTAN et tout particulièrement la France. La encore, ceci est formellement vrai. Il est ensuite précisé que les objectifs sécuritaires n’ont pas été atteint au Mali qui est désormais au bord de la partition et sur le territoire duquel le terrorisme a pu étendre ses actions.

Ce communiqué est un véritable bijou de juridisme et de mauvaise foi mais il est très malin, bien plus que celui auquel il répond. Il a sans doute du mal à passer auprès des autorités françaises qui vont bien devoir avaler leur chapeau. C’est ainsi, ce n’est pas agréable mais l’essentiel est de sortir au plus vite de ce pays avec le moins de dégâts possible pour l’armée françaises et ses quelques partenaires européens. Paris va devoir boire le calice jusqu’à la lie mais pourrait envoyer ses stagiaires diplomates énarques prendre des cours de rédaction à Bamako !


Déclaration conjointe sur la lutte contre la menace terroriste et le soutien à la paix et à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Publié sur le site de l’Elysée le 17/02/2022

A la veille du Sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, nous, les pays sahéliens et voisins ainsi que les partenaires internationaux, nous sommes réunis pour échanger sur la situation au Sahel. Nous restons déterminés à soutenir le Mali et sa population dans leurs efforts pour obtenir une paix durable et la stabilité, ainsi que pour combattre les menaces terroristes au Sahel.

Nous réaffirmons tous notre forte volonté de poursuivre notre partenariat avec et notre engagement pour le peuple malien dans la durée, pour faire face à tous les défis posés par l’activité des groupes armés terroristes au Sahel.

Nous constatons et regrettons que les autorités maliennes de transition n’aient pas tenu leurs engagements envers la CEDEAO, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022. Nous exhortons les autorités maliennes à achever la période de transition et à organiser des élections libres, équitables et crédibles. Nous soutenons pleinement les efforts en cours de la CEDEAO et de l’UA pour le retour du Mali à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.

Nous exhortons les autorités maliennes à réengager un dialogue constructif avec la CEDEAO et l’Union africaine, au plus haut niveau, afin de trouver une solution en faveur de la stabilité et du développement du Mali et de toute la région.

En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats Européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations. En étroite coordination avec les Etats voisins, ils ont également exprimé leur volonté de rester engagés dans la région, dans le respect de leurs procédures constitutionnelles respectives.

A la demande de leurs partenaires africains, et sur la base de discussions sur les futures modalités de leur action conjointe, ils sont néanmoins convenus de poursuivre leur action conjointe contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment au Niger et dans le Golfe de Guinée, et ont engagé des consultations politiques et militaires avec eux dans l’objectif d’arrêter les paramètres de cette action commune d’ici juin 2022.

Nous soulignons la contribution essentielle de la MINUSMA à la stabilisation au Mali, à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, à la protection du peuple malien, notamment des droits humains, et à la création d’un environnement sûr pour l’aide humanitaire. Nous reconnaissons également l’engagement et le prix payé en termes de vies humaines par les pays contributeurs de troupes et de policiers.

De même, nous rappelons la contribution substantielle de l’Union européenne et de ses missions à la paix et la sécurité au Sahel. Nous réaffirmons l’objectif crucial de renforcer les moyens et capacités des forces de sécurité des pays de la région et d’accroître ainsi la sécurité des populations locales là où, et si, les conditions nécessaires sont réunies.

Compte tenu des impacts de la situation sur la population malienne, nous soulignons collectivement notre engagement de longue date envers le peuple malien, ainsi que notre volonté de continuer à nous attaquer aux causes profondes de l’insécurité en mobilisant l’aide pour répondre aux besoins immédiats et à plus long terme de la population, en particulier des personnes les plus vulnérables. Nous réaffirmons aussi notre disponibilité à poursuivre le dialogue avec les autorités de transition maliennes.

Afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes en direction du Sud et de l’Ouest de la région, les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes. Ces actions viendraient soutenir les initiatives et organisations régionales pertinentes telles que l’UA, la CEDEAO, le G5 Sahel et l’Initiative d’Accra et renforcer les stratégies nationales visant à améliorer la résilience ainsi que les conditions de vie et de sécurité dans les régions les plus vulnérables.

Nous demandons au Haut-représentant de la Coalition pour le Sahel d’organiser rapidement une réunion ministérielle de la Coalition, qui aura pour objet d’établir un bilan de la feuille de route adoptée en mars 2021 et de prendre en compte ces nouvelles orientations.

Signataires : Allemagne ; Belgique ; Bénin ; Canada ; Côte d’Ivoire ; Danemark ; Estonie ; France ; Ghana ; Hongrie ; Italie ; Lituanie ; Mauritanie ; Niger ; Norvège ; Pays-Bas ; Portugal ; République Tchèque ; Roumanie ; Sénégal ; Slovaquie ; Slovénie ; Suède ; Tchad ; Togo ; Conseil européen ; Commission européenne ; Haut représentant de la Coalition pour le Sahel ; Commission de l’Union Africaine.

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Une décision porteuse d’avenir : l’évacuation du Mali par l’armée française

C’était une décision attendue tant elle était devenue inévitable : le gouvernement français a annoncé l’évacuation du Mali par son armée après neuf années de présence et de combats contre les rebelles religieux et les séditieux Touaregs, souvent mêlés d’ailleurs et réunis par une communauté d’intérêt pour lutter contre la France et forcer le pouvoir de Bamako à négocier avec eux. Ils obtiennent donc satisfaction et vont pouvoir désormais se développer plus librement et discuter avec un gouvernement militaire qui a d’ailleurs déjà commencé à le faire contre l’avis de Paris, notamment à l’occasion de la libération en 2020 de Mariam Pétronin, citoyenne franco-suisse enlevée par un groupe djihadiste local durant quatre ans et convertie à l’islam durant sa captivité.

Lire aussi : https://rehve.fr/2020/11/une-otage-francaise-retournee/

Le divorce est prononcé de façon nette. Il reste maintenant à l’exécuter en organisant le repli des troupes hexagonales avec le minimum de dégâts. On se souvient qu’en Afghanistan une négociation aurait été conclue en 2020 avec les rebelles religieux Talibans pour que ceux-ci n’attaquent pas les troupes occidentales qui ont fini d’être évacuées le 25/08/2021. Il se murmure qu’un accord du même ordre avait été convenu avec le chef de guerre Massoud, dit « commandant Massoud », lors de l’évacuation de l’armée rouge soviétique du même Afghanistan en 1989. Il ne serait pas incongru de procéder de la même façon au Mali afin d’éviter d’accroître encore la liste déjà longue des morts (53 militaires tués à ce jour) et des blessés français dans ces combats qui durent depuis 2013. Le pouvoir militaire malien semble suffisamment malin pour le comprendre. Il a obtenu avec adresse ce qu’il souhaitait, le départ de la France de son territoire, en procédant par petites touches et sans jamais formellement demander ni la révocation des accords de défense entre la France et le Mali, ni formellement le départ des troupes étrangères sur son territoire. Une habilité diplomatique inattendue de la part de Bamako et son gouvernement de galonnés dépenaillés.

Notons au passage que les accords de défense avec le Mali sont toujours d’actualité. Il conviendra donc que le gouvernement français prenne bien soin de les dénoncer rapidement afin d’éviter que Bamako ne puisse y faire appel un jour s’il retourne ses alliances.

Voici maintenant le Mali face à son destin et c’est bien ainsi. Il pourra choisir ses nouveaux amis : la Russie, l’Algérie, la Chine ou qui que ce soit d’autre. Comme pour l’Afghanistan aujourd’hui, le problème du financement de l’économie de ce pays en voie de développement va se poser dès demain. Gageons qu’après quelques mouvements d’humeur bien compréhensibles des occidentaux qui vont les pousser à fermer les robinets de leur aide financière au Mali, celle-ci reprendra sans doute assez rapidement, plutôt via les canaux multilatéraux, et les contribuables français continueront à payer pour le Mali, ce qui n’est pas un drame.

La France quant à elle va pouvoir rapatrier une partie de ses forces et réaliser ainsi des économies budgétaires bienvenues. Ces neuf années dans le désert malien auront finalement été, aussi, un formidable terrain d’entraînement permettant d’aguerrir cette armée à la guerre asymétrique dans les rudes conditions du Sahara, ce qu’elle fit avec un relatif succès opérationnel d’un point d’un point de vue strictement militaire.

Lire aussi : https://rehve.fr/2022/02/le-mali-expulse-lambassadeur-de-france/

Nous suivrons avec intérêt les prochaines étapes de ce destin malien !

Publié le
Catégorisé comme Afrique

Le Mali expulse l’ambassadeur de France

Dans le cas où les messages délivrés ces dernières semaines par Bamako n’auraient été suffisamment clairs, le Mali y apporte une touche finale et vient d’expulser l’ambassadeur de France au motif de déclarations de ministres français qui critiquaient le gouvernement local. Après l’expulsion des militaires danois de la force multinationale en place dans le Sahel pour lutter contre le terrorisme, la demande malienne de renégociation des accords de coopération militaire avec Paris et les manifestations anti-françaises, la France (et certains de ses alliés européens) se retrouve dans une position intenable où elle mène des opérations de combat dans un pays qui ne veut pas d’elle.

Il faut admettre que le gouvernement de satrapes galonnés maliens est plutôt habile à la manœuvre et va probablement obtenir satisfaction avec un retrait probable, sinon souhaitable, des forces étrangères agissant sur son territoire. Il applique des mesures qui montent progressivement en puissance et de façon plutôt discrète et efficace, pas de grands discours vengeurs, peu de communication agressive mais des actes. La prochaine mesure pourrait être l’expulsion des citoyens français résidant sur son territoire, mais nous n’en sommes pas encore là. Paris n’a guère de mesures de réciprocité à appliquer, l’ambassadeur du Mali ayant déjà déserté la France il y a plusieurs mois. Et si jamais une mesure d’expulsion des Français du Mali était décidée, Paris serait techniquement incapable de faire de même avec les citoyens maliens résidant en France. C’est ce qu’on appelle un conflit asymétrique, le plus fort n’est pas forcément celui que l’on croit.

Ça y est, la France est significativement embourbée au Mali, et même dans les pays avoisinants qui, certes, manifestent un peu moins d’hostilité pour le moment, mais la situation pourrait rapidement changer si l’on en juge par l’épidémie de coups d’Etat militaires qui se répand dans la région. La situation est quasi-inextricable. Paris a annoncé vouloir réfléchir deux semaines avant d’arrêter une position avec ses partenaires européens sur la poursuite ou non d’opérations militaires dans les pays du Sahel et, si par malheur la réponse était positive, dans quelles conditions et à partir de quelles bases.

Lire aussi : https://rehve.fr/2022/01/lespace-aerien-malien-viole-par-larmee-de-lair-francaise/

Devant le mur des réalités, l’heure de la retraite va bientôt sonner pour la France et le Mali prendra la route de son destin avec des Russes, des Chinois, des djihadistes, des Touaregs ou qui que ce soient d’autres, mais en tout cas sans la présence embarrassante de l’ancienne puissance coloniale. Il était temps…

Lire aussi : https://rehve.fr/2021/12/lincomprehensible-et-dommageable-entetement-politique-francais-au-mali/

Publié le
Catégorisé comme Afrique