Le Mali et le Burkina Faso changent de langues officielles

Capitaine Traoré (à gauche) et Colonel Goïta

Le Mali et le Burkina Faso, anciennes colonies françaises, sont en train de modifier leurs constitutions pour retirer au français son statut de langue nationale et le rétrocéder au rang de « langue de travail ». Ce sont les langues nationales qui deviennent « langues officielles ». Le problème que ces pays vont devoir gérer est que ces « langues nationales » sont nombreuses et ils risquent de se retrouver un peu comme la Belgique avec le wallon et le flamand mais avec 10 ou 20 langues officielles ce qui ne va pas faciliter les choses. Cela reste toutefois une bonne décision en termes de souveraineté. En d’autres temps, l’Algérie a aussi mis de côté le français dans son système éducatif pour le remplacer par l’arabe, avec des résultats parfois mitigés.

C’est une nouvelle spécificité du fait colonial français : les anciennes colonies rejettent tellement l’ex-puissance colonisatrice qu’elles en rejettent la langue. Ce ne fut pas le cas pour les pays colonisés par l’Espagne, le Portugal ou le Royaume Uni.

Il reste un dernier clou à enfoncer dans le cercueil de la décolonisation française c’est l’abandon définitif de la monnaie coloniale « Franc CFA » avec le démantèlement complet de la « Zone Franc » annoncé il y a déjà quelques années mais jamais exécuté. Il faut le mener à bien et rendre aux anciennes colonies leur pleine souveraineté monétaire comme cela a été décidé entre la France et les pays concernés.

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Après le récent départ forcé des troupes françaises de certains de ces pays, l’impression est que la décolonisation/post-colonisation se termine amèrement, sans parler des frustrations exprimées par les enfants et petits-enfants de cette colonisation nés en France, le pays qui a colonisé leurs parents… Il faut bien malgré tout que les choses évoluent et que le cordon ombilical soit coupé. C’est ce qui en train de se réaliser, enfin !

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Le Mali se plaint de la « junte française » !

Les présidents Poutine (Fédération de Russie) et Goïta (Mali) - Site Internet de la présidence du Mali

Après avoir demandé à l’armée française de quitter le pays, le gouvernement malien a demandé aux troupes internationales des nations unies de suivre le même chemin. La France s’est exécutée et le dernier soldat aurait le territoire malien en août 2022. La force militaire de maintien de la paix mise en place par l’ONU (Mission des Nations Unies au Mali – MINUSMA) a commencé son retrait selon la décision adoptée par le conseil de sécurité dans sa 9365ème réunion du 30/06/ 2023 et il est régulièrement rendu compte de celui-ci au conseil.

28 août 2023 Paix et sécurité

Le chef de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a prévenu lundi les membres du Conseil de sécurité que la clôture de la Mission en six mois, après dix ans de présence dans le pays, était une entreprise « complexe et ambitieuse ».

Le Conseil de sécurité a pris la décision, le 30 juin, de mettre un terme au mandat de la MINUSMA, conformément à la demande des autorités maliennes, demandant que la fermeture soit achevée avant le 31 décembre 2023.

« La MINUSMA a établi un groupe de travail intégré afin d’élaborer un plan de réduction et de retrait de la Mission. Ce plan prévoit un retrait et un rapatriement du personnel et des équipements et matériels déployés dans les zones d’opération de la MINUSMA, selon un calendrier et un ordre séquentiel précis, tout en gardant à l’esprit l’exigence d’un processus ordonné et conduit en toute sécurité », a expliqué M. Wane dans un exposé lors d’une réunion du Conseil consacrée à la situation au Mali.

https://news.un.org/fr/story/2023/08/1138012

Il y a 13 000 personnels à rapatrier, 4 000 véhicules, 5 500 containeurs de matériel, 12 camps et une base opérationnelle à fermer et à remettre aux autorités maliennes. La première étape du retrait doit être terminée d’ici le 31/12/2023 selon la planification onusienne.

C’est pour le moment la fermeture de ces bases qui posent de grosses difficultés car elles sont revendiquées par les rebelles Touaregs, plus ou moins acoquiné avec les terroristes islamiques, qui ont relancé leur combat contre l’armée officielle malienne. La communication du 23/08/2023 du chef de la MUNUSMA, M. El-Ghassim Wane, au conseil de sécurité illustre cette situation avec la base de Ber.

Retrait de Ber difficile

Selon lui, l’expérience de la fermeture du camp de Ber a été révélatrice. Le dernier convoi de Casques bleus, d’équipements et de matériels qui s’est retiré de Ber pour rejoindre la ville de Tombouctou a mis 51 heures pour parcourir les 57 kilomètres du trajet en raison de la nature du terrain, qui est peu favorable – une situation aggravée par la saison des pluies – et de l’insécurité.

Ce convoi a été attaqué à deux reprises par des éléments extrémistes non identifiés, blessant quatre Casques bleus et endommageant trois véhicules avant d’arriver à Tombouctou, a-t-il précisé.

« Le retrait de Ber s’est également avéré difficile sur le plan politique, les autorités maliennes et les Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali étant en désaccord sur le sort du camp après le départ de la MINUSMA. Pour sa part, et en raison de l’extension des affrontements à la zone de Ber et des risques que la situation posait pour la sécurité des Casques bleus, la Mission a dû avancer son départ du camp », a expliqué M. Wane.

De même, les convois transportant du matériel et des équipements des bases de Goundam et d’Ogossagou ont été la cible d’engins explosifs improvisés, tandis que le dernier convoi de Gao à Ménaka a également été pris pour cible par des éléments extrémistes, sans causer ni dégâts matériels ni pertes en vies humaines.

https://news.un.org/fr/story/2023/08/1138012

Il reste 11 camps à évacuer d’ici la fin de l’année…

Cerise sur le gâteau : le gouvernement malien qui a demandé officiellement ce retrait de la MINUSMA de son pays s’est plaint maintenant via son porte-parole de l’accélération du retrait qui serait le fait de l’action de la France : « La junte française [SIC] ne ménage aucun effort en vue de faire fuir la Minusma, en lieu et place d’un retrait ordonné. »

Avec la relance de la rébellion Touareg qui s’ajoute à celle des islamistes, les autorités maliennes font face à plusieurs fronts. Il est sûr que si les Touaregs, accompagnés ou pas des terroristes religieux sahéliens, s’emparent directement des emprises libérées par l’ONU cela renforcera leurs positions. D’un autre côté, si les camps du grand Nord sont remis à l’armée malienne officielle, il faudra sans doute assez peu de temps aux Touaregs islamisés pour les reconquérir.

Le gouvernement malien putschiste est maintenant allié avec la Russie, le Burkina Faso et le Niger après avoir chassé la France et la Minusma. Il va pouvoir coopérer avec ces pays pour rétablir son pouvoir dans les zones désertiques sahariennes. Il est souhaitable qu’il réussisse plutôt que de laisser le chaos se réimplanter. Mais il ne pourra sans doute pas encore très longtemps rendre la France responsable de l’échec de sa politique.

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Le retrait français du Niger

Chappatte / Le Canard EnchaÎné (13/09/2023)

Dans une intervention télévisée ce soir le président de la République française a déçu le microcosme des plateaux télévisés parisiens car il n’a fait « d’annonces nouvelles », entendez il n’a pas créé de dépenses publiques supplémentaires ce qui, en ces temps de disette budgétaire est une bonne chose.

Autre nouvelle favorable, il a annoncé le rappel de l’ambassadeur de France au Niger et le rapatriement des soldats français présents dans ce pays. Les autorités nigériennes issues du coup d’Etat de juillet dernier demandaient ces deux décisions depuis deux mois, elles avaient même prononcé officiellement « l’expulsion » de l’ambassadeur et l’avait déchu de son immunité diplomatique. On peut se demander pourquoi la France s’est sentie obligée de lancer un coup de menton en refusant dans un premier temps de rappeler son ambassadeur pour finalement y consentir quelques semaines plus tard devant l’impasse dans laquelle elle s’était fourvoyée.

Les 1 500 militaires français seront sûrement mieux employés sur d’autres terrains ou, plus simplement, sur le territoire national. Le but de leur présence dans le Sahel était de lutter contre le développement du terrorisme religieux et de ses excroissances en Europe sous forme d’attentats et de soft power. Ils ont effectué leur travail pour un temps mais les conditions de sa poursuite ne sont désormais plus réunies. Les stratèges militaires ne sont sans doute pas mécontents de récupérer ces effectifs. Il n’y a pas de doute qu’ils trouveront à les employer de façon plus utile que de les perdre dans des bases du bout du monde dans des pays qui n’en veulent plus.

On imagine qu’en retour la France a expulsé des diplomates nigériens présents sur son sol mais le président français n’a pas précisé ce point dans son interview, à moins que ledit ambassadeur ne soit anti-putschiste et demande le statut de réfugié à Paris ? Si tel était le cas il faudrait à tout le moins, refuser les lettres de créance d’un potentiel successeur.

Le Canard Enchaîné (02/08/2023)

Une polémique est d’ailleurs en cours en France concernant la délivrance des visas aux artistes et étudiants issus du Niger, mais aussi du Mali et du Burkina-Faso. Ils semblent que l’octroi de ceux-ci soit en chute drastique, les autorités françaises arguant que la mise en sommeil des ambassades et consulats de France dans ces trois pays l’empêche techniquement. C’est sans doute vrai mais il ne doit pas non plus exister une volonté politique farouche de délivrer des visas à des citoyens venant de pays « non amicaux »… Comme par ailleurs les liaisons aériennes directes entre ces pays et la France sont, au mieux ralenties, au pire suspendues, la venue d’étudiants et d’artistes de ces pays en France ne va pas être très fluide pour les mois à venir.

Le monde de la culture, aux idées généralement « progressistes », s’émeut de cette situation et le fait savoir à grand renfort de tribunes et de déclarations. Il est des moments où même la culture doit d’incliner devant la raison d’Etat. Tout devrait finir par s’arranger un jour. A ce stade personne n’envisage vraiment que les flux migratoires des citoyens de ces pays se réorientent vers les nouveaux « amis politiques » de leurs gouvernements et la demande de titres de séjour en France et en Europe reste forte.

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L’aide humanitaire française redéployée

Eh bien il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour que l’aide humanitaire française non sollicitée par le Maroc à la suite du tremblement de terre de la région de Marrakech le 9 septembre soit employée pour une autre cause tout aussi légitime : une tempête a généré des inondations cataclysmiques en Libye causant plusieurs milliers de morts, selon les premiers bilans, dans la ville de Derna. L’aide publique française y a donc été envoyée et elle y sera aussi bien employée qu’au Maroc qui semble affronter avec efficacité les suites du tremblement de terre subi.

La France a par ailleurs un peu à se faire pardonner en Libye par suite de son intervention militaire de 2011, il est donc aussi bien qu’elle se concentre sur les inondations de ce pays où cohabitent, plutôt mal, deux Etats pour une même nation. La compétition humanitaire est l’un des péchés mignons des pays occidentaux, on en voit l’illustration malsaine avec les catastrophes naturelles qui touchent à peu près au même moment ces deux pays d’Afrique du Nord. L’idéal serait d’ailleurs ces aides transitent par les différentes agences de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), qui ont d’ailleurs été créées pour ça, ce qui éviterait la tentation morbide des pays aidants à vouloir planter leur petit drapeau national sur les sacs de riz qu’elles proposent d’envoyer sur les spots de la misère humaine. Hélas l’ONU est également soumise aux vanités nationalistes des uns et des autres, ou complètement bloquée par les conflits divers et variés de ses Etats membres.

Alors en attendant un monde pur et parfait où tous les pays du Monde s’uniraient dans l’harmonie pour aider ceux d’entre eux qui affrontent des catastrophes, l’Espagne aide le Maroc et la France aide la Libye. C’est très bien ainsi et même si cette division du travail choque l’égo de certains en France aux vues post-coloniales un peu rances, l’essentiel est que les populations dans le besoin soient secourues. D’autant plus que rien n’empêche la mise en place de flux d’aide privée de la France vers le Maroc comme cela semble être le cas.

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Les apparences de la nouvelle gouvernance militaire en Afrique

Pancho / Le Canard Enchaîné (02/08/2023)

Des militaires prennent le pouvoir en cascade en Afrique par des voies non « démocratiques » ou, à tout le moins, « non-constitutionnelles ». Les processus de ces pronunciamientos sont assez similaires, les résultats de cette nouvelle gouvernance galonnée risquent de l’être aussi. Pour les anciennes colonies françaises, c’est sans doute la dernière étape de la décolonisation puisque celle-ci n’était pas véritablement achevée. Ces pays vont maintenant aller vers leur destin. Un premier bilan pourra être mené d’ici quelques années.

Il reste maintenant à accélérer le démantèlement de la zone monétaire du Franc CFA, annoncé par les présidents français et ivoirien en décembre 2019. Ce projet a été freiné par la pandémie de la Covid mais il faut profiter des évènements politiques en cours en Afrique pour l’accélérer et l’achever.

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Changement politique au Gabon

Gabon, coup 08/2023

Au Gabon, un clan de galonnés a mis fin un peu brutalement ce 30 août dernier au règne plutôt longuet de la famille Bongo, à la tête du pays depuis 1973. D’abord le père durant 42 ans puis le fils pour 13 ans jusqu’à ce pronunciamiento. Le leader de ce débarquement est le chef de la garde républicaine qui était chargée de protéger… la présidence. Il vient de se faire nommer président de la République.

Le fils Bongo venait lui de se faire réélire pour un troisième mandat au terme d’élections douteuses, comme elles l’ont toujours été dans ce pays dit « démocratique ». Il avait été victime d’un grave accident vasculaire cérébrale lors de son précédent mandat et il n’était probablement guère en état de gouverner. Assigné à résidence quelques jours il semble maintenant libre de ses mouvements. On l’a vu dans une vidéo assez pathétique appeler « ses amis » à « faire du bruit » pour protester contre ce coup d’Etat. Personne n’a crié bien fort jusqu’ici et peu de monde ne semble regretter ce départ du clan Bongo par la petite porte. La question qui reste à résoudre maintenant est de savoir si les galonnés seront aussi incompétents que la famille Bongo pour gouverner ce pays riche ?

Le Gabon caractérise jusqu’à la nausée les dérives de la « Françafrique » et les responsabilités sont largement partagées entre Paris et Libreville. C’est un émirat pétrolier très peu peuplé qui aurait dû être un Etat prospère s’il avait été géré avec un minimum de rigueur. Dès l’indépendance en 1960, le premier président, Léon Mba, doit être rétabli sur son trône par l’armée française après un coup d’Etat en 1964. Il gouvernera sous la tutelle de la France jusqu’à sa mort en 1967. Omar Bongo lui succède avec l’aval du général de Gaulle. Commence alors un long règne de prévarication et de compromission. Le développement de la production pétrolière attise les convoitises et accroit les moyens de corruption dans les mains du clan Bongo qui ne se prive pas de les utiliser au mieux de ses intérêts. Nombre de forbans et de partis politiques français semblent en avoir profité en plus des Bongo qui se sont constitué un patrimoine considérable à travers le monde. Cerise sur le gâteau, une partie de la dette gabonaise vis-à-vis de la France a été annulée, c’est-à-dire remboursée par les contribuables français… Et pour bien faire, les convictions religieuses de la famille semblent bien moins fermes que son avidité : en 1968 le patriarche se convertit à la religion catholique, puis à l’Islam en 1973. Albert devient Omar et fiston né Alain-Berard devient Ali. Le Gabon est toujours très majoritairement peuplé de catholiques et d’une minorité protestante, le tout fortement teinté d’animisme.

Bienvenue au Gabon dans le nouveau monde de la gouvernance militaire !

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Une leçon de gouvernance donnée par le Royaume du Maroc à la République française

La France des plateaux télévisés est en émoi, empilant les émissions spéciales, les cagnottes diverses et les interviews de VIP franco-marocains ou d’origine marocaine (il y en a beaucoup), dégoulinant de compassion par suite du tremblement de terre dans la nuit de vendredi dans la zone de Marrakech. Tous ces communicants aux petits pieds s’étonnent que le Roi du Maroc n’ait pas encore « communiqué » sur cette catastrophe naturelle trois jours après le drame.

Evidemment, vue de Paris où n’importe quel élu de quartier pond des tweets ou des messages sur les réseaux dits « sociaux » comme la pluie tombait à Gravelotte, le plus souvent pour se mettre lui-même en valeur, un silence de plus de trois minutes face à un évènement aussi considérable est juste incompréhensible et ledit élu fait part de consternations sur… les réseaux dits « sociaux ».

En réalité, le souverain qui était en France le soir du drame est d’abord revenu rapidement dans son pays, puis il s’est mis à travailler avec ses ministres pour organiser l’après-séisme, puis il est venu visiter aujourd’hui les blessés sur place. Bref, il arbitré en faveur de faire son boulot plutôt que de diffuser à tout va des messages sans intérêt. Son choix ne semble pas mauvais et pourrait inspirer les élus et dirigeants français : faire le job pour lequel on est payé plutôt que de perdre son temps à comptabiliser ses « like » sur des messages stupides et sans intérêt.

Tout n’est pas bon à prendre dans la gouvernance marocaine, notamment la façon plus ou moins licite dont la famille royale a pu accumuler sa fortune considérable ou le sort que le père de l’actuel souverain réserva à ses opposants, mais au moins sur l’efficacité privilégiée sur la communication il y a matière à inspirer nombre de gouvernants républicains !

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L’arrogance française une nouvelle fois en mise en cause

A la suite d’un tremblement de terre dans la zone de Marrakech au sud du Maroc vendredi dernier, dont le bilan est déjà de plus de 2 000 morts et est encore loin d’être définitif, des polémiques de plateaux télévisés se développent en France sur le fait que l’Etat du Maroc n’aurait pas encore officiellement demandé l’aide de Paris mais a cependant déjà accepté l’aide de différents autres pays dont le Royaume-Uni. La France (en tous cas ses journalistes) se sent insultée de ne pas être en tête de gondole pour dispenser son aide humanitaire et disperser ses spécialistes en catastrophes sismiques sur le terrain.

Les raisons de contentieux entre la France et le Maroc sont multiples depuis quelques années à commencer par la volonté française de réduire le nombre de visas octroyés aux citoyens marocains désireux de voyager ou de s’installer en France. Paris qui cherche également à ménager son ancienne colonie algérienne n’a pas reconnu la souveraineté du Maroc sur la Sahara occidental, ancienne colonie espagnole que la Maroc souhaite recoloniser à son profit sans consulter les populations locales comme le demande les Nations Unies et le frère ennemi, l’Algérie. Plus quelques détails comme celui qui voudrait que le Maroc aurait espionné le président français via le désormais célèbre logiciel espion Pegasus acquis auprès d’une société israélienne. Il n’est pas à exclure que la susceptibilité marocaine à fleur de peau explique que Rabat ne soit pas pressée de faire appel à la France compte tenu de tous ces contentieux en cours. Si tel était le cas, ce serait d’ailleurs plutôt une noble attitude à mettre au crédit du Maroc qui ne veut tendre la main à un pays qu’elle critique.

Le fond du problème est que la France ne sait pas arbitrer entre le Maroc et l’Algérie, les deux ennemis héréditaires du Maghreb. Ne voulant froisser ni l’une ni l’autre, particulièrement pour ce qui concerne le sujet du Sahara occidental, la France est fâchée avec les deux pays qui sont et resteront des sources de problèmes pour l’ancienne puissance coloniale (de l’Algérie) et mandataire (du Maroc). Même lorsque Paris veut rester neutre et s’en remet à l’ONU sur le sort du Sahara occidental, il prend des coups de part et d’autre. Mais la neutralité française dans cette affaire est la seule possible. Laissons donc le Maroc et l’Algérie régler leurs problèmes avec l’aide de l’ONU pour ce bout de désert contesté comme ce fut le cas pour mettre la fin à la « guerre des sables » entre les deux pays en 1964.

Si le Maroc peut gérer les suites du tremblement de terre avec l’aide des pays qu’il choisit, eh bien c’est parfait ainsi. L’essentiel est que les sinistrés marocains reçoivent l’aide qui leur est nécessaire sur la durée, que celle-ci soit française ou pas. Et si le Maroc ne souhaite pas bénéficier des apports de la France, eh bien il y a bien d’autres pays qui sont demandeurs. En matière d’aide post-catastrophes naturelles il y a insuffisance de l’offre, pas de la demande. Alors que Paris ravale son arrogance et envoie son aide humanitaire officielle ailleurs. En attendant il y a bien d’autres moyens privés pour aider le Maroc via des ONG ou des fonds privés et ils dont d’ailleurs déjà mis en œuvre sans se préoccuper des pudeurs diplomatiques de relations gouvernementales plus guidées par des querelles d’égos mal placées que par les véritables intérêts politiques des deux pays.

Cerise sur le gâteau : on apprend que le Roi du Maroc était en soins médicaux à… Paris le soir du tremblement de terre à Marrakech ! Il semble qu’il reste encore un peu de chemin à parcourir avant une véritable indépendance. Ces atermoiements politico-mondains ne semblent guère émouvoir les peuples si l’on en juge par l’importance du flux de migration du Maroc vers la France et, à l’inverse, du nombre de Français vivant au Maroc (on parle de plus de cinquante-mille migrants français au Maroc). Les chiens aboient, la caravane passe.

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Le ministre malien de la défense bénéficie de la nationalité française

Manifestation au Mali en 2020

A l’occasion de sa mise sous sanction par l’administration américaine du ministre malien de la défense, le colonel Alou Boi Diarra, pour avoir « facilité le déploiement et l’expansion » des activités au Mali du groupe paramilitaire russe Wagner, on apprend que ce ministre bénéficie de la nationalité française en plus de sa nationalité d’origine malienne. Il n’est pas précisé à ce stade pour quelles raisons cette nationalité lui a été attribuée : droit du sol, récompense d’une action particulière, autre ?

Après la révélation de la nationalité française du ministre comorien des affaires étrangères et du président de la République malgache, c’est maintenant le ministre d’un pays ennemi dont on révèle la double nationalité. Evidemment, au vu de la situation conflictuelle existant entre la France et le Mali on pourrait s’attendre à ce que, par souci de clarification, ledit ministre renonce à sa nationalité française, ou que ses collègues ministres exigent de lui un tel renoncement générateur de conflits d’intérêts. Il est peu probable que l’impétrant endosse l’ambiguïté de sa situation et renonce à ce qui représente un avantage pour lui : pouvoir revendiquer la protection de la France si les choses tournaient mal pour son régime dont le principal fonds de commerce est de critiquer violement la France. A défaut d’une renonciation volontaire à cette nationalité française, M. Alou Boi Diarra pourrait probablement en être déchu pour différents motifs prévus dans la loi mais il est peu probable que l’Etat français se lance dans une telle procédure juridique (Annulation, retrait ou déchéance de nationalité française | Service-public.fr) pour ne pas jeter de l’huile sur le feu.

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L’éternel syndrome des citoyens d’anciennes colonies françaises
La nationalité française du président de Madagascar

Cet imbroglio confirme une nouvelle fois l’intérêt qu’aurait la République française à être plus regardante sur l’octroi de sa nationalité à des citoyens étrangers. A force d’avoir distribué ce hochet à tout bout de champ, cette générosité revient en boomerang et l’on découvre avec stupeur des forbans bénéficiant de cette nationalité favorisant les actions politiques nauséabondes d’une bande de mercenaires aux dents longues, ravis de savonner la planche de l’ex-puissance coloniale….

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Il faut rapatrier l’ambassadeur de France au Niger

Le pouvoir galonné qui a pris le pouvoir au Niger à la fin du mois de juillet prononce l’expulsion de l’ambassadeur de France. L’Allemagne et le Nigeria sont l’objet de la même décision mais font profil bas jusqu’ici. Paris, qui en fait toujours plus que les autres, dénie à la junte militaire le droit de décider une telle expulsion. La France compte-t-elle maintenir de force son ambassadeur sur place ? Va-t-elle faire sortir sa troupe de ses casernes sur place (on parle de 1 500 hommes sur la base de Niamey) pour défendre son ambassade face aux furieux qui manifestent devant ses murs et cassent tout ce qu’ils peuvent ? C’est irréaliste ! Le mieux à faire est de rapatrier en bon ordre tout ce petit monde, civil et militaire, ce qui va déjà être suffisamment complexe pour éviter de jeter de l’huile sur le feu. N’importe quelle autre ambassade pourra gérer les intérêts français sur place sans trop de difficultés. Reste le cas des civils privés qui sont présents au Niger, dans des entreprises ou des organisations humanitaires : pour eux l’heure du choix peut-être déchirant va se poser, rester ou partir, comme il s’est déjà posé dans nombre d’autres pays sahéliens dont la France officielle a été chassée ! Par souci de parallélisme des formes, il faut également faire connaître le même sort à l’ambassadeur du Niger en France dans la mesure où il en existe un.

Le destin de la France est de s’éloigner physiquement et politiquement de ses anciennes colonies dont les populations continuent malgré tout à migrer massivement vers la France. Le destin du Niger reste quant à lui à définir et cela se fera sous d’autres auspices que celles d’une période post-coloniale qui a atteint ses limites soixante années après les décolonisations des années 1960. On verra dans dix ou vingt ans où en sera le Niger et ses voisins du Sahel ; pas sûr que leur situation sera significativement dégradée versus celle d’aujourd’hui. Comme pour une enfant qui s’éloigne de ses parents, le Niger doit maintenant s’émanciper de la France. C’est toujours douloureux sur le moment pour la maman mais c’est un mauvais moment à passer, les relations peuvent reprendre ensuite sur des bases bien plus saines, ou rester distantes. Le mieux est de se donner rendez-vous dans dix ou vingt ans et de voir comment tout ceci aura évolué.

En attendant, les Etats-Unis qui disposent également de bases au Niger avec un millier d’hommes semblent en meilleurs termes avec les galonnés qui ont pris « illégalement » le pouvoir et leur présence dans le pays ne serait pas remise en cause pour le moment. L’Occident ne quittera pas complètement la zone malgré le départ de la France qui est écrit d’avance.

Ce week-end en Afrique centrale des élections présidentielles auront lieu au Gabon que le fiston Bongo, Ali, semble en bonne voie de remporter pour un troisième mandat après les quarante-sept années du pouvoir tenu par son père Omar. Cela fait donc maintenant plus de soixante ans que le père et le fils Bongo trustent le poste de président du Gabon avec un cortège de malversations et de mauvaise gouvernance. Ali a par ailleurs été victime d’un accident vasculaire cérébral qualifié de sérieux au cours du mandat qui s’achève dimanche. On ne sait même plus vraiment s’il est véritablement toujours en état de gouverner…

Alors, que préférez-vous : la « démocratie » gabonaise ou la « dictature » nigérienne ?

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Une dérive française évitée au Niger

Le Canard Enchaîné (02/08/2023)

Il semblerait d’après la presse bien informée que les troupes françaises aient été approchées par les soutiens du président nigérien démis le 27 juillet par un galonné et assigné à résidence pour le libérer. On se félicité que Paris n’ait pas donné suite à ce énième appel au secours d’un président africain mis dehors par un pronunciamiento. On se croirait revenus aux années 1970 où Foccart, éminence grise du général de Gaulle, lançait la légion pour rétablir des présidents poussés dehors par une soldatesque dépenaillée comme Léon M’Ba au Gabon en 1964.

Heureusement la troupe française stationnée au Niger n’a pas reçu instruction d’intervenir, mais le simple fait que des Nigériens aient demandé une intervention montre combien la dépendance à l’égard de l’ancienne puissance coloniale est encore forte. Rapidement l’armée nigérienne a rallié la rébellion rendant ainsi caduque la demande d’assistance qui aurait été émise dans les premiers jours par le chef d’état-major. Ce serait l’ex-président, assigné à résidence mais ayant toujours accès à un téléphone, qui aurait mis son véto à une implication militaire française, espérant toujours alors régler le « problème » par la négociation.

Il reste à espérer que pas un responsable à Paris n’a eu l’idée saugrenue de considérer cette demande nigérienne autrement que pour la rejeter !

Lire aussi : Il faut laisser tranquille le galonné Tiani au Niger

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Il faut laisser tranquille le galonné Tiani au Niger

Pancho / Le Canard Enchaîné (02/08/2023)

L’ONU, la CEDEAO, la France, les Etats-Unis, et bien d’autres, s’émeuvent qu’un général nigérien de rencontre ait pris le pouvoir au Niger. Au passage il a assigné son prédécesseur et sa famille à résidence, embastillé quelques ministres du précédent gouvernement et s’égosille à publier des communiqués haineux contre la France. Rien de bien grave donc, juste une transition politique qui ne répond pas exactement aux critères démocratiques occidentaux, mais qui rentre parfaitement dans les us et coutumes de la majorité des pays membres des Nations Unies.

La communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (dont le Niger est l’un des quinze pays membres) menace même de rétablir cet « ordre constitutionnel » manu militari, menace qui ne fait pas peur à grand monde tant on sait les armées de ces pays peu équipées ni aguerries pour réaliser une telle mission si jamais elle était décidée ce qui paraît de moins en moins probable.

Revenir en arrière semble désormais peu crédible et pas forcément souhaitable. La plaisanterie a bien duré maintenant il faut y mettre fin et reconnaître ce nouveau pouvoir qui ne devrait être ni mieux ni pire que le précédent et qui a au moins le mérite de faire l’unanimité parmi la population de la capitale Niamey.

Lire aussi : Les galonnés du Niger consolident leur pouvoir

Evidemment il va falloir faire avaler leur chapeau à tous les imprudents qui jacassent dans les institutions internationales ou dans les cabinets ministériels parisiens en faveur du retour à « l’ordre constitutionnel » mais il existe suffisamment de diplomates bien madrés capables de mettre au point un accord de papier qui permette à chacun de sauver la face en laissant ces galonnés aux commandes, le Niger aller vers son destin et le reste du monde passer à autre chose.

Pour une fois la Russie montre la voie de la sagesse et son ministre des affaires étrangères a communiqué le 11 août :

Nous estimons qu’une solution militaire à la crise au Niger pourrait conduire à une confrontation prolongée dans ce pays africain, ainsi qu’à une forte déstabilisation de la situation dans l’ensemble de la zone sahélo-saharienne.

https://mid.ru/fr/foreign_policy/news/1900319/
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Les galonnés du Niger consolident leur pouvoir

Malgré les oppositions de circonstance, occidentales comme africaines, les militaires nigériens qui ont pris le pouvoir à Niamey le consolide en nommant un premier ministre et un gouvernement, et en provoquant des rassemblements populaires pour soutenir la clique de galonnés initiateurs du coup d’état et vilipender la France, ex-puissance coloniale qui dispose toujours de garnisons militaires dans ce pays.

La communauté des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) fait entendre les bruits de bottes de sa soldatesque et menace d’envoyer une force africaine pour rétablir « l’ordre constitutionnel » au Niger. Cette communauté est actuellement présidée par le Nigeria qui constituerait le plus de la force militaire interafricaine si une intervention était finalement décidée, ce qui semble improbable. Le Mali et le Burkina qui en sont membres, qui eux aussi sont gouvernés par des galonnés issus d’un coup d’état, ont clamé que toute intervention armée contre leurs « frères » du Niger serait considérée comme une déclaration de guerre à leur encontre. Entendre le Nigeria donner des leçons de démocratie à l’un de ses voisins, c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité, et cela prête à la franche rigolade.

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Plus sérieusement, il est probable que la raison l’emportera et que tout ce petit monde oubliera rapidement ces intentions guerrières pour se retrouver et papoter sous l’arbre à palabres afin de trouver un compromis qui permettra aux galonnés de Niger de rester aux commandes du pouvoir qu’ils ont pris un peu brutalement en échange de quelques engagements de circonstance qui ne tromperont personne mais permettront d’apaiser la situation. La dernière guerre dans la région remonte à celle dite « de la bande d’Abacher » en 1985 entre le Mali et le Burkina pour le contrôle d’une bande désertique de 300 km de long sur 50 m de large. Elle donna lieu à quelques combats erratiques lancés le 25 décembre 1985 arrêtés par un cessez-le-feu dès le 29 décembre mais qui firent environ 200 morts des deux côtés. La zone litigieuse fut ensuite équitablement répartie entre les deux belligérants par une décision de la cour internationale de justice (CIJ), acceptée par les partis et on n’en parla plus.

A l’époque le coup d’état était l’unique mode de transition politique. Il semble redevenir le moyen privilégié de changement de pouvoir dans les pays sahéliens, pourquoi s’y opposer systématiquement. N’en déplaise aux donneurs de leçons de démocratie, des élections dans un pays où la population alphabétisée est plutôt très minoritaire et où les organisations de partis politiques sont largement supplantées par les communautés ethniques, n’est guère plus efficace que le pronunciamiento. L’essentiel est que le pouvoir change de mains de temps en temps et, à ce niveau, les élections n’ont pas montré une meilleure efficacité que les coups d’état.

Laissons donc le Niger aller vers son destin, avec la Russie si tel est son bon vouloir comme semble l’indiquer les drapeaux russes largement déployés par les manifestants pro-galonnés.

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Changement politique au Niger

Niger, coup de 07/2023

Changement politique au Niger : un nouveau président prend le pouvoir à Niamey, c’est un galonné issu d’un coup d’état ce 26 juillet. Il était le chef de la garde présidentielle et a donc trahi le président qu’il était chargé de protéger qui était lui-même arrivé au pouvoir via des élections « démocratiques ». Après le Burkina-Faso, le Mali, la Guinée, le coup d’état redevient le moyen favori pour changer de président dans les pays africains. Après tout la méthode a fait ses preuves et n’a pas apporté plus de troubles dans les pays concernés que le renouvellement à l’infini de dynasties familiales par l’intermédiaire d’élections sur le modèle occidental. Le Tchad, le Congo, le Togo ne sont pas mieux ni plus mal gérés par les mafias familiales que ces pays sahéliens qui ont rétabli des cliques militaires à leur tête, d’autant plus que ces coups ne sont généralement pas particulièrement violents.

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Comme à chaque pronunciamiento se déroulant dans d’anciennes colonies françaises, la France est immédiatement vouée aux gémonies, Paris accusé de manipulations et l’ancienne puissance coloniale, rendue responsable de tous les maux qui ont « forcé » les galonnés à se « dévouer » pour prendre le pouvoir, priée de rentrer dans ses pénates. Le cas du Niger ne dévie pas de cette bonne habitude et des foules excitées ont malmené les murs de l’ambassade de France en criant des slogans pro-russes puisque Moscou est redevenue la puissance amie de ce « Sud-global » comme elle le fut autrefois en soutenant les processus de décolonisation dans les années 1950-1960.

Les pays occidentaux et les organisations multilatérales, africaines comme internationales, publient des communiqués désormais bien rôdés appelant au « rétablissement du président élu » et au retour à la « démocratie » et bla-bla-bla. Quelques sanctions de pure forme sont prises puis seront rapidement levées tout rentrera dans l’ordre et la nouvelle junte sera confirmée après, bien entendu, s’être engagée à « rendre le pouvoir aux civils… » un jour !

Dans le cas particulier du Niger, la France y avait redéployé son dispositif militaire après avoir été chassée du Mali en 2021 puis du Burkina-Faso en 2023. Les Etats-Unis d’Amérique y disposent aussi d’un contingent militaire chargé de surveiller et de porter des coups au terrorisme religieux islamiste qui pullule dans la région. L’avenir dira rapidement si ces bases vont devoir être repliées ou, à l’image de la base américaine de Guantanamo à Cuba, pouvoir être maintenues en territoire désormais hostile. Le redéploiement des forces française sur des terrains où elles seraient plus utiles et bienvenues est certainement envisagé sérieusement pour les autorités françaises.

Ces pays sahéliens veulent désormais se rapprocher de la Russie, eh bien il faut les laisser faire. La Russie a montré une certaine efficacité dans le traitement des rébellions religieuses, que ce soit en Syrie ou en Tchétchénie. Ses méthodes de terrain ne sont pas freinées par le droit de la guerre ou des considérations de droits de l’homme. Voyons-la à l’œuvre en Afrique où elle est acclamée et désirée. Nombre de dirigeants et de peuples africains veulent remplacer les puissances néocoloniales par Moscou. Ils y sont certainement un peu poussés par la propagande mais il ne faut pas mésestimer leur réelle volonté de changer de protecteur, en attendant qu’ils puissent être véritablement indépendants.

Lire aussi : L’armée française a quitté le Burkina-Faso

Ceux qui ont déjà scellé cette « amitié indéfectible » avec Moscou pourront édifier les autres sur les avantages et inconvénients de cette nouvelle alliance. Le devoir de l’ancienne puissance coloniale française qui a beaucoup failli dans ces affaires est de laisser l’Afrique aller vers son destin et où son cœur la mène !

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Le Mali face à lui-même

Le Mali vient de faire approuver par référendum, adopté par 97% des 39% des votes exprimés, une nouvelle constitution qui viserait à faire le lit du colonel Goïta, actuel chef de l’Etat depuis le coup de 2020, pour son maintien au pouvoir après la période en cours qui devait s’achever par des élections présidentielles en 2024. Ce projet renforce également le pouvoir de l’armée dont Goïta est l’un des chefs.

Dans le même temps, après avoir prié l’armée française d’évacuer le pays en 2021, le Mali demande maintenant la même chose aux forces des Nations Unis censés maintenir la paix. La France et l’ONU ayant échoué, la tendance était donc à leur départ, c’est compréhensible pour un pays en quête de « souveraineté ».

Le Mali se retrouve maintenant face à lui-même. Enfin, pas tout à fait puisque la Russie est de nouveau présente au Mali, après l’avoir été fortement pour les quelques années postindépendance, et les relations entre les deux présidents semblent au beau fixe.

Ce renversement d’alliances va dans le bon sens, même si le Mali risque de se transformer en Etat-mafieux. La France a maintenant redéployé ses forces militaires (et ses économies budgétaires) sur des terrains où elles seront mieux utilisées. Dans dix ans il sera temps de faire honnêtement le bilan de tout ceci pour conclure si ce qui se passe est dans l’intérêt de ce pays sahélien, ou pas…

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La nationalité française du président de Madagascar

A nouveau une ancienne colonie française, Madagascar, se trouve engagée dans un improbable imbroglio juridique du fait de la politique généreuse de Paris dans l’octroi de la nationalité française à des étrangers. Après avoir appris la nationalité française de plusieurs ministres de l’actuel gouvernement des Comores, en pleine discussion avec le gouvernement français sur l’avenir de Mayotte, on apprend aujourd’hui que le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, a obtenu la nationalité française en 2014. Cette situation déclenche une sérieuse polémique localement.

L’opposition malgache s’interroge pour savoir si du fait de cette nationalité française, M. Rajoelina peut toujours être considéré comme malgache et donc légitime à la tête de l’Etat ? Il semble que le code local de la nationalité permette de discuter ce point ce dont ne se prive pas l’opposition.

Le plus étonnant dans cette affaire est non pas tant que la France distribue sa nationalité comme des médailles, mais que de hauts dirigeants d’anciens pays décolonisés prennent soin d’acquérir la nationalité de l’ex-puissance coloniale alors même qu’ils dirigent leur propre pays. Comment dans ces conditions peuvent-ils démontrer un engagement sincère au peuple qui les a élus ? C’est bien le problème qu’affronte aujourd’hui M. Rajoelina.

A titre personnel il se sent certainement plus rassuré de bénéficier de la nationalité française et du cortège de protections qui va avec, plutôt que d’être « simplement » malgache, mais son sens de l’intérêt général de Madagascar peur être mis en doute. A-t-il pensé une seconde que si les Malgaches découvraient cette situation ils pourraient se poser de légitimes questions sur sa sincérité ? Pour avoir négligé ce point il risque d’être rapidement confronté à une procédure de destitution.

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On ne sait pas encore si légalement parlant M. Rajoelina a la double nationalité ou, finalement, uniquement la française. L’avenir le dira rapidement mais c’est l’occasion de revenir sur ce concept de double-nationalité, pour le moins ambigüe. La France a eu un premier ministre, Manuel Valls, qui a la double nationalité franco-espagnole. On l’a ainsi vu hésiter sur le pays dans lequel il voulait s’engager. Réélu député français en 2017, il a démissionné rapidement de ce mandat, sans doute car il aspirait à mieux, pour aller se présenter à la mairie de Barcelone. Il n’a gagné qu’un modeste poste de conseiller municipal à Barcelone, dont il a de nouveau démissionné quelques mois plus tard pour venir montrer de nouveau sa frimousse sur les plateaux télévisés politiques parisiens, marquant ainsi sa « disponibilité » pour la République française. Il va même jusqu’à se présenter aux élections législatives françaises de 2022 mais n’est pas élu. Il semble qu’il a maintenant compris que ses démissions compulsives ont fatigué les électeurs. Mais ses atermoiements politiques et son indécision ont justement été rendus possibles par son statut de double nationalité franco-espagnole.

La question majeure posée par ce concept, reconnu en France : si un jour il y a la guerre entre la France et l’Espagne, dans quel camp Manuel Valls ira se battre ?

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Le baiser de la babouche russe

Le président de la République algérienne démocratique et populaire, Abdelmadjid Tebboune, fait parler de lui. A l’occasion d’une vite en Russie, il a participé au forum économique de Saint-Pétersbourg où il a qualifié, en arabe, son homologue russe « d’ami de l’Humanité ». A la télévision on voit son homologue accuser le coup, vaciller sous l’hommage, l’air de ne pas y croire, puis délivrer l’un de ses rares sourires à son interlocuteur. Par les temps qui courent il fallait tout de même oser qualifier M. Poutine « d’ami de l’Humanité » mais son homologue algérien n’a pas été effrayé par cette saillie.

Après tout, la République algérienne démocratique et populaire et l’Union soviétique furent effectivement de bons amis mais c’est surtout le rejet définitif de la France qui motive le comportement algérien. La conquête française et, surtout, la guerre de décolonisation ont laissé de très mauvais souvenirs qui continuent à infuser l’imaginaire populaire même si dans les faits, la majorité des Algériens d’aujourd’hui n’étaient pas nés au moment de la guerre et de sa conclusion par l’indépendance. La blessure morale est indélébile.

Evidemment, dans son discours de bienvenue, le président russe a mentionné l’aide apportée par l’Union soviétique pour la libération de l’Algérie de la colonisation française.

As a reminder, our country helped our Algerian friends fight colonialism and was among the first to recognise the independence of Algeria. It contributed to the development of Algerian statehood and the strengthening of the young republic’s position in the international arena.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71437

La délégation de l’Algérie aime à s’entendre rappeler sa victoire contre le colonialisme et la Russie cultive cette histoire qui lui permet de séduire aujourd’hui Alger et, hier, la délégation africaine venue proposer un plan de paix entre l’Ukraine et la Russie. Il n’est pas sûr qu’ils puissent véritablement aider Moscou dans ses guerres de conquêtes, ni militairement ni, encore moins, financièrement mais ils remontent le moral du président russe qui, manifestement, nageait dans un bain de jouvence ces derniers jours à Saint-Pétersbourg.

Le président Tebboune a poursuivi ses hommages déférents à son « ami » Poutine tout au long de son séjour :

We have almost agreed – even before we started the talks – on all items related to the international situation, a very tense situation, as you know. It is necessary to accelerate the process of Algeria joining the BRICS group so that we no longer accept dollars and euros. This will be to Algeria’s benefit. God grant!

Where the Sahel region is concerned, we support relations between Mali and the Russian Federation. Mali neighbours our country. We should negotiate and discuss all issues under any circumstances. We have an instrument known as the Algiers Agreement.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71436

La prise de position des dirigeants africains en faveur de Moscou, même symbolique, laissera des traces. Reste à savoir maintenant si les flux migratoires se réorienteront vers la Russie plutôt que vers l’Europe ou les Etats-Unis. Les peuples voteront ainsi avec leurs pieds et soutiendront, ou pas, les manifestations d’effusion de leurs dirigeants. L’avenir dira aussi sous peu si les exportations algériennes seront désormais libellées en monnaie russe ou chinoise. C’est techniquement possible, il suffit de le décider. Ce qui est sûr c’est qu’elles ne pourront pas l’être en dinars algériens, cette devise n’étant ni convertible ni transférable pour le moment.

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Les pays africains en délégation pour la paix en Ukraine

La Chine qui a effectué une navette entre Kiev, Moscou et quelques pays européens sur la base de son initiative pour un « règlement politique de la crise ukrainienne » de février 2023. Il a été aimablement reçu par tout le monde. Alors qu’il séjournait dans la capitale ukrainienne une salve de missiles russes s’est abattue sur la ville dans la nuit du 17 au 18 mai, lui faisant vivre de près les affres de la guerre. On n’a pas connaissance de conclusions écrites de ce voyage diplomatique sinon une intervention télévisée dans laquelle il se prononce pour un arrêt des fournitures d’armes aux belligérants, ce qui revient bien sûr à la victoire de la Russie puisque l’Ukraine est très majoritairement dépendante pour ses armes des livraisons occidentales. On ne précise d’ailleurs jamais si ces matériels sont donnés ou vendus à l’Ukraine.

Lire aussi : La Chine a proposé un plan de paix pour la guerre d’Ukraine

C’est aujourd’hui une délégation de responsables africains, menée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui essaye de faire bouger les lignes. Outre le Sud-africain, elle est composée des présidents du Sénégal, de la Zambie et des Comores (en tant que président de l’Union africaine), du premier ministre égyptien et de représentants du Congo et de l’Ouganda. De passage à Kiev, ils ont proposé, notamment, de lever les poursuites lancées contre le président russe, ce qui a été mal perçu… A Moscou où ils ont été reçus en majesté, ils ont rappelé le principe de « souveraineté telle que reconnue par l’ONU ». Outre leur volonté de désescalade, partagée par tout le monde sauf par les belligérants, ils ont surtout en ligne de mire les effets néfastes de la guerre sur le marché des céréales, dont ils souffrent en tout premier lieu.

Dans son discours d’introduction, le président russe a précisé :

Let me stress once again that we are open to constructive dialogue with everyone who wants peace to be achieved based on the principles of justice and consideration of the legitimate interests of the parties.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71451

A la différence de la Chine, peut-être produiront-ils un document qui permettra d’en savoir plus sur leurs propositions, au-delà de ces échanges de salon. Malgré la gravité de la situation, les dirigeants de ces anciennes colonies du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique, des Pays-Bas… ont du mal à cacher une certaine forme de jubilation à paraître aider l’Occident à se sortir du mauvais pas dans lequel le met l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Ils s’en remettent pour l’instant à la Russie et nombre d’entre eux ont déjà renforcé leur coopération militaire et civile avec Moscou et mis fin à leurs anciennes et historiques coopérations, parfois avec perte et fracas comme pour la France au Mali. Les pays africains sont légitimes à faire ainsi, d’autant plus que la coopération avec leurs anciennes puissances colonisatrices n’a pas toujours donné tous les résultats attendus, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans quelques années ils seront ainsi en mesure de pouvoir comparer les avantages et inconvénients de chaque partenariat.

Le rejet de l’ancien colon par les pays africains a souvent été sous-estimé. Il se révèle aujourd’hui en pleine lumière et voit d’anciens pays colonisés opter clairement pour une puissance dont les comportements en termes de domination d’autres pays n’est pas exempt de reproches mais c’est aussi un retour vers le successeur de l’Union soviétique qui a soutenu dans les années 1960-1970 les combats « révolutionnaires » de certains pays africains, le tout dans la fiction du « non-alignement ». La roue tourne et cette guerre d’Ukraine déclenche un bouleversement des alliances et un isolement de l’Occident. Est-ce que le ralliement de l’Afrique à Moscou est un véritable problème pour l’Occident ? Sans doute pas mais l’avenir le dira !

Transition au Soudan

Soudan, coup de 2019

Le galonné qui avait pris le pouvoir au Soudan lors d’un coup d’état en novembre 2021 voit sa position contestée par un autre galonné, qui faisait d’ailleurs partie de l’équipe ayant mené le putsch de 2021. Les deux galonnés s’affrontent à Khartoum, le premier à la tête de l’armée « légale », le second dirigeant une bande de mercenaires, ex-rebelles, en cours d’intégration dans l’armée officielle. Tout ce petit monde semble relativement bien armé et les combats font rage. En principe les munitions devraient se tarir assez vite, les convictions des uns et des autres s’émousser tout aussi rapidement et un vainqueur émerger sous peu.

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Cette soldatesque s’est plutôt illustrée ces dernières années par ses crimes de guerre contre les tribus du Darfour, le trafic d’otages et celui de réfugiés, ou le pillage des ressources locales, que par son sens de la discipline et de la défense de l’Etat. On se souvient qu’une autre guerre civile à forte connotation religieuse entre les musulmans du nord et les chrétiens du sud avait amené à l’indépendance du Soudan du Sud, Etat créé de toutes pièces en 2011 au terme d’un conflit sauvage qui fit deux millions de morts. Ce nouvel Etat est quasiment en guerre civile depuis sa création. On scinde les Etats pour résoudre les guerres civiles, mais telle la division cellulaire, les guerres civiles se divisent également et se multiplient dans les nouveaux Etats tout en se maintenant dans les anciens.

Au-delà des combats en cours qui ont tout de même fait quelques centaines de morts, dont des civils, cette montée de tension enfonce sans doute un dernier clou dans le cercueil des illusions occidentales sur la démocratisation en Afrique. Le coup d’Etat devient désormais le mode privilégié de changement de pouvoir sur le continent, largement approuvé par les pays « illibéraux » anti-occidentaux comme la Chine et la Russie qui n’arrêtent pas de ressasser que le système démocratique est minoritaire sur la planète et que le mode de gouvernance international doit maintenant évoluer en faveur de leur système autoritaire.

General Mohamed Hamdan Daglo, Sudan’s deputy head of the Transitional Military Council, attends the signing of the constitutional declaration with protest leaders, at a ceremony attended by African Union and Ethiopian mediators in the capital Khartoum on August 4, 2019. (Photo by ASHRAF SHAZLY / AFP)

Il n’est pas sûr qu’une telle évolution se réalise, en attendant, les réfugiés soudanais lorsqu’ils en ont la possibilité choisissent plutôt la route vers l’Occident que celle vers la Chine ou la Russie…

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Mais de quoi se mêle-t-on ?

Capitaine Traoré (à gauche) et Colonel Goïta

Le président de la République française vient de faire un voyage officiel de quelques jours en Afrique sub-saharienne pour y asséner des messages un peu surannés, très peu utiles et annonciateurs de problèmes :

« Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable [avec l’Afrique] »

Combien de fois a-t-on déjà entendu ce genre de billevesées finalement très peu suivies d’effets ? La France, ex-puissance colonisatrice est en bonne voie de retrait du continent, parfois poussée très fort dans le dos par les ex-colonisés. Il faut en prendre acte et ne pas chercher à rentrer par la fenêtre après avoir été poussé vers la sortie par la porte.

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Compte tenu du passé colonial de la France, la relation ne sera jamais « équilibrée, réciproque et responsable », ou tout au moins pas avant plusieurs générations. Alors laissons le secteur privé français faire du business sur le continent à ses propres risques s’il l’estime utile mais cessons d’y faire de la politique. Après tout les groupes Bolloré, CMA-CGM et d’autres ont plutôt bien réussi. Et pour l’aide au développement ou humanitaire il est plus approprié que la France la prodigue désormais via les institutions de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui sont là pour ça. Les équipes diplomatiques, financières, militaires françaises présentes à grand frais sur le continent seront parfaitement bien réemployées sur le territoire national.

Il faut également accélérer le démantèlement de la « Zone Franc », survivance préhistorique du passé qui déresponsabilise ses pays membres, et laisser les pays africains qui le souhaiteraient mettre en place une monnaie commune ou unique, mais sans lien avec le Trésor français qui, encore aujourd’hui, garantit la valeur du franc CFA avec l’EUR.

Hélas, Paris ne semble pas vraiment emprunter cette voie. La dernière étape du voyage présidentiel se déroulait en République populaire du Congo (RDC, ex-Zaïre), en conflit quasi ouvert avec son voisin oriental le Rwanda. Le président Macron s’est encore senti poussé des ailes de médiateurs et tente de réconcilier les présidents congolais et rwandais. La France est tout sauf légitime à interférer dans ce conflit régional compte tenu de son implication des deux côtés : avec l’ex-Zaïre dont elle a gâté l’ex-dictateur Mobutu, avec le Rwanda qui l’accuse ouvertement d’avoir participé au génocide des Tutsis en 1994… Il y a des pays (vraiment) neutres ou les instances de l’ONU qui savent bien mieux faire ce genre de négociations dans lesquelles il n’y a que des coups à prendre, tout spécialement pour un pays comme la France qui a été à ce point impliqué (parfois à son corps défendant) dans les dérives dans lesquelles ces pays se sont abandonnées au cours des dernières décennies.

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L’Afrique de toute façon vogue vers son destin et celui-ci se fera sans la France. Evitons qu’il ne se fasse contre elle !