Alors qu’il n’a pas encore pris officiellement ses fonctions, le président élu Trump continue ses déclarations tonitruantes et plutôt hétérodoxes sur l’extension du territoire des Etats-Unis d’Amérique. Il vient de réaffirmer sa volonté de voir son pays acheter le Groenland au Danemark. Il avait déjà formulé cet objectif lors de sa première présidence (2016-2020). Il la complète cette fois-ci avec les menaces de rétablir la souveraineté américaine sur le canal de Panama et de transformer le Canada en un Etat américain si ce dernier continue à laisser passer des migrants à travers leur frontière commune. La seconde présidence Trump n’a pas encore débuté qu’elle promet déjà des étincelles.
Mais quelle époque ! Alors que la Russie cherche à conquérir l’Ukraine par la force des armes depuis la guerre d’invasion initiée il y a presque trois ans, les Etats-Unis menacent de coloniser le Canada ou « d’acheter » le Groenland. Les empires se déchaînent et veulent appliquer la loi du plus fort au détriment du droit international si difficilement mis en place après la IIe guerre mondiale.
L’hubris de dirigeants mal éduqués les rend avides de conquêtes territoriales. Ils sont plus gros et plus forts que les petits, alors pourquoi se gêner ? On peut se demander si le système international mis en œuvre sous l’égide des Nations-Unis depuis 1945 n’a pas atteint ses limites ? Plutôt que de chercher à le réformer, les empires le foulent aux pieds, cela va plus vite pour accroître leur puissance, du moins le croient-ils.
La Russie, dirigée par une clique de forbans jamais vraiment sortis de l’époque soviétique, envoie directement ses chars pour conquérir les territoires ex-soviétiques qui tentent de s’éloigner de son influence. Les Etats-Unis, pour le moment, apparaissent un tout petit peu plus policés et proposent « d’acheter » les territoires qu’ils convoitent. Comme il est peu probable que leurs propositions déclenchent beaucoup d’enthousiasme de la part de leurs potentiels vendeurs on peut imaginer que l’étape suivant pourrait être la conquête par la force. Toutefois, les guerres précédentes au Vietnam, en Iraq ou en Afghanistan n’ont pas laissé que de bons souvenirs alors on peut penser que Washington se contentera de la guerre commerciale pour tenter de faire plier les récalcitrants.
Ce n’est pas le cas de la Russie qui se posent beaucoup moins de questions, et surtout n’a pas à en poser à une opinion publique ou à des élus. Demain ce pourrait être le cas de la Chine qui a toujours en ligne de mire la réunification de l’ile de Taïwan et qui se posera probablement fort peu de questions éthiques le jour où elle se sentira prête à prendre le sentier de la guerre d’invasion.
C’est notre époque, c’est aussi l’échec de la génération des « boomers » ; l’épisode de paix en Occident semble prendre fin et les armes parlent non loin de l’Europe. Plus ou moins conscient de cette situation qui dérive (un « point de bascule » comme on le dit dans les journaux télévisés) l’Occident hors-Etats-Unis réarme, plutôt lentement. Washington reste à la tête d’un budget militaire considérable, ce qui assure une partie de leur puissance. Des pays comme la France, lorsqu’ils ont le choix, préfèrent encore financer des jeux olympiques en 2024 puis en 2030 plutôt que de fabriquer des chars d’assaut ou des avions de combat.
Ce choix de la paix est philosophiquement sympathique mais militairement dangereux pour les démocraties européennes. Le temps se couvre, les pays nuisibles à l’Europe se renforcent et multiplient les actions hostiles. Le temps des révisions déchirantes est sans doute venu.