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  • Double victoire de la Russie contre l’occident

    Double victoire de la Russie contre l’occident

    La Russie a le vent en poupe dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine et à l’Occident. Hier le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement a entériné l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne (UE) pour l’Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine. Certes il reste encore de nombreuses étapes à franchir avant que ces adhésions ne soient opérationnelles, l’exemple de la Turquie est là pour le rappeler, mais on peut imaginer que pour l’Ukraine en guerre contre la Russie l’Union sera moins exigeante pour accélérer cette adhésion comme prix des sacrifices endurés par Kiev pour défendre les frontières Est de l’Europe contre l’agressivité de la Russie.

    L’ouverture des négociations d’adhésion déclenche le déblocage de fonds européens en faveur des candidats pour les aider à se mettre à niveau et il va bien falloir que ces fonds soient prélevés quelque part, c’est-à-dire dans les poches des Etats membres actuels ce qui risque de déclencher frustrations et difficultés. L’entrée de ces pays dans les instances de l’UE va significativement changer ses objectifs et ses règles, probablement en les dégradant car l’aspect politique de l’Union va progressivement être dissous dans l’immense capharnaüm que va devenir le conseil européen réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement. Essayons d’imaginer la table du conseil demain avec les pays fondateurs, les pays de l’Est adhérents post-dislocation de l’URSS, certains pays balkaniques, sans parler de l’Albanie, la Géorgie et d’autres qui lorgnent vers un siège à Bruxelles. La confrontation de tant d’intérêts divergents, de niveaux de développement économique différents, de cultures et de religions parfois opposées va immanquablement entraîner la dilution de l’aspect politique que les pères fondateurs ont voulu donner à l’Union. La question budgétaire va également être au centre de conflits sans fin tant les besoins financiers de ces candidats sont gigantesques. Les probables difficultés à financer cette mise à niveau des candidats va immanquablement entraîner une baisse des flux financiers vers les pays qui en sont aujourd’hui bénéficiaires. Il va bien falloir trouver les sous quelque part…

    Lire aussi : Le syndrome de l’adhésion

    Les pays dits « illibéraux », mais aussi certains partis nationalistes aux Etats-Unis et dans des pays occidentaux se frottent les mains devant cette déliquescence annoncée du projet européen tant ils rejettent ses « valeurs » démocratiques et libérales, la Russie au premier chef !

    Deuxième victoire de Moscou face à l’Occident, le refus, ou le report dans le meilleur des cas, des aides financières que prodigue l’Union à l’Ukraine après que les Etats-Unis ont adopté la même position. Depuis deux ans que dure la guerre d’Ukraine, les pays occidentaux qui finance l’Etat ukrainien et le fournisse en armes commencent à affronter la lassitude de leurs citoyens. Evidemment c’est du pain béni pour la Russie dont les capacités de résistance à l’adversité ne sont plus à démontrer et qui est largement aidées par ses pays amis. Voir l’aide occidentale à son ennemi ukrainien se déliter ne peut que renforcer la position de Moscou dans ce conflit.

    La semaine qui se termine a été excellente pour le pouvoir russe engagé dans un combat féroce contre l’Occident mais la lutte n’est pas encore terminée !

    Lire aussi : La guerre en Ukraine : un échec collectif

  • Un thé « Au bord du Monde »

    Un thé « Au bord du Monde »

    Un café-librairie à Saint-Laurent de la mer : au fond l’immense baie de Saint-Brieuc à marée-basse, Iggy sur la sono (James Bond) suivi par Leonard Cohen (I’m your man), de vieux vinyles en vente dans les bacs, Klaus Schultz, Grateful Dead, Lou Reed, Cat Power, Bessie Smith, Robert Wyatt ; côté livres d’occasion, Colette, Jakez Hélias, Saint-Simon… Le thé aux épices est bon et chaud… Tout est calme et désert, respirons, c’est juste une après-midi au bord du monde.

    Voir aussi : https://www.auborddumonde.bzh/

  • L’alliance entre des forbans de droite et des irresponsables de gauche contre le gouvernement en place

    L’alliance entre des forbans de droite et des irresponsables de gauche contre le gouvernement en place

    Le parti de droite Les Républicains (LR) a franchi le rubicond en s’alliant avec les extrêmes de gauche et de droite pour empêcher l’examen d’un projet de loi sur l’immigration déjà amendé et approuvé par le sénat. Un mystérieux article du règlement intérieur de l’assemblée nationale permet en effet de rejeter l’examen d’un texte si une majorité se rassemble en faveur de ce rejet, ce qui fut le cas aujourd’hui. Le gouvernement a alors le choix de retirer le texte ou de convoquer une « commission mixte paritaire » composée de députés et de sénateurs pour tenter de se mettre d’accord sur une nouvelle version du projet de loi. C’est cette dernière option qui a été choisie.

    Cet incident procédurier n’est pas dramatique, après-tout la France peut sans doute se passer de cette énième loi sur l’immigration. Il faudrait déjà pouvoir appliquer intégralement les précédentes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, avant de légiférer de nouveau. En revanche, cette bataille juridique picrocholine a permis d’assister au consternant spectacle de députés de gauche (plutôt pro-immigration) brailler et applaudir avec des députés de droite (plutôt anti-immigration) devant la défaite du gouvernement qu’ils avaient provoquée. En s’associant à ce combat LR s’est acoquiné avec des forbans sans foi ni loi et a fait basculer la décision.

    Une nouvelle fois la France brille par son incapacité à compromettre pour gouverner au profit du pays, privilégiant les petites haines personnelles et des idéologies au rabais. Après tout, la représentation nationale représente bien la Nation qui l’a élue : des bandes de voyous s’écharpent à coups de couteau dans la rue et leurs représentants se battent à coups d’articles de règlements intérieurs. C’est moins sanglant dans le deuxième cas, mais tout aussi inefficace pour freiner la chute du pays dans une décadence dont on se demande si elle prendra fin un jour.

  • Des baskets et pas de tête

    Des baskets et pas de tête

    Dans un train Paris-Brest, un jeune en jogging blanc et baskets de la même couleur (il ne porte pas de casquette) écoute son smartphone avec le son ouvert, certes à un niveau faible, mais suffisant pour que ses voisins autour de lui entendent. Et lorsqu’il lui est demandé aimablement de porter ses écouteurs ou de couper le son, il s’exécute en s’excusant mais comme il utilise en parallèle son application WhatsApp, chaque fois qu’il envoie un message on entend un léger « ploc » suivi d’un « plic » lorsqu’il reçoit la réponse. Les messages ne faisant pas plus de 3 ou 4 mots, les plic et les ploc prolifèrent.

    Deux rangs derrière, une dame sexagénaire, après avoir téléphoné bruyamment, déplie son pic-nic et laisse ses déchets sur sa tablette en partant.

    Le train est plein et transporte son habituel pourcentage de gens mal-élevés qui ne se sentent même pas coupables de leurs légères incivilités. Ce n’est plus une question d’âge, juste un affaissement des principes, la confirmation d’une certaine décadence.

  • « Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand » au musée de l’Orangerie

    « Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand » au musée de l’Orangerie

    Le musée de l’Orangerie expose la relation partagée entre Amedeo Modigliani (1884-1920) avec un de ses marchands, Paul Guillaume (1891-1934) à travers les tableaux du premier, dont nombre de portrait de M. Guillaume qui ne détestait manifestement pas se faire portraiturer et photographier. Modigliani, italien de religion juive arrive en France en 1903, après un séjour à Venise, se lance dans la sculpture, marque un grand intérêt pour les arts africains dont il s’inspire, fréquente Montparnasse, Montmartre et s’insère dans le foisonnement de la vie culturelle qui explose à cette époque. Ses amis sont Brancusi, Utrillo, Max Jacob, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Diego Riviera… puis Paul Guillaume qui découvre, fortifie et monétarise son talent de peintre.

    L’Orangerie montre une galerie de portraits caractéristiques du modernisme du pinceau de l’Italien : des personnages légèrement difformes, des yeux aux orbites souvent vides mais colorées, des cous surdimensionnés, des traits taillés à la serpe, des corps alanguis, souvent posés sur une chaise, attablés ou accoudés sur un meuble. Dans les tableaux il n’y a quasiment pas d’autres objets, encore moins d’ouvertures sur l’extérieur, tout est centré sur ses modèles qui sont pour la plupart issus des écrivains et artistes parisiens. Pendant que Picasso et Braque fondent le cubisme, Modigliani, qu’ils croisent parfois au Bateau Lavoir de Montmartre sans en être proche, reste fidèle à l’Ecole de Paris qui transforme le postimpressioniste en le modernisant sans le révolutionner.

    La reconnaissance dont bénéficie Modigliani ne l’empêche pas de mener une vie dissolue. Alcool et cannabis expliquent sans doute en partie son décès à Paris à 35 ans. Son marchand Paul Guillaume décède quelques années plus tard. Une sombre histoire de détournement de sa succession dans laquelle est impliquée sa femme amène une décision de justice qui fait revenir l’essentiel de son immense collection à l’Etat français. Elle est visible à la suite de celle de Modigliani.

  • « Perfect Days » de Wim Wenders

    « Perfect Days » de Wim Wenders

    Un merveilleux film du réalisateur allemand Win Wenders pour lequel l’acteur principal Kōji Yakusho a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2023. C’est l’histoire d’Hirayama, employé par la ville de Tokyo pour en nettoyer les toilettes publiques, tâche qu’il accomplit avec minutie, dévouement et, presque, avec plaisir. Son ordinaire est réglé comme du papier à musique : lever (tôt), repli du futon, brossage de dents et départ vers le boulot à travers les rues ensommeillées de Tokyo, déjeuner d’un sandwich dans un square avec ses amis les arbres ; puis, au retour, bain public traditionnel, repas dans un boui-boui en sous-sol dans un couloir de station de métro, complété le week-end par le pressing pour sa lessive de la semaine et le passage dans un bar dont il est secrètement amoureux de la patronne. Le soir avant des s’endormir il lit Faulkner et Patricia Highsmith.

    Il ne parle quasiment pas mais chaque matin, assis dans sa camionnette il sélectionne la cassette qu’il va écouter la journée durant ses déplacements. Adepte de l’analogique, ses cassettes de collection datent des années 1970 avec Patti Smith, Lou Reed (dont la célèbre chanson Perfect Day inspire le titre du film), le Velvet Underground avec Pale Blue Eyes, l’une des plus belles chansons d’amour jamais écrite, composée par Lou amoureux fou de Nico, Van Morisson…

    La monotonie de cette vie bien réglée, que certains pourraient qualifier d’autisme, est bien entendu troublée par les évènements de la vraie vie qui viennent bouleverser l’ordinaire de notre nettoyeur de toilettes. C’est d’abord l’incursion de sa nièce, fugueuse d’un environnement familial bourgeois lui aussi bien réglé semble-t-il, la découverte ensuite que la patronne de bar eut un mari désormais atteint d’un cancer, la gestion de l’adolescent tardif qui lui sert d’adjoint qui s’avère aussi agitée…

    Mais Hiramaya fait face avec sérénité à tous ces évènements impromptus, sûr qu’il va revenir à son existence tranquille dès que les intrus seront retournés à leurs vies déréglées. Il aime la nature, souriant chaque matin devant le soleil levant après avoir pris soin de ses bonzaïs avec tendresse. Il aime voir les gens s’agiter et il aime, surtout, sa vie paisible dont les journées en semaine sont consacrées à agrémenter l’ordinaire des gens affairés.

    Dans les interviews menées par Wim Wenders à l’occasion de la promotion de ce film, il explique la relation spéciale qu’il entretient avec le Japon et son cinéma. Pas sûr que ce balayeur de toilettes, lecteur de Faulkner et admirateur de Lou Reed, ne soit très représentatif de cette catégorie de Japonais, mais qu’importe, Wenders a réussi un film plein d’émotion autour d’un personnage, en principe inexistant, dont la sensibilité et le détachement irradient l’écran. Il y a un arrière-plan bouddhiste dans ce film délicat. La solitude heureuse peut exister, finalement !

  • Dvorak et Bernstein à Saint-Etienne du Mont

    Dvorak et Bernstein à Saint-Etienne du Mont

    Sur cette bonne vieille Montagne Sainte-Geneviève, le cœur du quartier étudiant et intellectuel de Paris durant des siècles, l’église Saint-Etienne du Mont accueille le Chœur Symphonique de Paris, dirigé par Xavier Ricour, qui chante la messe en ré de Dvorak (1841-1904) et les Chichester Psalms de Leonard Bernstein (1918-1990). Il n’y a pas d’orchestre mais une organiste, Mélodie Michel, perchée dans les hauteurs, suivant la baguette du chef sur un écran vidéo face aux imposants tuyaux d’orgue de l’église.

    Autant Dvorak est d’une pure facture très classique autant le Bernstein chahute un peu l’oreille. Une batterie et une harpe ont été ajoutée marquant aussi la modernité de l’œuvre inspirée du Livre de psaumes de la Bible hébraïque et chantée en hébreu. Le chœur est renforcé par un jeune contre-ténor, Arnaud Gluck, dont la voix de tête monte bien haut dans les arches de l’église et le cœur de l’assistance. Bernstein, chef d’orchestre, pianiste et brillant compositeur a vogué sur tous les courants musicaux de son siècle avec un égal bonheur, de la comédie musicale au dodécaphonisme en passant par le blues. Le concert ce soir remporte un franc succès et donne l’envie de découvrir ces psaumes plus avant.

    Dans la file pour d’attente pour accéder à l’église, deux vieilles dames à la peau parcheminée par le temps et le bronzage artificiel, très 6ème arrondissement, parlent du coronavirus. L’une affirme à l’autre : « ne te fais surtout pas vacciner car tu es ainsi sûre de l’attraper ». On a beau venir partager de la musique sacrée, on n’en reste pas moins concerné par les tracas du quotidien…

  • Le Mali et le Burkina Faso changent de langues officielles

    Le Mali et le Burkina Faso changent de langues officielles

    Le Mali et le Burkina Faso, anciennes colonies françaises, sont en train de modifier leurs constitutions pour retirer au français son statut de langue nationale et le rétrocéder au rang de « langue de travail ». Ce sont les langues nationales qui deviennent « langues officielles ». Le problème que ces pays vont devoir gérer est que ces « langues nationales » sont nombreuses et ils risquent de se retrouver un peu comme la Belgique avec le wallon et le flamand mais avec 10 ou 20 langues officielles ce qui ne va pas faciliter les choses. Cela reste toutefois une bonne décision en termes de souveraineté. En d’autres temps, l’Algérie a aussi mis de côté le français dans son système éducatif pour le remplacer par l’arabe, avec des résultats parfois mitigés.

    C’est une nouvelle spécificité du fait colonial français : les anciennes colonies rejettent tellement l’ex-puissance colonisatrice qu’elles en rejettent la langue. Ce ne fut pas le cas pour les pays colonisés par l’Espagne, le Portugal ou le Royaume Uni.

    Il reste un dernier clou à enfoncer dans le cercueil de la décolonisation française c’est l’abandon définitif de la monnaie coloniale « Franc CFA » avec le démantèlement complet de la « Zone Franc » annoncé il y a déjà quelques années mais jamais exécuté. Il faut le mener à bien et rendre aux anciennes colonies leur pleine souveraineté monétaire comme cela a été décidé entre la France et les pays concernés.

    Lire aussi : Une bonne nouvelle pour l’Afrique

    Après le récent départ forcé des troupes françaises de certains de ces pays, l’impression est que la décolonisation/post-colonisation se termine amèrement, sans parler des frustrations exprimées par les enfants et petits-enfants de cette colonisation nés en France, le pays qui a colonisé leurs parents… Il faut bien malgré tout que les choses évoluent et que le cordon ombilical soit coupé. C’est ce qui en train de se réaliser, enfin !

  • « Je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique » de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist

    « Je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique » de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist

    Ce documentaire détaille quatre cas de cyberharcèlement subis par quatre personnes dans quatre pays. En Italie, par la présidente de l’assemblée nationale, aux Etats-Unis, par une élue du Vermont, en France, par une réalisatrice, et au Canada, par une enseignante québécoise.

    C’est à chaque fois une histoire un peu similaire : un déchaînement d’injures, de menaces de viol, de mort, qui s’abat soudain sur ces personnes via les réseaux dits « sociaux », pour n’importe quelle raison, qu’elles soient célèbres ou inconnues, engagées politiquement ou pas, noires, blanche ou d’une autre couleur, pour des motifs politiques ou pas, sexuels ou non, parfois juste pour le plaisir de nuire. Certaines victimes y résistent courageusement, d’autres prennent peur et cèdent pour mettre fin à la menace.

    Le cyberharcèlement se montre surtout sous son vrai jour : une avalanche de bêtise crasse déversée par des décérébrés se sentant tout puissants derrière leurs écrans, ne se cachant même pas dans l’anonymat puisque la plupart revendiquent tout à fait publiquement leurs sordides actions numériques. Ce film expose au grand jour le niveau de dégénérescence dont souffre une partie de notre société à force de publicités abrutissantes, de télévisions débilitantes, de comportements politiques infantiles, de matchs de ballon aux accents racistes ou nationalistes, de « débats » menés par Cyril Hanouna et consorts…

    Un certain nombre d’individus n’arrive pas à s’extraire de cet environnement déliquescent et libère bile et frustrations en nuisant à son prochain et utilisant la puissance du numérique. Ce n’est pas réjouissant !

  • « Le temps d’aimer » de Katell Quillévéré

    « Le temps d’aimer » de Katell Quillévéré

    Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale, Madeleine a accouché d’un garçon issu d’une liaison avec un officier allemand parti rapidement sur le front de l’Est. Elle l’élève seule en travaillant dans un hôtel de bord de mer breton où elle rencontre un jeune bourgeois atteint par la polio et à la sexualité indécise. Par la suite ils tiennent ensemble un bar à Châteauroux, ville de garnison pour GI’s américains. Un soldat se mêle à leurs ébats faisant réapparaître les tendances homosexuelles du mari de Madeleine qui l’amèneront à d’autres dérives. Pendant ce temps, le rejeton du soldat allemand se sent mal-aimé et le fait savoir avant qu’une petite-sœur ne s’annonce.

    Ce film n’est pas inintéressant sur une époque trouble pour la France, mais une telle accumulation de traumatismes et de pathologies concentrée sur les personnages rend le film un peu irréaliste.

  • L’avenir de la Nouvelle Calédonie incertain, comme toujours

    L’avenir de la Nouvelle Calédonie incertain, comme toujours

    Malgré les visites régulières de représentants de l’Etat français en Nouvelle-Calédonie il n’y a pas moyen pour le moment de faire s’entendre les communautés sur un avenir commun, dans le cadre de la République, celui d’une autonomie ou de l’indépendance, statut ultime auquel cette ancienne colonie française est promise un jour ou l’autre. Le ministre de l’intérieur français est revenu de Nouméa fin novembre après avoir fait chou blanc, si l’on ose dire, à unifier les positions des Kanaks (population « de souche ») et des Caldoches (descendants des colons).

    Les accords de Matignon de 1988 puis de Nouméa en 1998 ont échoué à mener l’archipel vers son émancipation et près de 40 ans après le lancement d’un processus intelligent et pacifique lancé sous l’autorité avisée du premier ministre Michel Rocard la République française a toujours ce caillou calédonien dans sa chaussure et cela commence à lui faire mal. Après les trois référendums qui ont dit « Non » à l’indépendance les loyalistes considèrent que la messe est dite, qu’il faut en prendre acte et que la Nouvelle-Calédonie doit être définitivement ancrée dans la France et, accessoirement être sortie de la liste des territoires à décoloniser des Nations Unies. Pour les indépendantistes qui président actuellement le gouvernement de Nouvelle-Calédonie (avec des pouvoirs beaucoup plus étendus que ceux d’une simple région française) il ne saurait être question d’accepter cette position. Ils refusent d’ailleurs de reconnaître le résultat du troisième référendum de décembre 2021 qu’ils ont boycotté pour cause de pandémie de Covid19 qui ne leur laissait pas assez de temps pour faire le deuil de leurs morts.

    Le désaccord est quasi-complet sur les perspectives : composition du corps électoral, rétrocession des terres aux Kanaks, intégration du droit coutumier local dans le système juridique, modification de la Constitution, etc. Un consensus entre les trois parties, Kanaks, Caldoches et Etat français paraît improbable et il faudra pourtant le trouver. La question existentielle est toujours la même : a-t-on une chance de voir un jour les Kanaks accepter les droits et devoirs de la République française de façon apaisée ? La réponse est non. Il y aurait donc avantage à trouver la voie de l’émancipation, et si possible celle de l’indépendance, même dans une perspective à long terme, avant que ne ressurgisse la violence qui elle risque de revenir à court terme !

    Si les parties ne sont pas en mesure de trouver un accord innovant comme celui signé en son temps par MM. Tjibaou et Lafleur avec M. Rocard, c’est l’Etat français qui va se retrouver une nouvelle fois en première ligne et être critiqué par tous, y compris le comité de décolonisation de l’ONU. Est-ce qu’une nouvelle génération de dirigeants calédoniens sera capable de laisser partir la Nouvelle-Calédonie dans le grand vent de son indépendance et de sortir ainsi le caillou acéré de la chaussure de la France ?

  • Décompte macabre au Proche-Orient

    Décompte macabre au Proche-Orient

    Une trêve « humanitaire » a été signée entre Israël et le Hamas Palestinien qui, lors de son attaque du 7 octobre ramené dans la bande de Gaza environ 250 otages, majoritairement israéliens mais aussi d’autres nationalités, en plus d’avoir assassiné environ 1 200 personnes lors de l’incursion réalisée lors de cette journée. La trêve a été convenue sous l’égide d’une médiation menée sous l’égide du Qatar semble-t-il, la Croix rouge et d’autres pays arabes. Elle prouve au moins que des négociations sont possibles entre les deux belligérants même s’il faut des intermédiaires pour cela.

    Durant cette pause, les combats cessent et les otages du Hamas sont échangées contre des prisonniers palestiniens en Israël. Un ratio de 1 pour 3 a été retenu pour ces échanges et le choix des personnes échangées a été crucial. Côté otages il apparaît les femmes et les enfants ont été privilégiés, côté prisonniers, Israël a annoncé vouloir refuser de relâcher ceux qui auraient « du sang sur les mains ». On ne sait pas bien ce qui a finalement été décidé.

    On imagine la sensibilité de ce dossier surtout qu’Israël ne sait sans doute pas exactement le nombre des otages détenus ni ceux qui sont déjà morts. La libération des otages est bien sûr mise en œuvre sous les caméras du Hamas et l’on voit des miliciens masqués, en uniformes rutilants, Kalachnikov en bandoulière, bardés de cartouchières, tenant par la main un enfant pour le faire monter dans une ambulance de la Croix rouge… Le retour des prisonniers palestiniens est aussi largement filmé, les bus qui les ramènent sont acclamés par la foule et des cris à la gloire d’Allah sont scandés par tous. En Israël les otages libérés sont orientés sur des hôpitaux. Outre leur détention durant deux mois dans des conditions que l’on peut imaginer difficiles, il va falloir apprendre à certains des enfants que leurs parents ont été décimés, souvent sauvagement …

    L’attaque du 7 octobre a relancé la haine entre Israéliens et Palestiniens pour des générations. Les plus optimistes imaginent que ce traumatisme pourrait au contraire déclencher un mouvement vers la paix entre Israël et la Palestine pour éviter la reproduction d’une telle situation. Pas facile de les suivre !

  • La France médaille d’or de la dépense publique

    La France médaille d’or de la dépense publique

    Alors que les jeux olympiques (JO) d’été 2024 avaient été attribués à la France par défaut d’autres candidats, ceux-ci s’étant retirés lorsque de Comité international olympique (CIO) avait fait part de ses exigences financières : exonération fiscale totale de ses activités commerciales et garantie financière des Etats d’un minimum d’activité, voilà que la France est de nouveau la seule candidate pour l’organisation des jeux d’hiver 2030 et la seule à accepter ce racket financier.

    Tout de même conscient de la gabegie de dépenses publiques générés par ces JO pour un pays déjà surendetté qui n’arrive déjà plus à financer son fonctionnement courant, le Sénat, de majorité conservatrice, vient de voter un amendement au projet de loi de finances 2024 visant à annuler les nouvelles exonérations fiscales dont l’Etat veut faire bénéficier la trentaine de fédérations sportives internationales reconnues par le CIO, déjà nstallées sur le territoire national ou projetant de s’y installer. Hélas, cette proposition sera certainement rejetée par le gouvernement qui aura le dernier mot et fera sans doute adopter la loi de finances de façon « autoritaire » comme l’autorise la Constitution par le biais de son article 49.3.

    Non content de dépenser des sommes considérables pour l’organisation de compétitions sportives internationales, l’Etat exonère fiscalement les fédérations organisatrices (impôt sur les sociétés [IS], impôt foncier, TVA) ainsi que les salaires versés à leurs employés. La fédération de rugby a déjà bénéficié de ce statut pour la coupe du monde 2023 et le CIO en est bénéficiaire pour les JO 2024. Une telle « générosité » est proprement incompréhensible pour les contribuables français et parfaitement injustifiée s’agissant de fédérations sportives généralement très riches, le plus souvent, installées dans des paradis fiscaux et, régulièrement, mises en cause pour corruption.

    Lire aussi : Les ministres Philippe, Darmanin et Maracineanu jettent l’argent public par les fenêtres et signent leur méfait

    Le dernier budget en équilibre de la République française date de 1974, depuis, l’Etat dépense systématiquement plus qu’il ne gagne et finance les déficits en augmentant une dette publique qui vient de dépasser le seuil des 3 000 milliards d’euros et que nos enfants devront rembourser. Malgré cette situation financière significativement dégradée, des dirigeants de rencontre octroient des avantages fiscaux indus à des fédérations sportives et cherchent à organiser des jeux du cirque plutôt que de financer la recherche ou l’enseignement… Une nouvelle fois la France se distingue par son incapacité à hiérarchiser ses dépenses. C’est irresponsable et incompréhensible ! Alors que de plus en plus les Etats occidentaux se retirent de l’organisation de ces compétitions ne voulant pas en assurer les coûts prohibitifs, l’hexagone en profite pour se placer et dépenser toujours plus. Autant certaines dépenses peuvent être considérées comme « contraintes », autant organiser des JO en 2023 et en 2030 relève d’une aberration purement volontaire et que l’on pourrait facilement éviter. C’est une espèce de masochisme budgétaire qui caractérise la puissance publique qui rejette avec allégresse la misère sur les générations futures.

    Dans le projet de loi de finances 2024 les intérêts à payer sur la dette publique s’élèvent à plus de 50 milliards d’euros et devraient croître jusqu’à 60 milliards en 2026. De tels montants sont le résultat de la hausse continue de cette dette résultant de la mauvaise gestion publique et de l’augmentation des taux d’intérêt résultat des forces du marché. A titre de comparaison, le budget de l’enseignement scolaire est de 64 milliards en 2024 dans le même projet de loi, celui de la recherche et enseignement supérieur est de 32 milliards, celui de la justice de 10 milliards… Comment dans ces conditions ne pas jouer sur tous les leviers disponibles pour reprendre le contrôle de la dette ?

    Cette permanence dans la gabegie des sous prélevés sur les contribuables est… désespérante.

    L’amendement proposé par le Sénat

    ARTICLE 3 SEXVICIES

    Supprimer cet article.

    Objet

    Le présent article prévoit d’exonérer les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO) de l’impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il prévoit également d’exonérer d’impôt sur le revenu leurs salariés pour une durée de cinq ans.

    Premièrement, cet article soulève des questions sérieuses de conformité à la Constitution. La portée du régime fiscal introduit par cet article ne semble pas proportionnée à l’objectif, qui est d’inciter les fédérations sportives internationales à s’installer en France, ce qui pourrait constituer une rupture d’égalité devant les charges publiques. De plus, laisser le CIO décider des fédérations internationales qui sont éligibles ou non à ces exonérations n’est pas respectueux de la compétence du Parlement en matière fiscale.

    L’argument selon lequel les fédérations sportives internationales pourraient être assimilées à des organisations internationales n’est pas recevable. Il faut rappeler tout d’abord que les organisations internationales ont un système d’imposition interne, ce qui n’est pas le cas des fédérations sportives internationales. Ensuite, et plus fondamentalement, le caractère dérogatoire des exonérations bénéficiant aux institutions internationales est justifié par l’intérêt commun des États souverains qui décident de s’associer entre eux. Les fédérations sportives internationales ne réunissent pas des États, leur statut n’est pas réglé par des conventions internationales, et certaines d’entre elles poursuivent des objectifs de rentabilité sans aucun rapport avec l’intérêt général.

    Au-delà des arguments juridiques, la mise en place d’un régime fiscal particulièrement dérogatoire, pour des motifs qui ne relèvent pas de manière évidente de l’intérêt de la Nation, est de nature à nuire au consentement à l’impôt. Alors que des efforts importants sont aujourd’hui nécessaires pour réduire le déficit et la dette, un tel « cadeau fiscal » du Gouvernement est tout simplement inacceptable.

    https://www.senat.fr/enseance/2023-2024/127/Amdt_I-170.html
  • Archive – 2023/11/24 – Paris Bercy

    Archive – 2023/11/24 – Paris Bercy

    Plusieurs fois reportée pour cause de Covid, puis de maladie (Darius Keeler, cofondateur du groupe en 1994 a annoncé en 2022 souffrir d’un cancer), la tournée Call to Arms & Angel, du nom du CD sorti il y a deux ans a enfin été lancée cette année et passe pour une date parisienne à Bercy après plus d’une dizaine de concerts en France.

    L’immense scène de l’arène est occupée par une première ligne : Darius à gauche, Danny Griffiths à droite, tous deux aux claviers et machines, au milieu : Dave Pen et Pollar Berrier (Guitares et chant), et, de façon intermittente, Lisa Mottram (la nouvelle voix féminine du groupe) ; sur la deuxième ligne, entourant la batterie de Steve Barnard, le guitariste Mickey Hurcombe et le bassiste Jonathan Noyce. Les postes sur cette deuxième ligne sont séparés par des rampes lumineuses qui, ajoutées aux puissants projecteurs venant du fond de la scène, créent alternativement des atmosphères brumeuses bleues ou rouges, avec des déchaînements de lumières stroboscopiques accompagnant à l’infini les saccades de chansons tout aussi stroboscopiques.

    Le groupe entre en scène sur une intro musicale électronique et mélancolique dans une atmosphère bleue tamisée, où souffle une espèce de trompette fatiguée, qui se transforme soudainement en lumières blanches violentes et tournoyantes dès que retentit la batterie vigoureuse sur M. Daisy extrait du dernier album. La course est lancée.

    Get fucked if you think I’m in your shadow
    Run, run ’cause I’m gonna end your fun
    Smile, smile, gonna get you in your pile
    Get bent if you think I’m gonna bend

    Mr Daisy

    L’enchainement sur Sane (2006) puis The False Foundation (2016) est redoutable, tout en rythmes et riffs de guitares grincheuses. Seules les voix de Pollar et Dave, souvent en duo, amènent un peu d’harmonie dans ce déluge sonore. Il faut attendre Vice (2022) pour reprendre son souffle avec cette balade désabusée chantée par Pollar sur une ritournelle de piano :

    Life in a vice
    Tightening up inside
    Life in a noose
    No chance to get loose
    Break through the chains
    Hope through the shame
    Orchestrated life
    Orchestrated fight
    Command what we like
    Into me and you

    Vice

    Elle est enchaînée sans interruption sur Lights et sa singulière montée de tension, démarrée au piano que vont progressivement rejoindre tous les instruments puis la complainte de Pollard. Il s’agit d’une chanson sur la souffrance, de celle qui submerge l’âme et fait renoncer. Cette version live est commencée de façon plus directe qu’à l’habitude, l’imperceptible intro sur une note unique de piano est coupée pour passer directement à la ritournelle obsédante de clavier. Le morceau de dix minutes se termine dans le noir et en douceur, la voie de Pollard s’envolant bien haut dans les aigües et les voutes de Bercy.

    Dave Pen reprend ensuite le chant pour un enchaînement de Conflict mené tambour battant et Daytime Coma, encore une longue complainte (quinze minutes) sur fond de nappes de claviers, pas très gaie, dont le final explose avec l’arrivée de la batterie et des guitares sur le déchaînement vocal de Dave :

    I see a light
    In darkness
    Save me

    I feel you
    Through the air
    Hold me

    Daytime Coma

    Lisa Mottram fait son apparition sur Surrounded by Ghosts qu’elle interprète aussi sur la CD Call… Habillée d’une robe noire, elle danse en chantant, discrète et un peu en retrait, mais sa voix porte loin. C’est orignal cette volonté du groupe de changer de voix féminine régulièrement. Ils ne se sont jamais trompés mais on se dit à chaque fois que l’on va regretter la précédente, et puis non. De Roya Arab à Maria Q en passant par Holly Martin, nous ne sommes jamais déçus. Lisa reste ensuite sur scène pour chanter avec Dave sur The Skies Collapsing Onto Us, la bande originale d’un film Netflix puis Take my Head, retour à l’album du même nom sorti en 1999, le deuxième du groupe alors encore dans une période trip-hop, moins marquée pop. Elle se déchaîne et fait sa sortie sur The Crown, une espèce d’hymne rappé sur une tornade cadencée de guitares métalliques et de boîtes à rythmes qui semblent tourner sans contrôle.

    Quelques derniers morceaux extraits de Call… nous amènent doucement vers Gold qui clôture le show, un morceau emblématique de l’inspiration présente de ce groupe si créatif, et lorsque que les artistes s’effacent dans les coulisses leurs ordinateurs continuent à diffuser les quatre notes qui forment le thème de ce final dans les flashs des projecteurs tournoyants et les larsens extirpés par Dave de sa guitare.

    Ils reviennent bien sûr, pour deux rappels et terminent la soirée sur Again sur lequel la voix déchirante de Dave Pen nous narre l’histoire triste de la déchirure d’un amour perdu.

    C’était un nouveau concert d’Archive, pas de véritable surprise mais toujours l’enthousiasme d’assister à la performance jamais décevante de ce groupe inclassable qui sait mixer avec habileté rythmes, machines et romantisme. On ne s’en lasse pas !

    Setlist

    Mr. Daisy/ Sane/ The False Foundation/ Vice/ Lights/ Conflict/ Daytime Coma/ Surrounded by Ghosts/ The Skies Collapsing Onto Us/ Take My Head/ The Crown/ Fear There & Everywhere/ Enemy/ The Empty Bottle/ Gold

    Encore : Fuck U/ Bullets

    Encore 2 : Again

    Warmup : OCTOBER DRIFT

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  • « À toi de faire, ma mignonne », une exposition de Sophie Calle au musée Picasso

    « À toi de faire, ma mignonne », une exposition de Sophie Calle au musée Picasso

    Pour la célébration du cinquantième anniversaire du décès de Pablo Picasso, Sophie Calle a investi les quatre étages de l’hôtel de Salé, siège du musée Picasso. L’artiste plasticienne-photographe jongle entre les souvenirs qu’elle a gardé de sa visite du musée durant le confinement en 2020 et certains des évènements de sa vie, durant cette période ou pas, comme elle a l’habitude de les mettre en scène.

    Au rez-de-chaussée, à la place des tableaux du maître espagnol figurent les photos grandeur nature de ces mêmes tableaux qui avaient été empaquetés dans du papier kraft à l’occasion de la fermeture du musée due à la pandémie. On ne voit donc que les plis du papier, pas le tableau lui-même. Un peu plus loin, les vraies toiles sont en place mais derrière un voile qui les recouvrent et sur lesquels sont imprimés les réflexions que l’artiste a élaboré sur ces toiles qui étaient momentanément prêtées et qui lui ont été décrites par le personnel du musée. Une fois les toiles réinstallées, les commentaires écrits ont été imprimés sur le voile sur une surface qui recouvre exactement celle du tableau sous-jacent empêchant de voir celui-ci.

    Au premier étage, Sophie Calle expose des vidéos filmées à Istanbul montrant des Turcs, sans doute paysans de l’intérieur du pays, voyant la mer pour la première fois. Plus loin, des photos du musée de Boston montrent les cadres vides de tableaux qui ont été volés et dont le musée a décidé d’exposer les cadres laissés par les voleurs, Sophie demande aux visiteurs ce qu’ils voient. A des personnes aveugles de naissance elle leur demande qu’elle pour eux l’image de la beauté, l’un d’eux répond « le vert, parce que tout ce que j’aime est, me dit-on, vert : les arbres, les feuilles, l’herbe… ». A la suite d’un vol de tableaux au musée d’art moderne en 2020 Sophie Calle écrit au voleur en prison pour lui demander son commentaire artistique sur les toiles subtilisées ; il préfère le Matisse au Picasso.

    Et puis l’artiste expose son rapport à la mort sous tous ses angles. Celles de ses parents qu’elle a documentées avec force photographies et séquences vidéo, la sienne qu’elle anticipe en organisant sa succession de son vivant et l’on voit sur un écran un commissaire-priseur constituer et valoriser 400 lots composés de tout le bric-à-brac accumulé par l’artiste (à l’exception de ses propres œuvres) et… que l’on retrouve dans la pièce à côté : des photos, des animaux empaillés, des bijoux, etc.

    Sophie Calle est une personne singulière, tellement originale que l’on se demande comment lui viennent toutes les idées saugrenues qu’elle met en scène depuis des décennies, généralement centrées autour d’elle et de la disparition. Il n’y a rien de beau ni d’émouvant dans ses scénarii et installations, mais juste une volonté de donner son interprétation des petits évènements de la vie de tous les jours, de donner à les voir sous un autre jour. Pour chacun d’entre eux elle tire le fil de leur existence et amène le spectateur à les vivre à travers ses yeux. Elle est bien sûr obsédée par la mort (mais qui ne l’est pas ?), celle de ses proches (humains et animaux) est l’un de ses sujets favoris. Et ce faisant elle prépare la sienne en permanence et avec froideur, comme une œuvre d’art.

    « Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. »

    (sa mère)

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  • David Cameron, à l’origine du Brexit, réintègre le gouvernement britannique

    David Cameron, à l’origine du Brexit, réintègre le gouvernement britannique

    David Cameron vient d’être nommé ministre des affaires étrangères du gouvernement britannique conservateur. Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, c’est lui qui, alors qu’il était premier ministre, organisa en 2016 un référendum pour proposer aux électeurs du royaume le choix entre quitter l’Union européenne (UE) ou rester en son sein. La rumeur veut qu’il ait lancé l’idée pour compromettre avec la tendance la plus à droite de son parti conservateur, tout en étant persuadé que la réponse serait de rester dans l’UE. Le résultat fut inverse et le Royaume-Uni a maintenant légalement quitté l’Union. M. Cameron a ensuite démissionné et laissé ses successeurs gérer, difficilement, l’exécution du choix populaire.

    Il est encore trop tôt pour faire le véritable bilan de ce choix révolutionnaire mais il a en tous cas permis de démontrer qu’il est possible de quitter l’UE et on ne voit d’ailleurs pas pourquoi cela n’aurait pas été possible. Les difficultés techniques générées par ce départ ont calmé les ardeurs des anti-européens au sein des 27 pays restants. Ils savent maintenant qu’à continuer de brailler en permanence, et sans risque pour eux, que « Bruxelles » est responsable de tous les malheurs de la nation, leurs électeurs vont un jour leur demander d’aller au bout de leurs slogans et d’inclure le départ de leur pays de l’UE dans leurs programmes ce qu’ils n’ont pas tous le courage de faire. En France, le Rassemblement National qui voulait encore il y a quelques années faire sortir le pays de la zone euro et de l’Union a jeté un voile pudique sur ce projet dont on entend plus parler mais qui peut ressortir au gré du vent qui tourne.

    Il apparaît que M. Cameron, après sa démission en 2016, s’est mû en lobbyiste à forts honoraires, notamment pour défendre les intérêts chinois, ce qui pose quelques problèmes éthiques vis-à-vis de ses nouvelles responsabilités. Bref, pas rancunière, la couronne britannique est en train de l’investir dans un poste que les analystes politiques jugent qu’il ne gardera pas longtemps car les prochaines élections législatives pourraient renvoyer le parti conservateur du pouvoir pour les remplacer par les travaillistes qui, eux, étaient très majoritairement en faveur du maintien dans l’UE.

    Kiro / Le Canard Enchaîné (15/11/2023)

    Le plus ironique dans ce fait divers est que le jeu de chaises musicales ayant entraîné le retour de Cameron a été provoqué par le départ de la ministre de l’intérieur, Suella Braverman, pour ses positions extrêmes, notamment concernant la politique migratoire. Elle-même, née à Londres de parents immigrés indiens, n’avait de cesse de chercher à durcir cette politique pour mieux réduire les flux d’entrée, ce que le Brexit aurait dû en principe faciliter. Le premier ministre, Rishi Sunak, né au Royaume-Uni, est lui issu de la diaspora indienne, installée en Afrique de l’Est. Comme le parti conservateur auquel il appartient, il a pour objectif de mieux contrôler les flux migratoires vers le Royaume-Uni mais sans valider pour autant l’extrémisme de sa ministre Braverman qui a été débarquée.

    En résumé : au lendemain du Brexit censé redonner à Londres la main sur sa politique migratoire, on a deux ministres conservateurs, eux-mêmes issus de cette immigration, qui échouent à la réduire pour les migrants venant après eux, ce qui coûte la place de l’un d’entre eux et l’autre, premier ministre, fait appel à celui de ses prédécesseurs pour le nommer ministre des affaires étrangères, lui qui a initié le Brexit alors qu’il était lui-même opposé à la sortie de l’UE et qu’il a immédiatement démissionné après le résultat pour laisser les autres gérer la misère de sa décision…

    On peut comprendre que les électeurs britanniques annoncent vouloir voter pour l’alternance politique pour les élections législatives de 2024 !

  • L’impossible dialogue

    L’impossible dialogue

    Alors que la guerre est relancée au Proche-Orient entre Israël et le mouvement Hamas qui « gouverne » la bande de Gaza, la France s’enferre dans ses habituelles querelles entre les pro-israéliens et les propalestiniens. Les chaînes de télévision se régalent en convoquant des débats stériles pour savoir s’il faut qualifier le Hamas de « terroriste » ou de « résistant », si les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre sont plus « génocidaires » que les bombardements d’Israël sur Gaza, si la « Cisjordanie » doit s’appeler la « Judée et Samarie » ou non, si un fermier israélien installé en Cisjordanie est un « colon » ou pas, si la Bible donne le droit à Israël d’occuper la Cisjordanie ou pas, etc., etc. Vouloir mettre d’accord des pro-israéliens avec des propalestiniens est juste impossible, chacun développe son argumentation, ponctuée d’emportements voire d’insultes, personne ne convainc personne et tous se quittent en se haïssant un peu plus qu’au début du débat. C’est un peu comme chercher à réconcilier un descendant de harki avec un partisan du FLN algérien, c’est une perte de temps mais de l’audience garantie pour des médias racoleurs.

    Chacun défend son camp sur ce qui s’est passé le 7 octobre et se passe depuis. Personne n’envisage ni le compromis ni l’avenir. En réalité le Proche-Orient perturbe le monde depuis 1947, déclenchant des passions mortifères et des non-solutions sans avenir. Alors pour le moment comme depuis 70 ans ce sont les armes qui parlent. Israël n’a jamais réussi à annihiler le terrorisme palestinien et le camp arabe n’a jamais rencontré de succès en cherchant à éliminer l’Etat d’Israël. Nous en sommes toujours là aujourd’hui. C’est triste et inefficace.

    Des espoirs sont tout de même apparus au cours des évènements récents : le voyage de Sadate en Israël en 1977, la paix entre Israël et l’Egypte (1979) d’une part, et la Jordanie (1994) d’autre part, les accords d’Oslo (1994), les accords d’Abraham (2020). Ces accords, qui ont été le fait de dirigeants à la hauteur de leurs tâches, ont délivré quelques avancées mais aussi de grandes déceptions, autant au Proche-Orient que dans le reste du monde. 70 ans après la partition de la Palestine prononcée par les Nations-Unie, le cas de la Palestine n’est toujours pas traité conformément aux résolutions de la communauté internationale et il n’a pas plus été résolu par aucune des autres tactiques mises en œuvre par les parties : guerres, colonisation, terrorisme, prises d’otages, assassinats ciblés… alors c’est la barbarie qui continue de régenter cette région pour le moment.

    Aujourd’hui Israël règle ses comptes avec le Hamas après l’attaque du 7 octobre qui a fait 1 400 morts sur son territoire, souvent dans des conditions d’une sauvagerie exceptionnelle. Comme lors des précédentes campagnes militaires contre le Hamas, Tel-Aviv élimine quelques dirigeants de ce mouvement terroriste mais n’arrivera évidemment pas à annihiler son idéologie ni de nouveaux volontaires pour en porter le message de violence. Les armes vont se taire un jour, il serait opportun de saisir alors l’occasion pour avancer vers la solution à deux Etats qui n’est probablement pas idéale mais la « moins mauvaise de toutes ». Si l’on pousse l’absurde à son terme et que l’on imagine un schéma mono-Etat, soit sous forme fédérale, soit après annexion par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pour reconstituer le territoire biblique, l’Etat juif se retrouverait être un Etat avec une majorité de citoyens arabes et musulmans, la négation même de ce qu’Israël veut être… Si on élimine l’annihilation complète d’une des parties qui est moralement inadmissible et techniquement irréalisable, le schéma de deux Etats tel que décidé par les Nations-Unies en 1947 semble le seul à pouvoir être tenté. Il faut donc se remettre à l’ouvrage, faire preuve d’imagination et de bonne volonté dès que ce conflit sera terminé.

  • « Mark Rothko » à la fondation Louis Vuitton

    « Mark Rothko » à la fondation Louis Vuitton

    Mark Rothko (1903-1970) est exposé à Paris par la fondation Louis Vuitton qui réunit 115 œuvres de l’artiste américain. Né Markuss Rotkovičs au sein de la Russie tsariste dans ce qui est devenu aujourd’hui la Lettonie, de confession juive, sa famille émigre à Portland aux Etats-Unis au début des années 1910 pour éviter la conscription impériale à ses fils. Rothko a suivi une éducation talmudique et approché les pogroms et persécutions antisémites de l’époque. Il adopte le nom de Mark Rothko en 1940 après avoir reçu la nationalité américaine.  

    Je suis devenu peintre parce que je voulais élever la peinture au même degré d’intensité que la musique et la poésie.

    Aspiré très tôt par le dessin il est un travailleur infatigable et va produire près de 850 œuvres répertoriées. Le début de cette exposition présente dans les premières salles un ensemble de toiles figuratives datant des années 1930, certaines inspirées par la mythologie, d’autres par des paysages urbains dans lesquels on distingue des personnages aux formes longilignes placés dans environnement fermés et étouffants, des stations de métro, des pièces aux plafonds bas… Un autoportrait est placé dans la première pièce. Assez vite il considère qu’il a échoué à représenter la figure humaine « sans la mutiler ». C’est ainsi qu’il se dirige vers l’abstraction et ses toiles de grandes dimensions qui sont devenues iconiques et sa marque de fabrique

    Et petit à petit son standard apparaît comme d’immenses tableaux colorés sur le fond desquels sont étagés des rectangles de couleurs aux contours flous. L’artiste a toujours refusé la qualité de coloriste qu’on a eu tendance à lui attribuer face à la magnificence des couleurs de ses toiles. Sombres ou lumineuses, la superposition des couleurs et des rectangles sur les fonds de ces tableaux donnent un éclat très singulier à ces œuvres. La peinture elle-même est apposée en couches rendues d’autant plus visibles que Rothko travaille la matière et fait preuve d’inventivité. Il applique d’abord une couche de colle, puis des couches de peinture mélangées à des métaux, à de l’œuf… Ces mixtures improbables provoquent sans doute des réactions chimiques plus ou moins prévisibles qui donnent un rendu un peu brumeux des couleurs, des ombres et des traces parsemant ces toiles à l’aspect mystérieux. Les bords des rectangles sont eux-mêmes diffus, comme travaillés pour ne pas être nets, un peu comme des nuages qui s’effilochent dans un ciel monochrome.

    Certaines séries sont de couleurs sombres, les « Blackforms » mais toujours merveilleusement assemblées par ce « non-coloriste » qui développait tout de même un goût exquis pour mêler les teintes idéales et harmonieuses. Il y a des verts, des bleus, des gris, on croirait le ciel atlantique un soir de tempête. La série « Black and Gray » est exposée dans une pièce où trônent des sculptures de Giacometti (sans doute des reproductions), artiste qui a inspiré Rothko. Ce sont des tableaux bi-couleurs composés d’une bande noire superposée avec une bande grise. Cette fois-ci ce ne sont pas des rectangles peints sur un fond coloré, mais deux bandes aux bords bien nets qui joignent les quatre côtés du tableau. Bien entendu, sur la dizaine de toiles de cette série il n’y a pas un noir ou un gris qui soit les mêmes.

    A ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, j’aimerais dire […] que j’ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de leur surface.

    Mark Rothko s’est donné la mort en 1970 un jour d’hiver dans son atelier New-Yorkais. Les hypothèses pour expliquer son geste sont un peu confuses : il était malade (atteint d’un anévrisme de l’aorte, son médecin lui avait déconseillé de continuer à peindre des toiles de grands tailles, injonction qu’il n’avait pas suivies), cigarettes et alcool n’arrangeaient pas les choses, mais peut-être surtout, une colère devant la faible reconnaissance de son œuvre dans le milieu artistique qui semblait plus excité par le pop’art naissant, le comble de la vulgarité commerciale, que par son propre travail qui lui avait demandé tant de passion, d’abnégation et d’engagement.

    Ces dernières décennies lui ont finalement rendu son honneur et son œuvre est maintenant universellement portée aux nues. Peintre de l’absolu, il réussit à déclencher une troublante spiritualité chez le spectateur par le simple étagement de rectangles dans une phantasmagorie chromatique, le flou et la méditation réunis dans la même abstraction fruit des mains d’un artiste hors du commun !

    Avec Nicolas de Staël exposé en ce moment au musée d’Art moderne, Rothko dans le bois de Boulogne, on pense à tant de ces artistes russes, exilés ou pas, qui ont aussi forgé cette vielle culture occidentale. Nabokov, Chostakovitch, Rachmaninov, Rothko, et tous les leurs, nous font souffrir d’avoir à déplorer les errements politico-militaires de la Russie d’aujourd’hui. Mais malgré la dictature étouffante, la créativité survit, c’est une bonne nouvelle !

    Le spectateur comblé se dirige vers la sortie de l’exposition Rothko en se rappelant que ce bâtiment Louis Vuitton d’aspect lourdaud et tarabiscoté est toujours aussi peu adapté à l’exposition de grands tableaux.

  • Le guitariste de Massive Attack est mort

    Le guitariste de Massive Attack est mort

    Angelo Bruschini, le guitariste de Massive Attack depuis les années 1990 est mort ce 23 octobre à 62 ans des suites d’un cancer du poumon qu’il avait rendu public depuis déjà plusieurs mois. C’était un musicien brillant qui avait réussi à donner une place de choix à la guitare dans un groupe plutôt tourné sur l’électronique. Il était parfaitement dans le ton des Massive Attack avec des riffs glacés et métalliques qu’il posait merveilleusement sur les rythmes d’outre-tombe produits par le collectif de Bristol dont il était aussi originaire. Seule sa chevelure peroxydée marquait une touche de fantaisie sur scène. Il va manquer.

  • Le multilatéralisme à la dérive, l’Occident face à ses contradictions !

    Le multilatéralisme à la dérive, l’Occident face à ses contradictions !

    Depuis 2014 les alliés de l’Ukraine se basent officiellement sur la violation du droit international pour condamner la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine commencée par l’annexion de la Crimée et poursuivie en février 2022 par l’invasion décidée par Moscou, réchauffant ce conflit qui est toujours en cours et ne semble pas en voie de règlement. L’annexion en 2022 par la Russie de quatre nouvelles régions ukrainiennes dans le Donbass, à la frontière entre les deux pays a été une nouvelle atteinte au concept de l’intangibilité des frontières reconnues par les Nations Unies. Celui-ci peut toutefois être remis en cause si les parties concernées y ont convenance comme ce fut le cas en 2011 avec la partition du Soudan en deux Etats distincts. Ou comme cela aurait pu se produire si la Nouvelle Calédonie avait voté « oui » au référendum d’indépendance qui lui avait été proposé par la France.

    Vu de l’Ouest il ne fait pas de doute qu’au regard du « droit international », les frontières d’un Etat souverain, l’Ukraine, ont été violées par l’agression d’un autre Etat, la Russie, qui, de plus, a annexé les régions du Donbass, modifiant sa constitution pour les accueillir. Mais vu de Moscou, l’histoire est bien différente et la Russie se dit agressée par « l’Occident décadent » et les « nazis-drogués » ukrainiens. Durant la guerre froide l’Occident et l’URSS se mettaient à peu près d’accord sur quelques grands principes pour imposer leurs vues à leurs affidés, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui où cela tire à hue et à dia dans les enceintes internationales où chacun veut sa part de pouvoir. Le multilatéralisme qui a fait ses preuves est remis en cause par ceux qui en ont été les perdants pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Progressivement le corpus de règles qui constituait le droit international et faisait l‘objet d’un consensus au sein de l’organisation des Nations Unies et de ses agences annexes est en train de s’effondrer. Ce n’est même plus la question d’une interprétation différente des règles comme au temps de la guerre froide, c’est la nature même de celles-ci qui est désormais contestée par les pays non-occidentaux, que l’on appelle désormais le « Sud global ».

    Pas toujours très habile, l’Occident est pris à son propre piège pour avoir lui-même agit en contradiction avec le droit international. Pour ne reprendre que ces dernières années, l’action la plus notable fut celle menée en 2003 par une coalition menée par les Etats-Unis pour envahir l’Irak soupçonnée de détenir des armes de destruction massive. Cette invasion a été menée sans l’aval de l’ONU (la France avait mis son veto au conseil de sécurité statuant sur l’opportunité de cette intervention) et s’est terminée dix ans plus tard en désastre pour toutes les parties impliquées et bien au-delà si l’on prend en compte le chaos créé au Moyen-Orient dont le monde n’est toujours pas sorti.

    Les bombardements menés en 1999 contre la Serbie par l’OTAN durant presque deux mois pour mettre fin aux agissements serbes dans la guerre du Kosovo ont également été initiés sans aval de la communauté internationale et la création de l’Etat kosovar qui suivit s’est faite contre la volonté de la Serbie et de ses soutiens, dont la Russie (cet Etat n’est d’ailleurs toujours pas reconnu par l’ONU). L’Occident qualifiait « d’exactions contraire au droit de la guerre » la répression menée par les Serbes contre les Kosovars que le camp slave ex-soviétique appréciait comme du maintien de l’ordre nécessaire à la défense légitime du territoire serbe…

    Plus ancien mais tout aussi récurrent, la non-application des résolutions successives de l’ONU dans le conflit israélo-palestinien depuis 1947 et la colonisation continue réalisée par Israël en contradiction avec le droit international montre que, aujourd’hui, chacun voit celui-ci à l’aune de ses convictions et de ses intérêts.

    C’est la vie nous dira-t-on et dans ce chaos il faut choisir son camp. On peut concevoir que les pays occidentaux préfèrent le non-respect du droit international avec les Etats-Unis ou Israël plutôt qu’avec Moscou ou Belgrade. Leur position serait bien sûr mieux défendable si les dérives précitées n’avaient pas eu lieu et si les résolutions de l’ONU concernant le Proche-Orient étaient appliquées comme elles ont été votées par la communauté internationale. Ce n’est pas le cas et chaque partie, Occident comme Sud-global, défend ses raisons de ne pas respecter le « droit international » ou de l’interpréter à sa façon. Chacun est persuadé d’avoir raison et personne ne convainc personne, des règles communes sont de moins en moins reconnues ni respectées. Pour autant que l’on puisse en juger, les citoyens vivant dans les pays occidentaux plutôt d’orientation libérale (au sens « liberté » du terme) ne semblent pas forcément envier le sort des citoyens vivant dans les pays autoritaires du Sud-global et, si l’on se base sur les courants migratoires et les flux d’investissements qui traversent la planète, l’Occident démocratique et son interprétation de l’Etat de droit restent encore attractifs pour le moment.

    D’ailleurs, nombre des dirigeants et oligarques de ces Etats autoritaires envoient leurs enfants faire leurs études en Occident, de la Russie au Sénégal, de l’Algérie à la Chine, les universités occidentales (surtout anglo-saxonnes d’ailleurs) sont pleines des rejetons de leur nomenklatura et les quartiers chics des capitales et des rivieras de l’Ouest sont massivement investies par les fortunes amassées plus ou moins légalement par les oligarques du Sud-global, comme les clubs de fouteballe européens. On a appris que même le dictateur nord-coréen actuel, Kim Jong-un, et sa sœur Kim Yo-jong, ont fait leurs études en Suisse. Ainsi, pendant que leur père lançait le programme nucléaire nord-coréen pour se défendre contre l’Occident, ses deux rejetons étudiaient calmement au cœur de l’Europe et à la succession de son père, Kim Jong-un a finalisé ledit programme.

    La question est de savoir pourquoi un oligarque russe préfère investir dans une villa clinquante à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de la mer Noire mais on dirait que l’herbe est encore un peu plus verte dans la vieille Europe que dans les empires asiatiques autoritaires.