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  • Des chroniqueurs de guerre inconséquents

    Des chroniqueurs de guerre inconséquents

    Le microcosme médiatique qui commente la guerre d’Ukraine depuis plus d’un an connaît des hauts et des bas au gré des avancées et reculades du front. Reporters de salon pour la plupart, renforcés par une escouade de généraux en retraite, « experts » en stratégie et différentes armes, ils commentent sans vraiment savoir grand-chose ce qui se passe au cœur de cette guerre et de ses états-majors. On se souvient de la guerre de libération du Koweït en 1991 qui fut le premier conflit filmé en direct par la chaîne américaine CNN. C’était l’apparition des chaînes d’information en continu et de la censure que les armées contrôlaient afin d’éviter le désastre informationnel de la guerre du Vietnam où les reporters de guerre avaient accès à tous les terrains de combats de leur choix, étaient même véhiculés gratuitement par les hélicoptères des Marines et pouvaient en diffuser toute l’horreur sans aucun contrôle militaire mais avec tout de même le délai nécessaire au rapatriement des bandes du Vietnam vers les Etats-Unis avant qu’elles ne soient diffusées sur les poste de télévision de l’Amérique moyenne.

    Au Koweït les journalistes assistaient aux briefings des états-majors, plus tournés vers une propagande de bon aloi que vers de l’information et ils pouvaient diffuser les images des combats fournées par l’armée. Certains étaient « embeded », c’est-à-dire choisis par la hiérarchie militaire pour accompagner telle ou telle unité de combat et autorisés, ou pas, à diffuser des images de ce qu’on leur laissait filmer. Alors sur les plateaux parisiens, ou new-yorkais, les journalistes mondains n’avaient strictement rien à dire d’intelligent sinon de constater des départs de missiles ou les cibles atteintes dont ils ignoraient la plupart du temps la localisation de ces images, ni même si elles étaient réelles ou trafiquées. C’était de la pure propagande mais les téléspectateurs restaient fascinés par ces images de la guerre moderne, garantissant ainsi de bonne audience à ces émissions qui n’ont duré que quelques semaines, le temps de renvoyer l’armée irakienne dans ses pénates.

    C’était en 1991 ! Nous sommes aujourd’hui en 2023 et la situation n’a guère changé sinon que cette guerre est beaucoup plus longue et militairement plus « équilibrée » entre les parties, ce qui laisse aux « experts » le temps et la fantaisie de changer d’avis. Admiratifs devant la résistance ukrainienne des premiers mois, enthousiastes après la débandade russe de fin 2022 qui permit la reprise de Kharkiv et de Kherson, ils sont aujourd’hui plus dubitatifs devant les difficultés ukrainiennes à reprendre du terrain à l’armée russe solidement installée derrière ses lignes sur la partie du territoire ukrainien qu’elle occupe.

    En novembre 2022 la Russie avait déjà « perdu la guerre, quoiqu’il arrive » et celle-ci allait bientôt se terminer, aujourd’hui nos commentateurs en sont moins assurés et prédisent au contraire une guerre longue, avant qu’une éventuelle nouvelle percée ukrainienne ne les fasse revenir sur leur première prédiction ?

    La réalité est que les « experts » de plateaux télévisés ne savent pas grand-chose sur ce qui se passe réellement sur le front, et encore moins sur ce que mijotent les états-majors dans le secret de leurs bunkers. Le mieux serait qu’ils commentent les images que les belligérants leur laissent filmer, donnent éventuellement quelques éléments techniques pour expliquer la différence entre les canons Ceasar et les lance-roquettes IMARS, et encore, mais qu’ils s’abstiennent de toute prévision sur l’issue de ce conflit comme tout observateur intelligent devrait le faire.

    Mais il est vrai que nous sommes dans un pays, la France, où les campagnes électorales se font désormais en partie dans les émissions de variété de caniveau de Cyril Hanouna… alors exiger de l’intelligence dans la corporation des journalistes et « experts » télévisés est une vaste tâche !

  • « Anna-Eva Bergman – voyage vers l’intérieur » au musée d’Art Moderne

    « Anna-Eva Bergman – voyage vers l’intérieur » au musée d’Art Moderne

    Anna-Eva Bergman (1909-1987) est une peintre norvégienne (puis également allemande par son mariage avec Hans Hartung) qui a vécu et créé à Stockholm, Paris, Dresde, Berlin, Oslo, Minorque (Baléares), sur la Côte d’Azur ; une artiste profondément européenne inspirée par les paysages et, surtout, les couleurs si diverses, admirés du nord au sud de ce continent. Reconnue et exposée de son vivant, elle se sépare d’Hartung pour réaliser son art par elle-même, puis se remarie avec lui près de vingt ans plus tard.

    Ses tableaux de début de carrière sont présentés dans les premières salles de l’exposition mais l’intérêt du visiteur est surtout attiré par ses tableaux composés plus tard, en route vers l’abstraction, à partir de fines feuille métalliques assemblées sur des toiles peintes. Elle utilise et perfectionne ce matériau pour restituer la minéralité des pierres ou des rochers, ou l’éternité de l’univers. Elle revient pleine d’inspiration de ces infinis à l’issue d’une croisière dans le grand nord norvégien avec Hartung en 1950.

    Pour moi, [l’horizon] contient l’éternité, l’infini, le passage vers l’inconnu […] L’horizon est la limite de l’expérience humaine […] ; une limite que j’essaie de dépasser, une expérience que je tente d’élargir. Au-delà de la frontière de l’horizon se trouve un domaine qui, quoique physiquement inatteignable pour l’homme, existe et dont on peut faire l’expérience de la Nature, quelque chose d’atmosphérique, d’irrationnel, comme l’est la métaphysique, ou l’absolu.

    Anna-Eva Bergman, 1984

    Sa technique et son sens des couleurs rendent parfaitement ce que l’on imagine être la pureté glacée de la lumière de ces contrées maritimes septentrionales.

    Jour-Nuit (Anna-Eva Bergman)

    La nuit était indescriptible. Dépassant tout ce que je pouvais imaginer. Le plus merveilleux des soleils pendant toute la nuit tandis que nous glissions entre toutes les silhouettes magiques et étranges que sont les [îles] Lofoten. Une aventure glorieuse, puissante et improbable. Les montagnes semblent transparentes, plus rien n’a d’épaisseur. Tout est comme une vision, une possibilité non encore réalisée. Si l’on veut peindre cela, il faut trouver l’expression qui suggère l’atmosphère, l’effet des couleurs. En aucune façon naturaliste.

    Anna-Eva Bergman, 29/07/1950, Journey to the North Cape

    Ses marines ressemblent à des toiles de Rothko où les bandes horizontales tracent la division de l’infini entre ciel, terre et, parfois, minéralité. Ses bleus profonds varient subtilement selon qu’ils représentent le jour ou la nuit, des notions que l’on sait étroitement mêlés dans le Grand Nord. Elle porte un regard perçant et personnel sur ce qui nous entoure et que nous ne voyons pas.

    Elle a aussi suivi des études de philosophie, est fascinée par les sciences et la cosmologie et a beaucoup écrit sur son art, ses inspirations, ses œuvres. Des vidéos sont diffusées dans le cadre de cette exposition qui la montrent en train de composer ses tableaux, quasiment jamais en train de parler. Elle est grande et fine, les traits de son visage taillés à la serpe, les cheveux courts, elle donne l’air d’une personne fiévreuse, concentrée sur ses pensées et son art, pas particulièrement épanouie ni communicative.

    Anna-Eva Bergman : une artiste très intéressante du XXème siècle.

    Ecouter aussi : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/bienvenue-au-club/anna-eva-bergman-lumiere-sur-une-artiste-oubliee-9806326

  • Le retour des sauvageons

    Le retour des sauvageons

    A la suite de la mort d’un gamin de Nanterre le 27 juin lors d’un contrôle de police qui a mal tourné, les émeutes ont repris dans un nombre important de villes françaises durant plusieurs nuits. Le policier qui a tiré a été mis en examen et attend la suite des évènements en prison. Le jeune de 17 ans conduisait une grosse berline sans permis et aurait refusé d’obtempérer au contrôle. La politicaille franchouillarde se déchaîne, rivalisant de slogans et d’absence d’analyse, la presse frétille en invitant sur ses plateaux et en montant les uns contre les autres les commentateurs les plus inconsistants et les « experts-sécurité » les plus répétitifs. L’enquête et l’éventuel procès en diront plus sur ce qui s’est vraiment passé et sur le profil des personnes impliquées dans ce drame.

    Les émeutiers n’ont pas attendu et sont descendus dans la rue pour tout casser, visant tout spécialement les bâtiments publics, et les forces de sécurité. Le pillage a été aussi une activité très pratiquée durant ces nuits de violence et nombre de magasins ont été dévalisés. Le journal Le Monde fait état d’un premier bilan font de 5 000 véhicules brûlés, 10 000 feux de poubelle, 1 000 bâtiments brûlés, dégradés ou pillés, 250 attaques de commissariats ou de gendarmerie et plus de 700 blessés du côté des forces de l’ordre. On a retrouvé une balle « réelle » dans le gilet pare-balle d’un policier en banlieue parisienne et une autre balle perdue a tué un citoyen en Guyane.

    Les images de ces émeutes sont marquantes et ce qu’on y voit relève de la guérilla urbaine. C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu plus de morts et de blessés. L’arme favorite des émeutiers est le mortier de feu d’artifice dont ils semblent avoir stocké des quantités importantes leur permettant de tenir un siège. Tous ce petit monde se promène bien entendu avec des smartphones dernier cri et les abonnements internet leur permettant de communiquer sur les réseaux dits « sociaux » pour adapter leurs tactiques de minute en minute, et diffuser les vidéos de leurs exactions. Ce ne sont pas vraiment les émeutes de la pauvreté ! Le maire de L’Haÿ-les-Roses a vu le portail de sa maison défoncé par une voiture bélier et un début d’incendie forcer son épouse et ses deux enfants à fuir chez les voisins alors que le maire était à son bureau.

    Chappatte / Le Canard Enchaïné (05/07/2023)

    Les premiers jugements d’émeutiers attrapés par la police et présentés devant la justice en comparution immédiate montrent un nombre important de mineurs impliqués dans ces évènements et des citoyens lambda qui sont entrés « par hasard » ou « pour suivre » dans les magasins en cours de pillage. Un certain nombre sont allés directement du tribunal en prison. Et ce n’est pas fini, nombre de cas n’ayant pas encore été jugés.

    Bien entendu toutes ces dégradations de biens publics seront réparées aux frais des contribuables, dans un délai plus ou moins long. Les dégradations privées seront au moins partiellement payées par le secteur privé des assurances, pour les victimes qui ont souscrit des polices d’assurance. Toutes choses égales par ailleurs, la dette publique et les cotisations aux assurances privées vont augmenter. Le moral des victimes risque par ailleurs de connaître un « trou d’air » pour un moment et la Rassemblement national va se rapprocher encore un peu plus du pouvoir.

    Les pays en froid avec la France ne manquent pas une occasion de faire de l’ironie. En Russie, on se souvient que le président Poutine avait déjà rappelé que le système de retraite russe était bien plus généreux que le français et ne déclenchait donc pas de protestation du peuple, le ministre des affaires étrangères russe propose aujourd’hui que le sommet de l’OTAN soit consacré « aux divisions de la France, à la faiblesse de son armée et de ses services de sécurité ».

    L’Algérie communique par l’intermédiaire de son ministère « des affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger » :

    Communiqué – L’Algérie suit avec beaucoup d’intérêt les développements de l’affaire du décès du jeune Nahel

    Le Ministère des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’Etranger a appris avec choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel et des circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes dans lesquelles elle est intervenue.

    Le Ministère des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’Etranger exprime ses très sincères condoléances à la famille du défunt et l’assure que son deuil et sa peine sont largement partagés dans notre pays.

    Le Ministère des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’Etranger fait confiance au gouvernement français à assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doit [SIC] bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil.

    Le gouvernement algérien continue à suivre avec une très grande attention les développements de cette affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve.

    https://www.mfa.gov.dz/fr/announcements/communique-algeria-is-following-with-great-interest-developments-in-the-case-of-the-death-of-young-nahel-1

    Il faut lire le communiqué algérien pour apprendre que l’adolescent tué a à voir avec l’Algérie, la presse française n’en parle pas. Le ministère demande à la France de prendre soin de « nos ressortissants » et de « sa communauté nationale ». En fait Nahel est de nationalité française, a priori, né en France mais l’Algérie continue probablement à assimiler à sa « communauté nationale » les descendants de ses émigrés. D’ailleurs le nom du ministère intègre « la communauté nationale à l’étranger », ajoutant à la confusion qui règne déjà dans la relation entre les deux pays.

    Même l’ONU ne se prive pas de sermonner la France dans un communiqué du 20/06/2023 :

    Après une troisième nuit d’émeutes et de manifestations à travers la France à propos du meurtre par la police d’un adolescent d’origine algérienne et marocaine, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a déclaré vendredi qu’il était temps pour le pays de s’attaquer aux « profonds problèmes » de racisme et de discrimination parmi les forces de l’ordre.

    https://news.un.org/fr/story/2023/06/1136572

    Au-delà de ces réactions internationales finalement de peu d’importance, ces émeutes, destructions du bien public et pillages qui reviennent à intervalle régulier ne font que confirmer le chemin de décadence déjà emprunté par le pays depuis quelques décennies et que ses dirigeants et élus n’arrivent à pas à inverser. Ce n’est pas étonnant, on a les dirigeants qu’on mérite. Les nôtres sont à l’image de leurs électeurs : râleurs permanents, nombrilistes impénitents, imperméables à la notion d’intérêt général, l’injure et la violence érigés en modes de fonctionnement, les élus se limitant, pour le moment, à la violence verbale. Les conditions d’une réconciliation nationale semblent s’éloigner de jour en jour. Ainsi va la France !

  • DUGAIN Marc, ‘La Volonté’.

    DUGAIN Marc, ‘La Volonté’.

    Sortie : 2021, Chez : Editions Gallimard – folio 7238.

    Avec « La volonté » le romancier Marc Dugain (né en 1957) s’éloigne (un peu) de la fiction pour le récit, celui de la vie de son père et de la relation agitée qu’il partagea avec lui. Fils d’un marin breton qui passe plus de temps en mer qu’à la maison et d’une mère austère, ce père est frappé par la poliomyélite alors que, adolescent durant la seconde guerre mondiale, il est déjà actif dans la résistance.

    Il mène alors un long combat contre les effets de cette maladie qui lui paralyse les deux jambes. Il va en récupérer une et réussira à mener une vie physiquement à peu près normale, à force d’énergie et de volonté. Il se marie avec la fille d’un grand invalide de guerre et ensemble ils partent en Nouvelle-Calédonie (il est ingénieur spécialisé dans l’étude des minéraux) puis au Sénégal où ils auront leur deux enfants. Ils fuient ainsi leurs deux familles à l’amour pesant, et pour assouvir leur envie de grands espaces et le besoin d’une vie hors de la norme.

    Ce livre est surtout l’histoire émouvante d’une relation complexe entre un père exigeant qui a connut la guerre et son fils aîné Marc, enfant des trente glorieuses et de l’apparition de la consommation de masse. Beaucoup d’incompréhension, parfois de violence, de longues périodes d’incommunicabilité et de séparation. Puis l’intervention affectueuse d’une marraine va apaiser l’adolescent Marc qui va retrouver le dialogue avec son père et faire émerger l’amour filial qui se dissimulait sous la révolte. Marc accompagne son père jusqu’au bout sur son lit de mort. Il va ensuite de rapprocher de sa mère, autour du souvenir de cet homme qu’ils ont passionnément aimé tous les deux, sous un jour différent.

    Dugain déroule la vie de sa famille à travers la grande histoire et décrit l’existence des siens comme un roman plus qu’un récit en précisant en avant-propos :

    La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. Ce n’est pas la biographie d’inconnus, c’est un vrai roman.

    Cet hommage brûlant aux anciens lui a forgé la conviction que nous sommes aussi et surtout ce qu’ils nous ont transmis. Il laisse ce livre émouvant à ses petits-enfants pour qu’ils sachent de qui ils viennent. C’est un noble ouvrage !

  • Buddy Guy– 2023/07/11 – Paris l’Olympia

    Buddy Guy– 2023/07/11 – Paris l’Olympia

    Buddy Guy, musicien américain né en Louisiane en 1936, émigré à Chicago, légende du blues et de la guitare, 87 ans, passe à l’Olympia ce soir dans le cadre de son « DAMN RIGHT FAREWELL TOUR », à ne surtout pas manquer ! Père d’une discographie impressionnante, 50 opus répertoriés par Wikipédia, dont le premier date de 1967 et le dernier de 2022, l’artiste est toujours productif même si le titre de cette tournée semble indiquer que l’on s’achemine doucement vers une fin…

    Buddy entre, habillé d’une resplendissante chemise à poids et d’une casquette grise, sa guitare crème en bandoulière. Il est accompagné d’un guitariste (Ric “Jaz” Hall) et d’un bassiste (Orlando Wright) qui pourraient être ses enfants, d’un batteur aux cheveux gris (Tom Hambridge) et d’un jeune claviériste (Dan Souvigny), tous deux blancs, qui ont d’ailleurs assuré la première partie.

    Le bonhomme déclenche son petit succès lorsqu’il apparaît, auréolé de sa légende du blues. C’est le dernier des survivants de tous ces guitaristes que l’on croirait sortis d’un champ de coton de la guerre de Sécession dans l’Alabama. John Lee Hooker, Muddy Waters, B.B. King, Albert King… tous partis. Alors ce soir Buddy Guy est un peu le dernier des mohicans, rôle qu’il assure avec aisance. Bavard comme une pie, malicieux avec son public, il mime les gestes de l’amour avec son bassin contre sa guitare sur She’s Nineteen Years Old, il pose celle-ci à plat sur une enceinte pour en jouer avec une baguette de tambour… mais le meilleur est quand il en joue normalement et là, c’est un déchaînement de virtuosité mêlé de sensibilité. On y retrouve ces années de blues où cette musique était écrite et jouée comme sa vie en dépendait. Mais Buddy Guy ne s’est jamais départi de son bonheur de vivre en trimballant sa guitare sur les scènes du monde entier même si pour les musiciens de sa génération la guitare et le blues étaient aussi, et surtout, des alternatives à la lutte pour les droits civiques dont les résultats furent des plus modestes au siècle dernier.

    Ce soir il interprète plus de reprises que de chansons originales, hommage à ses pairs, tous ces blueseux qui parcourent l’Amérique avec leur guitare pour s’extraire de leur condition misérable et, au passage, défendre l’émancipation des noirs dans leur pays. Cet extraordinaire sens musical leur a amené la reconnaissance et quand on voit leur influence sur le rock depuis des décennies on comprend la puissance de cette musique et l’incroyable talent de ceux qui l’ont créée et fait prospérer à travers les décennies. Il a joué avec les plus grands : Janis Joplin, The Grateful Dead, Eric Clapton, les Rolling Stones… Il a inspiré tant de groupes de rock et de guitaristes que l’on peinerait à les énumérer tous.

    Entre deux pitreries il redevient sérieux en évoquant les conditions de son enfance miséreuse en Louisiane, interpellant les premiers rangs d’un « vous ne savez sans doute même pas où est la Louisiane ! ».

    Mais il revient toujours à la musique et enchante l’assemblée lorsqu’il décline des solos avec une incroyable facilité. Et, lorsqu’il laisse la scène à son jeunot de guitariste, celui-ci développe une incroyable virtuosité, presqu’à l’égal de son Maître au meilleur de sa forme. Clou du spectacle : au terme d’une de ses envolées magiques, Ric « Jaz » fait tournoyer sa guitare comme une hélice de moulin ; elle est manifestement fixée sur un pivot accroché à sa bandoulière… Succès garanti !

    Après avoir convoqué et joué tous ses grands anciens, Buddy tire sa révérence sur I Let My Guitar Do the Talking, le premier titre de son dernier disque de 2022 :

    I left Louisiana
    Some 60 years ago
    Bought me a one way ticket
    To sweet home Chicago
    When I lost my way
    My fingers did the walking
    I don’t say too much
    I let my guitar do the talking

    Il quitte la scène un peu brusquement, signe quelques autographes sur des vinyles tendus à bout de bras par les spectateurs des premiers rangs, distribuent ses médiators et rejoint les coulisses. Il n’y a pas de rappel mais qu’importe, nous avons communié avec l’un des derniers soldats du blues, cause qu’il défend depuis toujours avec le même talent empreint d’une joie communicative. Bravo l’artiste ! Reverra-t-on Buddy Guy sur scène ?

    Dehors, une nuée de jeunes filles dorment sur le trottoir du boulevard pour être au premier rang du concert du groupe de bogoss britanniques The 1975 prévu demain. Avant-hier elles occupaient ce même trottoir pour assurer leurs places au concert de l’américaine Lana del Rey qui s’est déroulé hier. Pas sûr qu’elles connaissent Buddy Guy ?

    Setlist : Damn Right, I’ve Got the Blues/ I’m Your Hoochie Coochie Man / She’s Nineteen Years Old/ I Just Want to Make Love to You (Willie Dixon cover)/ Love Her With a Feelin’ (Tampa Red cover)/ Fever (Eddie Cooley cover)/ How Blue Can You Get? (Johnny Moore’s Three Blazers cover)/ Grits Ain’t Groceries (Little Milton cover) (with snippets of « Sunshine of… more)/ Boom Boom (John Lee Hooker cover)/ Voodoo Child (Slight Return) (The Jimi Hendrix Experience cover)/ Strange Brew (Cream cover)/ Drowning on Dry Land (Albert King cover)/ Skin Deep/ I Let My Guitar Do the Talking

  • Dialogue sur une aire de repos

    Dialogue sur une aire de repos

    Une grosse berline est arrêtée à l’ombre des arbres d’un parking de station essence au bord d’une route bretonne à quatre voies. A l’arrière une vieille femme, voilée et âgée, somnole, devant, une jeune maman donne le biberon un nourrisson et à l’extérieur un papa jovial s’occupe de sa petite fille. Ils sont en route pour des vacances à Perros-Guirec.

    Le chroniqueur est également au repos pas loin de la berline, la petite fille vient lui rendre visite et le voilà qui entame la conversation avec le papa jovial et sympathique, jeune quarantenaire avec un peu d’embonpoint et la barbe de quatre jours de rigueur, ingénieur informaticien, autrefois freelance mais désormais salarié depuis qu’il a deux enfants « pour la sécurité financière ».

    Et puis la conversation tourne vers la réforme des retraites françaises. Le papa goguenard ne semble pas traumatisé par l’allongement du nombre d’années à travailler pour sa génération avant de pouvoir prendre une retraite à taux plein :

    – Moi j’ai fait Bac+5, donc j’ai commencé à travailler à 25 ans, 25 + 43 cela une retraite à 68 ans !
    – Oui, c’est assez logique, mais vous n’avez jamais travaillé durant vos cinq années d’études, vous n’avez pas accumulé quelques trimestres à l’assurance vieillesse ?
    – Ah non, je n’ai pas travaillé durant mes études.
    – Ce n’était pas interdit pourtant et puis c’est plutôt intéressant même s’il s’agit de « petits boulots », ça forme le caractère et… ça rapporte des trimestres pour la future retraite.
    – Ah oui, c’est vrai, eh bien je le dirai à mes enfants pour plus tard !

    Et la petite famille repart dans sa confortable berline, probablement une voiture de fonction, vers un repos breton sans doute bien mérité. Encore un citoyen qui devait être opposé à la réforme des retraites et qui, manifestement, ignorait la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi ». Tant pis pour lui, il travaillera un peu plus longtemps que ses aînés et il n’en mourra pas.

    Ségolène Royal, toujours à propos
  • WEIL Simone, ‘L’Enracinement – prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain’.

    WEIL Simone, ‘L’Enracinement – prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain’.

    Sortie : 1943, Chez : Editions Gallimard.

    Simone Weil (1909-1943) est une philosophe française « humaniste » qui a cherché à expliquer la condition ouvrière à l’aune de l’analyse marxiste mais sans être véritablement « révolutionnaire ». Née juive, elle adhère (sans se convertir) à la spiritualité chrétienne. Normalienne, agrégée de philosophie à 22 ans, elle enseigne puis travaille en usine, fréquente l’Espagne aux temps de la guerre contre le franquisme, compagnonne un temps avec l’anarchisme, le trotskisme, visite l’Allemagne pour mieux comprendre l’hitlérisme dans les années 1930, elle se plonge dans les textes grecs, chrétiens, hindouistes, bouddhistes… Elle écrit le fruit de toutes ces multiples réflexions. La majorité de ses écrits sera publiée après sa mort. Elle s’exile à Londres en 1942 où elle écrit son œuvre majeure : « l’Enracinement ». D’une santé fragile, elle est tuberculeuse, épuisée physiquement et psychiquement, elle meurt d’une crise cardiaque à l’âge de 34 ans.

    C’est évidement son jeune âge qui frappe en premier lieu à la lecture de L’Enracinement, on reste stupéfait devant l’accumulation de lecture et de savoir sur laquelle elle forge ses analyses, ainsi que par la puissance de sa pensée. Comment à seulement 34 ans a-t-elle pu incorporer toute cette connaissance de la philosophie et de l’Histoire ? Par quelle intelligence supérieure arrive-t-elle à ordonner sa pensée et restituer ses analyses de façon aussi claire pour un lecteur non initié à la philosophie ?

    Dans la première partie intitulée « Les besoins de l’âme », Mme. Weil différencie la notion d’obligation de celle de droit qui lui est « subordonnée et relative », puis liste les « besoins de l’âme » à ne pas confondre avec « les désirs, les caprices, les fantaisies ou les vices » et de définir l’ordre, la liberté, l’obéissance, la responsabilité, l’égalité, la liberté d’opinion, la vérité… Bref, une sorte de vade-mecum de ce qui devrait être la ligne de conduite des démocraties.

    Dans la seconde partie « Le déracinement » elle déplore la « maladie du déracinement » lorsqu’un peuple ou une classe sociale n’a plus accès à ses racines morales, intellectuelles, spirituelles. Ces racines viennent soit de son milieu soit elles infusent par échanges entre les classes. Il y a déracinement, notamment, lors des conquêtes militaires : les Celtes en Gaulle, les Maures en Espagne, les Allemands en Europe ou la France en Océanie, les conquérants cherchant systématiquement à effacer l’histoire des nations conquises, à les déraciner. De ce fait, la conquête militaire est assimilée au mal.

    L’argent est aussi un puissant facteur de déracinement au sein d’une même société. Pour éviter celui-ci, Weil expose sa conception d’une organisation idéale du travail, ouvrier comme paysan, qui « serait éclairé de poésie », un système ni capitaliste ni socialiste qui abolirait la condition prolétarienne et dont l’orientation serait non pas « l’intérêt du consommateur » mais « la dignité de l’homme dans le travail, ce qui est une valeur spirituelle ».

    Elle explique aussi l’apparition de ce déracinement nuisible par la disparition du sens des collectivités qui correspondaient à des territoires, aujourd’hui balayé par celui de la nation « c’est-à-dire l’Etat » qui s’est substitué à tout pour « assurer à travers le présent une liaison entre le passé et l’avenir ». Et d’illustrer dans une vaste fresque historique, de l’empire romain à l’Europe de la première moitié du XXème siècle les notions de patrie, de nation, d’obéissante et de désobéissante, des contradictions insolubles du concept de patriotisme, de la brutalité des conquérants en relativisant leurs cruautés respectives.

    La troisième partie, L’Enracinement, débute par une analyse de l’effondrement de la France en 1870 malgré le fait que c’est elle qui ouvrit les hostilités contre la Prusse, jusqu’à la rédemption initiée par le mouvement gaulliste susceptible de restaurer le génie du pays au-dessus du chaos (rappelons que le livre est écrit entre 1940 et 1942, époque où la guerre est loin d’être terminée) :

    La vraie mission du mouvement français de Londres est, en raison même des circonstances politiques et militaires, une mission spirituelle avant d’être une mission politique et militaire.
    Elle pourrait être définie comme étant la direction de conscience à l’échelle d’un pays.

    S’en suivent de complexes déroulements sur la force, l’histoire, la poésie, la tradition, la spiritualité qui enracinent la puissance d’une nation. Si l’univers entier est régi par la force, comment l’homme pourrait-il s’en soustraire ? Elle constate ensuite l’incompatibilité entre religiosité et science et ramène le christianisme à « une convenance relative aux intérêts de ceux qui exploitent le peuple » où l’esprit de vérité est absent.

    La philosophe écrit fiévreusement sur les voies à emprunter pour élever l’inspiration de la nation et la spiritualité de son peuple en évitant les dérives constatées dans l’histoire, dont le cas Hitler n’est pas des moindres. Nombre de sujets résonnent encore aujourd’hui d’une brulante actualité : la spiritualité des nations, la science et la religion, la dévastation générée par les conquêtes militaires… Il faut faire quelques efforts pour pénétrer la pensée de la philosophe mais ceux-ci sont très largement récompensés par l’impression d’en partager la saveur.

    NB : le livre a été publié par Albert Camus.

    Lire aussi : La Corse déracinée

  • « Vers un avenir radieux » de Nanni Moretti

    « Vers un avenir radieux » de Nanni Moretti

    Un joli film de Nanni Moretti qui se met en scène lui-même dans « Vers un avenir radieux » dont il est l’acteur principal, Giovanni, réalisateur. Le film raconte le tournage d’un film par Giovanni au sujet d’une cellule du parti communiste italien en 1956 (cellule « Antonio Gramsci ») alors que les grands-frères soviétiques envahissent le « peuple frère » de Hongrie.

    Dans le même temps le réalisateur se montre embourbé dans les problèmes financiers de sa production, la psychanalyse de sa femme qui n’arrive pas à se séparer de lui, sa fille qui lui annonce son projet de mariage avec l’ambassadeur de Pologne de trois fois son âge, le monde du cinéma qui évolue au-delà de ce que Giovanni peut comprendre avec notamment un moment hilarant où une productrice Netflix lui annonce que son film est bon mais manque de moments « what the fuck! ». Les yeux ronds désespérés qu’ouvre Giovanni devant cette remarque attestent de son décalage avec le monde moderne dont il commence à prendre conscience.

    A défaut de se satisfaire du présent, il se jette à corps perdu dans le passé évoqué par son film dont il reprend la fin pour la rendre heureuse : le chef de la cellule « Antonio Gramsci » au lieu de se suicider devant la félonie du grand frère soviétique va prendre la tête d’une rébellion communiste pour forcer le PCI à prendre position contre l’invasion soviétique de la Hongrie de 1956. La vraie vie fut toute autre…

    Le film est délicieux et amère. L’humour de Moretti est toujours désopilant pour aborder les sujets légers comme tragiques. C’est le portait d’un septuagénaire et le tableau d’une époque qui s’effacent doucement, sans drame, avec l’élégance italienne.

  • « La Musique dans les camps nazis » au Mémorial de la Shoah

    « La Musique dans les camps nazis » au Mémorial de la Shoah

    Le Mémorial de la Shoah revient sur l’utilisation qui a été faite de la musique dans les camps de concentration et d’extermination allemands durant la décennie du pouvoir nazi. Pour la patrie de Brahms et de Beethoven la musique était, bien sûr, un élément fondateur de la culture aryenne, partie prenante de l’éducation de ses enfants et de son environnement militariste. Elle a accompagné la logique des camps et a été utilisée par leurs dirigeants pour ponctuer les entrées et sorties des camps, mais aussi des séances de tortures ou d’exécutions publiques, voire des fêtes organisées par les soldats « SS » pour un anniversaire ou une célébration quelconque.

    Les prisonniers devaient aussi apprendre des chants de guerre allemands pour marcher au pas et en rythme. Une vidéo hallucinante extraite du film « Shoah » de Jacques Lanzmann (tourné à la fin des années 1970) montre l’adjoint d’un camp de la mort chantonner l’hymne du camp écrit par son supérieur et dans lequel il est question de discipline, de bonheur par le travail et de lendemains enchanteurs…

    Les déportés musiciens bénéficiaient d’un statut légèrement favorisé par rapport aux autres. Du fait de leur faible nombre, les Allemands voulaient les garder en vie afin qu’ils assurent cette fonction orchestrale, à la fois « divertissante » mais aussi marquant la discipline qu’ils voulaient imposer à leurs prisonniers. Les nazis déifiaient Wagner, Beethoven, Strauss (décédé en 1949, son hymne olympique est joué aux Jeux Olympiques de Verlin en 1936, il est acquitté en 1948 par le tribunal de dénazification) qu’ils interdisent de jouer aux musiciens juifs de ces orchestres des camps !

    Manquant d’instruments et de partitions, les nazis en commandent à l’extérieur aux frais des déportés. Une contrebasse fabriquée à Mauthausen avec les moyens du bord est exposée.

    Immuablement, nous jouons matin er soir, par n’importe quel temps, qu’il gèle, qu’il neige ou qu’il vente ; il semble impossible aux Allemands d’envisager la sortie ou la rentrée des commandos sans notre concours. Lorsqu’il y a du brouillard, les commandos ne sortent pas avant qu’il ne soit dissipé : le brouillard favorise les évasions. Nous devons alors rester de longues heures à jouer des airs divertissants jusqu’à ce que l’ordre d’attaquer nos marches soit donné.

    Simon Laks, René Coudy, Musiques d’un autre monde, 1948

    Mais la musique est aussi un moyen de réconfort pour les déportés qui s’organisent pour en jouer et en composer à l’abri des regards et des oreilles allemands, dans l’intimité de leurs baraquements sinistres. Certains des poèmes mis en musique à l’époque sont exposés et des bandes-son sont proposées. Une des chansons bouleversantes a été écrite par un des membres du commando en charge d’incinérer les corps des prisonniers assassinés et qui reconnait celui de son fils.

    Qui a visité le camp d’Auschwitz-Birkenau se souvient de cette dalle, tout juste à droite après le portique d’entrée « Arbeit mach free » sur laquelle se tenaient les « musiciens » lorsque les déportés entraient ou sortaient, et se pose toujours la même question sans réponse de savoir comment la patrie de Brahms a-t-elle pu engendrer une telle horreur ?

  • Dans un bistrot du Vème

    Dans un bistrot du Vème

    Street Art

    Un philosophe a décoré les toilettes de ce bistrot.

  • Chris Isaak – 2023/07/07 – Paris l’Olympia

    Chris Isaak – 2023/07/07 – Paris l’Olympia

    Chris Isaak nous revient cette année l’Olympia sans que le temps ne semble faire effet sur lui. A peine quelques rides viennent marquer le beau gosse de Stockton (Californie), il a 67 ans tout de même, habillé d’un costume rockabilly, plutôt moins flashy que d’habitude, noir à parements verticaux argentés, bottes cloutées et petit médaillon fermant son col de chemise blanche. Ses quatre musiciens sont en costumes noirs et chemises blanches de rigueur.

    Pas de production discographique récente sinon un énième Christmas record sans doute de peu d’intérêt. Chris et son groupe tournent pour le plaisir et, peut-être un peu, pour remplir les caisses. Après tout la musique c’est aussi leur job.

    Le show démarre sur un dynamique American boy suivi d’un enchaînement romantique Somebody’s Crying/ Waiting dans lequel Chris joue de sa voix en or pour nous enjôler et de ses mots mélancoliques pour serrer nos cœurs :

    I know somebody and they cry for you
    They lie awake at night and dream of you
    I bet you never even know they do, but
    Somebody’s crying

    A peine remis de ses émotions, le public entend Chris démarrer Don’t Leave Me on My Own en descendant sans sa guitare dans l’une des allées de l’Olympia qu’il remonte doucement en chantant avant de monter dans la mezzanine en poursuivant sur I Want Your Love puis de revenir sur la scène. Les spectateurs sont attendris oubliant que l’artiste est coutumier du fait, un petit truc qui réussit toujours bien pour se mettre le public dans sa poche.

    Plutôt bavard ce soir, il prend le temps de nous remercier de soutenir la musique live par notre présence. La salle est pleine et disposée en format « senior » avec places assises dans l’orchestre dont les quinquas/sexas vont régulièrement se lever, parfois sur instruction de l’artiste, pour suivre le rythme.

    Une fois Chris revenu sur scène son guitariste historique, James Calvin Wilsey, embonpoint sous costume croisé, entame la mélodie lancinante de Wicked Game, devenu un hit mondial après avoir été utilisé par le réalisateur David Lynch dans Sailor and Lula. C’est encore une histoire d’amour sombre, de sentiments trop violents, de ruptures inévitables, de renoncement face au monde qui ne fait que briser les cœurs :

    Nobody loves no one

    Une partie du show se joue ensuite avec les cinq musiciens assis sur des tabourets sur le devant de la scène. Viennent les reprises de Roy Orbison : Oh, Pretty Woman et Only the Lonely, et le souvenir de la rencontre d’Isaak avec Orbison dont il assurait la première partie et qui insistât pour que tous deux figurent sur la photo de presse. Sa guitare acoustique est siglée CHRIS ISAAK sur la table là où celle de Woody Guthrie affichait THIS MACHINE KILLS FASCISTS.

    Il laisse ensuite cette guitare à son bassiste Rowland Salley, costume noir et chaussures rouges, pour interpréter une de ses propres compositions, Killing the Blues, rendue célèbre car reprise par un autre guitariste dont il feint d’oublier le nom, Robert Plant qui l’interpréta dans son duo avec Alison Krauss.

    Help Falling in Love reprise d’Elvis, Blue Hotel et San Francisco Days nous enchantent. Le final Notice the Ring est l’occasion de derniers déhanchements de Chris derrière sa guitare et d’une chorégraphie des trois guitaristes en ligne mimant des mitrailleurs montant au front.

    Nous sommes à Paris alors Isaak nous raconte avoir joué avec Johnny Halliday un immense rocker qui… lui faisait peur et avoir enregistré, il y a des années, Don’t leave me this way avec Etienne Daho dans un hôtel désert de Nashville dont il joue les premières mesures sur sa guitare. Le public adore.

    Pour le rappel il revient comme à son habitude dans son habit de lumière, pantalon-veste recouverts de petits miroirs, pour entamer Baby Did a Bad Bad Thing avec une voix grave, menaçante et contenue qu’il libère en criant sur le refrain, et ponctue le final avec gourmandise de la ritournelle musicale de James Bond. Le dernier rappel est une reprise de James Brown avant laquelle nous avons droit une nouvelle histoire de Chris jeune chanteur attendant devant la loge de Brown après l’un de ses concerts pour se présenter : « bonjour je suis auteur-compositeur-interprète à la Warner Bros compagnie » et son interlocuteur de lui répondre d’un borborygme « Hhhngnn » que Chris cherche encore à interpréter aujourd’hui.

    La musique d’Isaak est toujours un délicieux mélange entre rockabilly et pop mélancolique. Sa voix de velours lui permet de tout interpréter avec ses décrochements caractéristiques et sa montée en « voix de tête » dont il est capable de garder les notes très longtemps. Rien ne change vraiment dans l’ordonnancement de ses concerts sinon la couleur de ses costumes à motifs imprimés. L’homme est séduisant (élu en 1990 dans les 50 hommes les plus sexy par un magazine pipole américain, il est toujours célibataire), le musicien accompli, l’artiste émouvant… laissez agir, le plaisir des spectateurs est toujours aussi intense.

    Setlist : American Boy/ Somebody’s Crying/ Waiting/ Don’t Leave Me on My Own/ I Want Your Love/ Wicked Game/ Go Walking Down There/ Speak of the Devil/ Oh, Pretty Woman (Roy Orbison cover)/ Forever Blue/ Two Hearts/ My Happiness (Elvis Presley cover) (first verse only)/ Only the Lonely (Roy Orbison cover)/ Dancin’/ Killing the Blues (Rowland Salley cover)/ Can’t Help Falling in Love (Elvis Presley cover)/ Blue Hotel/ San Francisco Days/ Big Wide Wonderful World/ Notice the Ring

    Encore : Baby Did a Bad Bad Thing / Bye, Bye Baby / James Bond Theme/ Can’t Do a Thing (To Stop Me)/ The Way Things Really Are

    Encore 2 : I’ll Go Crazy (James Brown & The Famous Flames cover)

    Lire aussi : Chris Isaak – 2012/10/12 – Paris le Grand Rex

    Warmup : Haylen et son guitariste « Diogène ».

  • « Promenade à Cracovie » de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer

    « Promenade à Cracovie » de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer

    Roman Polanski (89 ans), réalisateur célèbre, rescapé du ghetto de Cracovie à l’âge de 7 ans, se promène dans cette ville avec son ami d’enfance Ryszard Horowitz (84 ans), photographe de renom, rescapé d’Auschwitz à l’âge de 5 ans. Tous deux sont originaires de Cracovie et s’y trouvaient lorsque les Allemands ont envahi la Pologne en 1940.

    Filmés par Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer, on les voit déambuler dans la Cracovie d’aujourd’hui, retrouver leurs appartements familiaux, la synagogue qu’ils fréquentaient, sans être particulièrement croyants, les anciennes traces des murs et barbelés qui cernaient le ghetto. Pour la première fois de leur longue amitié ils évoquent ensemble cette tragique tranche de vie vécue dans ce pays dévasté par les années de guerre et d’antisémitisme.

    La mère et la grand-mère de Polanski sont assassinées à Auschwitz en 1943. Juste avant la liquidation du ghetto en mars 1943, son père lui fait fuir Cracovie et il va se retrouver seul à errer entre des familles rurales voulant bien cacher un enfant juif. Miraculeusement son père rentre vivant de Mauthausen. Polanski raconte ceci devant sa tombe au cimetière juif de Cracovie, y compris l’épisode burlesque de sa mise en terre pour laquelle l’aidait son ami Andrzej Wajda. Mais aussi de sa solitude de gamin se battant pour sa survie.

    Horowitz et sa famille furent déportés à Auschwitz. Ils échappèrent aux chambres à gaz car faisant partie de la célèbre « liste » de l’industriel allemand Oskar Schindler qui fit travailler des prisonniers dans ses fabriques. A la libération, alors que la famille éclatée n’est pas encore réunie, sa mère voit son fils apparaître sur un film sur la libération du camp d’Auschwitz, elle sait qu’il est vivant et ils vont se retrouver.

    Dans l’appartement de sa sœur de 90 ans, qui vit toujours à Cracovie, Polanski mime la scène où il retrouva son père de retour du camp, attablé à la table de cuisine, avant de le prendre sur ses genoux. Ces deux personnages martyrisés par la vie reviennent sur ces épisodes douloureux en adoptant un ton plutôt rigolard où parfois perce l’émotion quand ils évoquent ceux qui ne sont pas revenus.

    Un documentaire émouvant sur ces deux survivants. Quels destins !

    Le documentaire est présenté dans un nombre limité de salles « art & essai » dont cette bonne vieille salle de « L’Arlequin » rue de Rennes, opérée par la sympathique chaîne des cinémas indépendants « Dulac ».

  • « Love Life » de Kôji Fukada

    « Love Life » de Kôji Fukada

    Un charmant film du réalisateur japonais Kôji Fukada, plein de douceur et de longueur, qui raconte les aléas vécus par un couple du fait d’une tragédie familiale et du retour des « ex » qui rodent sur les lieux et dans les âmes des acteurs de ce drame. Dans ce monde asiatique où chacun veille à surtout ne pas exprimer ses émotions et à afficher toujours la même froideur face aux évènements, le réalisateur fait apparaître les failles que ses personnages ne vont pas réussir à masquer. Entre trois courbettes on voit se confronter l’amour passé entre le Soleil levant et le Matin calme, les difficultés de communication entre les êtres, la trahison évoquée et la solitude de chacun face à son destin. La fin est laissée à l’appréciation des spectateurs qui voient ce couple douloureux marcher, ensemble mais chacun sur sa ligne, vers un futur à définir sur le fond musical de la chanson japonaise, un peu dégoulinante de bons sentiments, Love Life :

    Quelle que soit la distance qui nous sépare, rien ne m’empêchera de t’aimer,

  • Dérive religieuse en Inde

    Dérive religieuse en Inde

    Comme l’ont fait certains Etas américains, notamment sous l’impulsion du vice-président de Donald Trump entre 2017 et 2021, Mike Pence, l’Inde est en train de retirer de certains programmes scolaires la théorie de l’évolution de Darwin, après avoir déjà expurgés des manuels de nombre d’autres théories scientifiques qui ne correspondent pas aux vues obscurantistes du parti hindouiste actuellement au pouvoir.

    Emporté par leur religiosité et une lecture à la lettre de textes millénaires, des pays importants révisent leurs manuels scolaires pour en retirer le savoir scientifique. Dans le cas de l’Inde, cela se double d’un sentiment antioccidental puisque globalement les grandes découvertes scientifiques et technologiques sont « blanches ». Religion plus idéologie, ou comment des pays qui sortaient progressivement de la masse du sous-développement et participaient à leur tour à la progression du savoir humain sont en train de s’en éloigner. La communauté scientifique indienne s’émeut de cette régression mais n’y peut pas grand-chose sinon opposer la rationalité à une politique religieuse, c’est dire si le combat est perdu d’avance.

    Lorsque l’on déambule sur l’île d’Elephanta dans la mer d’Arabie, au large de Bombay, on visite de fascinantes grottes millénaires dédiées à Shiva et que l’on aperçoit au loin les dômes des centrales nucléaires qui alimentent Bombay, on se dit que ce pays a su assimiler la science tout en respectant ses traditions. C’était l’héritage de Nehru.

    Lire aussi : https://breakthroughindia.org/seminar-on-darwins-theory-of-evolution-indian-knowledge-system/

    Narendra Modi – Kiro / Charlie Hebdo (10/05/2023)

    Aujourd’hui son lointain successeur Modi revient sur ces avancées et privilégie Ganesh à Darwin. Pas sûr que cela mène le pays à un futur radieux mais seul l’avenir le dira. Modi est un président nationaliste élu à peu près démocratiquement, son peuple l’a donc choisi et réélu, lui et ses idées. Si jamais le résultat ne satisfait pas les électeurs ils pourront toujours s’en prendre à eux-mêmes !

    Lire aussi : L’inde : sa citoyenneté, son immigration et ses religions

    La philosophe Simone Weil écrivait en 1943 :

    Chez les chrétiens, l’incompatibilité absolue entre l’esprit de la religion et l’esprit de la science, qui ont l’un et l’autre leur adhésion, loge dans l’âme en permanence un malaise sourd et inavoué.

    Il empêche la cohésion intérieure. Il s’oppose à ce que la lumière chrétienne imprègne toutes les pensées. Par un effet direct de sa présence continuelle, les chrétiens les plus fervents portent à chaque heure de leur vie des jugements, des opinions, où se trouvent appliqués à leur insu des critères contraires à l’esprit de christianisme. Mais la conséquence la plus funeste de ce malaise est de rendre impossible que s’exerce dans sa plénitude la vertu de probité intellectuelle.

    Simone Weil – « L’enracinement » (1943)

    Cette analyse s’applique, hélas, à toute religion ou idéologie. Remplacez « chrétiens » par « hindous » ou « musulmans » et la « conséquence funeste » est la même !

  • Le clan Assad reprend du poil de la bête

    Le clan Assad reprend du poil de la bête

    La République arabe syrienne, et le clan Assad qui la dirige depuis 1970, a tenu bon depuis le déclenchement de la révolte populaire dite du « printemps arabe » en 2011. Après une répression féroce des contestataires par le régime, cette rébellion s’est transformée en lutte armée faisant intervenir des mouvements religieux comme le groupe Etat islamique (EI), Al Qaeda et différents autres mouvements islamistes faisant dans l’ensemble assez peu dans la poésie.

    C’est ainsi que la Syrie a été transformée en un terrain de guerre civile où s’est exercé une cruauté d’un niveau encore rarement atteint. Des groupes islamistes contre un gouvernement dictatorial avec au milieu un peuple éclaté en une multitude d’ethnies et de pratiques religieuses, il n’en fallait pas plus pour déclencher un cataclysme et on a vu ce malheureux pays devenir la proie de toutes les barbaries. Cerise sur le gâteau, la situation s’est internationalisée avec les interventions d’une coalition internationale (plutôt occidentale) pour détruire les mouvements islamistes, de la Russie pour soutenir le régime Assad et de la Turquie qui veut protéger sa frontière sud des mouvements kurdes.

    Le résultat est effrayant : des millions de déplacés (y compris en Europe), des massacres de populations civiles, des crimes de guerre et contre l’humanité, des tortures et meurtres en tous genres, le plus souvent largement filmés et relayés sur les réseaux dits « sociaux », un pays détruit, une population éclatée, etc. La Syrie qui n’était déjà pas particulièrement gâtée par la gouvernance de la famille Assad depuis 50 ans, est devenue le banc d’essai de tout ce que peuvent produire des esprits dérangés et maléfiques. On dirait que chaque camp s’y est mis pour essayer d’enfoncer le pays le plus profond possible dans le gouffre.

    Malgré cette situation, le clan Assad a réussi à se maintenir au pouvoir, profitant habilement de l’internationalisation du conflit, manipulant les opposants les uns contre les autres. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Bachar el Assad (fils de Hafez el Assad) a d’abord été mis à l’index de la Ligue arabe, le garçon n’était vraiment pas fréquentable, même pour les théocraties moyen-orientales. Mais le temps a passé, Assad est toujours au pouvoir, la coalition occidentale a détruit au moins provisoirement l’EI et s’est retirée, la Russie alliée de la Syrie lui fait partager son message anti-occidental ; alors la Ligue arabe a réintégré la Syrie en mai dernier.

    Le retour de l’enfant prodigue a été entériné lors d’un sommet de la Ligue arabe le 19 mai auquel était également invité le président ukrainien Zelenski venu essayer d’obtenir un peu de soutien des pays arabes contre l’invasion russe de son pays. Il a été rapporté que lorsque Zelinsky s’est exprimé en ukrainien devant les chefs d’Etat arabes, le président syrien a ostensiblement laissé tombé son casque de traduction, ne souhaitant sans doute pas connaître le fond de la pensée de l’ennemi de son allié russe.

    Cette réintégration marque aussi la poursuite du déclin du sentiment démocratique. Les pays membres de cette Ligue ne voient sans doute plus pourquoi ils iraient sanctionner l’un des leurs pour des raisons liées à la démocratie, concept assez creux pour la majorité d’entre eux et en voie de déclin dans le reste du monde. Pour le moment, les pays occidentaux considèrent toujours le clan Assad, et donc la Syrie, comme infréquentable, au moins officiellement.

    Lire aussi :
    > « Les âmes perdues » de Stéphane Malterre et Garance Le Caisne
    > « Pour Sama » de Waad Al-Kateab & Edward Watts

  • La Corse déracinée

    La Corse déracinée

    Dans son œuvre majeure “Enracinement » écrite en 1943, quelques mois avant son décès à 34 ans, la philosophe française Simone Weil écrivait :

    Paoli, le dernier héros corse, dépensa son héroïsme pour empêcher son pays de tomber aux mains de la France. Il y a un monument en son honneur dans une église de Florence ; en France on ne parle guère de lui. La Corse est un exemple du danger de contagion impliqué par le déracinement. Après avoir conquis, colonisé, corrompu et pourri les gens de cette île, nous les avons subis [soumis ? NDLR] sous forme de préfets de police, policiers, adjudants, pions et autres fonctions de cette espèce, à la faveur desquelles ils traitaient à leur tous les Français comme une population plus ou moins conquise. Ils ont aussi contribué à donner à la France auprès de beaucoup d’indigènes des colonies, une réputation de brutalité et de cruauté.

    80 ans plus tard, il n’y a rien à ajouter ou retirer.

  • Depeche Mode – 2023/06/24 – Paris le Stade de France

    Depeche Mode – 2023/06/24 – Paris le Stade de France

    Ils ne sont plus que deux, les deux derniers membres historiques du groupe britannique d’électro-pop Depeche Mode fondé en 1980 : Dave Gahan, le chanteur charismatique et Martin Gore guitariste et principal compositeur. Vince Clark et Alain Wider (qui l’a remplacé) sont partis depuis longtemps, Andrew Fletcher est mort l’an passé mais le duo résiduel est toujours actif. Martin et Dave ont tous les deux 61 ans. Leur dernier disque, Memento Mori, est sorti au printemps et Fletcher a participé à son écriture.

    Lire aussi : Mort d’Andy Fletcher, membre fondateur de Depeche Mode

    Lorsque les roadies descendent le rideau noir qui cache le fond de la scène, un M gigantesque en relief apparait, comme collé sur un immense écran, les branches du M servant également de rampes de lumière. Deux autres vastes écrans entourent la scène. Les derniers rayons du soleil dardent les tribunes est quand les quatre musiciens apparaissent et que résonnent les premières notes de My Cosmos Is Mine, premier titre de Memento Mori.

    La formation est réduite, Fletcher n’a pas été remplacé numériquement. Les deux musiciens additionnels pour la tournée sont Christian Eigner à la batterie et Peter Gordeno aux claviers. Dave Gahan est habillé en noir avec des santiag blanches et un gilet au dos est jaune canari. Martin Gore est toujours vêtu d’habits noirs à mi-chemin entre un équipement de motard et une tenue sadomasochiste, il y a des chaînes et des sangles qui pendouillent, dont l’une lui reliant les deux mollets. Il alterne entre sa guitare et ses claviers.

    Le concert démarre avec deux morceaux du dernier disque Memento Mori, sorti récemment, envahi de noirceur, dont le titre signifie « Souviens-toi que tu vas mourir ». Il mérite certainement une écoute plus attentive pour l’apprécier à sa juste valeur mais le Stade de France attend pour l’instant les hits légendaires du groupe. Et ceux-ci arrivent avec Walking in my Shoes accompagné des premiers déhanchements torrides de Dave.

    Les morceaux se succèdent, entrecoupés des nouveautés de Memento Mori. Comme c’est la tradition, Gahan laisse la scène à Gore pour une interprétation solitaire de Home et Soul with me. Sa voix plus fluette et aigue que celle de son compère, grave et puissante, apaise le stade. Il a l’air un peu perdu seul au milieu de cette immense scène. Autant Dave tourne dans tous les sens, emplissant l’espace démesuré, agitant les bras en moulinets, alternant à droite de la scène, à gauche, et sur l’avancée au milieu des spectateurs, autant Martin est avare de ses gestes, statique derrière son micro. Des cheveux blonds-gris coiffés en brosse, des rides qu’il ne cherche plus à cacher, une démarche hésitante avec un costume compliqué qui de toute façon contraint ses mouvements, on est tout de même face à l’une des plus grands créateurs de hits électroniques de ces quatre dernières décennies. Sur Enjoy the silence il termine le premier set avec un solo de guitare sur le manche de laquelle il préfère en général déployer des arpèges en mode mineur, quand il n’est pas derrière ses synthétiseurs. Lorsqu’il chante avec Gahan, il l’accompagne à l’octave supérieure mêlant leur voix en un superbe duo affichant une complicité vocale reposant sur des années de partage, de disques et de tournées.

    Sur Word in my Eyes, les écrans affichent une image fixe en noir-et-blanc d’Andy Fletcher, encore jeune et le groupe lui rend ainsi hommage :

    Let me put you on a ship
    On a long, long trip
    Your lips close to my lips
    All the islands in the ocean
    All the heavens in motion
    Let me show you the world in my eyes

    Le show se termine sur un redoutable enchaînement, dansant et dynamique : Wrong/ Stripped/ John the Revelator et l’ultime Enjoy the Silence.

    Pour le rappel, Dave revient avec un gilet à dos rose… pour entamer un émouvant Waiting for the Night en duo avec Martin, tous deux sur l’avancée de la scène. Leurs deux voix sont parfaitement posées sur un fond de piano mélancolique :

    I’m waiting for the night to fall
    I know that it will save us all
    When everything’s dark
    Keeps us from the stark reality
    I’m waiting for the night to fall
    When everything is bearable
    And there in the still
    All that you feel is tranquillity

    La nuit est tombée maintenant sur Saint-Denis et les Depeche Mode vont bientôt nous rendre à notre tranquillité non sans nous avoir menés une dernière fois sur les grandes cavalcades de leurs tubes électro légendaires avec Just Can’t Get Enough/ Never Let Me Down Again/ Personal Jesus pour un feu d’artifice final.

    Un joli concert présentant la musique du groupe sous un jour un peu nouveau. Le non-remplacement de Fletcher donne plus de place aux voix qu’aux instruments, cette situation est encore accentuée par le dépouillement de la scène et du light-show. On s’y fait d’autant plus rapidement que le chant de Dave Gahan se bonifie avec le temps et sa voix puissante remplit sans effort l’enceinte du Stade de France. Il n’a pas perdu une once de technique, l’émotion ou le rythme affleurent à chaque couplet avec toujours autant d’énergie. Sa présence monopolise l’attention et ses pirouettes sont menées avec l’élégance d’un danseur classique. Les compositions de Martin Gore sont le réceptacle parfait pour les performances de ce personnage hors du commun. La scène semble lui faire oublier les phases troubles par lesquelles il est passé au long de sa carrière, de sa vie. Quarante ans après leurs débuts le groupe manifeste toujours un même enthousiasme, continue à composer et à remplir les stades. Ces Anglais ont la joie et la musique communicatives, c’est admirable et permanent.

    Setlist : Speak to Me (Outro)/ My Cosmos Is Mine/ Wagging Tongue/ Walking in My Shoes/ It’s No Good/ Sister of Night/ In Your Room (Zephyr Mix)/ Everything Counts/ Precious/ Speak to Me/ Home/ Soul With Me/Ghosts Again/ I Feel You/ A Pain That I’m Used To (Jacques Lu Cont Remix)/ World in My Eyes (Dedicated to Andrew Fletcher)/ Wrong/ Stripped/ John the Revelator/ Enjoy the Silence

    Encore : Waiting for the Night (Peter and Christian on keyboards)/ Just Can’t Get Enough/ Never Let Me Down Again/ Personal Jesus/ Happy Birthday to You (Mildred J. Hill & Patty Hill cover) (Dedicated to « Paris » after a spectator asked DM via a sign to sing « Happy Birthday » for a friend.)

    Warmup : Jehnny Beth, ex-chanteuse française du groupe britannique féminin Savages

    Lire aussi :
    > Depeche Mode – 2013/06/15 – Paris le Stade de France
    > Depeche Mode – 2010/01/19 – Paris Bercy

  • Jack Lang (83 ans) reconduit à l’IMA

    Jack Lang (83 ans) reconduit à l’IMA

    A l’occasion du renouvellement de son président en 2020 l’Institut du monde arabe (IMA) avait communiqué sur son site :

    L’ancien ministre socialiste de la Culture Jack Lang a été reconduit pour trois ans à la tête de l’Institut du monde arabe (IMA), a annoncé vendredi l’institution, dans un communiqué.

    Le Haut conseil de l’IMA qui rassemble tous les ambassadeurs des pays arabes, puis le Conseil d’administration se sont réunis dans la matinée à Paris.

    « Jack Lang a été reconduit à l’unanimité par le Conseil d’administration », a précisé le communiqué. Le Conseil, dans lequel un plus grand nombre de femmes font leur entrée, a aussi nommé un nouveau bureau comprenant six membres.

    https://www.imarabe.org/fr/actualites/l-ima-au-jour-le-jour/2020/jack-lang-reconduit-comme-president-de-l-institut-du-monde
    06/03/2020

    M.Lang s’agite depuis plusieurs mois pour bénéficier d’un autre renouvellement et il semble que l’Etat français a cédé devant l’insistance indécente de cette personne âgée de 83 ans, les cheveux noirs de teinture (sauf le bout de ses pattes où il laisse apparaître un peu de blanc…), qui s’estimait indispensable à l’avenir de l’IMA qu’il préside déjà depuis déjà plus de dix ans, sans avoir démérité d’ailleurs. De quels moyens de persuasion, voire de pression, peut disposer un cacique socialiste de 83 ans, sur le retour, pour imposer sa personne à l’Etat ? C’est un mystère ! La République ne peut-elle imposer un nécessaire renouvèlement et rajeunissement pour nommer les titulaires à ce genre de maroquins ?

    A priori non, et c’est là un des drames français, pas le plus grave, bien sûr, des multiples maux qui font régresser le pays, mais symbolique de l’inertie et de l’immobilisme qui rongent la République. Le plus troublant dans cette affaire est que ce type de problème est facile à régler, il suffit de shooter sur un marronnier du Vème arrondissement pour qu’en tombent une multitude de candidats tout aussi compétents, sortis des meilleurs écoles, arabisants, acceptables pour les administrateurs de l’Institut, et avec 40 années de moins. Eh bien non, on préfère renouveler un vieillard qui a déjà servi plus de 10 ans à ce poste pour d’obscures raisons de copinage ou de crainte de polémiques en une période qui n’en manque pas.

    Déprimant !

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    Le Mali face à lui-même

    Le Mali vient de faire approuver par référendum, adopté par 97% des 39% des votes exprimés, une nouvelle constitution qui viserait à faire le lit du colonel Goïta, actuel chef de l’Etat depuis le coup de 2020, pour son maintien au pouvoir après la période en cours qui devait s’achever par des élections présidentielles en 2024. Ce projet renforce également le pouvoir de l’armée dont Goïta est l’un des chefs.

    Dans le même temps, après avoir prié l’armée française d’évacuer le pays en 2021, le Mali demande maintenant la même chose aux forces des Nations Unis censés maintenir la paix. La France et l’ONU ayant échoué, la tendance était donc à leur départ, c’est compréhensible pour un pays en quête de « souveraineté ».

    Le Mali se retrouve maintenant face à lui-même. Enfin, pas tout à fait puisque la Russie est de nouveau présente au Mali, après l’avoir été fortement pour les quelques années postindépendance, et les relations entre les deux présidents semblent au beau fixe.

    Ce renversement d’alliances va dans le bon sens, même si le Mali risque de se transformer en Etat-mafieux. La France a maintenant redéployé ses forces militaires (et ses économies budgétaires) sur des terrains où elles seront mieux utilisées. Dans dix ans il sera temps de faire honnêtement le bilan de tout ceci pour conclure si ce qui se passe est dans l’intérêt de ce pays sahélien, ou pas…