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  • « The Fabelmans » de Steven Spielberg

    « The Fabelmans » de Steven Spielberg

    C’est un film doux et merveilleux que nous délivre Steven Spielberg, en partie autobiographique, en tout cas « le plus personnel » qu’il a produit de sa carrière comme il l’explique dans une courte interview diffusée en guise de générique dans laquelle il fait un petit clin d’œil à la France où ont été déjà comptés plus de 100 millions de spectateurs de ses films.

    Nous suivons l’histoire de Sammy-Steven, né à la fin des années 1940, passionné par la réalisation de films depuis que, tout jeune, il a vu avec ses parents un long métrage où se déroulait un accident de train. La carrière de son père ingénieur va promener la famille de l’Arizona à la Californie, Sammy reçoit en cadeau des caméras avec lesquelles il réalise des films amateurs de plus en plus sophistiqués, son père parle d’un hobby, sa mère, pianiste-amatrice très éclairée (Eric Satie baigne la bande-son), l’encourage à devenir réalisateur. Le gamin devient adolescent, se frotte à la vie qu’il découvre derrière sa caméra : la mort de sa grand-mère, le vieil oncle surgit de nulle part, les troubles entre ses parents, sa judéité que lui font découvrir brutalement ses « camarades » d’université, son premier amour, ses premiers contrats dans le cinéma, bref, la vie d’un jeune états-unien de l’après-guerre qui va vivre et réaliser le rêve américain. Il va même rencontrer John Ford dans un bureau de Hollywood qui lui délivrera un seul conseil : dans les images, l’horizon doit être en haut ou en bas, mais jamais au milieu.

    Débordant de tendresse ce film est aussi un hommage à sa famille, aimante, agitée, unie malgré les obstacles, qui accompagne la vocation de Sammy jusqu’au début d’une carrière dont la vie de Spielberg confirmera la suite brillante. La reconstitution de l’atmosphère de l’Amérique des années 1950 est parfaitement réalisée, une époque où tout était possible, et où l’optimisme et l’énergie des citoyens a permis de déplacer des montagnes !

  • Morrissey – 2023/03/09 – Paris Salle Pleyel

    Morrissey – 2023/03/09 – Paris Salle Pleyel

    Morrissey revient à Paris pour deux concerts Salle Pleyel les 8 et 9 mars. Après quelques shows récemment annulés pour cause d’épidémie, des difficultés avec ses maisons de disques pour ses deux dernières productions toujours attendues dans les bacs, rien de tel qu’une prestation live pour patienter.

    Les spectateurs s’installent devant la scène minutieusement arrangée, pas un fil ne dépasse ! En fond, un grand écran affiche l’image fixe en gros plan de la tête d’un homme à la mine un peu patibulaire, pas rasé, un sparadrap collé sur sa pommette en sueur. A la place d’une première partie seront diffusés des films et images sans doute choisis par l’artiste. Et cela commence très fort par la célébrissime scène d’Apocalyspe Now lorsque les ballets d’hélicoptères américains partent à l’assaut d’un village vietnamien au bord d’une plage idyllique. La différence est qu’au lieu de la Walkyrie de Wagner qui, dans le film de Copola était diffusée depuis les hélicoptères, c’est le Search & Destroy (Iggy Pop & The Stooges, produit par Bowie) qui s’écoule des enceintes. S’en suivent une quinzaine de minutes où l’écran flashe d’apparitions diverses sur un fond musical de choix, pas toutes identifiables, mais où l’on reconnait James Baldwin, les Sex Pistols filmés en train de hurler Anarchy in the UK sur un bateau sur la Tamise en face de Westminster où la Reine est en train de fêter un jubilée en 1977, David Bowie, les New York Dolls…

    Sans transition le groupe entre en scène à la fin du film, Morrissey habillé d’un élégant costume gris sur chemise blanche est accompagné d’Alan Whyte et Jesse Tobias aux guitares, Brendan Buckley à la batterie, Gustavo Manzur aux claviers et Juan Galeano à la bass.

    Morrissey c’est d’abord une voix exceptionnelle, franche et profonde, ronde et veloutée, devenue un peu plus grave avec le temps, sans fioriture en excès, moitié rock-moitié crooner, une voix que l’on reconnaît entre mille et qui a fait une partie du succès du groupe The Smiths, puis dans sa carrière solo après la dissolution du groupe au mitan des années 1980. Morrissey c’est aussi un parolier tout britannique (il est né à Manchester) brossant un portrait sombre et teinté d’humour noir du monde dans lequel il évolue.

    Il salue la salle d’un sonore « Voilà » avant d’entamer Our Franck, chanson d’ouverture de l’album Kill Uncle sorti il y a plus de 30 ans. Le son est fort, le compteur à côté de la table de mixage affiche 100 db, voire un peu plus, en permanence, mais tout est magnifiquement balancé. Le groupe est parfait, les guitaristes se donnent la main pour les solos. Le claviériste délaisse parfois ses touches pour s’emparer lui aussi d’une guitare. Nous sommes dans un groupe de rock, pas de techno… Les cordes sonnent clair, pas de distorsion, de fuzz, de trucs et de machins électroniques. Ça claque avec bonheur sous les doigts de vieux routiers des scènes du monde entier. Le groupe qui joue avec Morrissey depuis des années affiche une unité qui fait plaisir à entendre, c’est un pack de canonniers aux talents largement à la hauteur de celui du capitaine au long cours qu’ils servent.

    L’écran diffuse toujours des images, pas toujours facilement interprétables, sans doute inspirées par l’âme tortueuse de Morrissey. Sur l’une des chansons il affiche son engagement végan et le film montre une corrida où les taureaux sont achevés au couteau dans d’insupportables convulsions, mais aussi des toréros se faisant embrocher par leurs victimes… D’habitude ces visions sanguinaires sont projetées sur Meat is Murder qui n’est pas au répertoire ce soir.

    Morrissey est toujours impassible et plutôt froid en concert, quasiment jamais de sourire mais ce soir il parle un peu plus que d’habitude (ce qui n’est pas très compliqué), démarrant le show par un « I’m throwing my legs around Paris » en référence à la chanson I’m throwing my arms around Paris, il raconte même sa pérégrination à Pigalle hier soir après le concert de la veille. Comme toujours il chante avec un micro à fil et utilise ce fil comme un fouet avec lequel il lacère l’espace autour de lui.

    Lire aussi : Morrissey, ‘Autobiography’.

    Plus que ses maigres tentatives de dialogues sur scène ce sont ses textes qui sont véritablement intéressants. Ils se réfèrent au chaos de notre pauvre monde, à l’amour insaisissable, à l’amitié qui se dérobe, au désastre qui s’impose, aux relations humaines désespérantes, à la violence endémique des êtres et des choses, bref, ce n’est pas une vision très optimiste de la vie mais au moins est-elle inspirée. Les thématiques n’ont guère changé depuis The Smiths dont certaines chansons sont reprises ce soir :

    Haven’t had a dream in a long time
    See, the life I’ve had can make a good man bad
    So, for once in my life, let me get what I want
    Lord knows it would be the first time

    [Please, Please, Please Let Me Get What I Want (The Smiths song)]

    Comme la musique des Smiths, celle de Morrissey est harmonieuse mais ponctuée de changements de tonalité au milieu des morceaux, parfois élégamment dissonante et toujours agréable à l’oreille, sonnant souvent de façon inattendue. C’est la marque de ce grand musicien qui donne aussi ce caractère très original à son œuvre.

    Pour le rappel, la bande revient interpréter Sweet and Tender Hooligan, une chanson datant des Smiths, Morrissey a remplacé chemise et veste par un T-shirt à son effigie. Il raconte l’histoire d’un « sweet and tender » hooligan qui tue un vieil homme puis une vieille femme, mais ce n’est pas grave car il était déjà malheureux et elle, âgée, serait morte de toute façon…

    He was a sweet and tender hooligan, hooligan
    And he said that he’d never, never do it again
    And of course he won’t (oh, not until the next time)

    Puis sur le final « etcetera, etcetera, etcetera » répété à l’infini il déchire son T-shirt, le roule en boule et le jette dans la foule et quitte la scène suivi par ses musiciens

    Etcetera, etcetera, etcetera, etcetera
    In the midst of life we are in debt, etc
    Etcetera, etcetera, etcetera, etcetera
    In the midst of life we are in debt, etc

    Alors que les lumières se rallument on voit les vigiles intervenir pour mettre fin à une bagarre de fans se disputant les restes du T-shirt de Morrissey pendant que sur l’écran se répète sans fin le court film d’un personnage se tirant une balle dans la tête…

    Le monde est absurde, certes, mais Morrissey sait si magnifiquement le mettre en musique ! D’ailleurs le titre de son album annoncé s’intitule : Without Music the World Dies et il nous a dit qu’on pourra le trouver, un jour, chez « Intermarché au fond d’un paquet de Cornflakes ».

    Absurde vous dit-on, absurde !

    Setlist : Our Frank/ I Wish You Lonely/ Stop Me If You Think You’ve Heard This One before (The Smiths song)/ Jim Jim Falls/ Rebels Without Applause/ Sure Enough, the Telephone Rings/ Girlfriend in a Coma (The Smiths song)/ Irish Blood, English Heart/ Knockabout World/ The Loop/The Bullfighter Dies/ Without Music the World Dies/ Everyday Is Like Sunday/ Istanbul/ The Night Pop Dropped/ Half a Person (The Smiths song)/ Please, Please, Please Let Me Get What I Want (The Smiths song)/ Trouble Loves Me/ Jack the Ripper

    Encore : Sweet and Tender Hooligan (The Smiths song)

    Lire aussi : Morrissey – 2015/09/26 – Paris l’Olympia
    Morrissey – 2008/02/04 – Paris l’Olympia
    Morrissey – 2006/04/11 – Paris l’Olympia
  • La chaîne FR2 tente de se justifier

    La chaîne FR2 tente de se justifier

    On se souvient de l’émotion crée dans ces colonnes par l’interview nauséabonde d’une gamine ukrainienne par la télévision publique France 2.

    Lire aussi : Le racolage de journalistes indignes

    Cette émotion fut telle que nous avons jugé utile d’en faire fart au « médiateur information » de la télévision publique ce 8 mars par le message suivant déposé sur la plateforme de France Télévisions.

    « Date de diffusion : 26/02/2023

    Le commentaire : Le JT du soir a présenté un reportage d’une famille ukrainienne de retour dans son village. Une adolescente est interviewée et il lui est fait raconter la mort de sa mère dans un bombardement russe, puis l’interview se termine avec la question « ta mère te manque ? ». Les larmes qui affleurent dans les yeux de la jeune fille sont éloquentes. Je trouve fort peu délicate cette interview d’une gamine sur ce sujet. BIen sûr que sa mère « lui manque » !!! Ne serait-il pas opportun que la journaliste face preuve d’un peu plus de subtilité, de sensibilité, devant la peine de cette ado ? Fallait-il vraiment la faire pleurer pour que le reportage soit diffusable ? Ce type d’interview m’apparaît peu éthique. On peut évoquer la tragédie de la guerre d’Ukraine sans accroitre encore le traumatisme des enfants qui la vivent. »

    La réponse du médiateur est tombée dans la même journée :

    « Bonjour Monsieur,

    Merci pour votre message.

    Nous pouvons totalement comprendre votre remarque. Cependant, si ce type de questions est posée par nos reporters, ce n’est pas pour faire « pleurer dans les chaumières » ni pour torturer ces victimes, mais pour rendre éloquentes les horreurs de la guerre. Bien sûr, certains téléspectateurs en ont déjà conscience et peuvent être choqués par ces interviews, mais d’autres mesurent l’étendue du drame seulement lorsque des images et des témoignages comme ceux-ci sont portés à leur connaissance.

    Néanmoins, et encore une fois, nous vous accordons que cette question précise peut apparaitre comme déplacée. Nous transmettons donc votre message aux équipes du JT qui sont très attentives aux retours des téléspectateurs.

    Bien cordialement,

    Le service de la médiation de France Télévisions »

    La réponse est un peu langue de bois en chêne massif mais éclaire sur la vision que les journalistes ont de leurs téléspectateurs considérant que sans « faire pleurer dans [leurs] chaumières » ils ne comprendront pas ce qui se passe dans cette guerre. C’est sans doute vrai lorsque l’on sait que la France est un pays qui compte plus de 7 millions de followers du compte Twitter d’un Cyril Hanouna et près de 3 millions pour Nabilla, mais cela ne devrait pas empêcher la télévision publique d’essayer d’améliorer le niveau moyen en s’interdisant le racolage médiatique et, dans le cas d’espèce, de traumatiser une gamine ukrainienne qui n’a vraiment pas besoin de ça pour le moment.

    Notons quand même que le service « Médiation » de France Télévisions fonctionne à peu près correctement. Voyons maintenant si les « équipes du JT qui sont très attentives aux retours des téléspectateurs » réagiront.

  • Les restes d’une émeute parisienne

    Les restes d’une émeute parisienne

    Les murs du XIIIème arrondissement portent les traces du passage des émeutiers dans la journée. Il faudrait un jour laisser les clés du monde à l’anarchie pour voir comme ses théoriciens feraient marcher l’économie sans capital et sans argent. Peut-être les prendront-ils plus vite qu’on ne l’imagine ?

    En attendant les murs des grandes villes sont conchiés d’affiches, de colle et de graffitis. Ce n’est pas grave, les contribuables et les copropriétés paieront la remise en état…

  • Mais de quoi se mêle-t-on ?

    Mais de quoi se mêle-t-on ?

    Le président de la République française vient de faire un voyage officiel de quelques jours en Afrique sub-saharienne pour y asséner des messages un peu surannés, très peu utiles et annonciateurs de problèmes :

    « Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable [avec l’Afrique] »

    Combien de fois a-t-on déjà entendu ce genre de billevesées finalement très peu suivies d’effets ? La France, ex-puissance colonisatrice est en bonne voie de retrait du continent, parfois poussée très fort dans le dos par les ex-colonisés. Il faut en prendre acte et ne pas chercher à rentrer par la fenêtre après avoir été poussé vers la sortie par la porte.

    Lire aussi : L’armée française a quitté le Burkina Faso

    Compte tenu du passé colonial de la France, la relation ne sera jamais « équilibrée, réciproque et responsable », ou tout au moins pas avant plusieurs générations. Alors laissons le secteur privé français faire du business sur le continent à ses propres risques s’il l’estime utile mais cessons d’y faire de la politique. Après tout les groupes Bolloré, CMA-CGM et d’autres ont plutôt bien réussi. Et pour l’aide au développement ou humanitaire il est plus approprié que la France la prodigue désormais via les institutions de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui sont là pour ça. Les équipes diplomatiques, financières, militaires françaises présentes à grand frais sur le continent seront parfaitement bien réemployées sur le territoire national.

    Il faut également accélérer le démantèlement de la « Zone Franc », survivance préhistorique du passé qui déresponsabilise ses pays membres, et laisser les pays africains qui le souhaiteraient mettre en place une monnaie commune ou unique, mais sans lien avec le Trésor français qui, encore aujourd’hui, garantit la valeur du franc CFA avec l’EUR.

    Hélas, Paris ne semble pas vraiment emprunter cette voie. La dernière étape du voyage présidentiel se déroulait en République populaire du Congo (RDC, ex-Zaïre), en conflit quasi ouvert avec son voisin oriental le Rwanda. Le président Macron s’est encore senti poussé des ailes de médiateurs et tente de réconcilier les présidents congolais et rwandais. La France est tout sauf légitime à interférer dans ce conflit régional compte tenu de son implication des deux côtés : avec l’ex-Zaïre dont elle a gâté l’ex-dictateur Mobutu, avec le Rwanda qui l’accuse ouvertement d’avoir participé au génocide des Tutsis en 1994… Il y a des pays (vraiment) neutres ou les instances de l’ONU qui savent bien mieux faire ce genre de négociations dans lesquelles il n’y a que des coups à prendre, tout spécialement pour un pays comme la France qui a été à ce point impliqué (parfois à son corps défendant) dans les dérives dans lesquelles ces pays se sont abandonnées au cours des dernières décennies.

    Lire aussi : Les frères siamois du Sahel

    L’Afrique de toute façon vogue vers son destin et celui-ci se fera sans la France. Evitons qu’il ne se fasse contre elle !

  • Le Mali franchit le Rubicon à l’ONU

    Le Mali franchit le Rubicon à l’ONU

    L’assemblée générale des Nations Unies (ONU) a voté ce 23 février une résolution demandant le retrait des troupes russes de l’Ukraine. 141 sur des 193 Etats membres se sont prononcés :

    • 7 ont voté contre – Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Mali, Nicaragua, Erythrée
    • 32 se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud
    • Et donc 102 ont voté pour

    Cette résolution mentionne qu’elle « exige de nouveau que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays, et appelle à une cessation des hostilités » (https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132607)

    Le délégué russe s’est exprimé au cours du débat précédant le vote pour rappeler la position de son pays, c’est-à-dire celle d’une « guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité » et celle de « la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme » qui justifierait aussi le combat russe.

    Rien de nouveau à ce stade, une partie de ce que dit la Russie, avec excès bien entendu, n’est d’ailleurs pas tout à fait inexact mais son péché originel restera d’avoir déclenché la guerre et que son armée et ses milices se comportent sur le terrain comme des forbans sans foi ni loi ce qui, vu de « l’Ouest collectif », est contraire au droit international, mais pour les pays qui la soutiennent et ceux qui se sont abstenus (c’est à dire la majorité de la population de la planète) est un mode de gouvernance « normal ». Là est le souci de l’Occident : il est minoritaire en nombre mais semble néanmoins présenter quelque intérêt pour tous ces autocrates et oligarques qui investissent massivement en Occident et envoient leurs enfants dans les universités américaines. La vraie question serait de comprendre pourquoi un oligarque russe dépense des dizaines de millions pour acquérir des villas de nabab à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de Mer Noire ? Pourquoi un milliardaire chinois rachète à grand frais des vignes dans le Bordelais plutôt que de se lancer la viticulture dans son pays d’origine ?

    L’attractivité de « l’Ouest collectif » pour ces régimes autoritaires, dits par fois « illibéraux », reste forte. La guerre d’Ukraine va probablement rebattre les cartes. Déjà les oligarques russes qui l’on put sont allés ancrer leurs yachts clinquants sur les bords de la Mer de Marmara ou dans le Golf persique. La mise sous sanctions occidentales d’un certain nombre de hiérarques russes va probablement leur faire mieux comprendre le concept de « risque politique » : quand on investit à l’étranger, cela peut rapporter plus mais on est aussi soumis aux potentielles humeurs du pays où l’on dépense ses sous, risque qui est moindre lorsqu’on investit chez soi où, cependant, existe un risque fiscal significatif. La Russie pourra toujours investir chez ses nouveaux amis mais il n’est pas sûr que le Mali ou le Nicaragua attisent véritablement l’appétit des investisseurs russes.

    L’Histoire dira si l’Occident, même minoritaire au niveau « des valeurs » dans cette guerre d’Ukraine, reste néanmoins le leader en termes d’attractivité, d’innovation et de réussite économique ! En cela, cette guerre sauvage annonciatrice de révisions déchirantes pour le monde de demain, ou pas !

    Déclaration du délégué russe

    M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné qu’il y a un peu plus d’un an, « l’Ukraine et ses parrains occidentaux » ont convoqué la onzième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui a prêté à confusion pour de nombreux États. Depuis lors, de nombreux pays ont compris ce qui s’est passé et ce qui se passe, et le camp occidental a beaucoup plus de difficulté à mobiliser les États Membres de l’ONU en faveur de leur croisade contre la Russie, a-t-il dit. Ceci est également attesté « par un projet de résolution au rabais » qui sera mis aux voix, a relevé le représentant en le qualifiant de « texte antirusse et malveillant ». Il a rappelé que « le régime nationaliste criminel », qui est arrivé au pouvoir à Kiev grâce au soutien occidental par un coup d’État anticonstitutionnel, a mené une guerre sanglante contre les habitants du Donbass dont le seul défaut était qu’ils voulaient rester russes.

    Le délégué a relevé que grâce aux révélations bien connues d’un certain nombre de dirigeants occidentaux à la retraite, il ne fait aucun doute que les accords de Minsk, approuvés par le Conseil de sécurité, avaient pour but de préparer l’Ukraine à une guerre contre la Russie. Toutes ces années, le « régime de Kiev » a poursuivi selon lui sa politique inhumaine de bombardement des villes pacifiques des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Au vu des actes des Occidentaux en Ukraine, nous n’avions pas d’autre choix que de protéger la population du Donbass et assurer la sécurité de notre pays par des moyens militaires, a—t-il justifié. Il a exprimé les préoccupations russes de voir s’étendre l’infrastructure de l’OTAN jusqu’à ses frontières, alors que des déclarations « hypocrites » font croire que c’est la Russie qui est responsable de la destruction des systèmes de sécurité régionaux et mondiaux. Il a rappelé que fin 2021, la Russie avait pourtant avancé un certain nombre d’initiatives de désescalade et de renforcement de la confiance dans la zone euro-atlantique. Nous avons invité les États-Unis et l’OTAN à signer des accords de garanties de sécurité, a-t-il dit. Nous avons donné une chance à la diplomatie, a-t-il poursuivi, soulignant que ces propositions furent rejetées avec arrogance par les États-Unis et leurs alliés. Pourtant, si elles avaient été mises en œuvre, ces initiatives auraient permis d’éviter ce que nous voyons aujourd’hui, a-t-il regretté.

    Le délégué a affirmé qu’un an après le début de la phase active de la crise ukrainienne, peu de gens doutent aujourd’hui du fait que la Russie n’est pas en guerre avec l’Ukraine, qui a gaspillé son potentiel militaire dans les premières semaines du conflit, mais plutôt avec « l’Ouest collectif » représenté par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN et de l’UE. Non seulement ils fournissent armes et munitions à Kiev, mais ils lui communiquent également des informations du renseignement et s’entendent sur des cibles pour les frappes de missiles. Il a dit que ces alliés ont abandonné toute pudeur et fixé un objectif : armer l’Ukraine, infliger une défaite stratégique à la Russie, puis la démembrer et la détruire. Au nom de cet objectif, a-t-il relevé, ils ont fermé les yeux en Occident, et les ferment encore maintenant, sur la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme. Il a ensuite évoqué l’hégémonie des États-Unis et de ses alliés qui ne veulent laisser personne gouverner la planète, parce qu’ils la considèrent comme la leur et seulement la leur.

    Quant à notre pays, a expliqué le représentant, nous percevons tout cela comme une guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité. Une guerre dans laquelle, comme il y a 80 ans, nous avons été défiés par un ennemi insidieux et puissant qui voulait nous soumettre, a-t-il expliqué en évoquant des chars allemands à nouveau envoyés afin de tuer les Russes. Et l’Ukraine, dans tout ce schéma, n’est rien de plus qu’une monnaie d’échange, a-t-il analysé. Selon lui, le texte soumis par l’Ukraine ne contribuera pas à la paix, car il vise plutôt à encourager l’Occident dans ses actions, à donner à nos adversaires une raison de prétendre que la Russie est soi-disant isolée dans le monde. « Cela signifie continuer la ligne militariste russophobe, en se cachant derrière un prétendu soutien des États Membres de l’ONU. » De plus, dans les conditions où beaucoup d’entre vous font face à la pression la plus sévère et le chantage de Washington et ses alliés, a lancé le représentant à l’endroit des délégations, il faut soutenir les « amendements d’équilibrage » qui sont devant vous et qui ont été présentés par le Bélarus. Si ces derniers sont rejetés, alors le projet de la résolution restera tel qu’il est maintenant : unilatéral et dénué de toute réalité, a-t-il conclu.

    Source : https://press.un.org/fr/2023/ag12491.doc.htm

  • Engels toujours là

    Engels toujours là

    A l’occasion d’un bombardement par un drone ukrainien sur une base aérienne russe pour bombardiers à long rayon d’action en décembre dernier on découvre que la base s’appelle « Engels » du nom du copain de Karl Marx. Au moins en Russie il n’y a pas de wokisme ni de déboulonnage des idoles !

  • Le racolage de journalistes indignes

    Le racolage de journalistes indignes

    Ce soir le journal télévisé de la chaîne publique France 2 interview deux gamines ukrainiennes de 12 et 16 ans, réfugiées en Allemagne avec leur père, après le décès de leur mère dans leur village ukrainiens. La « journaliste » demande à l’aînée de raconter l’épisode au cours duquel sa mère a reçu un éclat d’obus mortel et termine l’interview avec la question : « ta mère te manque ? ». Les larmes qui affleurent dans les yeux de la jeune fille sont éloquentes.

    Comment le titulaire d’une carte de presse peut-il commettre des questions aussi stupides et indécentes ? Comment un être humain, même titulaire d’une carte de presse, peut-il ainsi torturer une gamine sur la mort de sa mère ? N’existe-t-il pas une commission d’éthique dans cette profession qui pourrait condamner ce genre d’ignominies journalistiques qui, hélas, se reproduisent trop régulièrement ?

    Rappelons qu’en France le journaliste bénéficie d’une niche fiscale qui lui permet une déduction sur ses revenus imposables dont ne bénéficient les autres citoyens. Il faudrait a minima supprimer cet avantage fiscal indu aux bénéficiaires qui ignorent l’éthique, avant d’ailleurs de la supprimer à tous les journalistes puisqu’elle n’est pas justifiée.

  • « Les gardiennes de la planète » de Jean-Albert Lièvre

    « Les gardiennes de la planète » de Jean-Albert Lièvre

    Un film documentaire sur les baleines qui montre des images merveilleuses de ces géantes des mers de 150 tonnes qui se meuvent avec grâce et poésie dans la grande bleue, de l’Arctique à l’Antarctique. Les commentaires dits par Jean Dujardin sont un peu niais mais ne font pas de mal. On pourrait se contenter des images et des sons enregistrés des bulles et des chants de ces animaux fascinants.

  • Le partage de la valeur

    Le partage de la valeur

    Avec un bel ensemble, les politiques et les journalistes se prennent les pieds dans le tapis en mélangeant les termes de « partage de la valeur » et de « partage de la valeur ajoutée » alors qu’ils pensent au « partage des bénéfices ». Il leur faut relire Marx qui a longuement délayé ce sujet dans le premier tome du « Capital » ainsi que « Salaire, prix et profit » du même auteur. Ces réflexions décousues sont renforcées ces derniers temps par la publication des résultats 2022 très significatifs publiés par les compagnies liées au secteur énergétique, tous semblant s’étonner que lorsque que les prix augmentent, en principe, les bénéfices suivent.

    Alors les idées fusent pour taxer ces profiteurs et mieux répartir « la valeur » on ne définit pas ce que cette « valeur » que l’on veut partager entre les salariés et les actionnaires, les premiers apportant leur force de travail et les seconds leurs sous. En réalité, les salaires versés aux salariés font partie de la valeur ajoutée dont une définition simple est [Valeur ajoutée = Valeur de la production – Coûts intermédiaires]. En français cela signifie que la valeur ajoutée est composée de toutes les charges de l’entreprise moins ce qu’elle achète à l’extérieur, elle comprend donc bien les salaires payés aux salariés mais pas les dividendes rétribuant les actionneurs apporteurs de capitaux. Dans le partage de la « valeur ajoutée » le salarié a beaucoup et l’actionnaire n’a rien.

    En revanche, dans le « partage des bénéfices », l’actionnaire reçoit des dividendes, le cas échéant, et le salarié peut recevoir une participation si son employeur est éligible au processus « d’intéressement/participation » mis en place en France sous le Général de Gaulle et consistant à octroyer aux salariés une répartition du bénéfice (la participation), s’il y a bénéfice bien entendu, ce qui s’assimile aux dividendes versés aux actionnaires, et un bonus dépendant de l’atteinte d’objectifs (l’intéressement) qui est comparable à un supplément de salaire.

    Les partenaires sociaux viennent de convenir d’élargir les entreprises éligibles à l’intéressement/participation qui devraient désormais bénéficier à plus de salariés. Les syndicats ouvriers les plus à gauche ne sont pas d’accord car ils privilégient l’augmentation des salaires qui est plus automatique que le versement d’un intéressement et d’une participation qui est conditionné à l’atteinte d’objectifs pour le premier et à la réalisation d’un bénéficie pour le second. Marx indiquait d’ailleurs que si une entreprise réalise un bénéfice c’est donc qu’elle sous-paye les travailleurs… la position des syndicats de la gauche dure intègre ce principe !

    En résumé quand on parle de partage de valeur dans l’entreprise entre les salariés et les actionnaires, il faut mettre dans la balance aussi les salaires déjà versés aux salariés. Ensuite, il n’est pas interdit de partager les bénéfices, ou d’améliorer ce partage lorsqu’il existe déjà. C’est ce qui est en train de se mettre en place en France et c’est aussi bien.

  • L’armée française a quitté le Burkina Faso

    L’armée française a quitté le Burkina Faso

    L’armée française a annoncé avoir terminé le repli de sa troupe du Burkina Faso à la suite de la dénonciation par ce pays de l’accord de défense le liant à la France. C’est une bonne chose, les troupes françaises et les économies budgétaires ainsi réalisées pourront être utilement redéployées sur des terrains plus en rapport avec les intérêts de la France et de ses citoyens. Il reste maintenant à poursuivre ce repli des militaires français de l’Afrique de l’Ouest où subsistent encore des bases, notamment au Niger et en Côte d’Ivoire.

    Cela devrait se faire assez naturellement désormais. Le ministre français de la défense vient d’ailleurs de faire une visite à Abidjan le 20 février et de convenir d’une « réarticulation » (signifiant « réduction » en français) du nombre de soldats français stationnés dans ce pays, 950 à ce jour. Le journal Le Monde a rapporté ses propos :

    L’armée de Côte d’Ivoire n’a rien à voir aujourd’hui avec celle d’il y a dix ans […] Cela fait de la Côte d’Ivoire un pays de stabilité dont le rôle de puissance d’équilibre régionale s’établit de plus en plus.

    Peut-être le ministre français croie à ses propos, peut-être pas. Le mieux à faire est effectivement de tester ce « rôle de puissance d’équilibre » et de laisse la Côte d’Ivoire face à son destin.

    Ce même journal Le Monde informe que les Etats-Unis d’Amérique auraient proposé en décembre 2022 à la République Centrafricaine (RCA) de former son armée et d’accroître son aide humanitaire en échange du renvoi des mercenaires russes de la milice « Wagner ». Ceux-ci assurent non seulement la protection rapprochée du président centrafricain mais sont investis dans l’économie du pays qui leur a délégué, non seulement l’exploitation de mines de métaux et quelques autres activités économiques, mais aussi le contrôle des douanes locales qui sont la principale source de revenus publics dans ce genre de pays.

    Cette proposition américaine est raisonnable car la transformation de ces pays en Etats mafieux présente un risque pour le continent et même pour l’Occident, mais elle est vouée à l’échec tant ce pays a fait la preuve de son incompatibilité avec toutes normes minimales de gouvernance. Il est hélas à craindre que le gouvernement centrafricain continue de faire affaire avec la milice Wagner ou d’autre forbans du même acabit, qui seuls sont en mesure de s’adapter aux pratiques de la RCA. Les Etats libéraux et démocratiques, et même l’ancienne puissance coloniale, se sont révélés impuissants à comprendre et à collaborer avec ce pays. Une nouvelle tentative des Etats-Unis devrait connaître le même sort. C’est regrettable mais faut-il insister pour tenter une nouvelle fois d’accompagner la RCA sur une voie qu’elle ne veut pas prendre ?

  • La Russie vue par Michel de Saint Pierre en 1967

    La Russie vue par Michel de Saint Pierre en 1967

    Relire l’essai de Michel de Saint Pierre (1916-1987) « Le drame des Romanov » est intéressant. Il fut un écrivain prolifique de XXème siècle, ancien résistant, plutôt conservateur, un peu « catho-tradi », un peu « Algérie française », anti-communiste féroce, tombé aux oubliettes depuis. Il n’en demeure pas moins l’auteur de nombre de romans, essais, dont on a parlé à l’époque. Le « Drame des Romanov » n’est sans doute pas un livre historique au sens scientifique du terme mais le récit d’un écrivain passionné par la Russie et fasciné par le destin tragique de cette famille de tsars qui l’a dirigée d’un main de fer.

    Dans le premier chapitre, Saint Pierre trace un sentiment global de ce qu’est « l’âme russe » en citant certains auteurs russes. Certaines d’entre elles sont édifiantes à la lumière de la guerre d’Ukraine menée aujourd’hui par Moscou.

    Le Russe a toujours besoin de dépasser la mesure, d’arriver au précipice, de se pencher sur le bord pour en explorer le fond et souvent même s’y jeter comme un fou. C’est le besoin de la négation chez l’homme le plus croyant, la négation de tout, la négation des sentiments les plus sacrés, de l’idéal le plus élevé, des choses les plus saintes de la patrie. Aux heures critiques de sa vie personnelle ou de sa vie nationale, le Russe de déclare avec une précipitation effrayante pour le bien ou pour le mal.

    Dostoïevski (Journal d’un écrivain)

    Une définition des Romanov :

    Dans la maison des Romanov comme dans celle des Atrides une malédiction mystérieuse passe de génération en génération. Meurtre sur adultère, du sang sur de la boue, « le cinquième acte d’une tragédie jouée dans un lupanar », Pierre 1er tue son fils, Alexandre 1er tue son père, Catherine II tue son époux. Et, parmi ces victimes célèbres, les petits, les inconnus, les malheureux avortons de l’autocratie, dans le genre d’Ivan Antonovitch, étranglés comme des souris dans les recoins obscurs, dans les cachots de Schlusselbourg. Le billot, la corde, le poison, tels sont les vrais emblèmes de l’autocratie russe. L’onction de Dieu sur le front des tsars s’est transformée en la marque et la malédiction de Caïn.

    Merejkowski (écrivain et critique littéraire russe 1865-1941)

    La Russie, un empire nihiliste qui respecte ses traditions malgré le temps qui passe.

  • « Les tribulations d’Erwin Blumenfeld 1930-1950 » au mahJ

    « Les tribulations d’Erwin Blumenfeld 1930-1950 » au mahJ

    Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) expose Erwin Blumenfeld (1897-1969), devenu photographe un peu par hasard à défaut d’avoir su faire propérer le business familial au décès de son père en 1918. Né à Berlin dans une famille bourgeoise juive il va être balloté en Europe au gré de la première guerre mondiale et de la montée du nazisme, avant de se réfugier aux Etats-Unis d’Amérique en 1941 avec sa femme et leurs trois enfants, échappant sans doute ainsi au sort funeste de nombre de ses coreligionnaires.

    C’est au début des années 1930 qu’il devient photographe. Il expérimente des procédés novateurs de solarisation, réticulation, surimpression. Avant son émigration outre-Atlantique il se spécialise dans le nu féminin. Avec l’avènement d’Hitler au pouvoir en 1933 il réalise quelques compositions marquantes du dictateur allemand ajoutant à son portrait des surimpressions de svastikas, de cranes ou de larmes de sang. En tant qu’étranger allemand, il est interné avec sa famille dans des camps par le régime français et il y réalisera des reportages marquants. De même lors de son voyage vers les États-Unis qui est interrompu par une longue escale au Maroc. Ses enfants restent ses sujets préférés au cours de cette errance et sa fille aînée deviendra même son assistante dans son studio de New York.

    Aussitôt installé dans cette ville refuge où il avait déjà travaillé entre les deux guerres, il devient le photographe fétiche des grands magazines de mode comme Vogue et Harper’s Bazaar et se lance dans la photographie en couleur. Son inventivité lui fait signer quelques couvertures devenues iconiques comme celle-ci datant de 1950 :

    Le mahJ, magnifiquement installé dans un vaste hôtel particulier de la rue du Temple, expose avec à-propos le parcours de Blumenfeld que les tragiques évènements des années 1930-1940 n’ont jamais éloigné de sa vocation de photographe, alternant des tirages accrochés par ordre chronologiques et des notices historiques des différentes étapes et créations de cet artiste-photographe de premier ordre.

  • « Le retour des hirondelles » de Li Ruijun

    « Le retour des hirondelles » de Li Ruijun

    Ce film du réalisateur chinois Li Ruijun nous montre la Chine rurale, plus proche du moyen-âge que de l’agriculture moderne, à travers le parcours émouvant d’un couple réuni par un mariage arrangé, tous deux méprisés par leurs familles respectives plus tournées vers la recherche de la prospérité que du bonheur conjugal de leurs enfants… Elle a été battue comme plâtre dans son enfance ce qui l’a rendue incontinente, lui est attaché à son âne qui l’aide de la cuture de son petit lopin de terre. Nous sommes au bout du monde, le village est entouré de dunes de sable et voit progressivement la ville arriver vers lui, celles des immeubles « modernes » où l’Etat veut reloger les paysans après avoir détruit leurs cahutes en terre séchée, celle des Chinois avides d’enrichissement qui souhaitent mettre fin au mode de vie ancestral des paysans. Comment les urbains peuvent-ils comprendre l’attention portée par le coupe aux nids d’hirondelles accrochés aux murs de leurs cabanes ?

    Il ne se passe pas grand-chose durant ce long métrage de deux heures quinze qui défile au gré des quatre saisons d’une année ponctuée par les semences, la plantation, la récolte, la vente de celle-ci et le remboursement des dettes. Pas grand-chose sinon l’apparition de la tendresse qui naît entre ces deux êtres rebus d’une société chinoise qui les abandonne. Tout ceci ne se termine pas très bien pour eux et l’on comprend mieux pourquoi la diffusion de ce film a été brutalement interrompue en Chine. Même si non officiellement censuré, il se dit que le pouvoir chinois n’a pas apprécié l’image qui lui est ainsi attribuée d’abandonner son peuple rural dans la misère.

    On peut imaginer que les situations décrites dans ce film sont réelles, au moins dans certaines régions du pays. Elles ont existé en Europe et la transition vers la modernité ne s’y est pas non plus faite sans douleur.

    Au-delà de la traditionnelle opposition villes/campagnes, ce film est émouvant en ce qu’il traite de la tendresse entre deux personnes défavorisées, qui leur apporte le réconfort dans une vie de labeur et de misère. Il faut être patient devant ce film lent et méditatif, mais la patience est récompensée.

  • A Chartres

    A Chartres

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    Voir aussi : Chartres
  • John Cale – 2023/02/14 – Paris Salle Pleyel

    John Cale – 2023/02/14 – Paris Salle Pleyel

    L’indestructible John Cale est de retour à Paris. Né au Pays de Galles en 1942, il vient de sortir un nouveau disque à 80 ans : Mercy, et en assure la promotion à l’occasion de cette tournée. Entouré de trois musiciens (guitare, bass et batterie) c’est désormais un « vieux » monsieur qui se produit sur scène. La démarche un peu claudicante, habillé d’une tunique noire, il passe le concert derrière un clavier. Il ne joue ni de son alto, ni de ses guitares, mais uniquement de sa voix toujours bien assurée sur sur ses touches.

    Le concert pioche dans l’incroyable catalogue de cet artiste qui a signé des dizaines de disques, de bandes originales de films, de collaborations multiples avec des musiciens aussi variés qu’Iggy Pop ou Agnes Obel, en passant par Lio. Il a également produit deux albums de légende : The Stooges d’Iggy Pop & the Stooges et Horses de Patti Smith.

    Mais John Cale, c’est d’abord le cofondateur Velvet Underground en 1965 avec l’ami maléfique Lou Reed, sous la houlette d’Andy Warhol dans sa Factory new-yorkaise, un groupe fondateur du rock du XXème siècle qui influe toujours aujourd’hui nombre de groupes. De formation académique, il était le musicien du Velvet dans lequel Lou était le magicien des mots. Il s’était même initié à la musique contemporaine en croisant John Cage ou La Monte Young avant de rencontrer Lou Reed et de découvrir le monde du rock, et tous ses excès…

    Cale est expulsé du Velvet Underground en 1968 après d’incessants conflits avec Lou Reed, le tout dans un délire d’égos et de drogues en tous genres. Le groupe sera dissous peu après et chacun poursuivra des routes fructueuses et créatives dans le monde du rock. Ils se retrouveront à différentes occasions : une reformation éphémère pour une tournée du Velvet en 1993, un disque Song for Drella en hommage à Andy Warhol en 1990, notamment. Lou est mort en 2013, John est toujours sur la route.

    Le concert s’ouvre sur un morceau de 2006 Jumbo in tha Modernworld, une histoire improbable d’animaux de la jungle qui déjeunent ensemble sous les arbres mais semblent rencontrer quelques difficultés à s’intégrer dans le monde moderne. Le groupe se met en jambe, la voix de John est un peu tirée dans les aigues lorsqu’il imite le cri du singe dans le refrain. Sur le grand écran de fond de scène sont diffusées des images en ombres chinoises où tournoient des mobiles façon Calder. Puis est enchaîné un extrait de Mercy, Moonstruck (Nico’s Song), dédié à Nico. Sa tête est affichée en double sur l’écran, les deux faces se regardant, régulièrement déformées par un rictus composé sur un film de 10 secondes repassé à l’infini. Egérie du Velvet, créature d’Andy, mannequin allemande, elle passait par là s’est retrouvée chanteuse sur le premier disque du groupe après en avoir ensorcelé les membres. John Cale, qui l’a aimée, accompagnera la suite de sa carrière musicale comme producteur et musicien sur ses différents albums.

    You’re a moonstruck junkie lady
    Staring at your feet
    Breathing words into an envelope
    To be opened on your death
    Moonstruck (Nico’s Song)

    Bien que les nouvelles compositions n’aient plus grand-chose à voir avec le Velvelt Underground, la dédicace à Nico est le rappel de cette période fondatrice de la vie de Cale et de l’histoire mondiale du rock.

    Le concert se poursuit en abordant des morceaux bien sombres. Sur Wasteland, une histoire de terrain vague, de fantômes du passé, d’éléments hostiles… seuls « ses » bras (sans doute ceux de l’être aimé) réconfortent le narrateur dans l’obscurité. Le groupe laisse libre cours à son imagination et sort des sentiers battus de l’harmonie. Les sons dissonent, les larsens envahissent l’espace, des bruits étranges s’échappent des enceintes, les musiciens s’affairent sur leurs machines, le bassiste sort un archer… sur l’écran des insectes s’affairent sur une surface plane puis sont remplacés par une femme anorexique qui marche sur une plage en montrant ses membres et son torse d’une maigreur cadavérique. Ambiance…

    D’autres chansons sont moins tragiques mais l’atmosphère musicale délivrée par John Cale n’est pas portée par une grande joie de vivre, c’est le moins que l’on puisse dire. Qu’importe, il est un survivant d’une page de la musique qui est en train de se refermer. Il affiche un petit sourire sous sa chevelure uniformément blanchie, celui d’un musicien qui en a tant vu et qui a su nous faire partager tant de ses émotions et inspirations.

    Une chanson en rappel : Heartbreak Hotel, une reprise d’Elvis Presley.

    Setlist : Jumbo in tha Modernworld/ Moonstruck (Nico’s Song)/ Rosegarden Funeral of Sores/ Mercy/ Night Crawling/ Pretty People/ Wasteland/ Guts/ Noise of You/ Cable Hogue/ Half Past France/ Villa Albani

    Encore : Heartbreak Hotel (Elvis Presley cover)

    Warmup : HSRS

    Lire aussi : John Cale – 2011/10/17 – Paris la Maroquinerie & John Cale – 2005/10/06 – Paris le Café de la Dance
  • Tic verbal compulsif

    On ne dit plus : « le gouvernement accepte de dépenser plus d’argent public pour contenir la colère du peuple » mais :

    Le gouvernement procède à un bougé.

    Le dictionnaire Larousse en ligne donne la définition suivante du « bougé » :

    Mouvement de l’appareil de prise de vue au moment du déclenchement, qui produit une image plus ou moins floue.

    On dirait que l’emploi de ce terme « bougé » en politique vient d’être inventé par l’actuelle majorité au pouvoir. On se demande à quoi cela sert ? Le dictionnaire de la langue française n’est-il pas suffisamment riche pour éviter d’avoir à détourner le sens des mots ?

  • « Senghor et les arts – réinventer l’universel » au Musée du Quai Branly

    « Senghor et les arts – réinventer l’universel » au Musée du Quai Branly

    Le musée du Quai Branly, ex-musée des Arts Premiers, produit une intéressante exposition sur Léopold Sédar Senghor (1906-2001), homme d’Etat, poète, d’abord Français sous la colonisation puis Sénégalais après l’indépendance de ce pays acquise en 1960. Comme un certain nombre de leaders africains pré-indépendance qui avaient accepté le principe de rester loyal à la France et d’entériner celui de l’Union française, il sera élu député de l’assemblée nationale à Paris puis nommé ministre sous la IVème République. Il mène en parallèle son œuvre de poète et d’écrivain engagé.

    Avec Aimé Césaire il définit le concept de négritude et œuvre pour la reconnaissance d’une culture « noire » et l’avènement d’une civilisation de l’universel aux valeurs métisses. Elu à la tête du nouvel Etat du Sénégal il est un président qui investit dans la culture, plus que tout autre Etat africain, comme source de l’émancipation de son peuple. Il lance nombre d’initiatives en ce sens : création du Musée Dynamique de Dakar, organisation du premier Festival mondial de l’Art nègre en 1966, ouverture de différentes écoles de formation dédiées à l’enseignement artistique au Sénégal. Dans le même temps il poursuit le dialogue des cultures avec l’Occident, et même avec l’ancienne puissance coloniale. Il fait notamment exposer et venir à Dakar Picasso et Soulages.

    Le musée Quai Branly retrace les nombreuses actions de cet humaniste qui a parié sur l’harmonie des cultures comme mode de gouvernement. Sont exposés également ses recueils de poèmes magnifiquement illustrés par Chagall. Il a fait de son pays un havre de paix et de démocratie au cœur d’une Afrique de l’ouest dont la plupart des pays nouvellement indépendants ont choisi des voies plus radicales, celle du communisme, de la dictature ou des deux à la fois. Depuis sa démission de la présidence du Sénégal en 1980, le pays est resté libre et l’influence du père fondateur y est certainement pour beaucoup. Il n’est pas sûr que la jeunesse sénégalaise lui en soit tellement gré aujourd’hui tant l’Afrique contemporaine a majoritairement opté pour la radicalité et le rejet de toute compromission avec l’ancienne puissance coloniale. Senghor était le parangon d’une décolonisation douce et d’une transition apaisée assise sur le partage des cultures. Il était un homme du XXème siècle, il a échoué à convaincre les autres puissances africaines d’adopter sa vision politique et poétique mais lorsqu’on voit l’état dans lequel se débattent aujourd’hui les pays d’Afrique de l’ouest, les jeunes Sénégalais pourraient lui être reconnaissants de vivre dans un pays relativement calme et démocratique.

  • « Tel Aviv Beyrouth » de Michale Boganim

    « Tel Aviv Beyrouth » de Michale Boganim

    De l’occupation du Sud-Liban par Israël entre 1985 et 2000, à la prise d’otages de soldats israéliens dans les années 2000, le film nous fait rencontrer deux familles entremêlées et déchirées par ces guerres : l’une libanaise-chrétienne, l’autre israélienne-juive. Des liens sont créés lors de la présence des l’armée au Sud-Liban qui est soutenue par les milices chrétiennes ayant le même objectif : vaincre le Hezbollah, milice musulmane. Ils vont perdre face à la puissance de leur ennemi commun. Au départ soudain de l’armée israélienne du Sud-Liban en 2000, une partie de la famille libanaise les suit un peu piteusement par crainte de l’épuration qui s’annonçait (et qui s’est effectivement produite).

    Et c’est par les yeux de la mère israélienne et de la fille libanaise que l’on vit l’après, au milieu des affrontement entre Israël et le Hezbollah qui perdurent plus ou moins sporadiquement. La première part à la recherche de son fils engagé dans l’armée israélienne alors que deux soldats israéliens viennent d’être pris en otage, la seconde, exilée depuis des années en Israël, sans espoir de retour, assiste à la lente déchéance de son père qui a combattu aux côtés du mari de sa compagne d’escapade. Sa sœur est restée au Liban et elles peuvent communiquer à travers le grillage de la frontière…

    Un lien étrange et, finalement, affectueux se tisse entre elles dans cet environnement de haine et de séparation, de mort et de destruction. La frontière entre leurs deux pays est hermétiquement fermée et seul le destin les a rassemblées du même côté de la barrière que seuls les cercueils ont le droit de franchir. La réalisatrice aborde le drame de ces guerres civiles avec leur cortège de choix sans retour, de règlements de compte, d’exil… On peur sans difficulté s’imaginer qu’il se passe la même chose dans la guerre d’Ukraine, envahie par la Russie comme Israël est entré au Liban, où les uns soutiennent la Russie et les autres la combattent. D’ailleurs, la réalisatrice Michale Boganim, est israélienne d’origine maroco-ukrainienne, ayant grandi en Israël jusqu’à l’âge de 7 ans avant de suivre sa famille émigrée en France. Elle avait réalisé un très intéressant documentaire sur son exil :

    Lire aussi : « Mizrahim, les oubliés de la terre promise » de Michale Boganim

    Cette histoire de quête du fils fait tristement penser au roman de David Grossman « Une femme fuyant l’annonce », le drame des fils qui partent faire leur devoir laissant leurs mères désemparée et seules face à un destin tragique.