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  • Les restes de la manif

    Les restes de la manif

    Les immeubles boulevard Port Royal après le passage de la manifestation contre la réforme des retraites du 31 janvier.

  • BOUAZIZ Pascal, ‘Leonard Cohen’.

    BOUAZIZ Pascal, ‘Leonard Cohen’.

    Sortie : 2021, Chez : Editions Gallimard, collection Hoëbeke.

    Pascal Bouaziz, musicien, auteur-compositeur, poète, est un inconditionnel de Leonard Cohen dont il connait la vie et l’œuvre sur le bout des doigts. Il choisit dans ce livre de revenir sur dix caractères de cet artiste éternel : l’éternel étranger, le séducteur, le juif errant, le déprimé, etc. Ce n’est pas une biographie mais une plongée dans la personnalité de cet étrange créateur illustrée de magnifiques photos de Leonard.

    L’écriture est sensible, les mots sont documentés, les petites histoires racontées sont souvent déjà des classiques, mais qu’importe, on aime bien les relire. Mais surtout, Bouazic rentre dans les textes des chansons-poèmes de Cohen ce que, par paresse, le spectateur non anglophone ne fait pas assez, et les restitue dans le contexte de la vie de l’artiste.

    Un très joli livre pour nous rappeler combien Leonard Cohen fut un artiste important de son époque et combien ses mots peuvent continuer à nous inspirer.

  • L’Ukraine et le Brexit

    L’Ukraine et le Brexit

    Le président ukrainien fait une visite surprise au Royaume Uni pour remercier Londres très engagée dans le soutien de Kiev sous tous ses aspects. L’aspect ironique de ce déplacement est que l’Ukraine fait le forcing pour intégrer l’Union européenne quand le Royaume Uni vient d’en claquer la porte avec fracas. Même si certains sondages semblent indiquer que les citoyens britanniques se demandent s’ils ont pris la bonne décision, on aimerait connaître ce que le premier ministre anglais a dit au président ukrainien sur sa demande d’adhésion à l’Union ?

  • Les experts de plateaux télévisés

    Les experts de plateaux télévisés

    Dans la guerre d’Ukraine l’armée russe semble reprendre du poil de la bête. Alors que les « experts » de plateaux télévisés l’avait déjà enterrée après la contre-offensive ukrainienne plutôt victorieuse de l’été dernier, ils sont en train d’avaler leurs képis et, finalement, d’admettre du bout des lèvres que la soldatesque russe dispose encore d’une certaine capacité de nuisance contre l’Ukraine et l’Occident. Outre l’inquiétude de voir cette guerre encore perdurer, cela pose la question de la crédibilité de la presse télévisuelle française quasi-unanimement pro-ukrainienne et antirusse. Les généraux en retraite qui peuplent les plateaux, experts d’un jour à fort égo, généralement formés à l’ombre de la guerre froide et de l’anticommunisme, dévident à longueur de programmes des banalités et des certitudes sur les sujets militaires pour lesquels ils ne sont évidemment pas dans le secret des opérations.

    D’une façon plus générale il est des sujets qu’il ne fait pas bon aborder en ce moment sous peine d’être taxé d’être un « munichois », un défaitiste voire un traître. L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne qui va entraîner des révisions déchirantes pour les pays fondateurs, la cohabitation future avec une Russie génétiquement anti-occidentale, les coûts de la reconstruction qui vont s’accroissant à chaque jour de guerre qui passe, les accords de Minsk qui n’ont jamais été appliqués par les parties mais qui restent probablement un bon plan de départ pour une future négociation, la volonté occidentale d’éviter de mettre les doigts dans une guerre directe avec la Russie pour éviter une guerre mondiale… tous ces sujets sont globalement interdits pour le moment. Ils reviendront sur le devant de la scène forcément un jour.

    En attendant la guerre continue et les experts de plateaux télévisés n’ont guère de solution à proposer si ce n’est la victoire militaire totale de Kiev qu’ils estiment, dans la phrase suivante, peu probable. Quelques voix plus politiques, comme celles de l’ex-ambassadeur Araud ou l’ancien ministre Lelouche écrivent des articles pour dire qu’il est temps maintenant de parler paix pour arrêter une guerre ravageuse initiée par le clan au pouvoir au Kremlin, et même envisager des compromis pour ce faire avec l’éternel ennemi : la Russie. Ils sont plutôt ostracisés, voire insultés, sur les plateaux d’experts qui certifiaient encore il y a deux mois que la Russie avait perdu la guerre.

    Malgré tout il faut bien arrêter cette guerre qui dévaste les hommes… et les budgets. Le concept d’’autodétermination des peuples pourrait être mis en œuvre pour les régions contestées dans un cadre légal international comme proposition pur mettre fin aux hostilités ? Le modèle appliqué par la France en Nouvelle Calédonie pourrait être un exemple à suivre. Quelle que l’issue de la guerre d’Ukraine, la Russie restera une puissance maléfique qui n’aime pas l’Occident. Il faudra en tenir compte pour quelques siècles dans le futur avant, peut-être, de pouvoir une relation « normale » entre voisins.

  • Le misérabilisme érigé en mode de pensée

    Le misérabilisme érigé en mode de pensée

    Le débat en cours sur le projet de loi visant à repousser l’âge légal pour faite valoir ses droits à la retraite et à augmenter le nombre minimum de trimestres cotisés pour ce faire illustre ad nauseam le drame du misérabilisme érigé en mode de pensée. L’essence de la réforme étant de faire travailler les citoyens plus longtemps, ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour nombre d’entre eux. Leur principale argumentation consiste à citer le cas du « cariste » ou de la « femme de ménage » qui ont travaillé dans des conditions physiques difficiles toute leur vie et qui ne peuvent pas envisager de travailler plus longtemps que l’actuel âge légal de 62 ans. Certes, et personne ne le conteste. Des conditions spécifiques de « pénibilité » et de « carrière longue » sont prévues pour permettre de prendre en compte ces cas particuliers mais il n’en reste pas moins que nombre des citoyens mènent des carrières qui leur permettent sans difficultés physiques de poursuivre deux années de plus comme envisagé dans le projet de loi. Ceux qui partent en retraite en ce moment ont démarré leur carrière alors que l’âge légal de départ était de 65 ans, comme d’ailleurs pour la génération précédente. Ils ont vu cet âge légal baisser à 60 ans en 1983 (pouvoir socialiste) puis repasser à 62 ans en 2010 (gouvernement conservateur) et il est probable que leurs enfants vont le voir repasser à 64 sous peu, en attendant d’autres éventuels relèvements.

    Cette question du misérabilisme revient à se demander, dans le cas d’espèce, si une réforme des retraites doit être formatée pour répondre aux besoins des plus défavorisés ou si elle doit répondre aux besoins moyens et prévoir des exceptions pour les cas particuliers. Les partis d’opposition, y compris ceux de droite, répondent « oui » au premier terme de l’équation, ceux actuellement au pouvoir optent pour la vision moyenne. C’est un peu une question de philosophie politique.

    Le plus comique est de voir aujourd’hui le parti Les Républicains (LR) qui avait fait ses campagnes électorales 2022 présidentielle et législative sur la base d’un âge légal à porter à 65 ans, se battre aujourd’hui pour baisser cette limite, déjà proposée à 64 ans et obtenir d’autres assouplissements à cette réforme qu’il qualifie de « brutale ». Plus des concessions financières sont faites aujourd’hui et plus la prochaine réforme des retraites devra intervenir dans un futur proche. Les prochaines majorités parlementaires auront à gérer la suite.

  • WOOLF Virginia, ‘Mrs Dalloway’.

    WOOLF Virginia, ‘Mrs Dalloway’.

    Sortie : 1925, Chez : Le Livre de Poche.

    Un roman délicat consacré à une plongée dans la vie de Mrs Clarissa Dalloway à Londres dans les années 1920. Grande bourgeoise, fréquentant la haute société anglaise, elle se lève le matin, sort acheter des fleurs, avec en tête les derniers préparatifs de la réception mondaine qu’elle organise en soirée. En sa compagnie nous allons parcourir ses souvenirs, ses fréquentations, la ville de Londres, bref, un portrait de l’Angleterre aristocratique post-première guerre mondiale.

    Il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire où le style sophistiqué de Mme. Woolf permet de donner vie à une multitude de petits détails sans importance sur lesquels elle brode son histoire. Comme si de rien n’était elle aborde en passant certains de ses sujets de prédilection : l’attirance entre femmes, le suicide… Elle passe d’un personnage à l’autre, les évoque aujourd’hui et dans leur passé. Mrs Dalloway est au centre du livre mais n’en est pas la narratrice. Elle croise tous ces personnages dans la rue, décrit ce qu’elle sait de leurs sentiments et leurs pensées, parfois démentie un peu plus loin par la vérité dispensée par la narratrice, et le roman saute des uns aux autres.

    Tous ce beau monde se retrouve le soir à la réception, avec ses accointances, ses haines, ses souvenirs croisés, sauf Septimus qui s’est jeté de sa fenêtre quelques heures plus tôt, dans un accès aigu de dépression. En décrivant par le menu détail leurs comportements et leurs habitudes, leur rigidité aussi, celle d’une époque révolue, elle nous fait pénétrer avec délice le monde élitiste de cette bourgeoisie de haut-vol, sans doute avec un peu d’ironie, très certainement avec beaucoup de perspicacité.

  • Indécent

    Indécent

    Le débat sur le projet de loi visant à repousser l’âge légal pour faite valoir ses droits à la retraite, et à augmenter le nombre minimum de trimestres cotisés pour ce faire, a démarré à l’assemblée nationale dans un chaos indécent largement mené par l’extrême gauche mais sans doute observé avec malice et intérêt par les autres partis d’opposition. Et les députés y vont de leurs claquements de pupitres, hurlements et beuglements, interruptions et interjections, effets de manche et claquements de porte… bref, tous les artifices usés sur les bancs par des générations de députés continuent à être mis en œuvre par des irresponsables, dont les salaires et accessoires sont payés par les contribuables et qui remplissent fort mal le job pour lequel ils sont rémunérés.

    Alors évidement tout le monde rappelle que ce genre de comportements de gamins morveux mal élevés a toujours été pratiqué et que, parfois, les injures et noms d’oiseaux volaient bas sous les IIIème ou IVème Républiques. Certes, mais probablement la hauteur de vue de Jaurès, Clémenceau, Blum ou Simone Veil n’avait guère à voir avec celle de Mathilde Panot ou d’Olivier Faure, mais est-ce une raison pour se satisfaire de la médiocrité affichée aujourd’hui par nos élus ? Certainement non mais, hélas, ces élus sont l’image de la société qui les a élus.

    Nos enfants vont devoir travailler plus longtemps pour gagner leur retraite, ils vont aussi avoir la tâche vitale de redresser le niveau du pays et des ses élus, en voie de crétinisation avancée. C’est maintenant une question de survie pour la Nation.

  • La Collection de l’Art Brut de Lausanne

    La Collection de l’Art Brut de Lausanne

    Montée à partir de 1945 par le peintre Jean Dubuffet (1901-1985), cette collection est constituée d’œuvres réalisées généralement par des patients atteints de maladies psychiques, hospitalisées ou pas, sous forme de dessins, de peintures, de sculptures. Une partie de celles-ci sont exposées, complétées par l’exposition temporaire « Art Brut et Bande Dessinée » au rez-de-chaussée.

    Les œuvres retracent souvent les obsessions de leurs auteurs, mais n’est-ce pas le propre d’une création artistique ? Elles sont abordables et, le cas échéant, expliquées par une guide locale ou quelques lignes sur un présentoir. Un parcours intriguant !

  • La comédie « Jack Lang » continue

    La comédie « Jack Lang » continue

    Jack Lang, 83 ans, les cheveux noirs de teinture (sauf le bout de ses pattes où il laisse apparaître un peu de blanc…) envisagerait de représenter à la présidence de l’Institut du monde arabe (IMA) qu’il préside depuis plus de dix ans. Quelles que soient ses performances à la tête de cette institution, il est temps pour lui de passer la main compte tenu de son âge. Il existe des centaines de candidats tous aussi légitimes, et bien plus jeunes, qui feront aussi bien le job et permettraient de faire tourner la roue.

    Le fait que M. Lang s’accroche ainsi à son activité est, hélas, symptomatique de l’inertie de la République qui n’arrive pas à renouveler ses élites. On ne comprend d’ailleurs pas bien ce qui pourrait justifier un quatrième mandat qui maintiendrait cette personne âgée à la présidence de l’IMA. Outre la perte d’efficacité générée par l’âge, c’est aussi une injustice flagrante à l’encontre des générations suivantes qui aspirent elles-aussi à accéder au pouvoir. Il serait tout à l’honneur de ce vieux « Djack » de tirer sa révérence. Il serait certainement remplacé sans trop de difficultés par un candidat de valeur.

    Lire aussi : Jack Lang, 80 ans, accroché à son rocher & Il faut mettre ce vieux Jack à la retraire
  • Un excellent podcast sur David Bowie

    Un excellent podcast sur David Bowie

    On peut écouter l’excellente émission de Michka Assayas sur France-Inter : neuf épisodes sur l’œuvre de l’artiste britannique qui a marqué son époque. Michka est le nouveau Bernard Lenoir chroniquant le rock sur les radios publiques, largement à la hauteur de son prédécesseur. Il fait preuve d’une immense culture rock qu’il partage avec bonhommie.

  • « Retour à Séoul » de Davy Chou

    « Retour à Séoul » de Davy Chou

    Davy Chou est un réalisateur français d’origine cambodgienne dont la filmographie est orientée vers la recherche de l’histoire tourmentée du Cambodge et, plus généralement, celles de nos racines. Dans « Retour à Séoul » il traite l’histoire d’une jeune femme, Freddie, qui a été abandonnée encore bébé par ses parents sud-coréens et adoptée par un couple français. Un peu par hasard elle repasse à Séoul et part à la recherche de ses parents biologiques et de son pays.

    Le scénario la suit pendant plusieurs années de rapprochement avec cet environnement qu’elle voudrait se réapproprier. Le personnage de cette femme est plutôt agité et provocateur, multipliant les conquêtes qu’elle se vante de pouvoir « sortir de [sa] vie d’un claquement de doigt » et qu’elle utilise au hasard de ses besoins sexuels, affectifs ou professionnels.

    Les retrouvailles avec ses parents n’apparaissent pas forcément très positives mais au moins ont-elles le mérite de lever l’incertitude. Son père est un homme simple, qui boit, peut-être parce qu’il a abandonné son enfant, certainement parce qu’il est alcoolique, mais qui veut en tout cas s’en faire pardonner avec force démonstrations d’amour et d’attachement (et d’alcool) qui étouffent Freddie. Sa mère, qui ne vit plus depuis longtemps avec le père de sa fille, refuse de la rencontrer à plusieurs reprises avant, finalement, plusieurs années après son premier refus, de la serrer dans ses bras dans l‘institution coréenne qui gère les adoptions, entre larmes et caresses, seules voies de communication quand on ne partage pas les mêmes langues.

    Le film est inspiré librement d’une histoire vraie. Il narre de façon sensible le traumatisme que l’abandon peut faire peser sur ceux qui en sont l’objet. Ici, la réaction de Freddie est ambivalente, feignant l’indifférence mais attirée par la Corée où elle va attacher sa vie professionnelle et, en partie, personnelle. Cerise sur le gâteau, elle travaille chez un marchand d’armes et présente la vente de missiles aux Sud-coréens comme sa participation à la défense contre la Corée du Nord. Sans doute la métaphore de l’agressivité qu’elle développe à l’encontre de son père biologique…

  • MASSU Jacques, ‘La vraie bataille d’Alger’.

    MASSU Jacques, ‘La vraie bataille d’Alger’.

    Sortie : 1971, Chez : PLON.

    Jacques Massu (1908-2002) est un militaire français, membre de la division Leclerc qui parcourut avec elle la longue route du Fezzan jusqu’à la libération de Berlin en août 1945. Compagnon de la libération, il participa aux guerres d’Indochine et d’Algérie, ainsi qu’à l’expédition de Suez, il fut marqué à jamais comme ayant été le patron de la 10ème division parachutiste (DP) chargée par le pouvoir politique de rétablir l’ordre à Alger face à la rébellion du FLN (Front de libération nationale) en lutte contre la France pour obtenir l’indépendance de l’Algérie. C’est la « célèbre » bataille d’Alger avec son cortège de dérives qui arrivent quand on demande à des miliaires de jouer un rôle qui n’est pas le leur. Cette bataille va durer toute l’année 1957 et le général Massu restera connu comme celui ayant patronné la torture pratiquée par sa division de parachutistes, et assumée comme telle par ce patron qui eut au moins le mérite de couvrir ses subordonnées.

    15 ans après les faits, 10 ans après l’indépendance acquise par l’Algérie, il écrit ce livre comme une sorte de justification de son rôle et de celui de ses hommes. Les arguments sont éculés et avaient déjà été confrontés durant la guerre elle-même. Massu revient sur le combat militaire qui a été « gagné par ses paras » qui ont démantelé la rébellion dans la capitale algérienne. Il explique dans quel contexte a été pratiquée la torture ou les « interrogatoires musclés » : pour empêcher de nouveaux attentats dévastateurs du FLN. Il raconte avoir demandé à subir lui-même la « gégène » (torture par l’électricité) pour se rendre compte de son effet sur son propres corps.

    Et, bien sûr, il relate la sauvagerie du FLN, avec force photos des massacres et mutilations commis par le mouvement révolutionnaire qui a sans doute tué bien plus d’algériens que l’armée française. On sait aujourd’hui que tout ceci s’est passé, que le combat fut féroce entre les paras et le FLN, que la bataille d’Alger fut gagnée par Massu mais que le combat politique fut perdu par la France qui laissa l’Algérie voguer vers son indépendance au terme des négociations menées à Evian en 1962 par les politiques. Bien sûr, aucune autre issue n’était envisageable et l’erreur fatale du pouvoir parisien est d’avoir laissé l’armée s’enferrer dans une impasse après lui avoir donné les pleins pouvoirs, au moins à Alger.

    L’armée française avait connu moulte déconvenues après 1945 : Diên Biên Phu en Indochine en 1954, l’expédition de Suez en 1956. Massu était en Afrique lors de la défaite contre le Vietnam, il participa par contre au repli de Suez. Alors, quand les pleins pouvoirs lui sont confiés à Alger, il s’emploie avec cœur à rétablir l’honneur de l’armée… Et pendant que son épouse fait de l’humanitaire pour les enfants défavorisés de la ville, il mène ses paras à l’assaut des forteresses du FLN, à la poursuite de ses chefs (Ali « la Pointe », Yacef Saadi, Larbi Ben M’hidi…) et de leurs poseurs de bombe (Djamila Bouhireb, Djamila Bouazza…). Tous sont pourchassés, arrêtés (parfois sur dénonciation des clans adverses au sein du FLN) pour connaitre des sorts divers, dont des exécutions judiciaires ou extrajudiciaires, mais aussi des grâces accordées dans la foulée des accords d’Evian.

    Massu mène combat contre ce qu’on lui désigne comme un ennemi de la France, selon un schéma relativement classique pour ce soldat à la déjà grande expérience. Mais il doit également affronter les membres de la « cinquième colonne », ces français installés en Algérie ou résidant en métropole, qui prennent fait et cause pour le FLN, position juste incompréhensible pour le général… Le plus souvent ils ne posent pas eux-mêmes les bombes mais aident ceux qui le font. Ces français eurent aussi des comptes à rendre aux paras de Massu. Certains n’en revinrent pas (Maurice Audin). Il règle ses comptes avec le Général de Bollardière placé sous ses ordres, qui demanda à être relevé de son commandement puis, à son retour à Paris en 1957, dénonce la pratique de la torture en Algérie. L’ethnologue Germaine Tillon est abondamment citée, elle qui rencontra certains chefs du FLN à Alger pendant la bataille pour essayer de leur en faire atténuer l’intensité. Elle joue aussi le rôle d’intermédiaire auprès des autorités françaises pour dénoncer le torture pratiquée au nom de la France et tenter de faire adoucir le sort des prisonniers algériens, toutes actions qui ne sont évidemment pas bien vues de Massu comme il le raconte vertement sans ce livre.

    Massu en Algérie c’est l’histoire d’un soldat qui a obéi à des ordres stupides, un homme formaté par et pour le devoir, qui a été placé dans une position inextricable dont il s’est sorti par l’obéissance et l’action, au détriment de la morale, lui qui pourtant était un catholique pratiquant. Hélas pour lui, l’efficacité qu’il revendique n’a sans doute pas servi à grand-chose puisque l’indépendance de l’Algérie, inévitable et d’ailleurs souhaitable, a été finalement acquise en 1962. Ce « département français » ayant été conçu depuis 1830 comme une colonie de peuplement, la position des politiques était également très inconfortable : comment accorder pacifiquement l’indépendance à un territoire qui abrite plus d’un million de ressortissants français, certains y résidant depuis plusieurs générations ? Alors on a laissé se faire les choses qui ont mené tout naturellement à la violence.

    Seul le Général de Gaulle eut le courage de trancher dans le vif et de mettre fin, dans la douleur, à ces errements coloniaux qui n’avaient plus d’avenir en cette deuxième moitié du XXème siècle.

    La simple photo du général Massu sur la couverture de son livre suffit à comprendre le personnage : raide et ne pliant pas. C’est sans doute la raison pour laquelle en mai 1968, un autre général, de Gaulle, en plein désarroi face aux émeutes de mai 1968 à Paris, rendit une visite impromptue à Baden-Baden où son « fidèle compagnon » commandait les forces françaises d’occupation en Allemagne fédérale. Ils eurent deux heures d’entretien en tête-à-tête, personne ne sait ce qu’ils se sont dit malgré toutes les supputations qui ont circulé. Massu a juste déclaré en 1982 que de Gaulle était arrivé en disant : « Massu, tout est foutu » mais qu’au terme de cet entretien mystérieux de Gaulle avait immédiatement pris le chemin du retour vers l’Elysée pour reprendre la main politique.

    Massu fut un exécutant zélé de la politique algérienne de la fin de la IVème République qui conduisit la France dans l’impasse et ses militaires dans la dérive. Il aurait pu démissionner mais un homme de devoir de sa trempe, qui à suivi Leclerc jusqu’à Berlin en 1945, ne quitte pas le navire en train de couler. Au crépuscule de sa vie en 2000 il a lui aussi, finalement, « plié » en déclarant au journal Le Monde regretter que la torture ait été pratiquée par les forces armées françaises pendant le guerre d’Algérie en précisant que :

    La torture n’est pas indispensable en temps de guerre.

  • « Professeur Yamamoto part à la retraite » de Kazuhiro Soda

    « Professeur Yamamoto part à la retraite » de Kazuhiro Soda

    Le documentariste japonais Kazuhiro Soda a produit en 2008 « Mental », suivant le dialogue du professeur Yamamoto, pionnier de psychiatrie au Japon. En 2022 il revient filmer le psychiatre qui, cette fois-ci, est en train de partir à la retraite. Le praticien consulte dans une clinique qui semble accueillir des pathologies psychiques graves et d’autres moins. On le voit avec ses derniers patients qui, tous, s’inquiètent de ce qu’ils vont devenir une fois leur thérapeute envolé. Avec l’un d’entre eux il tente de le convaincre de « réduire ses désirs à zéro » pour vaincre sa consommation compulsive. Il était, paraît-il, un adepte de cette théorie un peu bouddhiste.

    Mais le film est surtout centré sur ce vieux couple composé par Yamamoto et sa femme, Yoshiko, dont on comprend au milieu du film qu’elle est atteinte d’une maladie neurodégénérative. Son mari prend soin d’elle comme il s’est occupé de ses patients et il va lui être aussi indispensable qu’il l’était pour eux.

    Le documentaire est lent, comme les mouvements de ces deux personnes âgées et touchantes au crépuscule de leur vie. Il décrit plus le grand âge des Yamamoto, qu’il ne parle de psychiatrie. Mais ce métier auquel le professeur a consacré sa vie va certainement les aider à affronter ce destin qui nous attend tous et qui est rendu avec émotion dans un film où il ne se passe pas grand-chose.

  • Tom Verlaine est mort

    Tom Verlaine est mort

    Le guitariste et chanteur-compositeur américain Tom Verlaine est mort hier à 73 ans (1949-2023). C’est l’un derniers représentants du rock underground américain qui s’échappe ainsi. Il a fondé le groupe éphémère Television en 1973 avec Richard Hell. Leur célèbre disque Marquee Moon, comme le premier disque du Velvet Underground (celui avec la banane) a été peu vendu en son temps mais a été écouté par tout ce qui comptait de la scène new-yorkaise de cette époque. Verlaine a influencé nombre de musiciens de l’époque et a continué une carrière solo discrète. Son nom de scène était un hommage au poète français.

    Il joue sur Horses (1975) et Gone Again (1996) de Patti Smith qui doit désormais se sentir bien seule… C’est le crépuscule d’une époque musicale, ils sont tous en train de partir.

    Lire aussi : Television – 2016/04/02 – Paris la Philharmonie
  • L’armée française quitte le Burkina Faso

    L’armée française quitte le Burkina Faso

    Le Burkina-Faso a dénoncé l’accord de défense qui le liait à la France et se traduisait, notamment, par le stationnement d’une base militaire française dans ce pays. Ces accords prévoient aussi généralement la possibilité d’intervention militaire française à la demande des autorités locales. Ils ont généralement été signés dans la foulée des indépendances et ont généré des interventions militaires discutables, essentiellement pour maintenir des dictatures au pouvoir : au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Mali… Ces accords sont des survivances d’une époque révolue où la France voulait maintenir son statut d’ex-puissance coloniale en mal d’influence sur le monde.

    Lire aussi : Le Mali a toujours un coup d’avance sur Paris

    Ce temps est désormais passé, les pays partenaires dénoncent les accords les uns après les autres et la France évacuent ses bases militaires, parfois pour les remplacer par une coopération avec la Russie. C’est ainsi et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour Paris ! Par les temps qui courent le redéploiement des militaires français sur l’Europe et la réaffectation des dépenses budgétaires engagées en Afrique ne présentent pas que des inconvénients. Dans le contexte de la guerre d’Ukraine des troupes françaises sont présentes en Roumanie et dans les pays baltes où elles sont a priori bien mieux accueillies qu’à Bamako ou à Ouagadougou, le choix est donc assez simple à faire.

    Lire aussi : Bonne stratégie diplomatique au Burkina Faso

    Après le départ de l’armée française du Burkina il restera encore des troupes au Niger, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, à Djibouti, au moins pour ce qui concerne l’Afrique et pour autant que l’on sache. Le sort à terme de ces bases militaires à l’étranger sera immanquablement posé un jour ou l’autre.

    Un autre sujet de démantèlement qui lui n’avance pas beaucoup est celui du Franc CFA, monnaie commune de nombre de pays africains ex-colonies françaises du continent et dont la convertibilité avec l’euro est garantie par la France. La fin de cette monnaie commune et son remplacement par l’Eco ont été annoncés en 2019 mais le choses n’ont pas beaucoup bougé depuis et le Franc CFA a toujours cours dans ces pays. Dans le projet initial la France était toujours engagée à maintenir la convertibilité de l’Eco. Après la dénonciation de certains accords de défense il est temps de ressortir des cartons ce projet de réforme monétaire, de le mettre en œuvre, voire de l’ajuster en fonction du nouveau contexte des relations franco-africaines. Ce projet intéressant est au point mort, il mérite d’être relancé.

    Lire aussi : Une bonne nouvelle pour l’Afrique
  • Musée des Beaux-Arts de Rouen

    Musée des Beaux-Arts de Rouen

    Au Musée des Beaux-Arts, l’exposition permanente est constituée de tableaux datant de la renaissance italienne jusqu’au impressionnistes, beaucoup de peintres inconnus du néophyte, parfois rouannais, mais aussi Rubens, Delacroix, Caravage, Ingres.

    Une salle est dédiée aux impressionnistes qui ont tant aimé peindre les paysages autour de la Seine qui coule en Normandie. On y voit bien sûr l’un des tableaux de Monnet sur la cathédrale dont il peint 28 versions sous différentes saisons et luminosités. Le frère de Monnet dirigeait un business textile à Rouen et recevait régulièrement Claude. Pour peindre il se plaçait au premier étage de l’immeuble en face de l’édifice qui était à l’époque un grand magasin mais la fenêtre devant laquelle il plaçait son chevalet était celle du rayon lingerie féminine. Pour ne pas choquer la clientèle, l’équipe du magasin lui avait confectionné un paravent afin de préserver l’intimité des acheteuses…

    Une exposition temporaire détaille la Flagellation du Christ du Caravage avec force photos, scans et radiographies des détails de ce tableau imposant. Il avait été acheté par le musée en 1955 sans savoir qui en était vraiment l’auteur.

    Un joli musée de province qui anime la vie culturelle de cette ville intéressante sur les bords de Seine.

    Voir aussi : Rouen
  • David Crosby est mort

    David Crosby est mort

    Après le récent décès de Jeff Beck, c’est un autre géant de la guitare qui vient de s’éteindre. L’américain David Crosby (1941-2023) est mort ce 19 janvier à 81 ans. Il fut un compositeur-chanteur-guitariste de légende à travers les groupes The Byrds et CSN&Y ([David] Crosby, [Stephen] Still, [Graham] Nash & [Neil] Young), et une très riche carrière solo.

    Issu du mouvement hippy il participe à son évolution psychédélique en fréquentant et collaborant avec tous les groupes californiens des années 1960-1970 : Jefferson Airplane, The Grateful Dead… Folkeux électrifié et électrisant, spécialiste des harmonies vocales-polyphoniques et des accordages étranges de guitare, mixant rock, folk, jazz dans une inspiration toujours bouillonnante, c’est un immense musicien de plus qui a rejoint le paradis des rockers. Sa survie jusqu’à 81 ans relève du miracle tant il d’adonna à toutes les addictions les plus dures de son époque. Malgré une vie sens dessus-dessous, un caractère affirmé qui le fit se fâcher avec la plupart de ses coreligionnaires, et tout spécialement ceux avec qui il composa ses plus belles mélodies, il publiait encore sa musique en 2021, ForFree.

    En 2016 il créait le groupe The Ligthouse Band avec de jeunes et talentueux musiciens dont deux merveilleuses choristes avec lesquelles il poursuivait ses polyphonies si caractéristiques et déclarait : « I felt that I didn’t have any choice but to leave that band that I’m absolutely glad I did. ». Un disque live était encore produit l’an passé.

    Il est temps de réécouter David Crosby !

  • Le musée Historial Jeanne d’Arc à Rouen

    Le musée Historial Jeanne d’Arc à Rouen

    Elle est partout dans la ville, sur les murs, dans les cœurs. Sur la place du Vieux-Marché subsiste le socle du bûcher où elle fut brulée vive et une église a été construite en son souvenir en 1979 et dénommée Sainte Jeanne d’Arc ! L’Historial Jeanne d’Arc retrace le parcours de cette héroïne française née vers 1412 et exécutée sur le bûcher en 1431.

    Le Royaume de France est en partie occupé par les Anglais et les Bourguignons ont pactisé avec l’envahisseur. Jeanne entend des voix lui demandant de bouter l’Anglais hors de France et d’aider à rétablir sur le trône le roi Charles VII. Contre toute attente, elle va réussir, habillée en homme, à libérer Orléans du joug anglais et à faire couronner Charles VII à Reims. Elle échoue devant Paris tenu par les Anglais et les félons Bourguignons. Elle tente de se battre à Compiègne, est capturée par les Bourguignons, vendue par ceux-ci à l’Anglais qui l’emmène à Rouen où elle est jugée par des religieux à la solde de l’Angleterre qui la torturent puis la condamnent pour hérésie, ses voix étant inspirées par le démon. Elle bénéficie d’une grâce lui permettant ne pas être exécutée sous réserve qu’elle s’engage à ne plus porter d’habits d’homme.

    De retour dans sa cellule elle enfile de nouveau des habits masculins. Elle est considérée comme récidiviste puis brûlée sur la place du Vœux Marché en 1431 et ses cendres dispersées dans la Seine pour que sa tombe ne se transforme pas en lieu de pèlerinage.

    25 ans plus tard, à l’initiative du roi Charles VII, le pape ordonne de réétudier les actes du procès de Jeanne. Celui-ci est annulé, mais un peu tard pour Jeanne d’Arc qui est tout de même « béatifiée » en 1922. Aujourd’hui on parlerait d’un schizophrène (les voix entendues), LGBTQIA+ (les habits d’homme), déconstruite (la lutte contre l’Anglais)…

    Le musée offre un parcours dans le sous-sol de l’évêché dans les pièces duquel sont diffusées des vidéos théâtralisant les scènes imaginées du procès en réhabilitation.

    Le 30/05/1964, sur le lieu du supplice de Jeanne, André Malraux proclamait :

    Ô Jeanne, sans sépulcre et sans portrait toi qui savais que le tombeau des héros est le cœur des vivants !

    Voir aussi : Rouen