C’est la dernière mode des présidents « populistes » : ne pas assister à la passation de services en faveur de leurs successeurs. Déjà en 2020 le président Trump avait séché la cérémonie d’intronisation de Joe Biden qu’il estimait lui avoir « volé » l’élection et s’était réfugié dans son palace de Floride avec des archives classifiées de la présidence que les services américains ont dû aller récupérer de force. Demain c’est le président brésilien Bolsonaro qui, parti aux Etats-Unis, fuira l’investiture de son successeur qu’il aurait dû ceindre de l’écharpe aux couleurs nationales.
Ces manifestations d’humeur n’ont guère d’importance légale et n’ont pas empêché les présidents Biden et Lula de prendre leurs postes présidentiels mais marquent le caractère irrémédiablement anti-démocratique et « plouc » des sortants. La bonne nouvelle est qu’ils n’ont pas réussi à démolir les institutions qu’ils combattaient. La moins bonne est qu’il n’est pas exclu qu’ils reviennent un jour puisqu’ils disposent toujours de solides bataillons d’électeurs !
La Cité de la Musique consacre une exposition au musicien nigérian, d’ethnie yoruba, Fela-Kuti (1938-1997). Fils d’une militante des droits de la femme à une époque où l’Afrique n’était pas vraiment éveillée au féminisme, et d’un pasteur, il se forme à la musique à Londres et éveille sa conscience politique au contact des militants des droits civiques aux Etats-Unis. Il revient au pays armé de ce double cursus pour y mener son combat politique contre une dictature galonnée qui ne lui fait pas de cadeaux. Ses concerts sont des messes qui durent des heures dans un chaos organisé où il s’affuble de costumes sophistiqués et bariolés au milieu de nombreux musiciens et danseuses. Il chante, joue du saxophone et dirige sa bande en fumant sans cesse des joints XXL. Sa maison et son club à Lagos sont des colonies où se retrouve toute une faune d’artistes, de militants, de pique-assiettes et où l’armée nigériane aime venir faire des descentes plutôt violentes.
L’exposition détaille l’environnement créé par ce personnage un peu ubuesque avec photos, coupures de presse, vidéos d’interviews, références à ses guides (Kwame Nkrumah, Sandra Izsadore, Malcom X…), ses costumes flamboyants, les slips multicolores dans lesquels il aimait parader au milieu des siens, les messages politiques qu’il assénait avec pas de mal de simplisme. Il a créé des mouvements politiques aussi fumeux qu’éphémères : Movement of the People (MOP), Young African Pionneers (YOP). De ses révoltes il n’est d’ailleurs pas resté grand-chose tant le Nigeria demeure un pays hors de contrôle et la pensée politique de Fela étaient idéaliste et peu structurée. On dirait aujourd’hui qu’il était un homme « déconstruit » …
Mais Fela était avant tout un musicien et c’est dans ce domaine qu’il s’est le mieux exprimé en créant le mouvement « afrobeat », sorte de mix entre jazz et musique africaine, aux rythmes hallucinés marqués des cuivres et des percussions. C’est encore par ce média que l’artiste nigérian a été le plus performant. La Cité de la Musique offre aux visiteurs de longs extraits des incroyables concerts que dirigeait ce joyeux trublion.
Le musée de l’Armée aux Invalides présente une exposition dédiée aux forces spéciales. Le visiteur espère en savoir plus sur ces mystérieuses opérations « spéciales » menées par des supermen adeptes de technologies modernes et de conditions de vie rudimentaires aux quatre coins de la planète. Hélas, tout ceci est un peu confidentiel et l’on défile devant des matériels divers et des témoignages vidéo des membres de ces unités depuis les commandos Kieffer de la seconde guerre mondiale jusqu’à la guerre au Sahel. Les militaires toujours en service témoignent anonymement et prennent bien soin de ne divulguer aucune information sur leurs activités.
En revanche, de nombreux détails sont donnés sur les modes de recrutement et de formation, plutôt exigeants et rudes, des éléments de ces forces spéciales. En fait, cette exposition ressemble un peu à un bureau de recrutement. Depuis sa professionnalisation l’armée a besoin de convaincre pour recruter, c’est ce qu’elle tente de faire à travers cette exposition. D’ailleurs, nous sommes mercredi, c’est le jour des enfants qui se bousculent avec gourmandise devant les costumes et les images de ces robocop, peut-être quelques futures recrues parmi eux !
Terry Hall, le chanteur blanc leader du groupe multicolore de ska The Specials est mort ce 18 décembre. La musique militante de ce groupe a marqué l’Angleterre post-punk des années 1980. Ces artistes ont mixé des influences musicales reggae, ska et new-wave pour donner une musique riche et dansante partagée avec d’autres groupes comme Madness, The Beat, UB40, Dexys Midnight Runners. Les Specials, habillés mods, étaient sans doute un plus engagés que les autres en faveur des droits sociaux et contre le racisme dans un pays secoué par la politique dure menée par Mme. Thatcher à la tête d’un gouvernement conservateur.
Le groupe s’était reformé ponctuellement en 2014 pour une tournée de concerts dont un à Paris, bien sûr.
L’année du singe (2016) est celle durant laquelle Patti Smith a 70 ans, celle aussi où Donald Trump est élu président des Etats-Unis d’Amérique. Mais c’est encore l’année où ses amis Sandy Pearlman (poète et producteur/manager des groupes Blue Oyster Cult, The Clash, Black Sabbath…) et Sam Shepard (acteur, scénariste, réalisateur, dramaturge, écrivain, musicien, n’en jetez plus…) ont rejoint le cortège des ombres où se pressent déjà le mari de Patti, son frère, ses parents et tant d’autres…
Alors Patti Smith raconte ses pérégrinations entre les côtes Est et Ouest de son vaste pays, au hasard de ses rêves, de ses amitiés, de ses souvenirs. Dans un style poétique elle parle des épreuves de sa vie qui n’en a pas manqué, de l’écriture, de la musique, de ses enfants, de ses amis. Elle se promène dans cette année particulière, toujours avec son Polaroid dont les photos parsèment les chapitres de son livre, toujours des images décalées façon nature morte. Il n’y a personne sur ces photos, juste des objets rencontrés au hasard de ses voyages d’une côte à l’autre, ponctués de nuits dans de simples motels.
Souriante et mélancolique, Patti Smith mène sa route et nous fait partager sa sérénité, celle d’une artiste de 70 ans, apaisée mais toujours enthousiaste, inquiète mais pas résignée. Quelle belle façon de vieillir et quelle noble attitude d’accompagner ainsi la fin de ses amis : pour les obsèques de Sandy, elle a chanté avec Lenny Kaye, son inséparable guitariste, « Pale blue eyes » (Lou Reed) et « Eight Miles High » (The Byrds) !
Frida Kahlo (1907-1954), artiste-peintre mexicaine, créatrice inspirée, amie des surréalistes français (mais pas de Breton sur lequel elle écrit des mots amers), ayant partagé une liaison avec Trotski lors de l’exil de celui-ci à Mexico, elle est décédée en 1954 dans sa « Maison bleue [Casa azul] » à 47 ans après moulte traumatismes médicaux. Après sa mort, son mari, l’artiste en peintures murales Diego Riviera, a décidé de sceller la salle de bains et les placards de son épouse décédée. Il faudra attendre 2004, 50 ans après sa mort, pour que soit libérés ces biens, dévoilant 6 000 photos et 300 objets dont certaines des magnifiques robes portées par Frida, inspirées de la région de Oaxaca dont étaient originaires certains de ses ancêtres et où elle ne s’est jamais rendue.
La Palais Galliera expose cette intéressante collection en commençant, au sous-sol, par les photos retraçant la vie de l’artiste, son enfance, ses voyages, on voit même une courte vidéo avec Trotski et on mesure l’engagement artistique et politique de Frida Kahlo à travers ses idées, ses rencontres, ses expositions. Et une vie toujours à l’ombre de la souffrance physique dues la poliomyélite attrapée à 6 ans et, surtout, le grave accident automobile qu’elle subit à 18 ans qui lui laissera des traces indélébiles sa vie durant, forgeant sans doute sa pugnacité et sa volonté de vivre.
Dans la vaste salle du rez-de-chaussée sont exposées les robes portées par l’artiste et d’autres de couturiers plus contemporains, Jean-Paul Gaultier notamment, qui ont été inspirés par elle. On voit aussi la collection de corsets médicaux que son accident l’obligeât à porter toute sa vie et qu’elle a peints et décorés, l’un avec une faucille et un marteau.
Cette exposition est centrée sur la vie de l’artiste plus que sur son œuvre, mais elle donne furieusement envie de revenir sur celle-ci tant la personnalité de Frida Kahlo présentée par le Palais Galliera paraît exceptionnelle et flamboyante. En cela l’exposition est une réussite !
Les commentaires et explications muséales sont très « progressistes », comme par exemple :
Adolescente, Frida Kahlo a soigneusement construit et exprimé différentes identités de genre devant la caméra. Le 7 février 1926, Guillermo Kahlo a photographié sa fille vêtue d’un costume trois pièces pour homme, arborant une canne ornée. … Dans la terminologie moderne, nous pourrions dire qu’elle a rejeté les catégories binaires cisgenres, embrassant la fluidité des genres et une identité queer.
Très Palais Galliera, plus intersectionnel, tu meures !
Avez-vous remarqué cette mode capillaire des joueurs de fouteballe rasés de près sur les tempes et avec des touffes de cheveux sur le haut du crâne, parfois teints, parfois naturels ? Cette tonsure inversée par rapport à celle des moines, qui rasaient au contraire la partie supérieure du crâne, doit sans doute être plus aérodynamique pour nos coureurs. Tous ces pousseurs de baballe fréquentent sans doute le même coiffeur.
Que onze sportifs sur un terrain de foute se coiffent à l’identique des skinheads et leurs ancêtres du XXème siècle rasés de près derrière les oreilles n’est pas véritablement un problème en soi, mais le drame est qu’ils sont suivis dans cette mauvaise habitude par des millions de supporters à travers la planète donnant aux tribunes des stades et aux cours d’école une allure martiale parfois un peu troublante…
Un classique de la littérature du goulag dans lequel Varlam Chalamov (1907-1982) fut enfermé à deux reprises sous Staline pour « activité trotskiste contre-révolutionnaire » pour une durée totale de plus d’une quinzaine d’années. Il ne doit sans doute son salut qu’à la mort du dictateur en 1953. Après sa libération il doit rester sur place dans l’attente de sa réhabilitation avant d’être autorisé à revenir à Moscou en 1956. Il découvre que sa femme a été poussée à divorcer pour pouvoir rester à Moscou…
Journaliste et écrivain il va s’employer à son retour à décrire dans ses « Récits de la Kolyma » ce qu’il vécut dans cet univers concentrationnaire où lui étaient appliqués les traitements les plus rudes compte-tenu de ses « crimes ». L’édition de 2003 n’est composée que d’un choix de nouvelles qui sont bien plus nombreuses dans l’édition originale complète. Bien sûr, l’ouvrage fut censuré sous le régime de l’Union soviétique et n’a commencé à paraître localement que lors de la « perestroïka » à la fin des années 1980 après être déjà paru en Occident dès les années 1960.
La Kolyma est une région de l’Extrême-Orient russe arctique, une zone d’extraction minière importante (particulièrement pour l’or) à laquelle étaient employés les prisonniers envoyés en nombre dans le goulag local dans des conditions climatiques dantesques. Les « Récits » sont une succession de nouvelles inspirées par ce qu’a vécu l’auteur qui réussit à survivre à ce si long enfer.
Ces textes illustrent l’inhumanité des conditions de vie réservées aux détenus-travailleurs, destinés à mourir pour la plupart, surtout les prisonniers qualifiés de « politiques ». L’environnement n’est que froid, famine et mort par épuisement. Il n’y est finalement assez peu question de politique mais seulement de la manière dont la politique traite les hommes lorsqu’elle est menée par des dictateurs cyniques que rien n’arrête. Même si l’on sait aujourd’hui l’essentiel de ce qui s’est passé dans le Goulag, le relire sous la plume d’un de ceux qui en sont revenus et qui a trouvé le courage de l’écrire reste toujours un choc. Le style de Chalamov est parfois un peu ironique, malgré les circonstances et plutôt désabusé face à la machine concentrationnaire. Ses descriptions des sévices infligés aux travailleurs-prisonniers est effrayante et, en refermant l’ouvrage, le lecteur reste stupéfait de la capacité de résistance, de l’instinct de survie, de ceux qui en sont revenus. Pour certains, leur calvaire a duré plusieurs décennies, bien plus longtemps que celui des prisonniers des camps de concentration allemands durant la seconde guerre mondiale. La lecture de ces évènements terribles permet aussi de se rassurer sur les mérites de la démocratie contemporaine, pour ceux qui en douteraient.
Chalamov est mort tristement en 1982, pauvre et malade, la santé brisée par sa longue détention, dans un hôpital psychiatrique de Moscou où il avait été transféré après avoir passé trois années dans une maison de retraite pour écrivains âgés où il écrivait toujours des poèmes.
La destruction de l’homme avec l’aide de l’État n’est-elle pas la question principale de notre temps, de notre moralité, incluse dans la psychologie de chaque famille ?
Pendant qu’une compétition mondiale de fouteballe bat son plein dans le Golfe Persique au point que le président de la République française estime nécessaire de se déplacer à Doha mercredi prochain aux frais des contribuables (n’a-t-il rien de mieux à faire à Paris ?), la guerre d’Ukraine dérive vers une nouvelle tactique russe visant à détruire les infrastructures publiques pour nuire à la vie quotidienne des civils en espérant qu’ils pousseront leur gouvernement à compromettre avec l’ennemi russe. A défaut de victoires militaires nettes sur le terrain, le conflit se transforme en guerre de tranchées sans issue nette prévisible à court terme. Les destructions causées par Moscou rendent difficiles la vie des civils ukrainiens, souvent privés d’alimentation électrique et d’eau potable alors que l’hiver, plutôt rude dans ces contrées, arrive. L’armée ukrainienne commence de son côté à bombarder le territoire russe, se limitant pour le moment aux cibles militaires, mais pour combien de temps ?
A chaque fois que l’armée russe est poussée en dehors des territoires qu’elle a occupés depuis le déclenchement de cette « opération militaire spéciale » on découvre l’ampleur des exactions qu’elle a commises contre les populations civiles antirusses : salles de torture, viols, déplacements de populations… bref tous les sévices qui sont le lot habituel des armées de forbans dirigés par des dirigeants politiques sans états d’âme. Le président russe a même poussé le bouchon jusqu’à décorer les unités a priori exécutantes des crimes de guerre découverts à Boutcha qui fut la première ville reconquise par l’armée ukrainienne où fut révélé au grand jour le niveau de sauvagerie de l’occupation.
Alors se pose toujours la lancinante question de savoir comment et pourquoi la Russie a pu en arriver à s’enferrer dans une situation guerrière désormais inextricable ? Les deux pays sont soi-disant « frères » mais Kiev lorgnait vers l’Ouest en voulant manifestement s’émanciper de Moscou et de ses pratiques soviétiques d’un autre âge. C’en était trop pour la Russie. L’Occident a évidemment sous-estimé la puissance de la haine et du rejet qu’il inspirait au plus grand pays de la planète. Malgré les exemples soviétiques d’invasions des « pays frères » au cours de la seconde moitié du XXème siècle : Allemagne de l’est (1953), Hongrie (1956), Tchécoslovaquie (1968), Afghanistan (1979), l’aide à la répression en Pologne lors de la contestation menée par Solidarnosc (1981) ; malgré les exemples d’invasion de la Fédération de Russie : Transnistrie (1990), Géorgie (2008), Crimée (2014), l’aide à la répression en Syrie depuis le déclenchement de la guerre civile en 2011, sans parler des guerres civiles de Tchétchénie interne à la Fédération en 1994 et 1999… malgré tous ces évènements violents et mortifères l’Occident a toujours espéré convaincre la Russie d’adopter le droit international et le mode de vie de ses démocraties, amadouer l’ours russe pour qu’il se concentre sur son développement intérieur plutôt que de vouloir encore agrandir son territoire qui est déjà le plus vaste de la planète. C’est un échec, incompréhensible vu de l’Ouest, mais un désastre bien réel.
On s’est souvent demandé comment la patrie de Goethe et de Brahms a pu engendrer la barbarie nazie. On s’interroge de même aujourd’hui sur le pays de Dostoïevski et de Chostakovitch qui préfère envahir ses voisins à la recherche d’un illusoire retour à la puissance, plutôt que de gérer sa population répartie sur son vaste territoire en bon père de famille. L’affrontement militaire plutôt que la lutte par le développement économique et culturel, c’est un combat de géants dont l’issue est encore improbable mais qui, quelle qu’elle soit, laissera les combattants et leurs soutiens sur le flanc, face à des générations pétries de haines respectives qui devront payer pour reconstruire ce qui a été détruit par le fait de la bêtise des hommes et qui ne résoudra pas la question existentielle de la Russie : pourquoi la très grande majorité des « pays frères » cherche à s’éloigner d’elle pour se rapprocher de l’Occident ? Un peu d’introspection sur ce sujet serait probablement bienvenu à Moscou…
Alice Neel (1900-1984) est une artiste-peintre américaine engagée, sympathisante du parti communiste, amie de nombre de ses « compagnons de route », habituée de la « Factory » d’Andy Warhol, féministe convaincue, en lutte pour les droits civiques… Elle fut même fichée par le FBI pour tendance gauchisante.
Elle est présentée au centre Pompidou comme l’une des représentantes importantes du courant figuratif américain. 75 tableaux sont exposés qui montrent la vie ordinaire d’Américains d’origines et d’âges divers. Ce sont majoritairement des portraits de personnages dans leur environnement familier. Des vues de manifestations font parfois allusion à la crise de 1929 ou à la lutte contre l’antisémitisme, mais le plus grand nombre de ces personnages sont peints dans leurs salons ou sur le fauteuil rayé offert par Alice à ses modèles. La misère sociale n’est qu’évoquée sur les traits de certains, elle n’est pas frappante dans les peintures alors que l’artiste a mené un combat contre ce fléau sa vie durant. Certains tableaux assez crus se réfèrent à la sexualité, voire la bisexualité et l’homosexualité, qui est sans doute un thème porté par l’artiste.
L’ensemble donne une impression du temps figé sur des personnages prenant la pose. A travers eux Alice Neel retrace les chemins tortueux d’une Amérique en proie à la lutte des classes. Par son œuvre et son engagement personnel elle voulut sans doute secouer le conservatisme social et moral d’une partie de cette société. Elle y a plutôt bien réussi.
Un samedi ordinaire à Paris que le bobo-rive-gauche met à profit pour aller assister à un concert de rock à la Salle Pleyel dans le VIIIème arrondissement. Hélas, trois fois hélas ! ce n’est pas un samedi tout à fait ordinaire car nous sommes en plein championnat du monde de fouteballe au Qatar (tout de même assez loin de Paris) et, ce samedi, se déroule un premier match impliquant le Maroc (ancien protectorat franco-espagnol jusqu’en 1956) à 16h et un second avec la France à 20h.
Il apparait que le Maroc a gagné son match et, immédiatement, la communauté française d’origine marocaine, détenant la double nationalité ou simplement marocaine, nombreuse en France, spécialement à Paris, sort dans les rues en braillant, drapée dans des drapeaux marocains. Dans la capitale, les Champs Elysées sont le point de ralliement habituel pour les festivités sportives, malheureusement pour notre bobo qui, venant de la rive gauche, doit les traverser pour rejoindre la Salle Pleyel. L’avenue est déjà envahie par des hordes de supporters criant leur joie et bloquant la circulation des citoyens ordinaires. On dirait que les émeutiers ne supportent pas vraiment l’équipe de France…
Une longue file de camions de forces de sécurité stationne au milieu des Champs, tous gyrophares clignotants, entre la place de l’Etoile et la place Franklin D. Roosevelt. Dans toutes les rues adjacentes des brigades à moto dont pré-positionnées pour parer aux émeutes qui ne vont pas manquer de se produire. Le dispositif sécuritaire est impressionnant et on a du mal à croire qu’il ne s’agit que de sport.
A 23 heures, à la sortie de la Salle Pleyel, le bobo enchanté par son concert se retrouve tristement confronté à la déplorable réalité de la baballe. Il comprend rapidement que la France a elle-aussi gagné son match : des voitures tous avertisseurs déclenchés convergent vers les Champs Elysées au milieu des hurlements de fans déjà avinés drapés dans des drapeaux français. Il est temps de fuir le VIIIème arrondissement.
Le plus inquiétant dans cette affaire est que le Maroc doit affronter la France dans un nouveau match mercredi prochain ! Quelle que soit l’issue de cette confrontation de la baballe, l’effet va être détonnant pour la liberté de circuler des citoyens ordinaires et la dévastation du mobilier urbain et autres incivilités qui devraient en résulter.
Une nouvelle fois on constate l’état de délabrement mental accéléré dans lequel le fouteballe plonge ses amateurs et l’emprise dans laquelle il maintient même les plus raisonnables d’entre eux. Dans le cas d’espèce, le statut du Maroc qui fut un protectorat français explique la présence d’une nombreuse communauté marocaine ou d’origine marocaine dans l’hexagone, plus ou moins influencée par le gloubi-boulga « décolonialiste » servi par une intelligentsia en mal de pénitence. Un match Maroc-France mercredi prochain dans un tel contexte est la plus mauvaise nouvelle qui puisse advenir en ce qu’elle va charrier revendications et dévastation, qui que soit le vainqueur. Les contribuables qui déjà finance l’équipe de France de foute et ses frais annexes, les forces de l’ordre qu’il est maintenant indispensable de déployer à chaque compétition fouteballistique, vont également payer pour la remise en état après les émeutes générés par des matchs de baballe se déroulant à 3 000 km de chez eux. C’est la mondialisation du fouteballe !
Aux dernières nouvelles il n’y a pas eu d’émeutes ni au Qatar ni au Maroc à la suite de ces matchs.
Deux musiciens se retrouvent en Normandie. L’un, Pete Doherty, enfant terrible du rock britannique (The Libertines, Babyshambles) est venu s’y apaiser auprès de son épouse française qui y habite, l’autre, Frédéric Lo, français, est moins connu mais a collaboré comme compositeur-arrangeur-producteur avec différents rockers français, dont Daniel Darc, ex-Taxi Girl qui mena ensuite une carrière solo guidée par Lo.
Ces deux-là se rencontrent un peu par hasard car Lo désire faire participer Doherty à un hommage à Darc décédé en 2013 au terme d’une vie très bousculée de 53 courtes années. Du coup nos deux larrons vont se plaire et poursuivre une fructueuse collaboration ; les textes pour Pete qui retrouve le plaisir d’écrire et Frédéric à qui on ne la fait pas pour créer des mélodies poppy-mélancoliques pleines de douceur et de subtilité. Et les voici embarqués dans la magnifique maison normande figurant sur la couverture de l’album pour quelques semaines de création qui aboutiront à la sortie du CD The Fantasy Life of Poetry & Crime (voir le très joli documentaire tourné par Arte sur l’enregistrement : Peter Doherty & Frédéric Lo – The Fantasy Life of Poetry and Crime – @arteconcert disponible sur Youtube). C’est la touchante surprise de cette année 2022 qui se termine par une tournée du duo épaulé aux claviers par Mme. Doherty ainsi que par une violoniste et… les deux chiens de Pete.
Après un premier show au Trianon, les revoici Salle Pleyel pour cette fin d’année ! Doherty a pris beaucoup de poids, il se dit que la lutte contre ses addictions se déroule difficilement ce qui laisse quelques traces sur son physique. Débraillé dans un costume avachi, il promène sa bonne bouille au bout de son micro. Voix enfantine sous une chevelure ébouriffée, il n’a rien perdu de sa capacité à émouvoir d’autant plus qu’il s’exprime dans une ambiance folk et non plus couvert par le feu de l’électricité. Lo est élégant et tout en noir, sous un chapeau de même couleur qu’il ne quittera pas de la soirée, accroché à une guitare folk qui accompagne si bien la voix poétique de son comparse. Les deux chiens jouent tranquillement sur la scène, pas impressionnés du tout par la sono qui reste malgré tout d’un volume modéré. Lors des shows précédents de Doherty c’étaient deux ou trois danseuses qui faisaient une apparition, c’est ainsi, Pete a besoin de compagnie et aussi de montrer qu’il continue, un peu, à s’affranchir des règles.
En tout cas, s’il y a des règles qui sont magnifiquement respectées ce sont celles de l’harmonie et de la poésie qui insufflent à ce concert un romantisme désarmant. Les thèmes sont les sujets familiers qui hantent Doherty, la perte des siens, la drogue, la vie qui passe…
Sur Abe Wassenstein un hommage à un ami disparu :
He lived on a rock and you know he died upon a road You know he died upon a roll I sit and stare I say a prayer It’s a kind of, it’s a kind of prayer for a friend of mine He was a friend you know he was a friend He was a friend, friend of mine
Sur The Monster, une référence à sa lutte contre les drogues :
But the monster’s there for me And I have no doubt that when I go out lad the monster adores me Stand and deliver it felt so right The Lord knows « La vie est tendre, belle et violente »
Sur la rédemption après tant d’errements, Yes I wear a Mask
I sing the sweetest saddest song The sweetest saddest song To cloud all of my wrongs Confuse all of my wrongs
It’s lovely to be free my friend in-style Sometimes to right all of my wrongs Occcasionally Occasionnally I scale the highest peak I find the peace I seek
Yes I wear a mask my friend inside Outside to hide all of my crimes The sweetest saddest song I sing thе sweetest saddest song
La roue qui tourne avec The Glassblower :
Wine like a siren threads Between the lives I’ve led Wind swims in my naked hеad With my legs in the air My veil is two cеnturies long I sing forgotten songs amongst the sarees and sarongs There in is my lair
La musique est douce et enveloppe tous ces titres introspectifs exactement comme il le faut, transformant en mélodie la mélancolie d’une vie brûlée par les deux bouts. Pour la première fois ce n’est pas lui qui l’a écrite et il s’est laissé guidé dans cette collaboration douce avec Frédéric Lo. Quelle chance que Pete Doherty puisse mener ce parcours solo dans lequel il semble retrouver une once de sérénité, un soupçon d’apaisement, et qui l’oriente vers une nouvelle voie musicale qui berce notre esprit et nos âmes.
Au bout d’une heure, tout le nouveau répertoire est joué alors le groupe revient sur quelques morceaux du premier et merveilleux album solo Grace/Wastelands, ainsi que sur une reprise de Daniel Darc : Inutile et hors d’usage, et une chanson écrite par Lo : Cet obscur objet du désir chantée par lui et dont le refrain est repris en français par eux deux. Superbe et majestueux !
Setist : Rock & Roll Alchemy/ The Epidemiologist/ You Can’t Keep It From Me Forever/ Yes I Wear a Mask/ The Fantasy Life of Poetry & Crime/ The Monster/ Invictus/ The Glassblower/ Keeping Me on File/ Abe Wassenstein/ Far From the Madding Crowd/ Half a Person/ Inutile et hors d’usage/ Cet obscur objet du désir/ Arcady/ Salome
Maya est la fille que Picasso eut en 1935 avec Marie-Thérèse Walker. Abordée par hasard à la sortie d’un grand magasin il lui annonce : « Bonjour, je suis Picasso, nous allons faire de grandes choses ensemble. » Durant dix années elle deviendra la muse et le modèle du Maître, avant que Dora Maar ne vienne jeter le trouble dans ce couple créatif. Ils auront une fille, Maya, que Picasso a représentée enfant sur des peintures et des dessins à de très nombreuses reprises.
Certains de ces tableaux font partie d’une dation acceptée par l’Etat en paiement des droits de succession de Maya et sont exposés ici avec d’autres pièces de la collection personnelle de Picasso. Maya sous toutes ses formes au rez-de-chaussée, la relation de Maya avec son père au premier et une plongée dans la résidence de l’artiste sur les hauts de Cannes au troisième.
Le premier étage est intéressant et détaille la relation fusionnelle entretenue par l’artiste avec sa fille durant sa jeunesse. Ses cahiers d’écolières sont exposés dans lesquels Pablo dessinait pour lui enseigner les bases, ainsi que les multiples photos de l’enfant en famille, des extraits de Clouzot tournant le film « Le mystère Picasso » en 1955 pour lequel Picasso exigea que Maya, 20 ans, soit l’assistante du réalisateur. Et puis la rupture alors que Maya veut prendre son indépendance. Ils ne se reverront plus jusqu’à la mort de l’artiste. Ce que ne dit pas l’exposition c’est que Marie-Thérèse, la mère de Maya se suicidera par pendaison quatre années après la mort de l’artiste. Pas facile de vivre dans l’environnement d’un génie.
Les combles restaurés du musée sont consacrés à « La Californie », la somptueuse demeure acquise par l’artiste au-dessus de Cannes où il s’installe en 1955 dans une frénésie créatrice en compagnie de sa dernière femme, Jaqueline Roque, avant de migrer en 1961 à Mougins où il finira ses jours en 1973. Cette période est très documentée avec nombre films et photographies qui sont exposés dans ce musée parisien et plonge le visiteur dans l’environnement créatif de Pablo Picasso.
Un détour par le musée Picasso s’impose avant que l’exposition « Maya » ne prenne fin le 31 décembre de cette année.
Le deuxième étage expose les œuvres de Farah Atassi, inspirée par le cubisme picassien rendu ici sur de grandes toiles aux dessins géométriques de joyeux paysages de bords de mer aux couleurs pastel.
Un petit zapping en soirée sur les chaînes détenues par l’homme d’affaires Vincent Bolloré permet de constater que la « ligne éditoriale » ne varie guère.
Sur CNEWS on regarde la Messe de l’Immaculée conception de la Vierge Marie à Cotignac, dite par un prêtre « issu de la diversité », ce qui ne manque pas de sel s’agissant d’une chaîne dont une bonne part du fonds de commerce est basée sur la critique de l’immigration. Sans doute considère-t-elle que l’Eglise est un « secteur en tension » nécessitant l’assouplissement de son dogme « immigration 0 ».
Sur C8 on voit dans l’émission menée par Cyril Hanouna une gamine, qui commence toutes ses phrases par « genre… » ou « j’étais en mode… » (ou encore « genre, j’étais en mode… »), expliquer comment à 14 ans elle envoyait des photos d’elle nue avec un « Youtuber » qu’elle accuse désormais de l’avoir mise sous emprise. Pour ceux qui l’ignore, rappelons qu’un « Youtuber », encore appelé « influenceur », est une personne qui diffuse des vidéos d’elle-même sur la plate-forme Youtube pour vanter les mérites d’une marque de vernis à ongles ou de shampoing. Elle est généralement rémunérée par lesdites marques et, pour les plus riches, installée à Dubaï, centre mondial du clinquant.
On se souvient de la légendaire intervention de Nabilla qui assurait la promotion de la cryptomonnaie bitcoin : Nabilla et le bitcoin.
Afin de poursuivre sa progression, M. Hanouna a enrichi son équipe de commentateurs avec Jean-Marie Bigard, humoriste scatologique qui s’est illustré avec ses positions antivax durant la crise sanitaire de la Covid.
On se demande comment la famille Bolloré qui a démontré son intelligence et son efficacité dans le développement de ses affaires peut faire preuve d’une telle compromission dans des médias d’un si déplorable niveau ? Ce n’est sans doute pas par intérêt économique car ces médias sont généralement des gouffres financiers. Il s’agit probablement plus d’une question d’hubris pour la famille bretonne comme celui d’autres familles capitalistes françaises qui ont toutes acquis, ou pris des participations dans des médias : les Arnault (notamment Les Echos et Le Parisien), Pinault (Le Point et Point de vue), Dassault (Le Figaro), Drahi (Libération, BFM, RMC, L’Express), Niel (Télérama, La Vie, Nice Matin, Le Monde), Bouygues (TF1), etc. Alors que beaucoup ont investi dans les médias pour disposer d’un vecteur diffusant leur vision politique du monde (par exemple Dassault a acheté Le Figaro, journal « de droite », pas Libération, quotidien « de gauche »), la spécificité des Bolloré est d’avoir misé sur des médias abrutissant les masses. Elles sont effectivement un marché d’avenir mais quel plaisir cette famille peut-elle avoir de savoir que les animateurs qu’elle rémunère se vautrent dans la fange sans la moindre retenue ? C’est un mystère propre aux Bolloré. Un premier élément de réponse serait de savoir s’ils laissent leurs jeunes enfants regarder Hanouna le soir ?
Christine McVie est décédée à 79 ans ce 30 novembre. Elle fut chanteuse et claviériste du groupe Fleetwood Mac et épouse de John McVie le bassiste historique du groupe britannico-américain. Créé en 1967 le groupe a rencontré un franc succès avec Rumours, sorti en 1977 et vendu à 40 millions d’exemplaire. Avec Stevie Nicks, américaine, elle formait le duo blond de charme épaulant une solide équipe de guitaristes masculins dans cette musique blues-rock, à la fois percutante et parfois romantique.
Une très belle et très sensible histoire de destins croisés autour de la musique et d’un violon : un gamin japonais voit son père violoniste arrêté en 1938 par les soldats de l’empereur menés par un officier amateur de musique qui va sauver l’enfant. Deux générations plus tard, en France, l’enfant japonais devenu un vieux luthier installé à Paris, retrouve la petite-fille de l’officier japonais, devenue elle-même une violoniste de talent. Ensemble ils retrouvent les petits cailloux de leurs histoires semés par leurs ancêtres au cœur d’une époque violente et tragique.
Mizubayashi, né en 1951, est un écrivain francophone et francophile. Il a rédigé ce roman musical en français et exprime tout en douceur l’imbrication de la musique et des sentiments de ses personnages. Le roman tourne autour du quatuor Rosamunde de Schubert et du concerto pour violon d’Alban Berg « A la mémoire d’un ange » que le lecteur se précipite pour écouter religieusement, dès le livre refermé.
Fernande Olivier (1881-1966) fut l’une des premières inspiratrices (et amantes) du jeune peintre Pablo Picasso (1881-1973). Violée et épousée de force à 16 ans elle fuit son sort et se retrouve dans le petit monde artistique de Montmartre qui bouillonne de créativité et de grands hommes en devenir. Elle sert de modèle aux peintres naissants du Bateau Lavoir puis s’installe chez Picasso avec qui elle vit durant huit ans. En pleine « période rose » le Maître réalisera moulte portraits de son inspiratrice. Après sa rupture avec Picasso elle s’essaie à la peinture, certaines œuvres sont exposées dans le musée, et à l’écriture. Elle publie « Picasso et ses amis » en 1933 préfacé de Léautaud, son journal intime posthume sort en 1988.
Le musée retrace la période vécue par Fernande à Montmartre et l’atmosphère foisonnante d’une époque révolue. Des citations de ses écrits sont affichées sur les murs. Elle a du talent mais ses ouvrages sont épuisés. Dommage car ses écrits intimes en disent long sur les acteurs cette période.
Une visite au Palais de Tokyo est souvent un évènement improbable offrant des sensations variées. Au milieu de salles d’exposition dont on se demande toujours si elles sont en travaux ou dans leur décoration définitive, on regarde des « installations » mystérieuses, souvent incompréhensibles.
Des artistes exposés aujourd’hui, le plus abordable semble le français Cyprien Gaillard (né en 1980) dont les vidéos projetées sur grand écran sont intéressantes mêlant une inspiration urbaine sur le temps qui passe. Le film sur un vol de perruches vertes « à collier » sur fond de façades d’immeubles en Allemagne est frappant, diffusé sur un écran gigantesque de quatre mètres de haut sur une vingtaine de long, il illustre l’invasion de ces oiseaux tropicaux, importés en Europe par accident, qui se sont si bien adaptés à nos villes au climat tempéré. Ils sont désormais familiers de leurs habitants et offrent le magnifique et bruyant spectacle de leurs vols en armadas tout en s’avérant probablement dévastateurs pour la biodiversité. Le beau détruit le bien…
Plus obscures apparaissent les installations de Guillaume Leblon, Minia Biabiany, Miguel Gomes.