Devant la situation très dégradée des finances publiques que l’on semble découvrir en cette fin d’année 2024, la commission des finances du sénat a créé une « mission d’information relative à la dégradation des finances publiques » dans le cadre de laquelle défilent les anciens ministres qui étaient en charge des affaires du pays jusqu’à ce mois de septembre. Avec une mauvaise foi impressionnante ils expliquent qu’ils ne sont ni coupables ni responsables du déficit 2024 qui devrait dépasser les 6% du produit intérieur brut (PIB), contre 4,4% prévus dans le projet de loi de finances initial, et ont plutôt tendance à charger leurs successeurs. Lex-ministre des finances Bruno Le Maire donne sa version des faits :
Quand on me dit que le déficit en 2024 sera à 6,1 %, c’est le choix du gouvernement actuel. Et j’apporterai toutes les preuves que nous pourrions avoir en 2024, avec des mesures de redressement plus rigoureuses, un déficit autour de 5,5 %. Je conteste donc formellement ce chiffre de 6,1 %
Bruno Le Maire au sénat (07/11/2024)
Quant à l’ex-premier ministre Gabriel Attal, il affirme avoir pris « des décisions fortes » en gelant des dépenses dès que les premières alertes sont apparues sur le faible niveau des recettes réelles 2024 par rapport aux prévisions.
Bref, « c’est pas moi c’est l’autre ! », c’est du niveau cour d’école. On se demande ce qui pousse ces responsables à fuir leur… responsabilité. Certes M. Le Maire n’a sans doute pas tout à fait tort lorsqu’il explique que le nouveau gouvernement a dû charger la barque du déficit 2024 puisque celui-ci relève de l’ancienne gestion pour au moins les neuf premiers mois de l’année. C’est une attitude assez classique, y compris en entreprise lors de changement de management. Mais cela ne joue qu’à la marge. Le déficit est bien le fruit de décisions de dépenses sans commune mesure avec la réalité des recettes. Mais tout n’est pas négatif dans cette situation puisque ces fonds dépensés en sus des recettes sont bien allés dans l’économie et la poche de nombreuses catégories de citoyens. Les bénéficiaires vont s’en apercevoir avec le reflux qui s’annonce.
Simplement ce n’est plus possible de poursuivre sur cette tendance, c’est une simple question de bon sens et le réveil va être douloureux, y compris pour le président de la République et ses anciens ministres qui ne pourront pas échapper encore longtemps à leurs responsabilités dans ce naufrage financier malgré les dénégations puériles de ceux qui détenaient les cordons de la bourse.
Visionner quelques interventions ministérielles au sénat
Les présidents du sénat et de l’assemblée nationale sont partis en Nouvelle-Calédonie pour y mener une « mission parlementaire de concertation et de reprise du dialogue ». Pas sûr que ce soit la voie la plus rapide vers la décolonisation et l’indépendance que ce territoire mérite le plus rapidement possible. C’est en revanche le chemin le plus sûr pour engager de nouvelles dépenses publiques en faveur de l’archipel qui a été dévasté par des semaines d’émeutes, pas complètement terminées d’ailleurs.
Le film a reçu la palme d’or du festival de Cannes 2024, l’histoire d’une danseuse gogo, Anora, dite Ani, baragouinant un peu le russe du fait de ses ascendances, prestant ses services dans une boîte de striptease des quartiers russes de New York. Elle y rencontre un fils-à-papa russe, Ivan, dont la seule activité semble être de dépenser sans limite les sous accumulés par son père oligarque resté à Moscou mais qui a délégué une bande de pieds-nickelés arméniens pour surveiller le jeune fiston livré à lui-même et à ses dollars probablement pas très bien acquis.
Ivan fait d’Ani son escort de luxe. Entre deux soirées bling-bling et trois rails de cocaïne, ils déboulent à Las Vegas en jet privé et s’y marient sur un coup de tête. La nouvelle atteint Moscou d’où l’oligarque et sa harpie de femme slave aux yeux bleus déboulent à New York dans un autre jet privé afin de démarier les tourtereaux. Il ne saurait être question que le fils de famille reste uni avec une « prostituée ». Il s’en suit des scènes rocambolesques dignes de Tarentino, les flots de sang en moins.
Le film est plutôt drôle pour traiter des sujets graves : prostitution à New York et décadence russe. Pas sûr qu’il était nécessaire de lui délivrer une palme à Cannes.
Ce roman fleuve (700 pages) de l’écrivain américain Henry James (1843-1916) emmène le lecteur sur la trace des pérégrinations d’une jeune femme américaine, Isabel Archer, venue visiter l’Europe, et tout spécialement la vieille Angleterre, pour y assouvir sa soif de liberté et son besoin de découverte du vaste monde. Nous sommes à la fin des années 1870 et, à l’initiative de sa tante, elle quitte alors son milieu bostonien aisé et se retrouve dans le vaste domaine près de Londres où réside sa tante, mariée avec américain riche banquier à la City.
Elle fait la connaissance de son cousin Ralph, tuberculeux, avec qui elle établit une relation affectueuse et elle rencontre aussi nombre de prétendants dont elle repousse les propositions de mariage, préférant préserver sa liberté. A force de se dire que le prochain homme à séduire sera meilleur que celui qui se jette actuellement à ses pieds, elle laisse peut-être passer l’occasion irrattrapable, qui sait ? Mais tout lui semble permis, elle est née sous une bonne étoile et les hommes éconduits restent en pamoison et Isabel éprouve toujours la même « jouissance à exercer son pouvoir ».
Finalement, après moulte voyages, sur les conseils de son amie Mme. Merle, elle consent à épouser un américain, Gilbert Osmond, installé à Florence avec sa fille Pansy. Cette union se révèle rapidement un échec et Isabel se retrouve enfermée psychologiquement par un mari qui ne l’aime pas. Elle ne sait plus comment en sortir, tiraillée entre son sens du devoir conjugal (nous sommes à la fin du XIXe siècle) et son besoin de liberté. Devant cette situation elle tente de garder la tête haute et, surtout, de ne pas avouer sa désillusion. Jouant de son pouvoir de séduction qui la rend sûre d’elle, croyant user de ses charmes pour avoir les hommes à ses pieds, elle découvre en fait qu’elle a été manipulée par Mme. Merle qui l’a poussée dans les bras de ce mari inapproprié.
La fin est douloureuse mais ouverte sur l’espoir : Ralph meurt de sa tuberculose, à son chevet Isabel comprend l’intensité de l’amour qu’il lui portait et la discrétion qu’il manifestât sur son union avec Osmond sur laquelle il avait les plus extrêmes réserves. On comprend qu’Isabel retourne ensuite en Italie au domicile conjugal mais on se prend à espérer que c’est pour rompre son mariage et retrouver ainsi sa liberté. Mais comme le lui dit un jour son cousin :
Les femmes, lorsqu’elles sont très très bonnes, s’apitoient parfois sur les hommes qu’elles ont blessés ; c’est leur grande façon de témoigner leur bonté.
Ce roman est un délice dans l’analyse de personnalités aussi différentes qu’attachantes. Nous sommes dans un milieu où personne ne travaille, tout le monde vivant sur des rentes plus ou moins généreuses. Que ce soit en Angleterre ou aux Etats-Unis, tous ont suivi des études supérieures et une éducation bourgeoise, aristocratique pour certains. Les conversations entre eux sont sophistiquées et le narrateur les restituent avec humour, ajoutant parfois ses propres commentaires aux situations qu’il décrit. L’attrait de la jeune américaine pour l’ancien monde est sincère, à l’époque l’ancienne puissance coloniale de l’Amérique fascine encore la nouvelle Amérique. Sa passion pour la liberté et son indépendance vont néanmoins abdiquer, au moins provisoirement quand elle épouse Osmond.
Arrivée suffragette elle devient femme soumise. Pas facile de faire bouger les conventions empesées d’une société patriarcale. Il faudra d’ailleurs encore un siècle, et même un peu plus, pour que cette envie de liberté ne connaisse un début de satisfaction.
James, est né en Amérique mais a longtemps vécu en Europe. Il a obtenu la nationalité britannique et est mort à Londres. Il décrit à merveille l’opposition entre l’optimisme naïf mais entreprenant du Nouveau Monde face aux traditions tendant parfois à l’immobilisme de la vieille Europe. Il connaît parfaitement les Anglais dont il restitue le cynisme élégant dans la bouche de ses principaux personnages. C’est le chemin vers la décadence d’un continent qui connaîtra bientôt son apogée avec la guerre dévastatrice de 1914-1918. Henry James n’en verra pas l’issue, il est mort en 1916. Une issue raisonnable qui fut accélérée par l’intervention des Etats-Unis d’Amérique venus au secours de ce vieux continent qui fascinait tellement Isabel.
Avez-vous remarqué combien sont nombreuses les personnes de votre connaissance s’informant exclusivement « sur les réseaux sociaux » ? Il y en a beaucoup, même au sein de populations qui ont les moyens financiers et intellectuels de s’abonner à un ou des vrais journaux écrits (en ligne ou sur papier, voire sur les deux supports) par de vrais journalistes ? Ces personnes cèdent au mirage du « gratuit » et à l’illusion de l’information alors que, le plus souvent, elles accèdent, au mieux, à de la publicité, au pire, à de la propagande.
Les écrans de smartphones, tablettes ou ordinateurs sont livrés avec des applications natives dont les algorithmes harcèlent leurs propriétaires en leur sélectionnant des « informations » de quelques lignes sur des sujets qui collent aux « préférences » de leurs lecteurs grâce à la magie de l’algorithme. Il s’agit le plus souvent de nouvelles relevant de journaux pipole ou sportifs. On peut généralement s’en défaire en déconnectant toutes les notifications des applications livrées avec l’écran, ou celles que l’on télécharge ultérieurement, mais la plupart des utilisateurs ignorent comment faire, ou ne prennent pas les cinq minutes nécessaires pour comprendre comment procéder à cette déconnection. C’est d’ailleurs la première victoire de ces diffuseurs « d’information » : leur caractère intrusif est accepté par leurs cibles.
Alors les notifications pleuvent sur les écrans comme à Gravelotte et les cibles se laissent séduire en les lisant. Ils tombent sur les « pensées » de Cyrille Hanouna ou des méthodes pour perdre du poids. L’objectif de ces notifications est de faire en sorte que ceux qui les reçoivent cliquent sur un lien, faisant ainsi tourner l’économie Internet tout en décérébrant les utilisateurs qui ne choisissent plus ce qu’ils souhaitent lire, laissant les algorithmes commerciaux en décider pour eux. Il y a donc une espèce de double peine : le niveau consternant des publications disponibles et le choix de celles-ci réalisé par la machine et non plus par le lecteur.
Pour ceux dont l’ordinateur est équipé de Windows, le gloubi-boulga informatif servi de façon contraignante lorsqu’on clique sur le bouton en bas à gauche de la barre des tâches, en est une excellente illustration.
Sur ce panneau Microsoft chaque « tuile » est en réalité un lien URL menant sur le site commercial du fournisseur de « l’information ». Certes, les sources commerciales de ces « tuiles » sont plus ou moins paramétrables mais il est impossible à l’utilisateur de Windows de faire disparaître le panneau. Il apparaît par défaut et s’impose à tous, sauf, peut-être à avoir des capacités de développeur.
Le stade suivant de l’abrutissement des masses est l’abonnement aux pages animées par des « influenceuses » à forte poitrine, et déficience de neurones actifs, sur les réseaux dits « sociaux ». Nabilla (photo) a 9,3 millions d’abonnés à son compte Instagram (14% de la population française) et 2,7 millions sur son compte X (ex-Twitter). La nature de ses publications mérite le détour pour prendre conscience de l’étendue du désastre. Dans une publication en 2018 sur Twitter restée célèbre Nabilla vantait les mérites du bitcoin « grave en train de se développer ». L’Autorité des marchés financiers (AMF) avait dû publier un contre-communiqué pour avertir des risques que présente un investissement en cryptomonnaie. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
L’étape ultime est l’utilisation de ces réseaux dits « sociaux » pour des objectifs de propagande politique. C’est beaucoup plus pernicieux compte tenu de la paresse intellectuelle des cibles qui prennent le plus souvent pour argent comptant ce qu’ils lisent. Les dictatures en lutte contre l’Occident usent et abusent de leurs multiples comptes sur les réseaux dits « sociaux » pour mener le travail de sape des sociétés de l’Ouest, complémentaire des guerres idéologiques et, parfois, militaires menées sur le terrain. C’est la version 2.0 de « l’agit-prop » (agitation et propagande) chère aux mouvements gauchistes des années 1960 (maoïstes, trotskystes, communistes…) qui en firent leur miel pour essayer de faire tomber la société libérale. Cette nouvelle version est bien plus efficace car touchant facilement des millions de personnes et ne nécessitant pas de violence physique, au moins dans un premier temps.
Alors désormais dans les dîners en ville nombre de convives assènent comme des vérités des publications collectées au hasard des réseaux dits « sociaux » ou des notifications intempestives de leurs téléphones qualifiés de « smart ». Pendant ce temps, la presse se meurt, ou est rachetée par de grands groupes industriels qui l’utilisent pour diffuser leurs idées, mais encore le font-ils via des journalistes professionnels respectant un minimum d’éthique.
L’Occident qualifié de « collectif » par le « Sud global » a inventé ces outils numériques qui aujourd’hui sont en partie utilisés contre lui. Outils de marketing et de propagande, ils aboutissent aussi à l’abrutissement des masses ce qui n’est jamais de bon augure. Mais ce ne sont que des outils et, pour rester optimistes, il suffit de les utiliser autrement pour rendre leurs effets plus positifs. En attendant, un simple abonnement à un journal en ligne qui vaut 10 EUR/mois permettrait d’asséner moins d’inepties dans les dîners en ville.
Installé dans son TGV Inouï, le voyageur recherche tranquillement le Wi-Fi de la SNCF pour y connecter son téléphone mobile. Du coup les identifiants de téléphones des passagers dont le Wi-Fi est activé apparaissent sur son écran. Le plus souvent anonymes, l’un d’eux est personnalisé de façon un peu voyante : « Si tu votes RN t’es un GROS NAZE » affiche cet identifiant. Le voyageur cherche des yeux si les députés Sébastien Delogu ou Thomas Portes seraient dans le wagon. Mais non, il doit s’agir seulement de l’un de leurs admirateurs.
En Géorgie (4 millions d’habitants) ce week-end les électeurs ont donné une majorité de 53% au parti prorusse Rêve géorgien laissant un peu dépités les minoritaires plutôt proeuropéens.
En Moldavie (3 millions d’habitants) le week-end dernier, un référendum sur l’Union européenne (UE) a abouti à une courte majorité en faveur de l’adhésion de 50,43%.
Dans les deux pays la tradition démocratique est assez récente et on peut facilement imaginer que le processus électoral n’a pas été d’une parfaite objectivité. L’influence russe est aussi évidente, en Géorgie comme en Moldavie qui toutes deux, non seulement partagent une frontière avec la Russie mais ont une partie de leur territoire occupé par la Russie. Ces deux pays firent partie de l’Union soviétique et Moscou voit d’un mauvais œil leur éventuel rapprochement avec l’UE. C’est pour rappeler fermement sa position que Moscou a déployé son armée dans deux provinces de Géorgie par suite de la guerre éclair de 2008 et n’a jamais lâché son occupation de la Transnistrie depuis son intervention militaire dans cette partie de la Moldavie en 1992.
Comme l’Ukraine, ces deux ex-Républiques soviétiques restent tiraillées entre l’Est et l’Ouest. Même si ces élections ont sans doute été entachées de fraude celle-ci n’a certainement pas fondamentalement changé le fait que les populations sont sérieusement divisées sur le sujet et quelle que soit l’orientation qui sera prise par ces pays elle montera la moitié de la population contre l’autre.
L’UE peut aussi se poser légitimement la question de son intérêt à intégrer un jour ces pays comme le souhaite une partie de leurs peuples. Mis à part une espèce de victoire « morale » sur la Russie qui a succédé à l’ennemi soviétique, l’adhésion de la Moldavie et de la Géorgie est une mine de difficultés (et de coûts substantiels) à venir. Faire adhérer des pays occupés par une armée étrangère est déjà arrivé avec l’intégration en 2003 de Chypre occupée par la Turquie. Est-ce une raison pour renouveler l’erreur qui est d’ailleurs en contradiction avec les règles de l’Union qui requièrent des « institutions stables » avant l’adhésion ? Difficile de plaider la stabilité quand des pays sont occupés par la Russie. Au-delà, les intérêts européens commerciaux, industriels ou financiers que rapporteraient leur adhésion sont difficiles à identifier.
Malgré tout l’UE, plus diplomatique que pragmatique, ne sait pas dire non et dès qu’un pays fait mine de se diriger vers elle, bonne mère, elle lui ouvre les bras et ses poches, négligeant ses propres intérêts le cas échéant. Et c’est ainsi que l’UE a attribué le statut de candidat à la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine avant donc de l’octroyer récemment à l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Il suffit d’imaginer demain la table du conseil européen avec les 27 pays actuels plus les 8 candidats pour avoir au mieux, une vision d’un blocage institutionnel total, et, au pire, une idée de l’enfer politique sur terre.
Il est sans doute trop tard pour inverser le mouvement avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie à qui le statut de candidat a été accordé en 2023 et, pour les deux premiers, avec qui les négociations ont officiellement démarré le 25 juin dernier. Mais pour les quatre autres (dont la Serbie prorusse, ennemie affichée de la Croatie, sans parler du Kosovo qui n’est pas encore candidat) il n’est pas sûr que leur désir d’adhésion soit tellement partagé par les populations locales et, même s’il l’était, faut-il quand même envisager les négociations ? Celles-ci ne sont pas forcé d’aboutir favorablement, le cas de la Turquie est là pour le confirmer, mais généralement, une fois engagées elles débouchent quasi mécaniquement sur l’adhésion. Pour Chypre par exemple où une « ligne rouge » de la résolution de conflit avec la Turquie avait été posée par l’UE, cette réserve de bon sens a finalement été balayée devant la faiblesse des diplomates. La Grèce qui avait bien évidement annoncé son veto a finalement été poussée à le lever et Chypre est entrée dans l’UE en 2003 avec… la moitié de son territoire occupé par la Turquie qui a créé la République turque de Chypre du Nord (RTCN). Vous remplacez Turquie par Russie et vous avez une situation très similaire avec la Géorgie et la Moldavie. Il est à craindre que les choses se terminent de la même façon, c’est-à-dire de manière défavorable aux intérêts de l’Union européenne.
L’importation du chaos au sein de l’UE est une première victoire pour la Russie. Même si sa conquête de l’Ukraine est poussive et ne concernera probablement que le Dombass, l’adhésion de l’Ukraine résiduelle sera néfaste pour l’Europe ce dont ne pourra que se réjouir le « Sud global ». Compte tenu de la guerre en cours entre Russie et Ukraine on voit mal comment les pays-membres actuels pourraient s’opposer à l’adhésion. Les obstacles structurels qui ne manqueront pas de se présenter seront probablement balayés pour des « raisons politiques ».
L’article 88.5 de la constitution française stipule :
Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République.
Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89.
[cet article n’est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004]
Le moment venu, et si cet article n’est pas modifié d’ici là, le peuple, par référendum, ou le parlement, à la majorité des trois-cinquièmes, devront valider une éventuelle adhésion de l’Ukraine, comme celles de tous les autres candidats. L’UE imposant pour le moment l’unanimité pour approuver l’adhésion, en théorie le peuple français, ou ses représentants, pourraient s’y opposer.
Il sera intéressant de voir comment ces adhésions seront soumises à l’article 88.5 et les réponses qui seront apportées à ces projets d’adhésion !
Avec une mauvaise foi qui force l’admiration et une langue de bois en chêne massif les dirigeants et élus français se chamaillent comme des chiffonniers sur le sujet pourtant sérieux des finances publiques du pays qui filent un mauvais coton. Le budget de la France est déficitaire depuis 1974, la conséquence logique est un accroissement de la dette publique qui pèse sur les générations futures puisque pour financer ces déficits structurels il a bien fallu trouver des sous. L’exercice commence à trouver ses limites et Paris se retrouve une nouvelle fois dans l’obligation de réduire le déficit de ses finances publiques qui devraient atteindre 6,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année, avec l’objectif de le ramener à 5% en 2025, objectif qui restera très probablement hors de portée. C’est la énième crise financière que rencontre le pays qui n’a pas voulu remettre en cause les modes de fonctionnement de l’Etat depuis l’instauration de la Ve République en 1958. Comme à chaque fois les prêteurs, nationaux et étrangers, ont continué à prêter à l’Etat pour financer ses gabegies celui-ci a été fort peu incité à revoir la tendance permanente à la croissance des dépenses publiques et, surtout, de l’utilité et de l’efficacité de celles-ci. Nous sommes en France, la capacité d’anticipation et la volonté de réforme ne sont pas les premières qualités du pays, alors il faut attendre d’être au pied du mur pour réagir et cela se fait donc toujours dans la douleur.
Le projet de loi de finance (PLF) 2025 qui vient d’être remis à l’assemblée nationale par le gouvernement montre que si rien n’est fait le déficit monterait à 6,9% du PIB en 2025 du fait de sa simple inertie.
On est donc loin de l’austérité ou de la rigueur comme le vocifèrent à peu près toute la classe politique, de la droite à la gauche, ainsi que les syndicats bien entendu, les économistes d’obédience marxiste, Mme. Michu dans les radios-trottoirs d’une presse avide de sensationnel et très peu tournée vers les chiffres, et jusque dans les dîners en ville où les convives s’inquiètent de voir augmenter leurs impôts ou baisser les avantages de leurs niches fiscales et où l’intérêt général est un devenu un concept à peu près incompréhensible de tous.
En réalité, en 2025 les dépenses seront encore supérieures d’environ 130 à 140 milliards d’euros aux recettes. On a vu plus contraignant en matière de rigueur ! Sur un montant de dépenses de 490 Mds, le déficit « réduit » de 2025 représente tout de même 28% du montant de ces dépenses, ce qui veut dire que sur 100 EUR de dépenses l’Etat n’en collectera sur les contribuables que 72 et devra donc emprunter les 28 restants pour financer son fonctionnement.
Toute le monde s’accorde à peu près sur la réalité des chiffres. Chacun admet la nécessité de faire des économies mais chez les autres, justifiant par toutes sortes d’arguties que ce n’est pas possible dans son pré-carré. Les partis politiques assènent leurs recettes habituelles : à gauche on propose plutôt d’augmenter les impôts (« taxer les riches et les surprofits »), à droite on veut réduire les dépenses (sans y arriver) et au centre on fait un peu des deux. Des ministres de rencontre se répandent dans les médias pour menacer de démissionner si les budgets de leurs ministères baissent. Les tribunes se succèdent dans les journaux pour expliquer pourquoi il est inconcevable de baisser les crédits publics pour la recherche, pour la transition écologique, l’éducation, la santé et pour toutes sortes de sujets, qu’il ne faut pas avoir une « vision comptable » de la situation, et bla-bla-bla et bla-bla-bla. C’est l’habituel déchaînement des addicts à la dépense publique qui autojustifient les dérives ayant mené à la situation actuelle. Tous se retrouvent bien entendu pour accuser le président et ses gouvernements successifs de mauvaise gestion. En fait, les bénéficiaires de toutes ces dépenses in fine sont les citoyens eux-mêmes, nous tous, mais c’est l’ordonnateur des dépenses qui est cloué au pilori. Il ne faut pas culpabiliser « nos citoyens les plus fragiles »…
Il serait souhaitable d’appliquer une méthode assez classique en entreprise, celle du « BBZ » (budget base zéro) qui consiste non pas à établir un budget à partir de celui-ci de l’année précédente en faisant varier les lignes pour l’année nouvelle, mais repartir d’une feuille blanche où toutes les lignes sont remises à 0 pour se poser la question de celles qu’il convient de supprimer, celles qu’il faudrait éventuellement ajouter et, pour toutes, le niveau de dépenses nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. C’est assez radical mais hors de portée de nos élus pour le moment. Espérons que la France n’aura pas à affronter une situation de faillite comme celle de la Grèce en 2008 à qui les marchés financiers ont arrêté de prêter compte tenu du risque de non-remboursement. Les autres pays européens, donc leurs contribuables, s’étaient alors substitués aux marchés en échange d’un programme drastique d’assainissement de ses finances publiques imposé à Athènes, dans l’urgence, et la difficulté. La survie de la monnaie commune euro était en jeu.
Bien sûr la baisse des dépenses publiques, ou en tout cas le freinage de leur tendance à la hausse, et l’augmentation des impôts auront un effet récessif sur l’économie du pays et douloureux sur le train de vie des citoyens. L’argent dépensé en moins ne va donc pas se retrouver dans certaines poches de privés ou d’entreprises. Il sera donc soustrait à l’économie. Comme de bien entendu et par construction les moins favorisés souffriront plus que les riches, c’est du bon sens qui ne peut justifier la poursuite de la gabegie. Cette nouvelle crise devrait rendre incontournable un plan de redressement. Peut-être, comme lors des précédentes crises, la France s’en sortira par des demi-mesures, peut-être pas…
Aujourd’hui les simples intérêts payés aux prêteurs tangentent les 55 Mds annuels. C’est plus que le budget de la défense (50,5 dans le PLF 2025), à peine inférieur à celui de l’enseignement scolaire (64,5) et largement supérieur à celui de la recherche et de l’enseignement supérieur (31,1). Cette charge de la dette a vocation à continuer d’augmenter avec le niveau de la dette et celui des taux d’intérêt. Elle risque de devenir sous peu la première ligne budgétaire des finances publiques françaises.
Ainsi va la France depuis des décennies, refusant d’affronter la réalité « comptable » en espérant qu’une nouvelle fois elle passera à travers les gouttes de la mauvaise gestion publique en appliquant quelques cautères sur les jambes de bois de ses comptes. Ça peut marcher… ou pas !
Vous avez aimé le PLF 2025 de 490 Mds ? Vous allez adorer le PLFSS 2025 (PLF de la sécurité sociale – assurance maladie, vieillesse [les retraites], accidents et maladies du travail, famille, autonomie et solidarité vieillesse) de 660 Mds dont la discussion démarre lundi 28 octobre à l’assemblée nationale !
Le conseil des ministres malien a décidé d’une série de promotions de cinq galonnés, à commencer par le colonel Goïta, chef de l’Etat malien arrivé au pouvoir en 2021 via deux coups d’état militaires en 2021, nommé général d’armée sans passer par les grades intermédiaires.
Le musée Jaquemart-André rouvre après un an de travaux. Le visiteur ne voit d’ailleurs pas vraiment de changement par suite de cette rénovation qui devaient sans doute concerner plus la structure du bâtiment que son apparence comme intérieure. L’exposition de réouverture est le fruit d’un partenariat avec la Galerie Borghèse de Rome qui a prêté une quarantaine d’œuvres à Paris.
C’est l’occasion de retracer le parcours de Scipion Caffarelli-Borghese (1577-1633), cardial romain qui fit construire la fameuse Villa Borghèse devenue désormais un musée dans lequel est exposé la richissime collection accumulée par le cardinal grâce à sa fortune accumulée via les taxes papales. On plonge ici au cœur de l’art de la Renaissance sous toutes ses formes. Les visiteurs peuvent admirer une formidable galerie de portraits de Raphaël, Titien, Le Caravage, et même de Rubens et quelques peintres européens du Nord étant passés par Rome. Ce sont des hommes et femmes de pouvoir qui sont portraiturés : nobles, bourgeois ou artistes. Les visages de ces personnages sont le plus souvent représentés sur un fond sombre mettant en valeur la finesse de leur représentation et le choix subtil des couleurs. D’ailleurs les murs sur lesquels sont accrochés les tableaux répartis dans huit pièces sont aussi peint en couleurs foncées, on se croirait dans l’obscurité de Saint-Agostino devant un Caravage…
Evidemment les grandes sculptures présentes dans la Villa Borghèse ne peuvent pas être transportées en dehors de la Rome alors seuls quelques exemplaires des plus petites sont à Paris pour cette exposition dont une de Bernini.
C’est un peu de la magie de Rome qui a été transportée boulevard Haussmann !
Une production américaine avec ses biais habituels, notamment un peu de grandiloquence, mais un film qui a le grand mérite de faire porter le projecteur sur la photographe Lee Miller (1907-1977), une personnalité intéressante et émouvante qui a parcouru le XXe siècle et ses tragédies, dont elle ne s’est jamais vraiment remise, aggravées par ses propres drames qui ne sont à peine abordés dans le film dont son viol alors qu’elle était encore enfant.
Emigrée des Etats-Unis vers l’Europe en tant que mannequin, elle devient photographe, rencontre les surréalistes Picasso, Cocteau, Eluard et Nush (qui apparaissent dans le film), devient la collaboratrice et amante de Man Ray, puis le quitte, réalise des photos de mode, se substitue à Man Ray dans nombre pour de ses commandes, repart aux Etats-Unis, revient au Royaume-Uni lorsque la IIe guerre mondiale éclate. Elle fait l’impossible pour être reconnue comme reporter de guerre pour Vogue et avoir accès au front, accès qui était alors refusé aux femmes. Finalement elle est envoyée à l’été 1944 à Saint-Malo où les combat entre les alliés et les Allemands font encore rage. Elle va suivre l’armée américaine dans sa marche vers l’Est, photographier l’ouverture des camps de concentration de Dachau et Buchenwald en avril 1945 où elle découvre l’indicible. Ses photos des déportés, survivants et morts, sont tellement effrayantes que Vogue refusera de les publier au Royaume-Uni. Elles ne seront dévoilées que dans l’édition américaine de Vogue. Le jour où Hitler se suicide à Berlin, elle accède à la demeure privée du Führer à Munich et fait prendre par son collègue-amant de guerre une photo d’elle en train de se baigner dans la baignoire d’Hitler !
La suite est tout aussi tragique. Lee sombre dans l’alcool et ses dépressions se succèdent. En 1947 elle a un fils, Anthony, avec Roland Penrose dont elle partageait la vie à Londres en 1940. Elle continue son activité de photographe de façon intermittente. Après son décès en 1973 Anthony veille sur l’œuvre de sa mère (60 000 clichés). Selon le scénario il découvre ces photos après son décès et réalise le parcours suivi par sa mère au cœur de la barbarie européenne. Ces photos seraient restées relativement anonymes durant l’après-guerre jusque dans les années 1970, une époque durant laquelle il est vrai les horreurs de la guerre n’ont guère été révélées ni étudiées.
Un film dispensable sur une femme exceptionnelle qui a développé une énergie hors du commun pour rendre compte du choc de la guerre. Elle y laissé son âme. En quittant la salle de projection, les spectateurs s’interrogent sur les hasards du destin qui transforme une femme issue du milieu éphémère de la mode en une reporter de guerre restée un modèle pour toute une profession.
Hugues Krafft (1953-1935) est un bourgeois d’origine allemande, né à Reims, de familles (paternelle comme maternelle) richement dotées, qui consacra sa vie à parcourir le monde avec son appareil photo en bandoulière. Il en revint avec force écrits et matériels photographiques qu’il publie et présente à l’occasion de conférences géographiques. Homme du monde il acquiert l’hôtel Le Vergeur en 1910 qui sera très endommagé au cours de la guerre de 1914-1918 et qu’il s’attachera à reconstruire et que l’on visite aujourd’hui, au milieu des souvenirs de voyages menés sur la planète entière, avec un attrait particulier pour les origines extrême-orientales.
Février 1944 le Gal Eisenhower est nommé commandant de toutes les forces alliées destinées à l’invasion de l’Europe occupée par l’Allemagne. Le débarquement en Normandie a débuté le 6 juin 1944, après de sérieuses batailles en Normandie les troupes alliés ont progressé vers l’Est.
Février 1945, l’état-major allié « Supreme Headquarters Allied Expeditionnary Force – SHAEF » déplace son siège d’un château à l’ouest de Reims dans un lycée de la ville pour y diriger l’assaut final contre l’Allemagne. Les lycéens continuent à se rendre à leurs cours et croisent les militaires qui sont installés dans l’une des ailes du bâtiment. La présence du général à Reims Eisenhower est gardée secrète.
30 avril 1945, Hitler se suicide avec Eva Braun dans son bunker berlinois écrasé sous les bombes soviétiques. Conformément au testament du dictateur nazi, c’est l’amiral Dönitz qui lui succède à la tête d’un Reich moribond. Il se consacre immédiatement à la négociation de la reddition allemande. Compte tenu des circonstances, la reddition fut prononcée, et acceptée, « sans conditions ». Le 7 mai Dönitz signe un accord/instruction pour la reddition de toutes les forces allemandes adressé au Gal Eisenhower.
En 1977, il est décédé en 1980 en Allemagne après avoir été condamné à 10 ans de prison par le tribunal international de Nuremberg, il attestera de la validité de cette archive. Dans les premiers jours de mai Le Gal Jodl de l’état-major suprême allemand tente de négocier une reddition séparée avec les alliés et leur propose de poursuivre la guerre avec eux contre les soviétiques, il essuie un refus et, le 7 mai à 3h du matin il signe la reddition sans condition de l’Allemagne avec un général américain (Gal Walter Bedel-Smith) et un officier soviétique (Gal Ivan Sousloparov). Autour de la table siègent également un officier britannique (Major-General Strong) qui tient lieu d’interprète et un major-général français (Gal François Sevez) comme témoin puisque cet acte était finalisé sur le sol français. Jodl est entouré de deux militaires allemands. Eisenhower, d’un grade supérieur à Jodl est resté dans son bureau où il reçoit rapidement les trois allemands après la signature avant de prononcer son célèbre discours dans la salle où fut acté la reddition.
Selon la presse anglosaxonne présent sur place, les signataires alliés demandèrent à Jodl s’il avait bien compris les termes de ka reddition. Il répondit « Yes » et ajouta en allemand :
With this signature the German people and armed forces are for better or worse delivered into the victors’ hands. In this war which lasted more than five years both have achieved and suffered more than perhaps any other people in the world.
Gal Alfred Jodl
Seule concession accordée aux Allemands, un délai de presque 48h avant de rendre public la reddition afin de permettre au plus grand nombre de soldats et civils allemands de quitter les zones occupées par les Soviétiques pour rejoindre l’Ouest. Une délégation de journalistes avait été amenée sur place par les forces pour assister à la cérémonie avec engagement de respecter cet embargo de 48h. Evidement l’information fuita et dès le lendemain l’annonce de cette reddition s’affichait en première page des journaux mondiaux.
Jodl sera condamné à mort à l’issue du procès de Nuremberg et pendu en 1946. Après son retour aux Etats-Unis Eisenhover effectua deux mandats de président de son pays de 1953 à 1961.
La salle des cartes où fut signé l’accord est ouverte au public qui peut examiner, derrière une vitre, la table et les chaises de cantine où se sont rassemblés les officiers. Au mur s’étalent les cartes immenses du champ de bataille à la date du 7 mai. L’Union soviétique s’étant plainte que la cérémonie n’ait pas assez rendu hommage aux 25 millions de morts, civils et militaires, exigea qu’une nouvelle cérémonie se déroule à Berlin. Elle eut lieu le 8 mai (9 mai pour l’Union soviétique compte tenu du décalage horaire) et fut signée par trois généraux allemands dont Keitel, en présence de Joukov, chef d’état-major de l’Arée rouge et grand vainqueur de la bataille de Berlin, Tedder, officier général britannique de la Royal Air Force représentant les forces alliées, ainsi que deux témoins, de Lattre pour la France et Spaatz pour les Etats-Unis.
Le musée rémois explique en détail les étapes de ces quelques semaines ayant mené à la reddition et le profil des personnages clé qui y participèrent, avec nombre documents d’époque et matériel photo et vidéo. Dans le musée se succèdent des groupes de jeunes encadrés par leurs professeurs d’histoire. La porte à côté, les lycéens vaquent à leurs occupations journalières. Sans doute ont-ils pris connaissance de ce qui s’est passé dans cet immeuble. Passionnant !
Nous sommes en Iran après la mort de Mahsa Amini, étudiante iranienne d’origine kurde et de religion sunnite, arrêtée pour port de son voile non conforme. La ville de Téhéran est parcourue de manifestations de protestation contre ce qui ressemble fortement à un assassinat dans les locaux des services de sécurité. Le scénario du film de Mohammad Rasoulof nous emmène au cœur d’une famille bourgeoise iranienne tiraillée entre les tensions qui déchirent le pays depuis l’instauration de la dictature religieuse après la destitution du Shah d’Iran en 1979. Le père est enquêteur au ministère de la justice et, à ce titre, est impliqué dans la répression féroce que la police islamique mène contre les manifestants avec nombre d’exécutions décidées contre ceux-ci. Il est lui-même embrigadé par la propagande du régime qu’il sert tout en étant troublé par les décisions qu’il prend dans le cadre de ses fonctions. Son épouse est partagée entre son mari qu’elle aime et leurs deux filles, l’une étudiante, l’autre lycéenne, toutes deux en révolte contre le conservatisme de leur pays et… de leur père.
Cette atmosphère familiale est à l’image de celle de l’Iran, écrasé sous la botte d’un pouvoir religieux moyenâgeux mais qui reste soutenu par une partie significative de la population. Comment concilier Dieu et le pouvoir temporel qui permet de développer un pays et sa population ? L’Iran n’a pas trouvé la solution et sa jeunesse aspire à une gouvernance éclairée sur un modèle plus ou moins occidental qui, notamment, permette l’émancipation des femmes maintenues, au nom de Dieu, dans un statut inférieur.
Le film est parsemé d’images réelles des manifestations prises à l’aide des téléphones des manifestants illustrant la violence de la répression policière. La classique opposition entre les jeunes générations et leurs parents est ici exacerbée par l’aspect religieux qui rend non négociable la parole de Dieu pour gouverner le pays. C’est en son nom que plus de 500 manifestants ont été tués dans les rues, des milliers d’autres arrêtés et certains pendus après des simulacres de procès. Dans le film la foi du père dans ses certitudes religieuses le mène à appliquer les mêmes méthodes répressives contre sa propre famille qui se défend. Les choses ne vont pas se terminer très bien.
Cette œuvre qui a reçu un prix spécial du jury au festival de Cannes 2024. Il laisse le spectateur fort peu optimiste sur l’avenir à court terme de l’Iran. La parole de Dieu apparaît irréconciliable avec les ambitions d’une jeunesse éprise de liberté et de Lumières. Les pays occidentaux ont eux aussi été confrontés à l’immobilisme et l’arbitraire religieux à un moment ou un autre de leur histoire. Ils en sont sortis en suivant des chemins différents. En France, les Lumières ont abouti à la laïcité, aujourd’hui remise en cause par une partie de sa population. Dans d’autres pays occidentaux le retour du fanatisme religieux veut rétablir la prééminence de la parole de Dieu sur la gouvernance des hommes. Personne n’est à l’abri d’un retour de l’obscurantisme et l’Iran ne semble pas prêt d’en sortir tant les religieux ont verrouillé le pouvoir dans leurs mains.
D’ailleurs, le réalisateur Rasoulof qui a fait l’objet d’une nouvelle condamnation à 8 ans de prison en mai dernier pour « collusion contre la sécurité nationale », a fui clandestinement son pays pour pouvoir participer au festival cannois cette année. Auteur de différents films et documentaires critiquant le régime il avait déjà été emprisonné à plusieurs reprises.
Après sa fuite d’Iran il a déclaré :
J’ai toujours pensé que si je restais en prison pendant des années, je n’aurais ni la force ni la capacité de faire ces films… donc je dois d’abord les faire, et puis après, il sera toujours temps de rentrer et d’aller en prison.
A Marseille la guerre des gangs qui prospèrent sur le trafic de drogue fait rage. Les assassinats en pleine rue sont légion, parfois dans des conditions barbares où des gamins sont brulés vifs dans des voitures. On a appris récemment qu’un enfant de 14 ans avait été commandité par un dealer, depuis sa prison, pour tuer un concurrent. A défaut de l’avoir trouvé, il aurait assassiné d’une balle dans la tête le chauffeur de taxi qui l’avait conduit et refusait de l’attendre pour le retour.
On découvre à cette occasion que l’un des groupes mafieux qui domine ce narcobanditisme sanglant dans la cité phocéenne se surnomme « DZ Mafia ». Sans doute peu de citoyens savent que « DZ » est le code standardisé attribué à l’Algérie par l’Organisation internationale de normalisation ISO. Ce sont généralement les deux premières lettres du nom du pays dans sa langue qui sont retenues, FR pour la France, US pour les Etats-Unis, DE pour l’Allemagne. Dans le cas de l’Algérie D et Z sont les deux premières lettres du nom Algérie exprimé en langue arabe « الـجَزَائِر », ce qui donne « El Djazaïr » en lettres latines. Sans qu’on le lui demande ce groupe de narcotrafiquants affiche lui-même son appartenance. Peut-être s’agit-il d’une provocation pour tromper sur ses origines, peut-être pas ? Il s’attribue aussi lui-même le statut de « mafia » dans sa dénomination.
Adolphe d’Ennery (1811-1899, né Adolphe Philippe) est un auteur et dramaturge à succès dont la réussite financière doit beaucoup aux plus de 200 pièces de théâtre qu’il a écrites ou coécrites. Après une longue vie commune il épouse Clémence qui fut successivement sa maîtresse, puis sa compagne, puis, enfin, sa femme. Profitant de l’expansion « bourgeoise » de Paris sur son flanc ouest, le couple acquiert un terrain sur ce qui deviendra l’avenue Foch et va y construire un hôtel particulier plutôt cossu. Clémence va s’y consacrer à son goût pour les objets d’art d’origine extrême-orientale en constituant une collection de plus de 6 000 objets qui sera léguée par le couple à l’Etat avec l’hôtel particulier en imposant que celui-ci soit transformé en musée et que la collection y soit exposée sans être dispersée. Ami du couple, Clémenceau fut leur exécuteur testamentaire et veilla à la bonne exécution de leur volonté. Emile Guimet qui créa et dirigea le musée qui porte son nom, dédié à l’art oriental, créa ce musée d’Ennery comme une succursale du musée Guimet. Le musée n’a pas toujours été ouvert au public, de rénovations en complications administratives, c’est finalement cet établissement que l’on peut visiter aujourd’hui sur réservation, par petits groupes.
Clémence qui était actrice n’avait pas de formation ni de connaissances particulières concernant l’art asiatique. Elle n’a jamais voyagé ni au Japon, ni en Chine, ni ailleurs en Asie mais s’est révélée une acheteuse instinctive qui a développé sa collection avec beaucoup de goût. Le statut de la femme étant ce qu’il était à l’époque sa passion était considérée comme superficielle et les objets acquis comme sans beaucoup de valeur. En réalité, tous les experts qui ont eu à se pencher sur ceux-ci ont unanimement conclu à leur grand intérêt artistique et patrimonial.
Alors la douzaine de visiteurs admis pour chaque visite guidée défilent devant de vastes vitrines encadrées dans des meubles conçus par Clémence et construits sur ses instructions par assemblage de boiseries aux motifs asiatiques. La collectionneuse était fascinée par les animaux fantastiques et autres chimères que l’art chinois produisait en quantité. Elle avait aussi un fort intérêt pour les Netsuke japonais, minuscules figurines servant à bloquer la cordelette fermant une pochette attachée à la ceinture du kimono. Ils sont confectionnés en bois, en ivoire, en porcelaine, en laque ou autres matériaux. Clémence était sans doute aussi quelque peu compulsive dans son goût de la collection et chimères ou netsuke sont un peu entassés mais qu’importe, la visite vaut aussi par cette plongée dans l’art oriental et l’histoire de ce couple mécène singulier. A leur succession, ils sont décédés à quelques mois d’intervalle, une femme se disant la « fille naturelle » d’Adolphe a tenté de récupérer une partie de l’héritage. La justice considéra qu’elle n’avait pas de droit sur l’héritage d’Ennery qui n’avait aucune descendance connue par ailleurs.
Depuis plusieurs années la petite place située devant la Closerie des Lilas à côté du Jardin du Luxembourg dans le Vie arrondissement de Paris sert de rendez-vous réguliers à des catholiques traditionalistes en lutte contre l’avortement. Cet après-midi encore, une petite dizaine de manifestants prient, agenouillés au pied de la statue de Maréchal Ney, sous une banderole et un hautparleur qui diffuse un rosaire « de réparation en raison des avortements volontaires ». Au feu rouge une militante distribue un tract rappelant que « Ste Mère Teresa de Calcutta » était opposée au « crime commis contre l’innocent enfant à naître ».
Le tract est signé « SOS TOUT-PETITS ». Le site Internet de l’association https://sos-tout-petits.org/ est généralement bloqué par les anti-virus et qualifié de « page suspecte ». Si l’on force le barrage numérique on aboutit sur un site religieux militant parsemé de prières diverses, d’un guide pour les femmes enceintes, d’archives variées et de l’agenda des prochaines manifestations anti-avortement sur la voie publique. On se souvient que lors des discussions parlementaires sur la légalisation du mariage homosexuel en 2013 des militants religieux se retrouvaient tous les soirs devant l’entrée de l’assemblée nationale, place du Palais-Bourbon, pour prier à genoux contre ce projet de loi félon.
Mais aujourd’hui Dieu n’intervient plus beaucoup dans les affaires des démocraties. La France a même intégré le droit à l’avortement dans sa constitution contre l’avis de son clergé. La persévérance de ces militants opposés à l’avortement comme au mariage homosexuel en est presque touchante. Contre vents et marées ils n’abandonnent pas leur combat même si plus grand monde ne les soutient comme cet après-midi sous la statue de Ney. C’est sans doute ce qu’on appelle la foi ! Mais qui peut savoir si la France, soi-disant « fille aînée de l’Eglise », ne se replacera pas un jour sous les fourches caudines de la religion toute puissante ? Les militants de SOS Tout-petits y croient certainement et attendent ce moment avec patience.
C’est le premier livre publié par Paul Auster. Constitué de deux parties, la première « Portrait d’un homme invisible » est un retour sur son père décédé récemment, sa vie à épisodes avec sa famille, sa vie supposée en dehors et, plus fondamentalement, le lien entre un père et son fils et même son petit-fils. Il évoque les petits riens de la vie et les grands traumas de l’existence au hasard des objets de la maison paternelle qu’il doit vider de son continu, chacun d’entre eux le ramène à un épisode familial. Mais pour cerner ce père « invisible » il doit aussi laisser divaguer son esprit vers des hypothèses et des constructions dont il ne saura plus désormais si elles ont la moindre réalité, dont celle d’une grand-mère meurtrière… Un bel hommage à un père finalement peu connu sur fond du temps qui passe inexorablement !
La seconde partie « Le livre de la mémoire » expose une suite de réflexions sur la mémoire d’un personnage nommé « A ». C’est un peu décousu, empli de références littéraires, poétiques, bibliques et artistiques, sans doute très inspiré de la vie d’Auster. Le hasard percute la réalité de l’Histoire dans laquelle les générations qui ont précédé A ont été engagées. Et toujours l’histoire du temps qui passe et de la mort qui fait son œuvre.
Les fragments d’un poème (un peu abscons) de Mallarmé conclut cet ouvrage troublant qui annonce certains des thèmes majeurs de l’œuvre de Paul Auster.
Il pose une feuille blanche sur la table devant lui et trace ces mots avec son stylo. Cela fut. Ce ne sera jamais plus.