Blog

  • RISPAIL Jean-Luc, ‘Les surréalistes – Une génération entre le rêve et l’action’.

    RISPAIL Jean-Luc, ‘Les surréalistes – Une génération entre le rêve et l’action’.

    Sortie : 1994, Chez : Découvertes Gallimard Littératures

    C’est le « Surréalisme pour les nuls » rédigé à six mains par Rispail asssté de Christian Biet et Jean-Paul Brighelli, idéal pour ceux qui n’ont jamais vraiment bien compris de qu’était ce mouvement tout en imaginant qu’il fut quelque chose d’important pour le monde intellectuel du XXe siècle. Successeur du dadaïsme né sur les ruines de Verdun, emmené par André Breton et toute une bande de poètes, de peintres, d’écrivains, de photographes, d’artistes, leurs maîtres-mots sont le délire et le rêve dans lesquels ils se laissent sombrer avec délectation et un sens aigüe de la provocation. Ils laissent parler leur imagination sans barrière. Le monde rationnel a conduit à la boucherie des tranchées de la Grande Guerre, les divagations d’une bande d’illuminés, sûrs d’eux-mêmes, mènera, bien sûr, à un avenir meilleur, l’esprit plutôt que les canons.

    Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or, c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point.

    André Breton (1924)

    Alors tout ce petit monde vit dans une effervescence permanente, débat sans fin, écrit pour l’histoire, peint pour les expositions, publie d’éphémères revues, voyage dans l’espace et les idées, croise Trotsky et Rivera au Mexique, correspond avec Freud, accompagne Antonin Artaud qui sombre dans la folie, se fâche, se réconcilie, s’exclut. C’est un foisement délirant d’œuvres et d’idées qui se faufilent hors de l’inconscient. L’amour et la révolution ne sont jamais loin, l’érotisme est à peine masqué.

    L’ouvrage est illustré de nombre d’œuvres picturales et se termine avec une annexe de témoignages et documents signés de Bunuel, Eluard, Freud, Lacan, Breton, Aragon, Artaud, Desnos… Une plongée dans le monde étrange du surréalisme.

  • La Corse veut parler le corse

    La Corse veut parler le corse

    L’assemblée de corse a inclus dans son règlement intérieur il y a quelques années déjà que les « langues des débats sont le corse et le français ». Le site web de cette institution est d’ailleurs bilingue de même que les messages des élus sur leurs comptes des réseaux dits « sociaux ». Heureusement pour les francophones qui s’intéressent à cette communication nombre d’applications traduisent facilement le corse en français et, parfois, le site de l’assemblée de corse propose également une traduction en français des discours ou débats, au moins pour le moment.

    La cour d’appel administrative de Marseille vient de rendre un arrêt dans lequel il est rappelé que « La langue de la République est le français », comme mentionné dans l’article 2 de la Constitution, et qu’il est donc illégal de parler le corse dans une institution publique comme l’assemblée de Corse. Cette position a évidemment provoqué localement une « indignation unanime ».

    La collectivité de Corse, un autre machin administratif spécifique à cette île, a publié un communiqué ce 3 décembre :

    Nous avons tous été impressionnés et émus par la sincérité de ces jeunes, leur incompréhension de voir leur langue interdite dans les institutions et dans l’espace public alors même que le système éducatif s’affirme favorable au bilinguisme, leur refus d’accepter cette injustice, leur volonté de la combattre de façon démocratique et pacifique.

    Nous leur avons tous dit, chacun avec nos mots, que nous n’acceptons pas qu’ils soient aujourd’hui contraints de faire ce que nous avons fait quarante ou cinquante ans avant eux : aller dans la rue pour avoir le droit de parler notre langue.

    Notre devoir est d’être aux côtés de cette jeunesse.

    Pour lui dire que, oui, le droit à parler, écrire, chanter, rêver dans sa langue ou dans ses langues est un droit fondamental, au plan individuel et au plan collectif.

    https://www.isula.corsica/Lingua-corsa-lingua-ufficiale-cumunicatu-di-u-Presidente-di-u-Cunsigliu-esecutivu-di-Corsica-e-di-a-Presidente-di-l_a5174.html

    Pour le moment les négociations avec l’Etat sur une « autonomie » du territoire sont embolisées à cause de l’instabilité politique. Elles n’ont pas encore abouti à une modification de la Constitution reconnaissant la « langue corse » pas plus que le « peuple corse ». Le mieux serait que cette « autonomie » devienne un jour une indépendance afin que le « peuple corse » puisse se développer dans sa langue, loin de l’oppression française. Cela va prendre des générations mais il faut toujours revenir à la question basique : « existe-t-il une chance, si mince soit-elle, que les Corses soient un jour heureux et apaisés d’être partie de la République française ? » La réponse est hélas « non », les conséquences à en tirer sont donc claires : l’indépendance, mais une indépendance intelligente, convenue entre négociateurs responsables, sur la durée et qu’elle qu’en soit le prix.

    Lire aussi

  • « Ça manque de moyens ! »

    « Ça manque de moyens ! »

    Avec une unité désarmante la totalité des corporations, des communautés, des lobbys, des administrations, des députés, des sénateurs, des travailleurs et des retraités, tous, sans exception clament uniformément « ça manque de moyens ».  Les agriculteurs, les gardiens de prison, les enseignants, les soignants, les policiers, les pompiers, les ambulanciers, les directeurs de théâtre, les bénéficiaires de niches fiscales, bref, 67 millions de Français appuyés indistinctement par tous les syndicats, les lobbys, les plateaux télévisés à grand renfort « d’éditions spéciales » et les partis politiques expliquent à longueur de radiotrottoirs larmoyants que tout s’effondre autour d’eux et si l’Etat grippe-sous ne leur octroie pas sans délai des aides, des subventions, des dotations à multiplier par deux, trois, dix ou cent versus ce qu’ils reçoivent déjà, le pays s’acheminera vers un effondrement fatal et irréversible. Toute idée d’économie est considérée comme une traîtrise sociale, sauf si elle est prévue chez les autres !

    Même le syndicat patronal qui, devant l’ampleur du désastre financier dans lequel s’enfonce la République, avait envisagé au début du psychodrame parlementaro-budgétaire que les entreprises puissent aussi prendre leur part dans les nécessaires économies de dépenses publiques à faire, du moment que l’Etat fournisse également des efforts d’économie. Tout ceci est oublié et les lobbys patronaux se lamentent avec la meute à l’idée que les exonérations de charges sociales dont bénéficient leurs entreprises puissent être écornées, les conséquences annoncées sont chômage aggravé, faillites multipliées, investissements en berne, bref, tout le monde va mourir sans délai si la gabegie ne continue pas de s’accroître au même rythme.

    L’intérêt général de la nation n’est plus défendu par personne, c’est devenu un concept préhistorique et incompréhensible pour la majorité des citoyens qui ouvrent de grands yeux vides, comme des vaches devant le passage à niveau, lorsqu’il est évoqué. Peut-être seule une vraie crise financière forcerait sans doute à ramener un peu de cohérence et de sens commun dans cet océan d’irrationnel mesquin et de misérables intérêts personnels. Le dialogue au parlement ou au Café du commerce est impossible, les uns hurlants « taxons les riches », les autres vociférant « favorisons l’économie de l’offre ». Personne ne s’entend plus sur rien et tout le monde demande à la République de faire ce qu’il ne fait pas chez lui ou dans son entreprise. « L’Etat paiera » semble être la nouvelle devise française.

    Pour le moment les intérêts payés sur la dette augmentent, en volume comme en taux, mais la France trouve toujours des prêteurs pour financer ses déficits, donc elle ne s’en prive pas, « quoi qu’il en coûte ». A défaut de savoir gérer ses dépenses publiques, espérons que la République ne découragera pas ses créanciers à force d’engagements pris pour rassurer « M. le Marché » et qui ne sont jamais tenus. Le budget des intérêts payés aux créanciers dépasse les 50 milliards d’euros et se rapproche doucement du premier poste budgétaire, rang qu’il devrait atteindre sous peu. Les prêteurs touchent ainsi les dividendes des risques qu’ils prennent en prêtant mais cet argent sonnant et trébuchant n’est pas dépensé ailleurs. Notons d’ailleurs que sur cette dette de plus de 3 000 milliards d’euros, une petite moitié est détenue par des résidents français, dont des particuliers qui perçoivent ainsi une partie des intérêts versés.

    Le chroniqueur qui a longtemps vécu en Afrique a entendu tous les matins pendant des années, chez lui comme au boulot : « ça manque de moyens patron ! » La France est sur la même voie en continuant à se rabougrir. Décadence quand tu nous tiens !

  • Téléthon-thon

    Téléthon-thon

    Comme chaque année nombre de médias français consacrent ce weekend à la collecte du « Téléthon ». Gérée par l’association AFM-Téléthon, cette collecte porte majoritairement sur les particuliers. Elle a rapporté près de 85 millions d’euros en 2023. L’AFM affiche ses missions sur son site web https://www.afm-telethon.fr/fr.

    Engagée dans la recherche scientifique comme dans l’accompagnement des malades et de leurs familles, l’AFM-Téléthon agit de façon indépendante, guidée par l’urgence de la maladie évolutive et l’intérêt des malades. Trois missions sont au cœur de son engagement.

    Guérir…
    Aider…
    Communiquer…

    https://www.afm-telethon.fr/fr/l-association/qui-sommes-nous/nos-missions

    L’association répartit les fonds collectés pour soutenir la recherche en lançant des appels d’offres scientifiques pour financer des programmes de recherche. Elle a même ses propres laboratoires dans la thérapie génique, la thérapie cellulaire et autres domaines aussi inconnus qu’effrayants.

    Tout ceci est éminemment sympathique mais on se demande pourquoi notre pays affecte des milliards d’euros de fonds publics à des dépenses somptuaires de jeux olympiques et laisse le financement de la recherche fondamentale relever du secteur privé et, pire, de citoyens lambda ? Cela ressemble à une triste inversion des valeurs

    Ne serait-ce pas plutôt au secteur privé de financer les jeux du stade, s’il le souhaite, et à l’Etat de consacrer ses ressources limitées au financement de la recherche médicale ? Cette étrange situation qui ne semble pas inquiéter grand monde est une nouvelle manifestation des priorités d’une société où une « influenceuse » à forte poitrine comme Nabilla affiche près de 10 millions de followers sur Instagram.

  • La retraite d’Afrique se poursuit

    La retraite d’Afrique se poursuit

    Le Tchad annonce mettre fin aux accords de défense qu’il partageait avec la France. C’est une bonne nouvelle même si elle heurte un peu l’ego français dont l’armée a sauvé plus d’une fois le régime tchadien des attaques de son opposition armée. Des soldats français et du matériel sont stationnés à N’Djaména depuis des lustres. Les contribuables français payent pour ces forces depuis les mêmes lustres. Sans doute cette implication militaire française eut une certaine utilité durant la guerre froide, en tout cas on peut l’espérer. Il serait intéressant d’ailleurs de la documenter, pour l’histoire. Elle n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui où les anciennes colonies françaises du continent rejettent l’ancienne puissance coloniale avec fracas.

    C’est un peu le dernier clou planté dans le cercueil de la colonisation, une page d’histoire qui se referme, 60 ans après la décolonisation légale de ces territoires. Il reste encore des soldats français au Sénégal dont le nouveau président a annoncé le départ prochain. Rendez-vous dans un siècle pour faire le bilan de tout ce passé sensible et de ce qui se sera passé depuis.

    En attendant, les militaires pourront très utilement être redéployés en Europe où leur présence sera bien plus utile à la France que sur le continent africain.

  • « L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine

    « L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine

    Dans ce film de Boris Lojkine, Souleymane est un immigré guinéen qui a déposé une demande pour bénéficier du statut de réfugié politique en France. Il est livreur à vélo pur une société de livraison mais utilise le compte d’un homme camerounais qui le « sous-traite » et le rackette au passage. Il est coaché par un autre guinéen qui le prépare à son entretien devant l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) en essayant qu’il se fasse passer pour l’opposant politique au régime guinéen qu’il n’est pas. Bien sûr, il faut aussi payer pour ce coach de circonstance qui fournit de faux documents.

    Alors Souleymane pédale toute la journée pour porter des repas chez des consommateurs plus ou moins aimables, pour chercher son argent chez le Camerounais qui le vole, pour fuir le Guinéen à qui il doit, pour attraper le bus, ou le rater, qui l’emmène se nourrir et dormir dans un foyer. Il lui reste peu de temps pour préparer son entretien avec l’OFPRA. L’agente de cette administration a déjà entendu dix fois cette fausse histoire de réfugié politique et le pousse, avec beaucoup de douceur, à révéler sa vraie histoire. Le spectateur ému a tendance à croire cette nouvelle version, mais peut-être est-ce une autre fable ?

    Ce film est aussi émouvant que désespérant en ce qu’il marque l’irrépressible attrait des citoyens de pays pauvres pour migrer vers les pays riches, et l’incapacité de ceux-ci à accueillir tous les premiers. Le scénario serait partiellement inspiré de la vraie vie de l’acteur amateur Abou Sangaré. Il déroule la situation de façon intelligente sans sombrer dans les polémiques de Café du commerce sur ce sujet très sensible de l’immigration, régulière comme illégale. Selon que l’on s’attache au cas personnel de Souleymane ou à la problématique générale de l’accueil des immigrés dans un environnement souvent hostile, le regard est différent. Les spectateurs ressortent sans doute de cette séance avec les idées qui étaient les leurs en y entrant.

  • L’avenir des JO 2030 dans les Alpes possiblement remis en cause par le chaos politico-budgétaire français

    L’avenir des JO 2030 dans les Alpes possiblement remis en cause par le chaos politico-budgétaire français

    Enfin une bonne nouvelle dans le chaos politique encours à Paris du fait de la cohabitation houleuse menée par des minorités irresponsables : les garanties financières de plus de 500 millions d’euros que l’Etat français doit délivrer à l’organisation mafieuse suisse du Comité international olympique (CIO) pour valider l’organisation des jeux olympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes françaises pourraient ne pas pouvoir être octroyées si le budget de l’Etat n’était pas approuvé, hypothèse qui n’est pas complètement à exclure. Si l’on se retrouvait dans une telle situation, on peut faire confiance à la créativité française sans limite pour dépenser quand même en contournant le parlement puisque personne n’ose poser la question de savoir s’il est vraiment prioritaire pour la République de se lancer dans de telles nouvelles dépenses somptuaires alors que celles des JO PARIS-2024 sont à peine clôturées.

  • La « ruralité » de nouveau à l’attaque

    La « ruralité » de nouveau à l’attaque

    Les agriculteurs, désormais regroupés sous le terme de « ruralité », repartent à l’assaut des villes sur leurs tracteurs comme ils l’ont fait il y a une petite année. Les motifs sont toujours globalement les mêmes et se rapportent à leurs revenus « insuffisants ». Cerise sur le gâteau, ils contestent aussi un projet de traité européen de libre-échange avec certains pays d’Amérique du Sud, dont les négociations sont en cours de finalisation. Ce traité MERCOSUR intègre des quotas de viande à importer en Europe, des flux qui risquent de concurrencer très fortement les éleveurs français. Comme toujours avec le libre-échange, c’est-à-dire la baisse ou la disparition de droits de douane, il y a des gagnants et des perdants potentiels. Les industriels européens, y compris français, devraient gagner à l’ouverture de nouveaux marchés, les éleveurs bovins pourraient y perdre. Même au sein de la « ruralité » les intérêts sont divergents : les viticulteurs et négociants d’alcool verraient également s’ouvrir de nouveaux marchés avec ce traité. En attendant ce sont les plus virulents qui s’expriment avec leurs méthodes habituelles : blocage de routes, déversement de fumier devant ou dans les bâtiments publics, brulage de vieux pneus sur l’espace public, etc. Les agriculteurs sont une corporation de qui l’Etat et la population acceptent tout. Ils représentent environ 400 000 personnes (sur 67 millions de Français) mais leur fonction de « nourrir le peuple » les met à l’abri de toute contestation de leurs méthodes de manifestation qui seraient contestées venant de toute autre corporation.

    La France affiche officiellement son opposition au MERCOSUR mais il n’est pas sûr qu’elle puisse s’y opposer seule compte tenu des règles de majorité. Paris avait tout de même voté le mandat de négociation donné à la commission européenne il y a plusieurs années et qui a abouti à ce traité. Le retour du nationalisme et l’émergence du populisme dans le monde et en Europe amène à remettre en cause cette philosophie politico-économique voulant que le développement des échanges enrichit les nations et favorise leur bonne entente.

    La guerre actuelle menée par la Russie contre « l’Occident collectif » dément effectivement l’élément politique de cette assertion. Après la chute de l’Union soviétique, la Fédération de Russie qui en émergea fut intégrée au G7 qui devint G8, et des investissement occidentaux assez considérables ont été réalisés dans cette fédération. Malgré tout, Moscou a privilégié sa volonté d’effacer l’Ukraine sur ses intérêts économiques, annexé la Crimée en 2014 puis déclenché la guerre d’invasion en cours en 2022.

    Le développement de l’économie mondiale depuis la fin de la IIe guerre mondiale a été basé sur le développement des échanges et la répartition de la création de valeur à travers la planète, c’est ce qu’on a appelé la mondialisation. Celle-ci a montré ses avantages et ses limites. Elle est remise en cause par certains pays et partis politiques. Soit, alors il suffit de faire autrement et c’est ce que s’apprêtent à faire les Etats-Unis dont le nouveau président élu clame partout qu’il va augmenter les droits de douane de toutes les importations, et spécialement celles en provenance de Chine. On en verra le résultat dans quelques années.

    Les dogmes, en économie comme ailleurs, sont faits pour être remis en cause. C’est la voie que prend actuellement le monde occidental avec le libre-échange.

  • Boualem Sansal emprisonné à Alger

    Boualem Sansal emprisonné à Alger

    L’écrivain algérien Boualem Sansal vient d’être arrêté à l’aéroport d’Alger en provenance de France. Il serait accusé « d’atteinte à l’unité nationale ». Sa production littéraire, dirigée contre l’islamisme conquérant, ainsi que l’inefficacité et la corruption du régime algérien, est fortement critiquée dans son pays d’origine où elle est d’ailleurs censurée. Il est aussi fort critique contre les régimes occidentaux qui ne lutteraient pas assez vigoureusement contre l’islamisme. Il avait malgré tout choisi de rester résider en Algérie et faisait de fréquents aller-retours au-dessus de la Méditerranée.

    Il a obtenu récemment la nationalité française ce qui a peut-être précipité son arrestation compte tenu des relations actuellement déplorables entre les deux pays. Il s’est jeté dans la gueule du loup et celui-ci a les dents particulièrement aiguisées contre tout ce qui touche de près ou de loin à l’ancienne puissance coloniale. Dans ces conditions il n’a pas été très avisé de se rendre en Algérie, d’autant plus que ce pays ne reconnaît pas le concept de deux nationalités. S’il est entré en Algérie avec son passeport algérien l’administration locale le considère comme un citoyen lambda et lui applique ses lois sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit, et encore moins à Paris. S’il a présenté un document français cela devient une affaire franco-algérienne, une de plus.

    A-t-il tenté le diable par fanfaronnade ou par mauvaise estimation du risque ? Dans les deux cas il a manqué de clairvoyance, Boualem Sansal est plus utile à sa cause en écrivant des livres en Occident plutôt qu’en moisissant dans une prison algérienne. L’émotion manifestée par les milieux littéraires et médiatiques français devant cette arrestation risque plutôt d’aggraver encore son cas vis-à-vis d’Alger. Le mieux pour Paris serait d’essayer de régler cette affaire dans la discrétion, mais sans garantie de succès à court terme.

    Si la France pratiquait les méthodes russes, par exemple, il suffirait de prendre en otage un écrivain algérien et de négocier son échange avec M. Sansal. Mais nous sommes à Paris et c’est sans doute la raison pour laquelle il a cherché à obtenir la nationalité française et pas la russe…

    Grandeur et décadence de la démocratie!

  • Un forban centrafricain

    Un forban centrafricain

    Un consortium de journaux, dont Le Monde, coordonné par l’organisation Forbiden Stories, a identifié et interrogé un citoyen centrafricain réfugié en France, Ephrem Yalike Ngonzo, qui a révélé que les forces russes en Centrafrique l’auraient recruté et payé à partir de fin-2019 pour diffuser localement des informations plus ou moins fausses en faveur de l’intervention russe en cours dans ce pays et généralement en défaveur de la France ou des Nations-Unies. A la tête d’un média en ligne, M. Ngonzo aurait endossé le rôle de désinformateur contre rémunération. Progressivement le manipulateur aurait éprouvé quelques scrupules jusqu’à prendre peur de ses mentors russes et fuir vers la France qui, bonne mère, lui a délivré un visa.

    J’ai contribué au maintien de mon pays dans le chaos… Aujourd’hui, je veux tout dénoncer pour réparer, me délivrer de ma honte et de mes regrets.

    Le Monde (21/11/2024)

    Il est ironique que le nom même de « Ngonzo » se rapproche de celui du journalisme dit « gonzo », un courant de la presse développé dans les années 1970, aussi qualifié « d’ultra-subjectivité » qui consiste à favoriser la fiction au détriment de l’information…

    Fin 2024 M. Ngonzo raconte son « aventure » aux journaux occidentaux et se présente comme « lanceur d’alerte ». On peut penser que Forbiden Stories a mené quelques investigations pour vérifier ses dires mais qui peut vraiment savoir si M. Ngonzo n’est pas un agent triple ou quadruple ? Quel est d’ailleurs l’intérêt de ses déclarations pour la République française qui n’ignore pas depuis longtemps que l’une des spécialités de la Russie est la désinformation, en Centrafrique comme ailleurs. Alors sur quelles bases a-t-on délivré un visa à M. Ngonzo, un homme qui a nui à la France, par faiblesse ou par intérêt de la République ? Sans doute a-t-il été débriefé par les services de sécurité français qui en ont peut-être appris un peu plus sur les méthodes de leurs homologues russes ? Certainement s’il a trahi ses mentors russes ceux-ci menacent sa vie et celle de sa famille car il est plus aisé de trahir la France que la Russie

    Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? L’avenir le dira. Si un jour la République centrafricaine cherchait à retourner sa veste, lâcher la Russie et revenir vers la France, on se demande si Paris l’accueillerait avec la même complaisance que celle manifestée à M. Ngonzo ? C’est probable à l’heure où la reprise de la coopération financière est annoncée et où le président centrafricain a été reçu à l’Elysées par le président Macron le 17/04/2024.

    En attendant, l’ambassadeur de France en Centrafrique introduisait son discours du 14/07/2024 par ces phrases :

    Accompagné de l’ensemble de l’équipe France en République centrafricaine, je suis très heureux que nous partagions ensemble un moment de joie, de convivialité et de fraternité placé sous le signe de l’amitié entre la France et la RCA.

    Je remercie très chaleureusement le chef de l’Etat qui nous fait l’honneur de rehausser cette célébration par sa présence.

    Ces derniers mois ont été le théâtre d’une reprise d’un dialogue constructif entre nos pays, marqué par plusieurs rencontres entre le Président Macron et vous-même, monsieur le Président. Vos échanges ont posé les jalons d’un dialogue renouvelé entre nos deux nations, traduit dans l’endossement par les deux parties d’une feuille de route bilatérale le 17 avril dernier, à Paris.

    Dans les faits, cette feuille de route trouve une première illustration concrète avec la reprise imminente de l’aide budgétaire française, d’un montant de 10 millions d’euros. 

    https://cf.ambafrance.org/Discours-prononce-par-S-E-l-Ambassadeur-de

    Les méandres diplomatiques sont souvent mystérieux pour les citoyens ordinaires. Le cas de la Centrafrique dépasse l’entendement !

  • « Baloise session 2024 », Robert Plant présente Saving Grace avec Suzi Dian

    « Baloise session 2024 », Robert Plant présente Saving Grace avec Suzi Dian

    Robert Plant, 76 ans, le légendaire chanteur britannique du non moins légendaire groupe de rock énergique Led Zeppelin, poursuit une brillante carrière solo depuis la fin du groupe en 1980, via différente formations et associations. Arte concert diffuse en ce moment un concert donné en 2024 avec son dernier groupe Saving Grace : trois vétérans chevelus, tatoués et professionnels (guitares et batterie) et une chanteuse, Suzi Dian, également accordéoniste. Ils développent ensemble un blues mâtiné de folk, ou l’inverse, avec beaucoup de grâce. Plant a gardé sa voix dans les aigus même si, l’âge aidant, elle est un peu moins stridente. Il mène ce groupe avec discrétion et harmonie. Le vieux musicien a roulé sa bosse sur toutes les scènes du monde dans le fracas du hard-rock et du mode de vie associé, il est maintenant apaisé et consacre tout son talent à une musique folk intimiste et inspirée, toujours très bien entouré de musiciens de talent.

    Après Bale où a été tourné ce concert, Saving Grace était de passage à Paris ce mois d’octobre.

  • « Au boulot » de Gilles Perret et François Ruffin

    « Au boulot » de Gilles Perret et François Ruffin

    François Ruffin, journaliste-documentariste-député du groupe écologiste, après s’être fâché avec Jean-Luc Mélanchon, le patron propalestinien de LFI (La France Insoumise), avait réalisé en 2016 un documentaire hilarant sur le combat gagné d’un salarié licencié du groupe LVMH contre le capitaine d’industrie Bernard Arnault.

    Il rempile cette année avec moins de réussite sur le thème de la « réinsertion des riches ». Ce documentaire lui a été inspiré suite à une émission de radio, « les Grosses Têtes », à laquelle il participait, et au cours de laquelle une des animatrices, Sarah Saldmann, prononce des mots violents contre les chômeurs qu’elle traite de « feignasses, d’assistés, de glandus, de gens qui ne foutent rien et qui sont entretenus par mes impôts ».

    Mme Saldman s’affiche juriste mais semble passer bien plus de temps sur les plateaux médiatiques populaires qu’a étudier le code civil. Elle est située à mi-chemin entre Nabilla (avec moins de poitrine et un peu plus de neurones) et Nadine Morano. Elle ajoute un « grave » devant ses adjectifs dans une phrase sur deux. Elle est jolie et affiche une langue bien pendue, d’où son statut de chroniqueuse sur les ondes pour lesquelles elle a tout de la « bonne cliente ». Sa vie semble organisée entre CNEWS, les cocktails chez les grands bijoutiers et les brunchs au Royal Monceau. Devant l’impossibilité de dialoguer avec elle sur le thème des « assistés », François Ruffin lui propose à l’antenne de partager la vie des smicards à 1 300 EUR/mois pendant quelques mois. Avec un certain courage, elle accepte la proposition mais pour une semaine seulement. C’est cette plongée dans un univers inconnu d’elle que Ruffin va filmer.

    Leur première rencontre se déroule à l’hôtel Plaza Athénée où elle commande un croque-monsieur à la truffe coûtant 54 EUR ce qui laisse Ruffin coi. La suite la voit livrer des paquets, nettoyer des toilettes dans maison d’accueil pour personnes précaires, faire le ménage avec une aide de vie chez un malade, etc… mais aussi dans un rendez-vous de haute couture où elle se sent manifestement plus à l’aise qu’avec les pèlerins d’Emmaüs.

    Le documentaire est surtout intéressant en ce qu’il montrer une Sarah Saldmann dont on se demande vraiment si elle fait des efforts pour paraître aussi nunuche ou si c’est son état naturel. Était-ce prévu dans le scénario qu’elle débarque en talons hauts et couverte de bijoux pour faire la livreuse ou s’est-elle habillée ainsi « naturellement » pour sa première journée avec les smicards ? Elle verse malgré tout quelques larmes devant l’engagement de la garde-malade qu’elle seconde quelques heures durant. Ruffin joue son rôle, toujours malin, privilégiant l’humour à l’invective. On comprend mieux son divorce avec LFI…

    Le spectateur reste indécis, et un peu déçu par le documentaire, comme Ruffin affiche l’être devant l’échec de sa tentative de réinsertion de cette nunuche des beaux quartiers et des plateaux télévisés.

  • HALIMI Gisèle, ‘Le lait de l’oranger’.

    HALIMI Gisèle, ‘Le lait de l’oranger’.

    Sortie : 1988, Chez : Editions Gallimard / POCKET 11078.

    Gisèle Halimi (1927-2020) est une avocate franco-tunisienne, née dans une famille juive à Tunis, devenue célèbre pour son engagement constant en faveur du féminisme et des militants de l’indépendance algérienne qu’elle a défendus au risque de sa vie puisqu’elle fut régulièrement menacée par les tenants de « l’Algérie française ».

    Après la mort de son père, Edouard, en 1976, elle décide d’écrire un livre hommage dans lequel elle revient avec beaucoup d’affection et de douceur sur ce père aimant, mais aussi sur son enfance en Tunisie et les combats qu’elle a menés ensuite en faveur de la liberté. « Le lait de l’oranger » fait référence à l’oranger dans la cour de sa maison qu’elle arrosait en cachette du lait qu’elle refusait de boire le matin affirmant déjà un caractère affirmé. C’est l’incroyable destin d’une femme arcboutée sur des principes nobles et humanistes et dont les combats ont fait évoluer son époque.

    Le premier de ses combats fut celui de la défense des militants algériens en lutte armée contre la France coloniale à la fin des années 1950 et jusqu’à l’indépendance acquise en 1962. Lorsqu’ils étaient arrêtés, ces militants accusés de terrorisme, étaient présentés devant une justice d’exception, celle des tribunaux militaires dont les méthodes étaient plutôt expéditives et souvent totalement illégales. En application du droit, les accusés devaient être défendus par des avocats mais souvent ceux-ci étaient commis d’office, choisis au sein du barreau local et dont la neutralité n’était pas toujours assurée. Avec un certain nombre de collègues de métropole et d’Algérie elle a fait en sorte que les accusés soient défendus selon le droit français et s’est mise ainsi à dos beaucoup de monde Algérie. Elle était évidemment en faveur de l’indépendance, comme elle le fut de celle de la Tunisie, mais elle s’est basée sur le droit dans ses stratégies de défense, un droit que les tribunaux militaires violaient sans vergogne et avec tant d’allégresse qu’elle réussit à faire inverser le cours de certains procès.

    Avec l’aide d’un comité d’intellectuels français (Sartre, Beauvoir, Aragon, Germaine Thillon, et d’autres) elle a notamment sauvé la tête de Djamila Boupacha qui avait été impliquée dans une tentative d’attentat dans les rues d’Alger. Elle n’hésita pas à porter plainte contre le ministre de la défense Pierre Messmer qu’elle estimait responsable des méthodes employées par l’armée française en Algérie contre les terroristes : torture, aveux extorqués, viols… Elle a même été emprisonnée quelques jours à Alger lors de la tentative de putsch menée par des officiers français factieux en 1958, avant d’être libérée sans dommage pour elle suite à l’intervention de ses soutiens à Paris.

    Elle affronta aussi le FLN algérien (Front de libération national) qui n’était pas vraiment un parangon de féminisme… En 1962, après la signature des accords d’Evian qui incluaient une amnistie générale des combattants des deux côtés, Djamila Boupacha fut libérée ; hébergée chez la famille Halimi elle fit part à Gisèle de son désir de rester en France pour y faire des études. Le FLN ne l’entendit pas de cette oreille et exigea que Djamila lui soit « livrée » pour qu’elle rentre en Algérie. Devant les menaces du FLN contre sa famille, Gisèle accepta que Djamila rejoigne Algérie, même contre sa volonté affichée.

    Le second grand œuvre de sa vie fut celui de la libération de la femme à une époque où il y avait beaucoup à faire dans ce domaine. Elle partagea ses idées avec Simone de Beauvoir qui l’aida à forger sa stratégie en matière de féminisme. Elle fit beaucoup pour légaliser l’avortement. Elle devint ami de Jean-Paul Sartre qu’elle accompagna avec admiration et affection dans les dernières années de la vie du philosophe. Elle rencontra de Gaulle, Mitterrand, Giscard d’Estaing, fut élue député en 1981, occupa un poste d’ambassadeur de France à l’UNESCO.

    Et cette suractivité ne l’empêcha pas d’entourer ses parents, ses enfants et la fin de son père atteint d’un cancer à qui elle permit de réaliser un dernier grand rêve : être décoré de la légion d’honneur.

    C’est un parcours exceptionnel que celui de Gisèle Halimi, celui d’une femme d’honneur qui a défendu sa vie durant, avec intelligence et conviction, des principes d’humanisme. Contre vents et marées elle a combattu le colonialisme, la torture, la peine de mort, le patriarcat. Elle a été à l’origine d’avancées importantes dans ces domaines qui lui tenaient tant à cœur. Elle fut un personnage du Xxe siècle qui a participé à l’émergence de certaines des grandes idées de ce siècle. Décédée en 2020 elle eut les deux premières décennies du XXIe pour constater et, sans doute, déplorer l’affadissement intellectuel occidental d’une époque qui ne dénombre plus beaucoup de personnalités à sa hauteur.

  • En route vers Paris, les indépendantistes calédoniens passent par Canossa

    En route vers Paris, les indépendantistes calédoniens passent par Canossa

    Devant l’effondrement économique provoqué, entre autres, par les émeutes de mai 2024 et les destructions considérables qui en ont résulté, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie mené par son président indépendantiste Louis Mapou se voit obligé d’aller à Canossa en venant quémander à Paris les financements publics nécessaires à la reconstruction du tissu économique de l’archipel consciencieusement mis à bas par la révolte des populations « kanaks » qui ne voulaient pas entendre parler de changement dans la constitution du corps électoral. Celui-ci est en effet gelé pour les élections locales depuis 1998, ce qui veut dire, par exemple, qu’une personne qui se serait installée sur le territoire en 1999 ne peut pas voter pour les élections provinciales depuis cette date, notamment bien entendu en cas de référendum sur l’indépendance. Comme ce sont très majoritairement des non-kanaks qui émigrent vers la Nouvelle-Calédonie, cette mesure visait à donner progressivement la majorité aux populations kanaks pour leur permettre d’emporter les référendums sur l’indépendance puisqu’elles sont censées croître plus rapidement que les populations non-kanaks. Hélas, les choses ne se sont pas passées comme prévu et les trois scrutins organisés en 2018, 2020 et 2021 ont donné des majorités à la dépendance envers la France.

    Alors voir aujourd’hui un gouvernement indépendantiste demander à Paris des financements à hauteur de 4,2 milliards d’euros pour son « plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction », ou PS2R, c’est un peu Vercingétorix déposant les armes devant César après la défaite d’Alesia ! Heureusement Louis Mapou devrait connaître un sort moins funeste que celui du chef gaulois qui aurait été étranglé dans les geôles de César. Il va d’ailleurs très certainement repartir dans le Pacifique avec ses sous bien que ce ne soit pas le meilleur moment compte tenu de la situation déplorable des finances de la République et la multiplicité des revendications en cours de toutes les corporations qui exigent « plus de moyens » en métropole comme dans tous les confettis de l’Empire.

    On pourrait imaginer que le gouvernement calédonien indépendantiste soit gêné de venir ainsi demander aux contribuables métropolitains de financer la reconstruction de l’économie calédonienne dévastée par ses propres soutiens mais en réalité l’imaginaire kanak considère que la France est responsable de ce chaos politique et économique et qu’il est donc normal qu’elle paye pour en sortir. C’est une nouvelle fois la démonstration par l’absurde de l’absence totale d’espoir d’une solution autre que l’indépendance à long terme. La visite récente à Nouméa des présidents de l’assemblée nationale et du sénat en ce mois de novembre n’a évidemment abouti à rien sinon que ces deux personnalités ont soutenus le PS2R et les dépenses publiques qu’il nécessite…

    Une visite qui ne va sans doute pas marquer l’histoire de la Nouvelle-Calédonie

    La route vers l’indépendance est aujourd’hui coupée, mais il est nécessaire pour toutes les parties de la réparer et de s’y engager de nouveau. Tout est aujourd’hui détruit, l’économie comme l’espoir. Il semble que des départs définitifs de non-kanaks se produisent vers les pays avoisinants et la métropole, ce qui va dans le bon sens pour une évolution du corps électoral vers l’indépendantisme. Dans le même temps le Palika (parti de libération kanak), seul parti qui ose revendiquer ouvertement l’indépendance et auquel appartient M. Mapou, vient de se mettre « en retrait » du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) jugé non crédible pour « avancer dans le cadre de la décolonisation ». Des choses bougent (un peu) et du chaos ne peut sortir que la vision pour une Calédonie enfin indépendante.

  • « L’Âge atomique – Les artistes à l’épreuve de l’histoire » au musée d’art moderne de Paris

    « L’Âge atomique – Les artistes à l’épreuve de l’histoire » au musée d’art moderne de Paris

    Nous voilà ramenés à l’An Mil, chaque matin nous serons à la veille de la fin des temps. […] Après la mort de Dieu voici qu’on annonce la mort de l’homme. […] Il n’y a plus d’espèce humaine. La communauté qui s’est faite gardienne de la bombe atomique est au-dessus du règne naturel car elle est responsable de sa vie et de sa mort : il faudra qu’à chaque jour, à chaque minute, elle consente à vivre. Voilà ce que nous éprouvons aujourd’hui dans l’angoisse.

    Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes – octobre 1945

    L’atome a inspiré les artistes et le musée d’art moderne de Paris (MAM) expose quelques œuvres qui en ont résulté, parfois morbides, souvent existentielles. L’exposition est à la fois artistique et documentaire tant l’aspect géopolitique du nucléaire est inséparable de l’art qui le représente.

    Tout d’abord, la découverte de la radioactivité, avec l’invisibilité de ses rayons, a fasciné ces artistes qui rivalisent d’ingéniosité pour matérialiser l’invisible, ce qu’ils réussissent plutôt bien. Un photographe contemporain a pris des photos de sites sur lesquels ont eu lieu des essais de bombes atomiques en parsemant ses clichés lors de leur développement de parcelles de terre irradiée. Le résultat final fait apparaître de petits éclats lumineux sur la photo en surimpression du paysage. Les surréalistes se sont saisis du sujet, Duchamp a conceptualisé la théorie de « l’inframince », Dali a représenté l’atome… Mais il y a aussi un mur entier dédié à des dessins d’enfants japonais réalisés en 1945 peu après le feu nucléaire. Ils expriment l’horreur vue au travers les yeux de ces gamins. Bouleversant !

    Après les deux seules utilisations (à ce jour) de la bombe nucléaire comme arme de guerre, à Hiroshima et Nagasaki au Japon en 1945, une « esthétique » de la bombe s’est développée et de multiples représentations de son champignon atomique ont été produites. Le MAM en présente certaines sous forme de peintures, de films, d’installations… Ce champignon, il est vrai, a quelque chose de fascinant en ce qu’il émane de la créativité humaine et peut aboutir à son autodestruction.

    Une salle entière est consacrée au « colonialisme nucléaire » ou comment les puissances détenant la bombe ont réalisé leurs essais en dehors de leurs territoires métropolitains : Iles Bikini pour les Etats-Unis, Kazakhstan pour l’Union soviétique, Algérie puis Polynésie pour la France. On y voit même une vidéo du président français Chirac justifiant la reprise des essais nucléaires français à Tahiti en 1995, expliquant que le taux de radioactivité naturelle est plus élevé à Paris qu’en Polynésie…

    Nous savons aujourd’hui que bien que nous ne puissions « faire » la nature au sens de la création nous sommes tout à fait capables de déclencher de nouveaux processus naturels, et qu’en un sens par conséquence nous « faisons la nature », dans la même mesure que nous « faisons l’histoire ». Nous n’avons atteint ce stade qu’avec les découvertes nucléaires, où des forces naturelles sont libérées, délivrées, pour ainsi dire, et où ont lieu des processus naturels qui n’auraient jamais existé sans l’intervention directe de l’action humaine.

    Hannah Arendt, « Between Past and Future » 1954

    L’exposition est troublante, comme l’est l’intrusion du nucléaire dans le domaine de l’art.

  • « Dans les pas d’Anatole Le Braz » à Ploumilliau

    « Dans les pas d’Anatole Le Braz » à Ploumilliau

    Un petit village breton des Côtes d’Armor, célèbre pour sa charcuterie, temps frais et grisonnant, le bistrot de la place de la mairie sert une potée bretonne et au sortir de ce déjeuner roboratif les convives traversent la place pour découvrir une exposition consacrée à l’écrivain Anatole Le Braz (1859-1926) dans la « salle du conseil ».

    Fils du pays, né à 50 km d’ici dans la commune de Duault, ayant habité Ploumilliau, professeur de philosophie et de lettres, il fréquente Ernest Renan, commence à publier des ouvrages « bretonnants » dans les années 1890. Son œuvre et sa vie sont consacrés à la Bretagne, et plus spécialement au Trégor. Il faut peut-être lire les livres de ce personnage de la Bretagne littéraire.

    D’après sa fiche Wikippédia, il est l’arrière-grand-père de la musicienne Tina Weymouth, bassiste du groupe américain Talking Heads, élément majeur du post-punk américain, et créatrice du groupe Tom Tom Club avec son mari, Chris Frantz, également batteur des Talking Heads.

  • Ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine

    Ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine

    Avec une joie mauvaise les Français découvrent les difficultés économiques dans lesquelles se débat leur voisin allemand. Le pays devrait être en récession économique en 2024 pour la deuxième année consécutive et la coalition politique au pouvoir est en train de se dissoudre. Volkswagen ferme des usines dans le pays, le président élu américain Donald Trump déteste l’Allemagne et ses citoyens vieillissent encore plus vite qu’en France. Bref, tout ne va pas pour le mieux à Berlin ce qui réjouit une partie des commentateurs français du Café du commerce.

    Ils devraient plutôt refréner leur bonheur, d’abord par souci d’élégance, mais, surtout car si la première économie d’Europe fait face à un incontestable coup de vent, pour des raisons évidentes c’est tout le continent qui en subit les conséquences. Gageons toutefois que l’Allemagne saura affronter cette nouvelle situation avec son pragmatisme habituel. C’est tout le vieux monde européen qui se rabougrit face au nouveau monde et au « Sud global ». Au moins Berlin part avec une situation de ses finances publiques meilleure que celle des pays latins qu’elle qualifia du temps de sa toute-puissance de pays « Club-Med », ce dont elle aurait pu se passer.

    Engluée dans le chaos de ses finances publiques et de ses minorités parlementaires se tenant par la barbichette la France est la dernière à pour voir donner des leçons d’économie à sa voisine d’outre-Rhin, sa meilleure ennemie depuis si longtemps !

    Mauvaise foi des perdants
    Lire aussi