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  • « Les âmes perdues » de Stéphane Malterre et Garance Le Caisne

    « Les âmes perdues » de Stéphane Malterre et Garance Le Caisne

    Un documentaire glaçant sur l’affaire « César », du nom de code de ce photographe de l’armée syrienne qui a pris plus de 50 000 clichés des cadavres d’opposants syriens torturés puis tués par la police du régime au cours des années 2010 : fuyant Damas, il remit ses photos aux autorités occidentales (gouvernements, organisations non gouvernementales [ONG] et institutions multilatérales) qui les utilisent pour documenter les crimes du gouvernement syrien.

    Le film suit surtout les démarches initiées par des familles syriennes exilées en France et en Espagne, bénéficiaires de la double-nationalité et qui ont reconnu des parents sur les photos des victimes, pour déposer plainte dans les pays d’accueil contre des dirigeants syriens. Ces processus judiciaires avancent difficilement car mettant en jeu des aspects politiques et diplomatiques, outre ceux ayant trait aux droits de l’homme. Toutefois des premières condamnations tombent en Allemagne contre des officiers syriens qui s’y étaient installés après avoir suivi la route des réfugiés en 2015 puis été identifiés par certaines de leurs victimes. La France s’apprête de son côté à juger par contumace trois généraux syriens pour crime contre l’humanité.

    Les photos de « César » sont juste survolées. Même floutées elles montrent l’horreur à laquelle ont été soumises les victimes, hommes et femmes, jeunes et vieux. Elles illustrent aussi le sentiment de total impunité des autorités syriennes qui ont-elles-mêmes documenté leurs crimes avant d’émettre les certificats de décès nominatifs pour toutes victimes décédées, reconnaissant ainsi les faits… Un juriste explique dans le documentaire que les crimes syriens sont bien mieux documentés que l’ont été ceux des nazis au procès de Nuremberg en 1945 contre les 24 principaux responsables du régime nazis encore vivants à la fin de la seconde guerre mondiale.

    Par les temps qui courent on peine à imaginer qu’un procès similaire puisse être tenu contre la famille al-Assad qui gouverne ce pays d’une main de fer depuis 1971, le fils Bachar ayant succédé à son père Hafez ayant en 2000. En réalité, sans doute la majorité des pays de la planète ne voit pas véritablement de problème dans la gestion de la Syrie. Le film montre d’ailleurs la Chine et la Russie voter contre une résolution du conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) condamnant le régime syrien, bloquant ainsi toute action de la communauté internationale.

    Le concept des « droits de l’Homme » que l’on croyait universel depuis 1945 après la découverte des horreurs nazis est en train de faire naufrage. Même si la communauté des pays réunis au sein de l’ONU en a approuvé le principe à travers nombre de traités et conventions, les régimes autoritaires les récusent désormais par leurs actes. La guerre d’Ukraine en cours ne fait que confirmer cette tendance. Les migrants et les victimes, eux, votent avec leurs pieds en faveur des droits de l’Homme et viennent se réfugier dans les pays occidentaux qui respectent encore le concept. On voit même des tortionnaires se joindre aux flux des réfugiés pour tenter de se réinstaller en Europe. L’officier syrien en rupture de ban qui a été arrêté et condamné à perpétuité en Allemagne n’a pas choisi d’émigrer en Russie ni en Chine, mais… en Allemagne. L’oncle du dictateur Bachar as-Assad, Rifaat, ancien vice-président de son frère Hafez est venu se réfugier à Paris après un coup d’Etat manqué en 2004. Il serait récemment retourné en Syrie après avoir été condamné par contumace à quatre années de prison dans l’affaire des « biens mal acquis » concernant sa fortune immobilière constituée en France pour une somme estimée à 90 millions d’euros, ce patrimoine a été saisi par la justice.

    C’est d’ailleurs la seule note d’espoir de ce film terrifiant, le fait que même les tortionnaires choisissent de s’installer et mener leurs affaires en Occident plutôt que chez leurs « amis » politiques semble indiquer que la démocratie a encore un peu d’avenir sur la planète. Il suffit sans doute de rester ferme sur les principes et… patient.

  • Un avion russe bombarde Belgorod par erreur

    Un avion russe bombarde Belgorod par erreur

    A la suite d’une forte explosion à Belgorod le 20 avril qui a laissé un cratère de 20 mètres dans une rue de la ville et qui aurait fait deux blessés et d’importants dégâts matériels, l’armée russe a admis qu’il s’agissait d’une erreur technique :

    Au cours du vol de l’avion Su-34 des forces aérospatiales au-dessus de la ville de Belgorod, une tombée anormale de munition d’aviation s’est produite.

    Voilà qui laisse planer encore plus de doutes sur la compétence de l’armée russe après ses échecs répétés dans la guerre d’Ukraine. Alors que l’on croyait, avant ce conflit, que l’armée russe était redoutable, au dernier cri de la technologie, avec à sa disposition des armes redoutables et invincibles, on constate aujourd’hui que ce n’est pas le cas et, qu’en plus, elle est mal dirigée. Cela fait penser à l’armée irakienne qui était présentée comme « la quatrième armée du monde » lors de son invasion du Koweït en 1990 et qui fut assez rapidement renvoyée dans ses frontières par la coalition internationale menée par les Etats-Unis d’Amérique.

    C’est évidemment une nouvelle rassurante pour l’Occident de voir l’armée ex-soviétique en sérieuses difficultés face aux armes occidentales livrées à l’Ukraine. La capacité de nuisance de Moscou reste très forte même avec une armée limitée et elle se traduit de façon douloureuse actuellement pour l’Ukraine.

    Il ne faut toutefois pas s’endormir sur ses lauriers. Il est à craindre qu’à l’issue de cette guerre, la Russie de demain ne réagisse et tire les enseignements de ses insuffisances pour tenter de reconstituer une armée à la hauteur de ses ambitions. La véritable question est de savoir si un régime autoritaire comme celui de Moscou est capable de motiver et diriger une armée qui devrait être aux ordres de dirigeants politiques ? Depuis février 2022 et le lancement de l’invasion russe on voit une véritable valse des généraux à l’état-major qui sont changés tous les quatre matins, sans même avoir le temps d’assoir leur commandement sur des troupes à la dérive où se mêlent des mercenaires, des appelés et des professionnels.

    Toutefois, si l’Occident constate sa supériorité technologique en matière militaire, il déplore le désarmement général par lequel il s’est laissé séduire et qui a vu les budgets militaires européens baisser drastiquement, au point que les stocks de munition sont largement insuffisants pour fournir l’Ukraine. L’un des effets collatéraux de cette guerre est d’avoir fait prendre conscience à l’Europe de cette dérive. Le réarmement est général à l’Ouest mais il faudra quelques années avant qu’il ne produise pleinement ses effets.

    Avec cette guerre le monde est véritablement rentré dans une sérieuse période d’incertitude.

  • Fin de conflit en vue Yémen

    Fin de conflit en vue Yémen

    Le Yémen est un vieux pays dont on retrouve des traces plusieurs millénaires avant Jésus-Christ. Mais une nation à problèmes dans l’histoire contemporaine, sans arrêt entre deux guerres civiles et trois coups d’Etat, en permanence le jouet d’interventions extérieures pour des motifs idéologiques divers, dont religieux bien entendu. Placé géographiquement au sud de l’actuelle Arabie Saoudite, le Yémen a été dirigé par différents califats islamiques, puis colonisé par les Ottomans, les Britanniques, puis partitionné en deux Yémen distincts dans les années 1960, dont l’un d’inspiration communiste, puis de nouveau réuni en un seul pays en 1990.

    Depuis les années 2000 une énième rébellion agite les tribus, soutenue par l’Iran ennemi juré de l’Arabie Saoudite qui a toujours voulu exercer une sorte de tutelle sur le Yémen. Du coup, énervée par suite d’une tentative de coup d’Etat menée par la rébellion Houthis (pro-iranienne chiite), Ryad prend la tête d’une coalition arabe (sunnite, opposante à l’Iran) en 2015 et se met en tête de réduire la rébellion. Aussitôt décidée, l’opération « Tempête décisive » met en branle une armada arabe sunnite menée par l’Arabie Saoudite qui lance ses avions, ses chars, son artillerie et son infanterie contre les Houthis. Comme très souvent les guerres d’invasion à visée coloniale échouent. Celle-ci ne déroge pas à la règle. Sept ans plus tard le pays affronte l’une des plus graves crises humanitaires jamais endurée dans le monde selon l’ONU, des millions de déplacés, des destructions considérables, des milliers de morts de chaque côté, des hôpitaux bombardés, des cessez-le-feu non respectés, et, surtout, aucun but de guerre n’a été atteint par les uns ni par les autres, on est au point mort et le pays a régressé d’un siècle.

    Plusieurs trêves sont convenues en 2022, plus ou moins respectées. En 2023, sous les auspices de la Chine, l’Arabie Saoudite et l’Iran se parlent et rétablissent leurs relations diplomatiques. Sans doute le sort de la guerre du Yémen faisait partie de l’accord ? Conscientes que cette guerre est vaine et couteuse, les deux parrains de Ryad et Téhéran poussent leurs affidés à s’entendre. Ils ont déjà procédé à des échanges de prisonniers et la trêve semble durer. Peut-être un accord de paix sera la prochaine étape ?

    La fin d’une guerre au Yémen est une bonne nouvelle, même si elle est sans doute aussi fondée sur l’anti-occidentalisme de ses principaux acteurs. Elle pourrait inspirer les parties à la guerre d’Ukraine en cours, largement aussi meurtrière et, sans doute, sans plus d’avenir, que celle du Yémen. Et si la Chine est capable de mettre son grain de sel dans l’affaire ukrainienne pourquoi ne pas lui donner la main. Il faut mettre fin à ce conflit avant d’en perdre le contrôle et, si possible, sans attendre sept longues années comme au Yémen.

    Lire aussi : La Chine a proposé un plan de paix pour la guerre d’Ukraine

  • L’erreur tragique de 1974 sur Mayotte, ses conséquences inextricables

    L’erreur tragique de 1974 sur Mayotte, ses conséquences inextricables

    Depuis l’erreur tragique commise en 1974 par la France en manipulant le référendum d’autodétermination de l’archipel des Comores de façon que le scrutin soit décompté par île et non pas pour l’archipel d’un seul bloc, la République française compte un territoire perdu dans le canal du Mozambique, Mayotte, et ce confetti va de Charybde en Scylla, s’enfonçant toujours plus dans la misère et la violence sans guère de solutions pour sortir de ce marasme. La départementalisation proposée par un gouvernement stupide en 2010 via un référendum local qui fut bien entendu approuvé à plus de 95%, n’a rien changé sinon accroître encore les attentes et les frustrations des mahorais.

    Ces dernières années, l’île de Mayotte s’est transformée en plateforme d’immigration illégale de migrants venant des autres îles de l’archipel des Comores devenues indépendantes en 1974, attirés par le niveau de vie français et la possibilité d’être un jour régularisés en obtenant la nationalité française. Nombre de parturientes comoriennes viennent accoucher à Mayotte afin que leurs enfants y bénéficient du droit du sol et obtiennent automatiquement un passeport français, rendant ainsi plus difficile l’expulsion des parents en situation illégale. Ce droit « du sol » a même été restreint par l’administration pour tenter de décourager les candidats à la traversée des Comores vers Mayotte qui ne fait qu’une petite centaine de kilomètres mais durant laquelle plusieurs milliers de migrants ont déjà péri en mer.

    Ces derniers mois une violence endémique s’est développée sur ce caillou où la simple compréhension des lois de la République par les citoyens relève du rêve, et leur application strictement s’avère impossible. Les Comores indépendantes passent des accords avec la France en contrepartie d’aides financières mais savonnent consciencieusement la planche de Paris puisqu’elles ont pour objectif de réunifier Mayotte à sa mère patrie, d’autant plus que la France n’a pas laissé que des bons souvenirs aux Comores. On se souvient des « exploits » du mercenaire Bob Denard que Paris a laissé co-diriger le pays pendant des années avant de mettre fin à cette galéjade par une opération militaire qui permit d’arrêter le mercenaire et sa troupe de pieds nickelés en 1995.

    La communauté internationale va dans le même sens et l’Organisation des Nations Unis (ONU) a inscrit Mayotte dans la lite des pays à décoloniser. Dans différentes résolutions, systématiquement renouvelées, son l’Assemblée générale rappelle « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de MohéliRéaffirme la souveraineté de la République fédérale islamique des Comores sur l’île de Mayotte » et « prie instamment le Gouvernement français d’accélérer le processus de négociation avec le Gouvernement comorien en vue de rendre rapidement effectif le retour de l’île de Mayotte dans l’ensemble comorien ». Cela va de soi.

    Lire aussi : UN_Mayotte_1994.pdf

    A chaque assemblée générale de l’ONU le président comoriens réaffirme sa volonté de réunification de Mayotte soutenu par les pays membres.

    Devant l’exaspération des mahorais en situation légale et la récupération politique à laquelle de se livrent les partis d’opposition en métropole avec gourmandise afin de stigmatiser « le laxisme » du gouvernement, le ministre de l’Intérieur déclenche cette semaine une opération « nettoyage » prévoyant la destruction des bidonvilles construits par les migrants et l’expulsion des illégaux. Comme ils viennent à plus de 90% des îles proches des Comores, les dirigeants de pays ont déjà averti qu’ils refuseraient de réadmettre leurs citoyens… C’est grosso-mode le genre de refus qu’essuie la France de la part de toutes ses anciennes colonies lorsqu’elle veut y expulser leurs ressortissants en situation illégale ou, pire, condamné pour délinquance. C’est la revanche des anciens damnés de la terre. Bienvenue dans le monde des relations post-coloniales !

    En réalité la France n’a aucune autre solution pour se sortir de ce bourbier que de restituer cette île colonisée à sa « maison-mère ». Personne n’ose le dire mais tout le monde le pense (sauf les mahorais bien sûr). Ce sera évidemment tragique, une sorte d’indépendance algérienne en modèle réduit. Le problème serait essentiellement humain puisque les citoyens français installés sur l’île, d’origine mahoraise ou expatrié, s’opposeraient à cette décolonisation. Il faudrait pouvoir leur donner le choix : soit rester sur place, soit émigrer dans un autre territoire français. Il y doit y avoir aujourd’hui environ 300 000 habitants à Mayotte dont 1/3 d’illégaux. Il faudrait donc pouvoir accueillir au maximum 200 000 citoyens en France si Mayotte était restituée aux Comores.

    Ce ne sera pas simple à réaliser mais ce serait conforme au droit international et la seule solution pour se débarrasser du problème sans trop nuire aux habitants français de l’île qui auraient ainsi la possibilité de garder cette nationalité s’ils le souhaitent. Continuer sur la voie actuelle ne fera qu’amener de nouveaux déboires, et probablement des drames bien plus graves que ceux rencontrés jusqu’ici. Le statuquo ne fera qu’empirer la situation et plus on attendra, plus le passif à régler sera lourd. Aller sur cette voie sera long et demandera un courage politique à la hauteur de celui que MonGénéral a déployé en 1962 pour conclure l’indépendance de l’Algérie. Espérons pour les générations futures qu’un dirigeant français osera initier ce processus d’indépendance de Mayotte. A défaut, le problème sera reporté sans fin sur nos enfants.

    La devise du Département : « Ra Hachiri » signifie « Nous sommes vigilants », on ne saurait mieux dire !

    Lire aussi : Mayotte… encore et toujours

  • BLUMENFELD Erwin, ‘Jadis et Daguerre.’

    BLUMENFELD Erwin, ‘Jadis et Daguerre.’

    Sortie : 1975, Chez : Editions Textuel (2013)

    La merveilleuse autobiographie du photographe Erwin Blumenfeld (1897-1969) : juif allemand né à Berlin il a fui le nazisme avec sa famille dans l’Europe des années 1930, fréquenté les camps de concentration ouverts en France pour regrouper certains étrangers à partir de 1940, puis émigré aux Etats-Unis où il est devenu un grand photographe de mode.

    Dans un style délicieux, plein d’humour juif, il parle de son enfance dans la capitale allemande, de son père marchand de parapluies, de son premier travail chez un oncle marchand de tissus, de ses émois adolescents, de la mort de son père, ruiné, de ses rapports à la religion et de tout cette communauté juive de Berlin, active et débrouillarde, avant que ne viennent les heures sombres du nazisme qui déferla sur l’Allemagne. Il n’arrive pas à éviter sa mobilisation comme ambulancier durant la guerre de 1914-1918 du côté de l’Empereur, bien sûr, car il est toujours de nationalité allemande. Il déploie des trésors d’imagination pour aller visiter sa fiancée hollandaise dont le pays est neutre dans cette guerre, tente de déserter, est repris par la police, considéré comme un traître, apprend la mort de son frère sur le front. La défaite allemande en novembre 1918 le sauve, il rejoint sa fiancée à Amsterdam où ils demeurent quelques années, vivotant d’un commerce de cuir qui périclite.

    Durant les années 1930 il visite Paris-Montparnasse, New York, puis délaisse progressivement les affaires diverses, et souvent malheureuses, pour la photographie dont il deviendra l’un des maîtres. Lorsque Hitler prend le pouvoir à Berlin puis jette son dévolu sur l’Europe, la famille s’installe à Paris qu’elle va fuir pour les Etats-Unis, en passant par les camps de concentration français où étaient regroupés les étrangers dans des conditions pas toujours très honorables, surtout pour les juifs… A l’époque il est déjà un photographe relativement reconnu, notamment des magazines américains de mode. Après d’incroyables péripéties il réussit à obtenir des visas pour l’Amérique où la famille s’installe mi-1941 et où il mènera une brillante carrière.

    Dans un style truculent et plein d’autodérision il raconte ses petites affaires en citant Paul Valéry ou Matisse, aborde aussi les grandes questions de notre temps, l’air de rien. Sa description du New York des années 1940 et des new yorkais du secteur de la mode est un modèle du genre : la cocaïne voisine le bourbon, les dollars sont les compagnons de la mode, la folie incarne le busines, les clodos de Times Square voisinent les ladies sur-fardées…

    Mes chaussures restèrent collées dans l’asphalte brulant sur Times Square, place mondialement célèbre, tas de baraquements couverts d’affiches, plus sale encore que Pigalle, peuplée de mendiants, d’ivrognes, de pickpockets et de flics. Avais-je forcé sur la boisson ? Après différents highballs dans différents bars (A chaque fois que je demandais un orange juice, les barmens riaient et m’apportaient un whisky. Était-ce dû à ma prononciation ?), les maisons s’étiraient haut dans le ciel. Vers Wall Street, elles se dépassaient elles-mêmes, grattant le ciel de manière vertigineuse. Je devenais au contraire de plus en plus petit, comme Gulliver à Brobdingnag et me mis à courir, jusqu’au moment où je parvins enfin au 10 Broadway, et trouvai porte close : à New York, les bureaux ferment à 5 heures. Les vespasiennes de Paris me manquaient horriblement, il n’y avait même pas d’arbres, ni de cafés.

    Ce récit de la vie d’un grand photographe révèle aussi le talent d’un vrai écrivain qui a traversé les tragédies et les espérances du XXème siècle.

    Lire aussi : « Les tribulations d’Erwin Blumenfeld 1930-1950 » au mahJ

  • Booba Robin de Bois

    Booba Robin de Bois

    On connaît le poète Booba et ses compositions romantiques (lire aussi : Les idoles de la jeunesse), on ignorait son côté Robin de Bois volant à la rescousse des gogos escroqués par les « influenceurs et influenceuses », une espèce extrêmement nuisible au développement intellectuel des citoyens.

    Nabilla est la parfaite représentante de ces VRP (voyageur représentant placier) du XXIème siècle : charcutée par la chirurgie esthétique (poitrine démesurée, lèvres refaites…) et peu gâtée par la nature en termes de neurones connectés, ex-vedette de la télé-réalité, habituée des magazines à scandales, résidante à Dubaï et prête à tenter de vendre n’importe quoi aux suiveurs des réseaux dits « sociaux » qu’elle anime (trois millions sur Twitter notamment).

    Lire aussi :
    Nabilla et le bitcoin
    Nabilla ou l’effondrement intellectuel d’une population

    Booba fait la une (le « buzz » comme on dit aujourd’hui) depuis plusieurs semaines sur les réseaux dit « sociaux » dans le cadre du combat qu’il mène contre ceux qu’il qualifie « d’influvoleurs ». Il s’en prend tout particulièrement à l’une d’entre elles qui dirige une entreprise mettant en rapport les sociétés commerciales et des « influenceurs » censés promouvoir leurs produits. La nunuche visée n’est probablement pas plus voleuse que ses coreligionnaires mais c’est elle qui prend. Booba, avec la délicatesse d’un rappeur musculeux dans un magasin de porcelaine attaque « l’influvoleuse » à coups de tweets vengeurs et peu délicats. Le garçon ayant 6 millions de suiveurs (contre 40 mille à sa cible) ses tweets sont relayés par ses fans qui y ajoutent souvent des insultes et parfois des menaces de mort envers la malheureuse « influenceuse ».

    Harcelée, elle et sa famille, depuis un an, elle vient de porter plainte contre la plateforme Twitter qui laisse faire le rappeur ! Booba qui harcèle une « influenceuse » sur Twitter c’est l’hôpital qui se moque de la charité. La situation serait risible si elle n’étai pas si symptomatique de l’effondrement moral de notre époque qui glorifie le vide la pensée, le narcissisme ravageur de ses acteurs, la vulgarité endémique de ses héros.

    Il ne manquerait plus que Booba et cette influenceuse soient invitées sur le plateau de Cyril Hanouna pour couronner cette affaire de si peu d’intérêt !

  • Résilience, quand tu nous tiens

    Résilience, quand tu nous tiens

    Aujourd’hui, si u ne dis pas le mot « résilience » dans une phrase, un discours ou un programme, tu as raté ta vie. Le dictionnaire en ligne Larousse définit le mot ainsi :

    Résilience – nom féminin – (anglais resilience, rebondissement)

    1. Caractéristique mécanique définissant la résistance aux chocs d’un matériau. (La résilience des métaux, qui varie avec la température, est déterminée en provoquant la rupture par choc d’une éprouvette normalisée.)

    Psychologie
    2. Aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques.

    Écologie
    3. Capacité d’un écosystème, d’un biotope ou d’un groupe d’individus (population, espèce) à se rétablir après une perturbation extérieure (incendie, tempête, défrichement, etc.).

    Informatique
    4. Capacité d’un système à continuer à fonctionner, même en cas de panne.

    En gros, être résilient c’est être capable de faire face à l’adversité, de continuer à vivre même en cas de pépin. Comme c’est un mot qui ne fait pas encore vraiment partie du langage commun, cela en jette de l’employer à tour de bras, tout spécialement dans les discours politiques, cela impressionne le populo !

    En 2021 a été lancé le Plan national de relance et de résilience (PNRR) par le ministère des finances et qui présente les investissements pour lesquels la France sollicite un financement européen à hauteur d’environ 40 milliards d’euros afin de renforcer l’efficacité des investissements et le potentiel de croissance de l’économie française. On voit bien la logique de relance : on dépense de l’argent aujourd’hui en espérant que cela rapportera demain, mais on comprend difficilement où est la résilience ?

    La même année a été promulgué la Loi climat et résilience afin d’accélérer « la transition de notre modèle de développement vers une société neutre en carbone, plus résiliente, plus juste et plus solidaire. Elle a l’ambition d’entraîner et d’accompagner tous les acteurs dans cette indispensable mutation. »

    Il existe même un Haut comité français pour la résilience nationale (HCFRN) qui est « une association loi 1901 qualifiée d’intérêt général. Par ses activités d’événementiel, de veille, d’analyse et de labellisation, l’association aide ses membres à améliorer leurs dispositifs de sécurité-sûreté, afin d’être plus résilients face aux risques et aux menaces majeurs. »

    Et il doit y en avoir bien d’autres…

  • Transition au Soudan

    Transition au Soudan

    Le galonné qui avait pris le pouvoir au Soudan lors d’un coup d’état en novembre 2021 voit sa position contestée par un autre galonné, qui faisait d’ailleurs partie de l’équipe ayant mené le putsch de 2021. Les deux galonnés s’affrontent à Khartoum, le premier à la tête de l’armée « légale », le second dirigeant une bande de mercenaires, ex-rebelles, en cours d’intégration dans l’armée officielle. Tout ce petit monde semble relativement bien armé et les combats font rage. En principe les munitions devraient se tarir assez vite, les convictions des uns et des autres s’émousser tout aussi rapidement et un vainqueur émerger sous peu.

    Lire aussi : Les galonnés aiment le pouvoir en Afrique

    Cette soldatesque s’est plutôt illustrée ces dernières années par ses crimes de guerre contre les tribus du Darfour, le trafic d’otages et celui de réfugiés, ou le pillage des ressources locales, que par son sens de la discipline et de la défense de l’Etat. On se souvient qu’une autre guerre civile à forte connotation religieuse entre les musulmans du nord et les chrétiens du sud avait amené à l’indépendance du Soudan du Sud, Etat créé de toutes pièces en 2011 au terme d’un conflit sauvage qui fit deux millions de morts. Ce nouvel Etat est quasiment en guerre civile depuis sa création. On scinde les Etats pour résoudre les guerres civiles, mais telle la division cellulaire, les guerres civiles se divisent également et se multiplient dans les nouveaux Etats tout en se maintenant dans les anciens.

    Au-delà des combats en cours qui ont tout de même fait quelques centaines de morts, dont des civils, cette montée de tension enfonce sans doute un dernier clou dans le cercueil des illusions occidentales sur la démocratisation en Afrique. Le coup d’Etat devient désormais le mode privilégié de changement de pouvoir sur le continent, largement approuvé par les pays « illibéraux » anti-occidentaux comme la Chine et la Russie qui n’arrêtent pas de ressasser que le système démocratique est minoritaire sur la planète et que le mode de gouvernance international doit maintenant évoluer en faveur de leur système autoritaire.

    General Mohamed Hamdan Daglo, Sudan’s deputy head of the Transitional Military Council, attends the signing of the constitutional declaration with protest leaders, at a ceremony attended by African Union and Ethiopian mediators in the capital Khartoum on August 4, 2019. (Photo by ASHRAF SHAZLY / AFP)

    Il n’est pas sûr qu’une telle évolution se réalise, en attendant, les réfugiés soudanais lorsqu’ils en ont la possibilité choisissent plutôt la route vers l’Occident que celle vers la Chine ou la Russie…

  • On ne dit plus…

    On ne dit plus…

    On ne dit plus « carte de stationnement pour handicapé » mais « carte mobilité inclusion ».

  • Martha Argerich et Lahav Shani au Festival de Pâques d’Aix en Provence

    Martha Argerich et Lahav Shani au Festival de Pâques d’Aix en Provence

    Merveilleux concert pour les deux pianos de Martha Argerich et Lahav Shani : Prokoviev et Rachmaninov, des œuvres un peu virtuoses, mais surtout Ravel sublimement interprété dans « Ma mère l’Oye » et « La Valse » par Martha (81 ans) et le jeune et talentueux Lahav Shani de 34 ans. Lorsque, la main dans la main, souriants, ils saluent l’assistance il y a un peu du passage de relais entre ces deux pianistes. La légende argentine peut être rassurée sur la solidité de la génération qui suit.

    Et pour ceux qui en douteraient, ils interprètent à quatre mains, pour l’un des bis, la symphonie des oiseaux de Saint-Saëns : bouleversant !

    Programme

    Sergueï Prokofiev (1891-1953), Symphonie n° 1 en ré majeur, op. 25 « Classique »

    Sergueï Rachmaninov (1873-1943), Suite pour deux pianos n° 2, op. 17

    Maurice Ravel (1875-1937), Ma mère l’Oye, La Valse

  • « David Hockney – collection de la Tate » au musée Granet d’Aix en Provence

    « David Hockney – collection de la Tate » au musée Granet d’Aix en Provence

    Le musée Granet présente les tableaux de David Hockney exposés à la Tate de Londres (ex-Tate Gallery). C’est toujours un émerveillement de revisiter l’artiste britannique du « pop art » de 85 ans tellement inventif et dont l’âge ne réduit en rien l’incroyable productivité.

    L’exposition montre quelques tableaux emblématiques (la chaise hommage à Van Gogh, le hall fleuri d’un hôtel mexicain, ses deux parents dans le salon, la grande fresque tarabiscotée de lui-même dans son atelier…) mais aussi beaucoup d’œuvres de ses débuts, moins connues : dessins, eaux fortes, traçant son parcours artistique et sa progression vers le maître de l’art contemporain hyperréaliste qu’il est devenu.

    Un très intéressant film documentaire au début de l’exposition nous fait mieux comprendre sa vision de la peinture. Dans ses interviews enregistrés à différentes époques de sa vie il évoque sa fascination pour la nature et les couleurs, et son obsession pour la perspective et la réalité : comment rendre celle-ci sous le pinceau et est-elle bien ce que nous voyons ? Passionnants monologues, illustrés par les célèbres peintures du Grand Canyon. Il raconte son inspiration et ses idées avec une désarmante simplicité et un petit sourire goguenard plutôt séduisant. Le film documentaire est la meilleure introduction possible au cheminement des visiteurs devant les œuvres !

    Lire aussi :
    « David Hockney. A Year in Normandie » au musée de l’Orangerie
    David Hockney à Beaubourg

    En sortant de Granet une petite visite s’impose ensuite dans la collection Jean Planque dans l’annexe du musée logée dans la chapelle des Pénitents blancs : Monet, Van Gogh, Picasso, de Staël… Le collectionneur suisse a entretenu une relation amicale avec Picasso au crépuscule de sa vie qui a accepté de vendre plusieurs tableaux à la galerie qu’il représentait. Certains sont exposés dans ce lieu magnifiquement rénové.

  • « Ghada Amer » à Marseille

    « Ghada Amer » à Marseille

    Ghada Amer est une artiste plasticienne égyptienne née au Caire en 1963 qui est exposée dans trois sites marseillais dont le Mucem et le Centre de la Vieille Charité, un hospice construit au XVIIème siècle pour « accueillir les gueux », recyclé depuis en un vaste centre culturel, utilisant ainsi à très bon escient la magnifique architecture du bâtiment.

    Amer marque un fort engagement féministe qu’elle illustre par de grandes sculptures, des céramiques, des tableaux avec des broderies incrustées, où apparaissent des personnages féminins et des slogans répétés à l’infini prônant la libération de la femme. Un peu abstraite, mi orientale-mi occidentale, un peu érotique, un peu expressionniste, l’œuvre est déclinée avec des matériaux variés, marquant l’inspiration de l’artiste et une obsession pour le statut de la femme.

  • « A mon seul désir » de Lucie Borleteau

    « A mon seul désir » de Lucie Borleteau

    Une jeune étudiante décide de s’encanailler en entrant dans un club de striptease, juste pour voir. Sous le pseudonyme d’Aurore, elle se lance avec le sourire dans un parcours de stripteaseuse, autant pour l’aspect disruptif de cette nouvelle voie, que pour payer son loyer. Elle a abandonné ses études et elle plonge avec curiosité dans ce monde de la nuit où le sexe est omniprésent, ainsi que les comportements parfois déviants de spectateurs venus confronter leurs frustrations à la nudité aguichante de ces jeunes femmes.

    Aurore initie aussi une relation amoureuse avec une de ses collègues de scène. Un peu d’amour lesbien, un peu de polyamour, un peu de transgression, bref, un film dans l’air du temps qui traite d’un sujet vieux comme le monde.

  • « Les soldats du désert – Leclerc et les Britanniques » au Musée de la Libération de Paris

    « Les soldats du désert – Leclerc et les Britanniques » au Musée de la Libération de Paris

    Le « musée de la Libération de Paris / musée du Général Leclerc / Musée Jean Moulin » (pourquoi un nom si long pour un musée plutôt modeste ?) raconte l’épopée des Français libres, en Afrique et dans le désert durant la deuxième guerre mondiale, sous le commandement de Philippe de Hauteclocque dit « Leclerc » (1902-1947), représentant du général de Gaulle sur le continent.

    Fait prisonnier par les Allemands en juin 1940 après les combats en Champagne, il s’évade, rejoint de Gaulle à Londres qui l‘envoie au Cameroun d’où il commence une véritable épopée qui le conduira avec ses soldats jusqu’à Berlin après avoir libéré Paris puis Strasbourg qu’ils atteignent en novembre 1944.

    En Afrique Leclerc a pour mission de convaincre les autorités françaises coloniales de passer sous la bannière gaulliste en abandonnant celle de Pétain. Quasiment seul, sans armes ni troupes, il monte progressivement une division de soldats de bric et de broc avec le soutien des Britanniques, le ralliement de soldats grecs et les « tirailleurs sénégalais », soldats plus ou moins volontaires issus de l’Empire français.

    Il mène et emporte des batailles dans le désert devenues légendaires, contre les Italiens puis les Allemands, dans l’immensité hostile du Sahara. En 1943 il se place avec ses hommes sous l’autorité du commandant en chef britannique de la région, le général Montgomery. En avril 1944 il rejoint le sol français avec sa « 2ème DB », est envoyé libérer Paris en août et poursuit jusqu’à la reddition allemande. L’exposition décrit un chef de guerre de grand charisme, proche de ses hommes, stratège imaginatif et n’hésitant pas à prendre des risques personnels. Les opérations qu’il a menées en plein désert en 1942 et 1943 en infériorité criante par rapport aux ennemis sont admirables et participèrent à leur mesure à chasser les Italiens et les Allemands d’Afrique pour préparer la libération de l’Europe.

    Après sa victoire dans la bataille de Koufra le 28/02/1941 (dans l’actuelle Libye) de Gaulle lui télégraphie :

    Vous avez ramené la victoire sous les plis du drapeau. Je vous embrasse.

    C’est à Koufra également qu’il prononce avec ses hommes le « serment de Koufra » dans lequel ils s’engagent à ne déposer les armes que lorsque les couleurs françaises flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ! Le serment sera tenu plus de quatre années plus tard. Le drapeau en question est présenté dans la dernière salle de l’exposition. Bricolé à la hâte dans la ville tout juste libérée, la couleur rouge du drapeau tricolore aurait été cousue avec des restes de drapeaux nazis !

  • L’armée française à la rescousse des musculeux ?

    L’armée française à la rescousse des musculeux ?

    L’organisation des Jeux Olympiques (JO) d’été en 2024 à Paris est annonciateur de beaucoup de difficultés pour très peu d’avantages. L’une d’entre elle concerne la sécurité qu’il faudra assurer en ces temps troublés de guerre et de terrorisme. Pour canaliser les foules grégaires et avinées vers les stades et autres lieux où se tiendront ces jeux dispendieux il est prévu de recruter des milliers d’agents de sécurité et il semble que l’organisation des JO ait du mal dans ce recrutement, même après avoir réduit les critères d’exigence appliqués à ces personnels, ce qui n’est pas très rassurant par ailleurs.

    Pour résoudre ce problème, il est question d’essayer de procéder à des recrutements complémentaires à l’étranger dans les pays francophones ou, en dernier recours, de faire appel à l’armée comme le fit le Royaume-Uni lors de ses JO en 2012. Une telle hypothèse, si elle se réalisait, serait une nouvelle dérive dans l’organisation de jeux sportifs qui coûtent déjà très chers aux contribuables. L’armée n’est pas là pour faire la circulation. Elle a des tâches bien plus urgentes et vitales à mener pour la République dans le cadre de son budget. Si les jeux ne sont pas capables d’autofinancer leurs activités eh bien il faut faire exactement comme le ferait une entreprise : réduire la voilure pour adapter les dépenses aux revenus. C’est un concept assez simple à comprendre.

    Aujourd’hui le Comité international olympique (CIO) grand maître des jeux du cirque, organisation richissime dont le siège est à Lausanne en Suisse (sans doute pas uniquement pour l’air vivifiant des Alpes) exige des exonérations fiscales des Etats dans lesquelles il opère. En France une telle exonération a été octroyées en 2020 par décret signé par les ministres Edouard Philippe, Gérald Darmanin et Roxana Maracineanu pour les JO Paris 2024.

    Lire aussi : Les ministres Philippe, Darmanin et Maracineanu jettent l’argent public par les fenêtres et signent leur méfait

    Cet abandon de recettes fiscales vient déjà s’ajouter aux dépenses publiques prises en charge par l’Etat à hauteur d’une petite dizaine de milliards d’euros, non compris les inévitables dépassements budgétaires qui pourraient presqu’être érigés en discipline olympique tant ils sont récurrents à chaque organisation de JO. Eh bien, en France, comme ce fut le cas au Royaume Uni, on risque de devoir en plus mettre en œuvre l’armée pour suppléer aux déficiences du privé. Le pays est ainsi assuré de garder son titre de champion olympique de la dépense publique.

    Lire aussi : Jeux Olympiques : Paris essaye de limiter le racket

    Nous avons voulu collectivement ces JO, eh bien, nous allons payer pour les avoir.

  • La droite d’opposition a échoué de peu à faire tomber le gouvernement

    La droite d’opposition a échoué de peu à faire tomber le gouvernement

    Par suite de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution française pour faire adopter un peu en force la réforme des retraites, deux motions de censure du gouvernement ont été déposées par le groupe « d’opposition centriste » Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) et par le Rassemblement National groupe de franche opposition de droite.

    Les groupes d’opposition de centre (LIOT) et de droite (RN – Rassemblement National) ont massivement voté pour la censure que les partis de gauche, bien qu’opposants, n’ont pas voté ne voulant pas mêler leurs voix à celles de la droite. Plus consternant, il s’est trouvé 19 députés du parti Les Républicains (LR) sur un groupe de 61 pour voter la censure du gouvernement et il s’en est fallu de 11 voix seulement pour que le gouvernement ne soit pas renversé. On avait sous-estimé la haine que vouent les députés LR au pouvoir actuel et tout particulièrement à son président qui avait mis sur la table une réforme des retraites dont la mesure phare était de repousser l’âge de départ de 62 à 64 ans, c’est-à-dire un de moins que les 65 ans réclamés à corps et à cris par ce même parti depuis des années, et tout particulièrement dans le programme électoral de sa candidate aux dernières élections présidentielles.

    L’arrivisme et les convictions changeantes de ces députés laissent pantois. Leur haine politique à l’encontre d’un président qui par deux fois a fait échouer leur propre candidat-président dans les grandes largeurs, François Fillon en 2017 et Valérie Pécresse en 2022. Aucun des deux ne réussit à passer le barrage pour accéder au deuxième tour et Emmanuel Macron fut élu en 2017 et en 2022. Il applique depuis une politique que l’on peut qualifier de centre-droit avec des réformes comme celle du statut de la SNCF que LR avait toujours rêvé de faire sans jamais oser se lancer.

    Comment ce parti conservateur, lointain successeur du Rassemblement du peuple français (RPF) créé par MonGénéral peut-il ainsi avoir joué avec le feu en faisant le jeu des partis démagogiques de gauche comme de droite dure ? De Gaulle a dû s’en retourner dans sa tombe à Colombey-les-Deux-Eglises. Les chefs LR avaient appelé leurs troupes à voter pour la réforme et donc à ne pas voter pour la censure. Le moins que l’on puisse dire est que leur autorité vacille.

    La logique aurait voulu que LR, qui dispose de la majorité au sénat, convienne d’un accord de gouvernement avec Renaissance, le parti présidentiel qui n’a qu’une majorité relative à l’assemblée nationale, puisqu’ils sont d’accord sur la majorité des sujets. Mais nous sommes en France et, malgré la situation déclinante du pays, le consensus politique est un concept qui n’est pas reconnu par les partis et ceux qui les composent. Les haines recuites, les insultes, la mauvaise foi et les retournements de veste sont érigés en mode de fonctionnement. La gauche nous avait déjà habitués à ces pratiques, le fait que la droite « de gouvernement » s’y mette également symbolise la décadence dans laquelle s’enfonce la Nation.

    Résultats des deux motions

    Motion Bertrand Plancher, groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT)

    • 18 députés du groupe LIOT sur 20 ont voté la censure
    • 19 députés du groupe Les Républicains (LR) sur 61 ont voté la censure
    • 88 députés du groupe Rassemblement National (RN) ont voté la censure
    • Les autres votants sont plus attendus

    Motion Marine Le Pen, groupe Rassemblement National (RN)

    • 3 députés du groupe LR ont voté la censure
    • 88 députés du groupe Rassemblement National (RN) ont voté la censure
    • Les autres votants sont plus attendus

    Aucune de ces deux motions n’a été adoptée.