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  • SAVOYE Jean-Marc, ‘Et toujours elle m’écrivait’.

    SAVOYE Jean-Marc, ‘Et toujours elle m’écrivait’.

    Jean-Marc Savoye, éditeur, a suivi quinze années de psychanalyse, complétées par quelques mois d’EMDR (Eye Movement Desentitization and Reprocessing, qui signifie en français « Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires »). Il raconte ce parcours dans son livre, la souffrance et le questionnement face aux évènements de sa vie qui l’ont amené à devoir consulter : un père mort alors qu’il avait 5 ans, une paternité remise en doute car sa mère avait un autre amour, un frère-modèle décédé prématurément… Pour les affronter et les comprendre il eut besoin d’une aide extérieure que la psychanalyse semble lui avoir apportée, au moins partiellement puisqu’il a du la compléter avec l’EMDR.

    Avec ses analystes il partage tout : ses doutes familiaux, ses troubles amoureux, ses angoisses professionnelles. Ces dialogues l’inspirent pour s’orienter dans la vie et, parfois, gagner en autonomie. L’analyse le rassure, l’apaise, lui permet de parler de sa vie à un tiers qui l’aide à en interpréter les éléments. Des interprétations qui restent des hypothèses, fruits d’échanges qui ont duré des années.

    Présentée par Savoye, son analyse ressemble à une « béquille », une aide à la décision pour faire face à des évènements de sa vie qui le laissent désemparé et impuissant. Il en a un véritable besoin et la relation quasi filiale qu’il a partagée avec ses analystes lui a été utile. Le lecteur moins au fait de la psychanalyse reste un peu ébahi de cette si longue et vitale nécessité d’analyser sa vie pour vivre un présent qui ne semble toutefois pas excessivement tragique au regard de bien d’autres. Plus étonnant encore : devoir raconter ce long processus dans un livre publié. La première et rapide conclusion à en tirer sera au moins que suivre une psychanalyse demande une irrépressible envie de parler de soi.

    Nous sommes en psychanalyse alors on aime jouer avec les mots. Et puis on se refuse à admettre le hasard, n’y voyant que des actes manqués. Comme l’analysant (le patient) raconte son mal-être à son travail qu’il passe dans son bureau face à son « imper » suspendu à une « patère », l’analyste lui précise qu’il s’agit en fait de « un père » et un « pater [en latin] », donc de l’obsession de son père. Sur la fusion avec sa mère, Savoye déduit que « tout ce qui vient de la mère passe par la con », d’où la confusion dans la relation avec sa mère. On peut-être féru de psychanalyse sans être forcément poète !

    Le récit a été publié en 2017, il se termine par cette constation qui rassure son auteur : « Le passé, enfin, n’est plus mon horizon. » L’histoire ne dit pas s’il a du entamer une cinquième analyse depuis.

  • « Monet – Michell » à la Fondation Louis Vuitton

    « Monet – Michell » à la Fondation Louis Vuitton

    Cette exposition donne à voir les œuvres de Joan Mitchell (1925–1992), peintre américaine francophile, inspirée par Claude Monet (1840–1926), à travers un parcours croisé au cœur de leurs peintures mélangées. D’ordre abstrait, les toiles de Mitchell sont de grande taille, tachetées de couleurs vives qui rappellent de loin en loin les somptueuses couleurs de Nymphéas ou des sublimes fleurs peintes par Monnet devant son jardin de Giverny. D’ailleurs Joan Mitchell s’installa à à Vétheuil à la fin de sa vie. Depuis sa terrasse elle dominait les courbes de la Seine et la maison de son Maître.

    Cette exposition est l’occasion de se replonger dans les toiles de Monet et leur féérie de couleurs. La comparaison avec les tableaux de Joan Mitchell est redoutable, c’est celle du classisme versus la modernité abstraite. Le choix entre ces deux tendances relève sans doute d’une question de génération.

  • BORTCHAGOVSKI Alexandre, ‘L’holocauste inachevé, ou comment Staline tenta d’éliminer les juifs d’URSS’.

    BORTCHAGOVSKI Alexandre, ‘L’holocauste inachevé, ou comment Staline tenta d’éliminer les juifs d’URSS’.

    Alors qu’il passait les 80 ans, le romancier et dramaturge « soviétique » Alexandre Bortchagovski (né en 1913, date de décès inconnue), éplucha les archives du pouvoir soviétique sur le dossier du « Comité antifasciste juif [CAJ] » et les tentatives staliniennes d’annihiler les juifs d’URSS, en commençant par l’élite représentée au sein du CAJ. Le récit raconte cette plongée dans l’absurde sanguinaire de la dictature stalinienne lancée contre les juifs. C’est très touffu, ponctué de référence à des personnages inconnus du grand public, du côté des victimes comme celui des bourreaux (ceux-ci ayant d’ailleurs vocation à devenir à leur tour des victimes un jour ou l’autre…), Wikipédia permet d’en savoir un peu plus sur ceux qui sont le plus cités.

    L’antisémitisme de Staline et de son clan n’a pas pu vraiment s’exprimer durant la seconde guerre mondiale ni dans les quelques années qui suivirent tant l’idée même d’antisémitisme était associée à la barbarie nazie. C’est à cette époque qu’avait été créé le CAJ, en 1942, avec l’approbation de Staline afin de recueillir le soutien de la communauté juive internationale en faveur d’un soutien à l’Union soviétique dans son combat contre l’Allemagne nazie. Ce Comité joua son rôle jusqu’à la reddition allemande en 1945 puis les choses commencèrent à se gâter à la fin des années 1940 et l’antisémitisme du pouvoir russe put s’afficher de nouveau au grand jour.

    On voit alors le régime stalinien se déchaîner contre le CAJ qui représente l’élite de la population juive d’URSS et dont les membres sont accusés de « nationalisme » et de menées « antisoviétiques ». Ils sont arrêtés, torturés parfois durant plusieurs années par des « officiers-instructeurs » jusqu’à ce qu’ils signent des aveux circonstanciés, le plus souvent de vrais tissus de mensonges qu’en l’occurrence ils contesteront lors de leurs procès, ce qui ne les empêchera pas pour la plupart d’être exécutés d’une balle dans la nuque. Généralement leurs bourreaux connaîtront le même sort quelques mois plus tard à l’occasion des purges suivantes tant la machine totalitaire avait besoin de coupables à se mettre sous la dent pour perdurer.

    Rien de bien nouveau pour qui a vu le film « L’aveu » ou est familier avec la littérature du goulag, mais toujours cette incroyable constance du régime soviétique à extorquer des aveux aux contestataires du régime, même si tout le monde sait qu’ils sont montés de toutes pièces. Le mensonge et la désinformation sont érigés en mode de fonctionnement et vont générer des millions de morts.

    Au détour des pages on apprend que la fille de Staline, Svetlana Allilouïeva, a épousé un russe d’origine juive en premières noces dont elle aura un fils et… des problèmes avec son père qui voyait cette union d’un très mauvais œil. On découvre également que Molotov, celui du pacte germano-soviétique (1939) encore appelé « Ribbentrop-Molotov », du nom des deux ministres des affaires étrangères des Etats signataires, était marié avec une femme juive, communiste pure et dure, soutien du CAJ. Arrêtée en 1948 pour « trahison » elle est condamnée à l’exil intérieur au Kazakhstan et le couple est poussé au divorce. Elle sera libérée après la mort de Staline en 1953 et pourra alors se remarier avec Molotov !

    L’Histoire passe, les temps changent, les dictateurs succèdent aux autocrates à Moscou, mais la politique en Russie reste relativement linéaire. La guerre d’Ukraine déclenchée le 24/02/2022 repose sur la même volonté de puissance du clan au pouvoir, d’identiques mensonges auto-justificateurs et un similaire mépris de la vie humaine. Le résultat de cette guerre ne devrait pas grandir la Fédération de Russie qui a succédé à l’Union soviétique, hélas !

  • « Saint-Omer » d’Alice Diop

    « Saint-Omer » d’Alice Diop

    Le film relate un fait divers sordide qui a fasciné la réalisatrice, celui d’une jeune femme d’origine sénégalaise, arrivée enfant de Dakar à Paris pour faire des études qu’elle semble avoir suivies avec plus ou moins de convictions et d’assiduité, qui, ayant abandonné ses études et à cours de ressources, s’installe chez un ancien expatrié en Afrique, bien plus âgé qu’elle, déjà marié et père d’une fille de l’âge de sa maîtresse. Cette dernière tombe enceinte et donne naissance, toute seule à la maison, à une fille qu’elle cachera consciencieusement à son entourage, avant de la déposer, à deux ans, sur la plage de Saint-Omer alors que la marée monte. L’enfant est retrouvée morte le lendemain, la mère identifiée et arrêtée rapidement.

    Le film rejoue le procès en cours d’assise dans cette petite ville de province, une présidente du tribunal bienveillante essaye de démêler l’histoire entre la thèse de l’acte prémédité et du mensonge de l’accusée défendue par le procureur et celle d’une victime de la négligence du père de l’enfant et du racisme ambiant avancée par l’avocate. Ce père témoigne à la barre et affiche sa coupable négligence. C’est le syndrome du « vieux blanc », bien connu de ceux qui ont vogué en Afrique, utilisant des gamines locales pour assouvir leur besoin de « chair fraîche », le tout dans la lâcheté et l’irresponsabilité.

    L’accusée parle de ses visions, les psychiatres de « l’altération de son discernement », l’avocate de son errance culturelle dans un environnement tellement éloigné de celui de son pays natal. Cette femme est probablement psychiquement malade, elle sera néanmoins condamnée, ce que le film ne dit pas, à une peine de 20 années, réduite à 15 en appel.

    L’engagement militant de la réalisatrice, elle-même d’origine sénégalaise, en faveur de la « diversité » transparaît dans le film, bien sûr, ce qui ne l’empêche pas de présenter ce procès dans le cadre d’une justice apaisée. L’actrice jouant le rôle de l’accusée (Fabienne Kabou, dans la vraie vie) semble mystérieuse, perdue dans un monde intérieur inaccessible, reconnaissant l’ignominie de son acte tout en déroulant calmement les éléments d’une existence décalée en France, sans but ni joie. A l’issue de ce film oppressant, le spectateur quitte la salle en se demandant ce que deviendra cette mère infanticide à sa sortie de prison ?

  • La Russie bombarde

    La Russie bombarde

    Avec constance les experts militaires de plateaux télévisés, généralement des militaires en retraite ou des journalistes abonnés à « Air & Cosmos », prédisent la fin des stocks de missiles russes. Avec la même régularité ils sont démentis par les faits et des pluies de nouveaux missiles s’abattent sur l’Ukraine, de façon particulièrement intense après chaque revers de l’armée russe sur le terrain. La tactique russe est de détruire les infrastructures d’eau et d’électricité afin de pourrir la vie des civils ukrainiens. Quelques bombes tombent aussi sur les civils, plus ou moins par hasard, faisant des morts et blessés civils tous les jours dans le pays.

    La ville de Kherson est symbolique de cette tactique. Elle a été évacuée par l’armée russe il y a deux semaines devant l’avancée de l’armée ukrainienne mais les soldats russes se sont installés à quelques kilomètres, de l’autre côté du fleuve, à portée de canons, et ils bombardent consciencieusement depuis tout ce qui bouge à Kherson afin de rendre infernale la vie des habitants qui ont eu l’outrecuidance d’accueillir les soldats ukrainiens en héros après leur propre évacuation. Le côté inextricable de ce champ de bataille est que dans l’esprit des Russes la ville de Kherson est… russe puisque cette région a été annexée par la Fédération. La Russie bombarde la Russie !

    Dans le même temps, les civils ukrainiens qui le peuvent évacuent la ville de Kherson qui devient invivable, une petite victoire politique pour Moscou après la défaite militaire.

    Lire aussi : Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

  • The Cure – 2022/11/28 – Paris Bercy

    The Cure – 2022/11/28 – Paris Bercy

    Assister à un concert des Cure en 2022 c’est un peu se lancer dans un voyage introspectif sur son passé musical tant ce groupe, formé en 1978, a accompagné le parcours musical des fans, et tout particulièrement français, The Cure ayant toujours rencontré un franc succès dans l’hexagone. Alors lorsque les lumières s’éteignent ce soir et que démarrent les notes amples de Alone, Bercy frissonne de plaisir. Les musiciens sont en place et joue une longue et lente intro quand Robert Smith fait son entrée, longeant lentement le bord de la scène, en log et en large, saluant les spectateurs avec un petit sourire timide. Sans sa guitare il est « en civil », un peu pataud avec ses kilos en trop, ses cheveux grisonnants-filasse en bataille, son éternel rouge-à-lèvres et ses fringues noires informes. Fidèle à lui-même il déploie avec son groupe la bande-son de notre vie.

    Robert Smith

    Après cette affectueuse entrée en scène il s’approche du micro pour entamer Alone, une chanson du disque The Lost World dont la sortie est annoncée depuis plusieurs mois mais sans cesse repoussée. On est toujours dans le sombre, la marque de fabrique des Cure :

    This is the end of every song that we sing
    The fire burned out to ash and the stars grown dim with tears
    Cold and afraid, the ghosts of all that we’ve been
    We toast, with bitter dregs, to our emptiness

    On ne peut pas dire que ces paroles débordent d’enthousiasme, pas plus d’ailleurs que le rythme pesant et étiré de sa musique, mais nous sommes à un concert des Cure pas à un show de chippendales …, et c’est comme ça que nous les aimons.

    Le groupe est composé du quatuor habituel : Robert Smith (chant et guitare), Simon Gallup (bass), Roger O’Donnell (clavier) et Jason Cooper (batterie), renforcé par Reeves Gabrels (guitare), qui tourne avec le groupe depuis 2012, et le revenant Perry Bamonte (guitare et clavier) qui fit partie du groupe dans les années 1990 ; il est un peu relégué tout seul à gauche de la vaste scène de Bercy.

    Une fois passée cette ouverture pour faire patienter encore un peu la sortie du nouveau disque, le groupe rentre dans une setist de bonheur déclinant 40 années de création. L’enchaînement A Night Like This/ Lovesong est sublime ; Lovesong, cette chanson écrite par Robert comme cadeau de mariage à sa femme Mary… quelle classe ! Charlotte Sometimes, Push, Play for Today sont des sommets qui déclenchent l’enthousiasme. Robert est serein derrière son micro, en pleine forme vocale. Si son aspect physique a pris quelques rides, sa voix est toujours la même, perchée dans les aigües, un peu forcée. Elle s’envole sous les voutes de Bercy et strie nos âmes, nous ramenant toutes ces chansons sur lesquelles les quinqua/sexa rattachent immanquablement nombre des étapes de leurs vies.

    Une petite frustration quand même est la sous-utilisation des talents de Gabrels. Quand on l’a vu sur scène avec Bowie, notamment sur la tournée Outside, développer une incroyable virtuosité appuyée par la maîtrise de la technique lui permettant de jouer des sons surréalistes avec seulement six cordes, on reste un peu sur notre faim de le voir entamer seulement deux petits solos sur A night like this et Endsong. C’est un peu maigre mais il n’est sans doute pas facile d’être le guitariste d’un groupe mené par un guitariste-chanteur ! Certes, la musique du groupe ne se prête pas complètement à la virtuosité guitaristique mais il nous semble que Porl Thomson qui a précédé Gabrels pour les tournées avait un peu plus l’initiative sur scène. Et puis, les quelques rares solos joués ce soir, et qui ne sont pas sur les disques, sont parfaitement placés et pourraient être mulitipliés.

    Reeves Gabrels

    Le show se termine sur Endsong, tirée également du futur CD à sortir. Le beat est lent, de lourdes nappes de claviers se répandent sur l’assistance, les guitares marquent le rythme répétitifs et pesant dans les aigües et le chant de Robert achève de faire tomber un voile de déprime au milieu des larsens déchirants…

    And I’m outside in the dark
    Staring at the blood red moon
    Remembering the hopes and dreams I had
    All I had to do
    And wondering what became of that boy
    And the world he called his own
    And I’m outside in the dark
    Wondering how I got so old

    It’s all gone, it’s all gone
    Nothing left of all I loved
    It all feels wrong
    It’s all gone, it’s all gone, it’s all gone
    No hopes, no dreams, no world
    No, I don’t belong
    AI don’t belong here anymore

    Mais pour relever le moral, le groupe revient pour deux rappels d’anthologie enchainant tous les tubes de leur si fructueuse carrière et Bercy se déchaîne. Des gamines de 17 ans hurlent et dansent sur In Between Days  sorti en 1985…, les moins jeunes sont debouts devant leurs sièges, trois générations de fans révèrent ce groupe de légende qui nous laisse bouillonnants sur Boys Don’t Cry… après 2h45 de musique.

    Voir aussi : Les photos de Roberto

    Setlist : Alone/ Pictures of You/ A Night Like This/ Lovesong/ And Nothing Is Forever/ The Last Day of Summer/ Want/ A Fragile Thing/ Burn/ At Night/ Charlotte Sometimes/ The Figurehead (Robert change « American » for « Parisian » girls)/ A Strange Day/ Push/ Play for Today/ Shake Dog Shake/ From the Edge of the Deep Green Sea/ Endsong

    Encore : I Can Never Say Goodbye/ Faith/ A Forest

    Encore 2 : Lullaby/ The Walk/ Friday I’m in Love/ Close to Me/ In Between Days/ Just Like Heaven/ Boys Don’t Cry

    Warmup : The Twiligth Sad

    Lire aussi : The Cure – 2016/11/15 – Paris Bercy
    The Cure – 2008/03/12 – Paris Bercy
  • Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

    Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

    A défaut de victoire nette sur le terrain militaire en Ukraine, la Russie s’efforce de tisser une toile juridique pour lier une partie de l’Ukraine à son territoire de façon désordonnée et quasiment inextricable. Quand on connaît le peu de cas que fait Moscou du droit international en général, cette tactique serait plutôt risible mais est annonciatrice de vraies difficultés lorsqu’il faudra défaire ce qui a été fait, si l’Ukraine et la communauté internationale y arrivent un jour et ce, quelque soit l’issue de la guerre en cours.

    La constitution russe a été modifiée pour entériner l’annexion de quatre régions ukrainiennes et l’augmentation conséquente du territoire de la Fédération de Russie alors que l’armée russe n’avait pas encore conquis la totalité de ces régions. Depuis cette annexion célébrée en grande pompe à Moscou par le président russe et les responsables ukrainiens prorusses de ces régions, l’armée russe a perdu du terrain et même abandonné la ville de Kherson, capitale d’une des quatre régions, qu’elle ne pouvait plus tenir. À la suite de la mobilisation partielle de ses citoyens, la Russie mobilise maintenant aussi dans ces quatre régions annexées mais non totalement conquises puisqu’elles sont formellement devenues russes… envoyant sur le front contre l’Ukraine des citoyens ukrainiens devenus russes comme effet de cette annexion. Tous ne sont sans doute pas prorusses mais se retrouvent potentiellement enrôlés dans l’armée russe du fait d’une simple signature sur un décret…

    Plus pernicieux, la Russie a saisi l’occasion de son occupation militaire sur une partie de ces régions pour procéder à des déplacements de population importants (une ancienne habitude soviétique) de ces territoires vers la Russie, le plus souvent sous couvert de « raisons humanitaires », pour les « protéger » des attaques ukrainiennes. Des milliers de passeports russes ont également été délivrés à des citoyens « ex-ukrainiens » selon l’entendement de Moscou mais pas forcément de celui des personnes concernées. Certains sont prorusses et ne verront pas cette démarche d’un mauvais œil mais ce n’est sûrement pas le cas de tous. Il semble que nombre d’enfants isolés sans leurs parents (que ceux-ci soient au front sous les couleurs ukrainiennes ou soient morts), aient été aussi « déportés » en Russie pour y être russifiés. Le moment venu, il sera bien sûr extrêmement difficile à leurs familles de les retrouver et de les récupérer.

    Tout ceci est bien entendu en totale contradiction avec le droit international et le « droit de la guerre », mais cela est fait tout de même par Moscou qui suit ainsi une feuille de route machiavélique. Lorsque cette guerre se terminera, et qu’elle qu’en soit l’issue, ces manœuvres juridiques sont annonciatrices d’un chaos inédit probablement accompagnés de règlements de comptes entre ukrainiens, les prorusses et les fidèles à Kiev. Ceux-ci ont d’ailleurs déjà commencé dans les territoires annexés repris par l’armée ukrainienne.

    La France a connu ce genre de circonstances dans son histoire contemporaine avec l’Alsace-Lorraine annexée par l’Allemagne en 1871 après la défaite française contre la Prusse, récupérée en 1918 après la défaite allemande, réoccupée et annexée de facto par le IIIème Reich en 1940 puis de nouveau « francisée » en 1945. Cette situation provoqua des tragédies comme celle des « malgré-nous » qui furent incorporés de force sous le drapeau nazi et qui, pour certains, subirent les affres de l’épuration après la libération en 1945. Ces annexions juridiques sont toujours synonymes de quasi-guerre civile pendant leur déroulement et après, si elles sont « démontées ». Il est à craindre que cela ne sera guère différent dans les régions ukrainiennes reconnues par le droit international et annexées par la Russie.

  • Du genou

    Du genou

    Voici un genou de 65 ans qui commence à faiblir. Le diagnostic résumé est : « Pas de pincement des interlignes articulaires en faveur d’une arthrose. » Le bobo propriétaire du genou est certes rassuré de savoir qu’il n’est pas (encore) arthritique mais il n’en reste pas moins que le genou présente quelques faiblesses lorsqu’il monte l’escalier… Il va donc falloir constater progressivement l’arrivée de tous ces petits maux de l’âge qui avance !

  • L’assemblée de Corse devant la violence endémique qui prospère sur l’ile

    L’assemblée de Corse devant la violence endémique qui prospère sur l’ile

    Dans un discours plutôt novateur, la présidente de l’assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, a fait un discours ce 18 novembre reconnaissant que la violence gangrène l’ile et ses milieux économiques et politiques

    La session d’aujourd’hui est aussi nécessaire que difficile. Difficile parce que le sujet principal a trait à la violence criminelle, trop souvent à la mort et toujours à la peur.
    Et qu’il est difficile pour des élus et à fortiori des citoyens de parler de ce qui est douloureux ou de ce qui impressionne.

    Difficile aussi parce que cette criminalité s’exerce sous de multiples formes et que ses modalités opératoires comme son emprise sont parfois insondables et – quoi qu’on en dise – y compris pour des élus.

    Ce discours n’est pas vraiment opérationnel mais a le mérite de voir la vérité en face. Il était temps. Il fait suite à un énième assassinat, celui de Massimu Susini en 2019, un militant anti-mafia dont on n’a jamais retrouvé les assassins comme d’ailleurs la plupart des meurtres dans cette ile tant l’omerta traditionnelle est prégnante.

    Un discours politique corse ne serait pas complet sans une attaque de l’Etat français. Celui-ci ne déroge pas à la règle mais au moins ne tergiverse-t-il pas avec une réalité qu’il est difficile de contester :

    Nous sommes donc aujourd’hui réunis pour débattre sans tabou des dérives mafieuses et pour initier un travail de fond vital à la résolution de la crise que traverse la Corse. Car il existe aujourd’hui en Corse une frange de la population qui fait passer ses intérêts avant ceux de la Corse et des Corses, intérêts qu’elle défend en utilisant une réserve de violence et qui empêche les uns d’entreprendre, les autres de développer, parfois certains de respirer.

    C’est peut-être le début d’un processus mais extirper les comportements mafieux et claniques qui régissent l’environnement de cette région va être long et difficile, dans la mesure où la majorité de la population entérinerait la démarche de son assemblée, ce qui n’est pas encore gagné !

    Lire le discours complet sur : https://www.isula.corsica/assemblea/Discorsu-di-a-Presidente-di-l-Assemblea-di-Corsica-di-u-18-di-nuvembre-di-u-2022_a935.html

  • La transhumance

    La transhumance

    Comme tous les quatre ans la migration des fans de fouteballe a commencé telle la transhumance des gnous à la recherche d’un point d’eau en saison sèche dans le cratère du Ngorongoro ! Cette année les festivités de la baballe se déroule au Qatar, c’est loin, c’est cher, le code du travail n’y est pas très protecteur et il fait chaud. Le ministre français de l’intérieur doit se déplacer pour représenter la France à la cérémonie d’ouverture de cette gabegie sous le soleil. On se demande vraiment s’il n’a pas mieux à faire à Paris ? Pourquoi ne pas envoyer la ministre des sports ? Ou simplement un chef de bureau de l’administration ou personne ?

    Nous sommes au Qatar, un pays pas vraiment réputé pour son amour des droits de l’homme ou de l’intersectionnalité, alors le monde humanitaire européen somme les fouteballeurs de prendre position et les amateurs de boycotter les matchs à la télévision. On croit rêver ! Il a déjà fallu quelques années, après l’attribution de la compétition, aux autorités du fouteballe pour découvrir qu’au Qatar il fait vraiment très chaud et déplacer la compétition en hiver, alors espérer que trois jours avant le début des matchs elles s’émeuvent du sort des LGBTQIA+ ou des travailleurs immigrés sous les palmiers du Golfe persique c’est beaucoup leur demander.

    Tout ceci relève d’une faux-jetonnerie de première catégorie. Cette compétition abrutissante a été octroyée au Qatar il y a dix ans, la France a voté « pour » dans les instances appropriées, alors menons là à son terme et passons à autre chose. Au moins ce sont les Qatariens qui dépensent leur argent public pour construire des stades inutiles. C’est leur tour, l’Europe a déjà suffisamment donné en la matière.

    Bien sûr, depuis que les hordes de supporters ont commencé leur transhumance vers Doha, plus rien d’autre n’existe : oubliée la guerre en Ukraine, les déficits budgétaires, les prix de l’énergie, les réfugiés… plus rien d’autre n’importe que la baballe et l’état de santé des joueurs français qui tapent dedans. C’est ainsi, mais la bonne nouvelle est tout de même qu’un peuple qui n’a d’autre horizon que le score de son équipe de foute dans le monde d’aujourd’hui est un peuple qui ne va pas si mal que ça !

  • La quatrième génération Kim s’annonce en Corée du Nord

    La quatrième génération Kim s’annonce en Corée du Nord

    Le président coréen Kim, petit-fils du fondateur de la République populaire démocratique de Corée M. Kim, fils de M. Kim, successeur de celui-ci, est allé assister hier au énième tir d’un missile balistique (non chargé d’explosif) en direction des eaux territoriales japonaises. Le missile est bien arrivé à destination, provoquant un peu d’émotion en Occident et à Tokyo. Jusqu’ici rien que de très courant pour un dirigeant de ce pays.

    L’exceptionnel vient de ce qu’il était cette fois accompagné de sa jeune fille dont s’était la première apparition publique (on ignore son prénom et son âge). Certains parents emmène leurs enfants au manège, dans la famille Kim on les emmène à des tirs de missiles balistiques susceptibles d’emporter des charges nucléaires. Divertissant !

    Peut-être la quatrième génération Kim qui prendra un jour les commandes de la Corée sera incarnée par cette adolescente entraperçue devant le missile de papa ? On ne sait pas encore si elle fera appel aux services du coiffeur de famille qui sculpte les coiffures si caractéristiques de ces dictateurs.

  • Patti Smith : “A Book of Days” – Guardian Live event

    Patti Smith : “A Book of Days” – Guardian Live event

    Aujourd’hui sort le dernier livre de Patti Smith : « A Book of Days ». C’est aussi l’anniversaire de son chat Cairo. Miranda Sawyer du journal The Guardian interview l’artiste (75 ans, née en 1946) en direct sur le site web du grand quotidien britannique. Pour une somme modique les fans peuvent se connecter pour découvrir Patti dans sa chambre raconter ce livre et d’autres petites choses.

    A revoir sur :

    Photographe depuis toujours, elle a profité du confinement pour se replonger dans ses nombreux cartons de tirages et en rassembler une sélection pour cet ouvrage. D’abord prises au Polaroid à soufflet (Land 250) elle est passée au smartphone lorsqu’il n’y eut plus de production de pellicule par le fabricant, ce qui est aussi bien pour la planète conclut-elle. Il y a beaucoup de photos des artistes qui l’ont inspirée, de sa famille, de sa fille Jesse (pianiste-chanteuse [qui accompagne parfois sa mère], activiste pro-environnement engagée, « People Have the Power »), de tous ceux qu’elle aime et a aimés. Mais cela fait beaucoup de morts constate-t-elle, et comme il est important de se souvenir de toutes ces rencontres décisives.

    William Burroughs, Albertine Sarrazin dont il faut lire le roman « Astragal » à la réédition duquel Patti Smith a participé, Fred « Sonic » Smith (le père de ses deux enfant, guitariste du MC5, décédé dans la fleur de l’âge et du talent), Jean Genet, Sam Shepard, Rimbaud, bien sûr, dont elle a racheté à Charleville-Mézières le terrain sur lequel était construite la maison familiale dans laquelle il a écrit « Une saison en enfer » et où il mourut. Une autre maison a été reconstruite à l’emplacement de l’ancienne, ce n’est donc pas l’originale mais elle est faîte du même matériau. Elle essaye d’en faire une résidence pour écrivains lors de discussion en cours avec les pouvoirs publics français.

    Elle raconte sa première « rencontre » avec Rimbaud, c’était à Philadelphie, elle avait seize ans et est tombé amoureuse devant la photo du poète, dont elle n’avait jamais entendu parler, dans une vitrine. Elle a aussitôt acheté sa poésie, tout lu, pas tout compris mais perçu l’importance de cette poésie qui allait devenir son phare tout au long de sa carrière.

    Elle a repris ses voyages après la levée du confinement, ses pauses dans les cafés pour lire ou écrire au milieu de l’agitation canalisée du monde : « Café-life is romantic ».

    Elle divulgue avec beaucoup de bienveillance quelques conseils pour les jeunes artistes : « work hard and believe in you ». Bien sûr le milieu artistique a changé depuis ses 20 ans, mais les basiques et l’exigence de la vocation restent les mêmes.

    Et alors qu’il lui est demandé ce qu’elle regrette de n’avoir pas pu faire, elle aurait voulu prendre des photos en Algérie ou alors oublier son appareil et simplement regarder autour d’elle : « just be, take a little breath and just live »

    Son chat dort sur le lit derrière elle. Elle se lève pour le prendre dans ses bras et chercher un poème de Nerval afin de finir l’interview. Elle revient avec le chat et la journaliste a trouvé le poème qu’elle lit en anglais. En voici la version originale en français :

    Le point noir (Gérard de Nerval, Odelettes)

    Quiconque a regardé le soleil fixement
    Croit voir devant ses yeux voler obstinément
    Autour de lui, dans l’air, une tache livide.

    Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
    Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux :
    Un point noir est resté dans mon regard avide.

    Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
    Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon œil,
    Je la vois se poser aussi, la tache noire !

    Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !
    Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur !
    Contemple impunément le Soleil et la Gloire.

    Patti interprète ce point noir, cette « tache livide », comme une métaphore de la charge (burden share), la peine (?), portée par l’artiste et de conclure :

    Be honest. Go forward!

    Patti Smith porte ses yeux et son cœur sur le monde qui change et qu’elle essaye de façonner avec obstination sous un jour meilleur. Ses enfants, ses lecteurs, ses spectateurs, suspendus à ses mots, se demandent maintenant ce qu’il adviendra après elle. Peut-être vont-ils devoir prendre sa relève ?

    Patti Smith a 75 ans (Cairo en a 21), une grande dame !

    Lire aussi sur Patti Smith :

  • DA EMPOLI Giuliano, ‘Le mage du Kremlin.’

    DA EMPOLI Giuliano, ‘Le mage du Kremlin.’

    Sortie : 2022, Chez : Gallimard – NRF

    Giuliano da Empoli est un journaliste et essayiste italien travaillant sur la géopolitique. « Le mage du Kremlin » est son premier roman qui lui fut inspiré par Vladislav Sourkov, né en 1964, ex-conseiller du président Poutine au Kremlin durant 20 ans, et même un moment ministre, avant de rendre récemment son tablier. Il se dit qu’il fut l’un des inspirateur de la stratégie russe belliqueuse à l’encontre de l’Ukraine, notamment. A priori, ce n’était pas à proprement parler un poète…

    La fiction est construite sur un long monologue de Vadim Baranov, dont on ne sait pas bien s’il est totalement libre de ses mouvements, après s’être retiré des cercles du pouvoir dans sa datcha. Il décrit ceux-ci tels qu’on les imagine depuis l’Ouest, notamment les oligarques peints comme une bande de personnages douteux, incultes, attirés par le clinquant, l’argent et l’illusion de leur influence.

    Baranov est une sorte de conseiller en communication qui intègre le Kremlin après avoir travaillé dans les médias d’un de ces oligarques (Boris Berezovsky) retrouvé « suicidé » dans sa résidence londonienne (dans la fiction comme dans la vraie vie). Au cœur du pouvoir, son action est censée attirer les bonnes grâces du milieu artistique, de la jeunesse et d’autres franges russes en faveur du président Poutine. Il assiste (et participe) à la transformation du monarque, d’une marionnette dans les mains de Berezovsky, mis en place par l’oligarque pour servir ses intérêts financiers, à un tsar implacable et sauvage, obsédé par l’idée de rétablir la peur que doit inspirer la Fédération de Russie, tant à l’intérieur de ses frontières que sur la scène internationale, à la hauteur de celle qu’inspirait l’URSS.

    Baranov relate les pensées du prince avide de rétablir « la verticale » de son pouvoir, loin des « gadgets » occidentaux que sont la démocratie et le débat. L’objectif est la revanche : contre l’Occident qui tente de réduire la grande Russie à une usine du tiers-monde, contre les oligarques russes qui veulent transformer le pays en supermarché low-cost, contre le petit peuple qui n’a pas de conviction…

    Ce roman présente le tsar du Kremlin et ses proches comme un nid de serpents à sonnettes, prêts à tout pour se maintenir dans leurs fauteuils, animés d’une idéologie de Café du commerce et tournés vers le pouvoir, celui de l’argent tape-à-l’œil pour les oligarques, celui de la puissance vengeresse pour les politiques. Le président Poutine est présenté comme un animal à sang froid, parfois capable d’ironie, théorisant sa politique comme un combat titanesque pour rendre à la Russie son lustre d’antan, et à son président son rang d’ogre du monde inspirant l’effroi après les présidences rocambolesques de Eltsine (alcoolique) et Gorbatchev (défaitiste).

    On ne sait pas bien ce qu’il en est dans la « vraie vie » tant le Kremlin cultive l’opacité sur ses modes de fonctionnement depuis des décennies. Le président, ses ministres et conseillers doivent quand même passer aussi un peu de temps dans leurs journées à gérer les affaires courantes de la Fédération de Russie, le plus vaste Etat de la planète, faire des choses plus triviales et moins glamours que de répandre une capacité de nuisance à travers la planète ou faire la guerre à ses voisins ? Peut-être même dînent-ils de temps en temps avec leurs épouses et leurs enfants ? Le tsar est présenté exclusivement comme un deus ex-machina isolé dans les tours du Kremlin où il donne l’impression de se réveiller tous les matins avec comme seul question du jour : « comment vais-je pouvoir nuire à mon prochain aujourd’hui plus qu’hier ? » Peut-être est-ce ainsi, peut-être pas !

    Le livre se termine sur l’image de Baranov caressant tendrement les cheveux blonds de fille de 10 ans en expliquant qu’elle est désormais l’unique sens de sa vie et la raison pour laquelle il a abandonné son poste de conseiller du prince. Le lecteur écrase une larme en refermant ce livre haletant, éclairé aussi par l’actualité…

    Souriez, ce n’est qu’un roman !

  • La pollution des neurones par les médias « populaires »

    La pollution des neurones par les médias « populaires »

    Cyril Hanouna, animateur de l’émission « Touche pas à mon poste » (TPMP) sur la chaîne de télévision C8 fait de nouveau l’actualité ces derniers temps, largement aidé par le monde politique qui adore venir se vautrer dans ses émissions et comparaître face à ce trublion et sa bande de « chroniqueurs » dont la stupidité racoleuse ferait passer le Café du Commerce du coin de la rue pour une assemblée de prix Nobel.

    On a vu récemment son émission s’embraser sur un incident qui s’était produit le jour même à l’assemblée nationale lorsqu’un député d’extrême droite avait crié « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique » alors qu’un député d’extrême gauche, « issu de la diversité », posait une question au gouvernement sur le sauvetage en cours de migrants dans la mer Méditerranée, sans que l’on ne sache vraiment si cette invective d’un goût douteux s’adressait au député ou aux migrants dont il parlait. Le soir même, le député victime de cet incident paradait chez Hanouna et un autre député issu du parti de l’attaquant s’expliquait sur la chaîne CNEWS dans l’émission « L’heure des pros » animée par un journaliste spécialisé dans le fouteballe, Pascal Praud, lui aussi entouré d’une bande de commères incapables de la moindre réflexion, préférant dévider des slogans et des poncifs comme s’il en pleuvait. Les deux chaînes appartiennent au groupe de l’homme d’affaires breton Bolloré, très investi dans les médias.

    Nouvel incident cette semaine, recevant un des anciens « animateurs » de TPMP, élu député d’extrême gauche cette année, la encore sur le sujet sensible de l’immigration, M. Hanouna, lui-même « issue de la diversité », s’oppose fortement audit député qui avait cité le nom de Bolloré comme membre de la caste des « très riches qui possèdent autant que des millions de pauvres », le ton monte entre les deux lascars aussi inconsistants l’un que l’autre, Hanouna défendant la main qui le nourrit et accusant le député de cracher dans la soupe, plus personne ne s’écoute et M. Hanouna injurie son partenaire qui quitte la scène. Spectacle terminé pour la soirée !

    Un animateur de télévision apostrophant un député de la République à coups de « T’es une merde », « Ferme ta gueule » ou « T’es un nase » crée un peu d’émotion dans le microcosme politico-audiovisuel. Vu le calibre des deux belligérants, leur conflit est de peu d’importance mais il est cependant inquiétant que la politique française se fasse de plus en plus sur des plateaux télévisés dont le niveau de réflexion est tout simplement consternant et varie de façon inversement proportionnelle aux scores d’audience.

    Ces émissions étant très regardées, les politiques rétorquent qu’y participer est le seul moyen de toucher la catégorie des citoyens qui les regardent, ceux-ci ne lisant pas Le Monde ou Le Figaro, et ne suivant pas non plus le journal télévisé d’Arte… Ainsi on a vu plusieurs candidats à l’élection présidentielle 2022 défiler à TPMP pour des débats avec M. Hanouna, son public et divers autres intervenants. Ils choisissent de compromettre avec la bêtise mais c’est un choix cornélien.

    Plus troublante est l’option retenue par M. Bolloré et sa famille, qui ont la haute main sur la programmation de ces deux chaînes et sur le recrutement de ses animateurs, qui choisissent de promouvoir sciemment l’abrutissement des masses en finançant ces émissions et leurs animateurs qui tirent vers le bas le niveau intellectuel des téléspectateurs. On ne peut guère soupçonner les Bolloré de stupidité et il est peu probable que leurs enfants regardent TPMP le soir après leurs devoirs. On ne va pas non plus leur reprocher leur positionnement conservateur et catholique traditionnel mais on s’interroge véritablement sur cette stratégie de favoriser les médias abrutissants. Le marché médiatique du racolage populaire est certainement plus rentable pour le privé que celui de l’intelligence. Sans doute aussi les Bolloré espèrent-ils qu’à force de favoriser les bas instincts des électeurs ceux-ci aillent voter pour des partis de droite ? C’est d’ailleurs ce qui s’est plus ou moins passé en France lors des élection présidentielle et législatives de 2022. C’est ce qui se passe dans d’autres pays proches depuis quelques années.

    Cette tactique de parier sur la bêtise des électeurs semble payante à court terme pour ses promoteurs. On a du mal à imaginer qu’elle le soit à plus long terme pour le pays. Ceux qui la promeuvent font preuve d’un cynisme à toute épreuve et pourraient s’en mordre les doigts un jour s’ils étaient capables d’autocritique.

    En attendant, peut-on espérer qu’un pays où Cyril Hanouna affiche 6 millions d’abonnés sur son compte Twitter, le fouteballeur M’Bappé 9 millions, ou « l’influenceuse » Nabilla 2,7 millions, puisse sortir de la spirale de décadence dans laquelle il est engagé ? Sans doute non, hélas !

    On pourra peut-être se rassurer un peu en constatant que Kim Kardashian a 74,1 millions d’abonnés à ce jour…

    Lire aussi : Le crépuscule des bobos, l’envol des ploucs !

  • La vérité ?

    La vérité ?

    On ne comprend pas bien ce que cela veut dire mais c’est joli.

  • Les frères siamois du Sahel

    Les frères siamois du Sahel

    Le galonné qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat au Burkina Faso en octobre est allé rencontrer le galonné qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat au Mali en 2020. Ils essayent sans doute de recréer le duo des années 1980 entre le président burkinabé Thomas Sankara et son homologue ghanéen Jerry Rawlings. Les africains les appelaient « Tom et Jerry ». Tous deux militaires, ne s’habillant qu’en tenue de combat, avaient déjà essayé de mettre un coup de pied dans la fourmilière du développement de l’Afrique de l’Ouest. Le premier a fini assassiné lors du coup d’Etat mené par son successeur en 1987, le second était aussi arrivé au pouvoir lors d’un coup d’Etat mais a été plus malin en démissionnant ensuite de l’armée et en se faisant réélire président en costume civil. Accessoirement, le développement politico-économique du Ghana a été bien plus probant que celui du Burkina.

    Lieutenants Rawlings (à gauche) et Sankara

    Ces deux trublions en tenue camouflée surfaient à l’époque sur la vague de l’anti-impérialisme, du tiers-mondisme et de la révolution communiste panafricaine, avec des résultats mitigés… C’était il y a quarante ans.

    Leurs successeurs malien et burkinabé sont aujourd’hui engagés dans la guerre contre le djihadisme et le rejet commun de la France, l’ancienne puissance coloniale et, toujours, un vain espoir de développer leurs pays. Mis à part l’arrivée du combat religieux, on ne note pas d’évolution très significative entre les deux époques sinon le creusement du fossé entre le continent africain et le reste du monde.

    L’un et l’autre manifestent un intérêt certain pour la coopération avec la Fédération de Russie, leurs populations déploient des drapeaux russes dans les manifestations anti-françaises régulièrement organisées dans les rues de Bamako et de Ouagadougou. Pour le Mali c’est un retour aux sources tant ce pays fut considéré comme « frère » par l’Union soviétique après son indépendance. Pour le Burkina, eh bien laissons ce pays rejoindre la communauté des pays amis de la Russie et faire sa propre expérience. La fin de la coopération militaire et civile avec le Sahel permettra à la France de redéployer ses ressources de façon plus conforme à ses intérêts. Et si par malheur la coopération russe décevait le Mali et le Burkina (qui n’a pas encore complètement cédé aux sirènes de Moscou) ils pourront toujours revenir vers la coopération internationale (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International [FMI], Banque Africaine de Développement [BAD], etc.) mais il importe que la France sorte définitivement du puits sans fond de la « Françafrique » dont tous ses présidents depuis François Mitterrand ont annoncé la fin sans jamais la réaliser. Il suffit désormais de faire ce que l’on dit et de profiter de la bonne conjoncture pour enfin y parvenir. Le rejet de la France (largement instrumentalisé) par la majorité de ces pays colonisés, l’arrivée en fanfare de la Russie sur le continent qui suit celle de la Chine déjà effective depuis des décennies, le rejet parallèle de la notion de démocratie telle que l’Occident a essayé de l’insuffler localement et, enfin, les déficits abyssaux des finances publiques françaises, tout converge pour que la France se retire calmement du continent africain comme elle l’a déjà fait du Mali.

    Lire aussi : Evacuation de l’armée française du Mali : une première étape !

  • « Années 80 » au musée des Arts décoratifs

    « Années 80 » au musée des Arts décoratifs

    L’exposition « Années 80 » dans la nef du musée des Arts décoratifs commence par la célèbre affiche « La force tranquille » qui a permis l’élection de François Mitterrand à la présidence en mai 1981. Cette arrivée de la gauche au pouvoir a déclenché un formidable coup de pied dans la fourmilière d’une France conservatrice post-soixante-huitarde qui avait déjà été un peu secouée par la présidence Giscard d’Estaing. L’espoir qui a alors saisi la France s’est aussi accompagné d’une recrudescence de créativité qui s’exprime ici par le visionnage des publicités de l’époque (qui rencontre un franc succès auprès des spectateurs), l’exposition des mobiliers créés par des « designers », profession qui entre dans la lumière à cette époque, le prêt-à-porter et la haute couture qui sortent du petit milieu confiné de l’avenue Montaigne, les couvertures du journal « Libération » qui fut un peu le porte-drapeau de cette libération sociétale, mais aussi référence aux « années SIDA » qui apparurent à la fin de cette décennie…

    Et puis, bien sûr, une partie de l’exposition est aussi consacrée à l’ambiance de « fête » qui marqua ces années, au moins pour les privilégiés, au « Palace » ou aux « Bains Douches ». On voit défiler sur grand écran les images des soirées fastueuses (et même une exposition Yves Saint-Laurent à la fête de l’Humanité) dans ces lieux de la nuit où se croisaient Karl Lagerfeld, Andy Warhol, les « Depeche Mode » et Etienne Daho. Un monde de couleurs, un peu clinquant, très insouciant, qui n’est plus aujourd’hui.

    Les années 1980 ont aussi marqué la fin des « trente glorieuses » et de l’insouciance d’un Occident économiquement et culturellement dominateur. L’émergence de l’Asie et d’autres pays contestant cette suprématie occidentale va marquer la fin du XXème siècle. Ce ne fut pas forcément une mauvaise nouvelle mais c’est évidemment un changement de statut parfois douloureux à franchir pour l’ego des tenants de cette hégémonie. Il y a un peu de nostalgie dans cette exposition…

  • Sigur Rós – 2022/11/05 – Paris le Zénith

    Sigur Rós – 2022/11/05 – Paris le Zénith

    Le quatuor islandais Sigur Rós joue deux soirées au Zénith à guichets fermés. On croyait le groupe mené par Jónsi cantonné à l’avant-garde pour spécialistes, les voici maintenant et depuis déjà quelques années, à l’origine d’un succès d’estime et commercial auprès d’un public international élargi, joyeusement représenté ce soir au Zénith.

    La scène est composée de groupes de filins tendus entre plafond et sol, qui vont se torsader selon les morceaux interprétés. L’éclairage est rouge ou vert-laser. Il s’enroule sur les filins donnant à la scène un aspect mystérieux et galactique. Les quatre musiciens sont habillés de noir et démarrent le show sur la ritournelle au clavier de Untitled #1 introduisant leur troisième disque, sans titre, dont on célèbre aussi ce soir le 20ème anniversaire via une réédition remastérisée et qui a la part belle de la set-list du jour. Les Sigur Rós occupent la scène pour deux parties séparées par un entracte.

    Jonsi, haut de taille, est sur le devant, jouant le grand prêtre de cette soirée mystique dans sa longue tunique noire. Maniant son archet de violoncelle sur sa guitare il déclenche l’orage avec le son épais de l’instrument lorsqu’il l’écrase sous la mèche de l’archet. Il nous charme avec sa voix de fausset nous emmenant très haut dans les aigus et faisant de cette voix si particulière le cinquième instrument du groupe. Parfois il chante la guitare devant la bouche et sa voix est alors transformée par les multiples traitements de l’instrument. Le claviériste, qui joue aussi du trombone à coulisse, marque l’atmosphère de ses longues et discrètes nappes de claviers, alternées avec des passages de piano aux notes sibyllines. Le batteur et le bassiste sont sur un registre plus classique, marquant confusément la rythmique d’une musique qui n’en n’a guère.

    Les écrans de fond de scène diffusent des images, le plus souvent en noir et blanc, parfois floues, de brumes, de fumées qui s’accordent si bien avec cette musique mystérieuse qui envahit le temple du Zénith. On se laisse porter par la magie des compositions, emporter par la grâce et la beauté incompréhensibles de cette production venue du grand Nord. Cette musique sort de l’imagination débridée de ces quatre lutins islandais tellement innovants et c’est un sommet de beauté et de poésie.

    Le Zénith en reste pétrifié avant de laisser éclater sa reconnaissance au groupe qui, à la fin du show, revient saluer deux fois en applaudissant à tout rompre les spectateurs enchantés. Sigur Rós reste ancré dans l’avant-garde et aurait tort de s’en éloigner tant il réussit aujourd’hui à la vulgariser sans compromettre. Il mène d’ailleurs une collaboration de longue date avec le groupe Radiohead autre légende de la musique indie qui la met à portée de beaucoup. Quel bonheur d’assister tout au long de ces années à la création de ces artistes toujours en recherche de la perfection !

    Setlist : Untitled #1 – Vaka/ Untitled #2 – Fyrsta/ Untitled #3 – Samskeyti/ Svefn-g-englar/ Rafmagnið búið/ Ný batterí/ Gold 2/ Untitled #7 – Dauðalagið/ Smáskifa

    Glósóli/ Untitled #6 – E-Bow/ Sæglópur/ Gong/ Andvari/ Festival/ Kveikur/ Untitled #8 – Popplagið

    Voir aussi : Les photos de Roberto

  • La Corée du nord s’agite

    La Corée du nord s’agite

    En cette période de guerre russe d’Ukraine, et malgré les performances plutôt limitées de l’ex-armée rouge, les amis de Moscou se sentent pousser des ailes. La Chine vient de réaffirmer sa volonté de réunification de Taïwan à la Chine continentale dans les fastes du XXème congrès de son parti communiste (PCC), fermement accroché au pouvoir. L’opposition chinoise à l’indépendance de l’île est désormais inscrite dans la charte de PCC.

    La Corée du nord aurait fourni récemment des munitions à la Russie pour l’aider dans sa guerre de conquête de l’Ukraine ce qui n’est après tout qu’un prêté pour un rendu car c’est l’Union soviétique qui avait aidé à l’époque la fondation de l’armée nord-coréenne et sa route vers la bombe nucléaire qu’elle a désormais acquise si l’on en juge les essais déjà menés.

    Depuis quelques jours la Corée du nord tire des pluies de missiles non armés en direction du Japon et de la Corée du sud. Il y en aurait pour tous les goûts : du balistique à longue portée, à moyenne et courte portée, des missiles non balistiques et toute une bimbeloterie guerrière dont l’idée qu’elle soit à la disposition du clan familial qui tient ce pays depuis la fin de la guerre de Corée en 1953 fait frémir.

    Les tentatives de négociations menées par la précédente administration américaine n’ont pas abouti à faire redescendre la tension. Il y eut même deux rencontres (2018 et 2019) entre le président Trump et son homologue nord-coréen qui n’ont pas été suivies d’effet malgré leur côté spectaculaire.

    Félix / Charlie Hebdo (16/08/2027)

    Russie, Chine et Corée du nord s’entendent comme larrons en foire, les deux premiers bloquant au conseil de sécurité des nations unis toute sanction contre le troisième, et le trio infernal se retrouvant et se soutenant sur tout ce qui peut nuire à l’Occident tant haï. Comme la planète serait plus tranquille si ces pays autoritaires se préoccupaient de leur développement socio-économique plutôt que de leur puissance militaire ! Mais ce monde idéal n’existe pas et, tel les concours de taille de zizis dans les cours d’école, aujourd’hui si tu n’as pas le bouton nucléaire sur ton bureau tu n’es pas un dirigeant considéré comme sérieux. Ainsi va le monde !