Sortie : 1988, Chez : Washington Press Publication (version américaine).
C’est le roman phare du grand écrivain américain Jin Harrisson (1937-2016) qui raconte l’histoire tourmentée de l’Amérique du Nord à travers le personnage de Dalva, jeune femme aux racines indiennes qui, sur pression de sa famille, a du abandonner le bébé qu’elle a eu à l’adolescence avec un métis indien de son âge… qui se révélera aussi son demi-frère.
Elle ne se remettra jamais de cet amour exclusif ni de son acte d’abandon. Alors sa vie part un peu à la dérive entre la Californie, le Michigan, le Nebraska qui sera son point de chute. Il y a trois narrateurs dans ce puissant roman : Dalva, Michael, un historien qui étudie les archives de la famille pour remonter ses traces indiennes et son grand-père marié avec une jeune femme sioux et combattant fervent de la cause indienne à la fin du XIXème siècle, époque où les tribus finissent d’être massacrées par l’Amérique blanche.
On croise le général Custer, les grands chefs indiens (Big Foot, Crazy Horse, He Dog…), la sœur et la mère de Dalva et les amants de cette dernière dans une histoire complexe et flamboyante. C’est une ode à l’Amérique, à ses habitants, à ses contradictions et à ses tragédies. C’est surtout une analyse incroyablement perspicace de personnages compliqués qui affrontent comme ils peuvent les évènements historiques auxquels ils sont confrontés et les drames familiaux qu’ils subissent et parfois provoquent.
Dans son autobiographie « En Marge » Harrisson révèle que sa mère lui demandait souvent : « mais pourquoi la vie sexuelle de tes personnages n’est jamais ‘normale’ ? » Elle avait du lire « Dalva ». Il n’empêche qu’ils sont terriblement humains comme l’illustre la route suivie par l’héroïne de ce roman et le dénouement finalement heureux au cœur d’un monde sauvage et cruel.
La guerre d’Ukraine menée par la Russie depuis fin février a révélé ce pays tel qu’il est et il faudra sans doute plusieurs générations avant qu’il ne se rapproche à nouveau de l’Occident, s’il ne s’en rapproche jamais. Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, l’Occident a pensé pouvoir « amadouer » la Fédération de Russie en commerçant avec elle, en l’intégrant au G7 devenu G8 en 1997 avant de redevenir G7 après l’exclusion de la Russie par suite de son annexion de la Crimée en 2014, en investissant sur son territoire, en abritant les investissements de ses oligarques en Europe, en recevant ses dirigeants avec faste, bref en cherchant à traiter avec ce pays comme s’il était membre de la communauté occidentale. On a même entendu le président français déclarer le 19/08/2019 en présence de son homologue russe qu’il recevait au fort de Brégançon :
Je sais une autre chose : c’est que la Russie est européenne, très profondément, et nous croyons dans cette Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok. Un grand auteur russe, DOSTOÏEVSKI, dans L’adolescent disait, et je le cite imparfaitement, de mémoire, que le Russe avait cela de particulier par rapport à l’Allemand, au Français ou autre, c’est qu’il était le plus russe quand il était le plus européen, et en quelque sorte son nationalisme était toujours plus grand que lui-même et devait embrasser le fait européen, et je crois très profondément à cela.
A force de vouloir que la Fédération de Russie adopte les modes de fonctionnement européen on a fini par croire qu’un pays qui a donné naissance à Chostakovitch et Dostoïevski ne pouvait pas être animée par des valeurs autres que la démocratie, l’état de droit, la liberté d’expression, les droits de l’homme, etc. Eh bien, l’Occident s’est trompé comme l’illustre la tentative d’invasion de l’Ukraine et la façon dont cette guerre se déroule : sauvage et désordonnée, agrémentée de probables crimes de guerres. La Russie est restée fidèle à ses modes de pensée et de fonctionnement tsaristes ou soviétiques.
Certains de ses dirigeants rivalisent de provocations infantiles qui prêteraient à sourire s’il ne s’agissait de guerre et de ses milliers de morts déjà à déplorer des deux côtés. Ainsi M. Medvedev, ancien premier ministre, ancien président et actuel vice-président du conseil de sécurité de la Fédération qui twitte compulsivement pour ses 900 000 abonnés sur le réseau dit « social » Telegram :
Traduction Microsoft
POURQUOI NOTRE CAUSE EST JUSTE Des réponses à des questions simples à l’occasion de la Journée de l’unité nationale
Pour quoi nous battons-nous ? La Russie est un pays immense et riche. Nous n’avons pas besoin de territoires étrangers, nous avons tout en abondance. Mais il y a notre terre, qui est sacrée pour nous, sur laquelle nos ancêtres ont vécu et sur laquelle notre peuple vit aujourd’hui. Et que nous ne donnerons à personne. Nous protégeons notre peuple. Nous nous battons pour tous les nôtres, pour notre terre, pour notre histoire millénaire.
Qui se bat contre nous ? Nous luttons contre ceux qui nous haïssent, qui interdisent notre langue, nos valeurs et même notre foi, qui haïssent l’histoire de notre patrie.
Contre nous aujourd’hui fait partie d’un monde mourant. C’est une bande de toxicomanes nazis fous, un peuple confus et intimidé et une grande meute de chiens qui aboient de chiens occidentaux. Avec eux se trouve un patchwork de cochons grognons et de philistins à l’esprit étroit de l’empire occidental désintégré avec de la salive dégoulinant sur leur menton de dégénérescence. Ils n’ont aucune foi et aucun idéal autre que les habitudes honteuses qu’ils ont inventées et les normes de double pensée qu’ils imposent qui nient la moralité accordée aux gens normaux. Par conséquent, en nous soulevant contre eux, nous avons acquis un pouvoir sacré.
Où sont nos anciens amis ? Nous avons été abandonnés par des partenaires effrayés – et nous leur avons craché dessus. Donc, ils n’étaient pas nos amis, mais juste des compagnons de voyage aléatoires, des autocollants et des cintres.
Des traîtres lâches et des transfuges cupides sont tombés sur les terres des Tri-Nine – laissez-les pourrir leurs os dans un pays étranger. Ils ne sont pas parmi nous, mais nous sommes devenus plus forts et plus purs.
Pourquoi sommes-nous restés silencieux pendant longtemps ? Nous étions faibles et dévastés par l’intemporalité. Et maintenant, nous nous sommes débarrassés du sommeil collant et du bourbier morne des dernières décennies, dans lesquelles nous étions plongés par la mort de l’ancienne patrie. Notre réveil a été attendu par d’autres pays violés par des seigneurs des ténèbres, des propriétaires d’esclaves et des oppresseurs qui rêvent de leur passé colonial monstrueux et aspirent à maintenir leur pouvoir sur le monde. De nombreux pays ont longtemps ignoré leurs absurdités, mais jusqu’à présent, ils en ont peur. Bientôt, ils se réveilleront complètement. Et quand l’ordre mondial pourri s’effondrera, il enterrera sous le nuage de plusieurs tonnes de ses décombres tous ses prêtres arrogants, ses adeptes assoiffés de sang, ses serviteurs moqueurs et ses mankurts sans paroles.
Quelles sont nos armes ? Les armes sont différentes. Nous avons la capacité d’envoyer tous les ennemis dans un enfer de feu, mais ce n’est pas notre tâche. Nous écoutons et obéissons aux paroles du Créateur dans nos cœurs, et ces paroles nous donnent un but sacré. Le but est d’arrêter le souverain suprême de l’enfer, quel que soit le nom qu’il utilise – Satan, Lucifer ou Iblis. Car son but est la perdition. Notre but, c’est la vie.
Son arme est un mensonge complexe.
Et nos armes sont la Vérité.
C’est pourquoi notre cause est juste.
C’est pourquoi la victoire sera la nôtre !
Félicitations!
1,2 million views 07:00 le 04/11/2022
Fallait-il pour autant ne pas essayer d’embarquer la Fédération de Russie dans l’aventure démocratique qui a tout de même produit quelques bonnes choses depuis le XXème siècle ? Sans doute non ! En tout cas c’est l’option qui a été adoptée en Occident avec plus ou moins d’enthousiasme, elle n’a pas atteint ses objectifs, c’est le moins que l’on puisse dire. Gageons que l’Occident sera maintenant vacciné pour un moment de reprendre langue avec ce pays avant, qu’un jour, des discussions ne s’ouvrent de nouveau car la géographie étant ce qu’elle est, la Russie restera frontalière de l’Europe tant que la dérive des continents ne produira pas suffisamment ses effets.
Le président français a félicité son homologue brésilien « Lula » qui a été élu de justesse face au président de droite sortant. Sur une vidéo manifestement diffusée par l’Elysée on voit M. Macron empêtré dans ses parapheurs mener sa conférence téléphonique en assénant sa volonté d’entamer :
Un partenariat stratégique à la hauteur de notre histoire et des défis qui sont devant nous…
On ne sait pas bien ce qu’est un « partenariat stratégique » sinon un slogan de circonstance, fumeux et verbeux. La France coopère certainement avec le Brésil, diplomatiquement et économiquement, elle va continuer à le faire et il n’est pas nécessaire d’en rajouter avec des effets de manche inutiles.
Ce documentaire suit un voyage en Espagne, sur les traces de Goya, de Jean-Claude Carrière (1931-2021), écrivain, réalisateur, scénariste et longtemps collaborateur du réalisateur espagnol Buňuel. Au cours de ce qui est probablement l’un de ses derniers voyages il évoque sa passion pour le peintre espagnol dans de longs monologues devant ses toiles exposées au Prado ou ailleurs, ou dans sa maison natale. Le réalisateur évoque quant à lui son intérêt pour Carrière en faisant aussi parler ses proches, toujours au sujet de la création.
Avec ce périple, on est aussi un peu à l’ombre des géants qui ont façonné l’art des siècles derniers en Europe.
Hans Abrahamsen (1952) « Vers le silence » (2020-2021)
Maurice Ravel (1875-1937) « Concerto pour la main gauche en Ré majeur » (1929-1930), Pierre-Laurent Aimard piano
Florent Schmitt (1870-1958), « Suite ‘La tragédie de Salomé’, op. 50 »
Un concert en matinée (14h15) dans cette magnifique salle classique du Concertgebouw d’Amsterdam, avec au programme des œuvres du XXème siècle dont le « Concerto pour la main gauche » de Ravel joué au piano par le pianiste français Pierre-Laurent Aimard tourné vers la musique contemporaine, il fut notamment pianiste soliste de l’Ensemble intercontemporain de Pierre Boulez et interprète de nombreuses œuvres modernes de Messiaen, Stockhausen, Ligeti etc. Il joue ici avec brio et effets de manche ce concerto si sombre de Ravel, composé pour le pianiste autrichien Paul Wittgenstein (1887-1961) amputé du bras droit à la suite de la première guerre mondiale.
Cette œuvre originale est non seulement admirable pour la technicité de la partie de piano exigeant une incroyable virtuosité du soliste, mais surtout pour l’atmosphère dramatique de la musique, alternant la force parfois mélancolique du piano avec l’emportement tragique de l’orchestre. Il y va de la violence de la guerre et de la solitude angoissée du combattant. Un concerto sublime !
Le visiteur chemine au deuxième étage du Rijs Museum au milieu des tableaux classiques hollandais (1600-1700) : Rembrant, Vermeer… qui souvent représentent des nobles hollandais, habillés de noir avec collerette blanche, à la rigueur toute protestante, assis avec discrétion sur la richesse et le pouvoir de cette caste qui fut à l’origine du capitalisme occidental.
Afin d’éclairer aussi l’origine de la philosophie de ces capitaines d’industrie, des petits panneaux ont été ajoutés autour des tableaux pour rappeler les compromissions de la religion qui les a inspirés et fut aussi à l’origine de leur fortune.
La vaste demeure du XVIIème d’une famille de grands bourgeois sur le bord d’un canal transformée en musée exposant les fastes de la vie de l’époque… quand on était riches ! Des Van Loon ont été maires d’Amsterdam et ont cofondé la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales au XVIIème, puis sont devenus banquiers.
Créée en 1602, la Compagnie va assurer la force commerçante des Pays Bas durant deux siècles en devenant l’une des premières sociétés capitalistes multinationales qui fut à l’époque parmi les plus puissantes au monde. C’est l’occasion de se souvenir que les anciennes « Provinces unies » fondées au XVIIème siècle, devenues « Pays Bas » au XIXème, entre deux guerres pour leur indépendance contre le Saint Empire germanique, le Royaume d’Espagne ou les ducs de Bourgogne, ont conquis un vaste empire colonial, de l’Indonésie et de la Chine aux Caraïbes, en passant par l’Afrique du sud et le New-Jersey (ce sont des néerlandais qui ont créé la ville New York au XVIIème). Au passage le pays a aussi prospéré sur le commerce de l’esclavage aboli en 1863. Les Pays-Bas ont aussi œuvré pour l’essor du capitalisme, ils ont même plus ou moins inventé l’activité bancaire à l’époque de leur puissance à partir du XVIIème.
Les Pays-Bas ont mené plusieurs guerres contre l’Angleterre, pas toujours victorieuses, mais ces deux puissances protestantes ont posé les bases du système capitaliste libéral sur lequel vit encore l’Occident aujourd’hui. En cheminant dans les pièces bourgeoises de cette maison de maître on sent l’âme de la famille Van Loom représentative du pouvoir et de l’influence des Pays-Bas durant cette époque révolue.
Le parcours du peintre néerlandais (1853-1890), de la naissance à la folie, qui se termine par son suicide, est exposé dans le beau musée d’Amsterdam qui porte le nom de l’artiste. Il y est expliqué le travail acharné que Vincent a produit pour atteindre le sommet de son art et l’influence qu’il aura sur la peinture du XXème siècle. Sa technique de l’association des couleurs, son style en touches de peinture (le pointillisme), ses dessins, ses séries, ses autoportraits, ses évolutions, ses innombrables correspondances (beaucoup avec son frère Theo) sur son travail sont précisément relatés
On y revient sur son talent et ses comportements. Le séjour de Gauguin à Arles en 1988 au terme duquel Vincent se découpe une oreille avant d’être interné ; il continue à peindre à l’hôpital où il retournera plusieurs fois, dont certaines, volontairement. La théorie psychanalytique établit une attirance homosexuelle de Van Gogh pour Gauguin qui, devant l’impossibilité de se réaliser, aurait abouti à cette mutilation pour offrir une partie de lui à celui qu’il aimait… Qui sait ?
Son frère Theo le ramène ensuite à Auvers-sur-Oise en 1989 où il reçoit un coup de revolver dans l’épaule dont il mourra en quelques jours. A priori un suicide mais d’autres rumeurs courent sur un accident ou un homicide de deux enfants qui tiraient aux pigeons dans le coin. Théo qui était atteint de la syphilis meurt quelques mois plus tard. Juste avant la mort de Vincent il venait d’avoir un enfant qu’il avait appelé… Vincent. La psychanalyse élabore encore une théorie sur ce suicide, meurtre symbolique de l’enfant de Théo. Les deux frères sont enterrés côte-à-côte dans le cimetière d’Auvers
L’audioguide du musée répète à plusieurs reprises que le talent de Vincent n’est pas le produit de sa folie mais plutôt le fruit d’un travail acharné et de son génie, comme si les Pays-Bas, très fiers de leur artiste national ne voulaient pas que sa réputation planétaire soit entachée par l’hypothèse de la folie. Il n’est probablement pas évident de séparer l’âme du pinceau, mais qu’importe, l’œuvre est devant nous !
Évidemment cet important musée n’a pas eu les moyens de racheter toutes les toiles de Van Gogh dispersées à travers la planète mais en présente suffisamment, agrémentées de nombreux dessins, pour remplir les trois étages consacrés au peintre et édifier les visiteurs.
« Tosca », le polar de Puccini, est présenté à l’Opéra Bastille dans une mise en scène simple et bien pensée. Un peintre amoureux d’une diva (Tosca) est en lutte pour l’indépendance de l’Italie mais il se heurte à l’oppression représentée par un policier malfaisant et des religieux bornés. Finalement tout le monde meurt, l’amour n’a pas réussi à vaincre la répression ! « Amour, gloire et beauté », c’est une histoire éternelle tirée ici d’une pièce de Victorien Sardou transformée en opéra par Puccini en 1900.
La musique est majestueuse, les chanteurs talentueux, y compris le chœur des enfants de l’Opéra Bastille sur le final du premier acte. Un opéra classique et sans surprise, d’ailleurs cette session en matinée (14h30) est fréquentée par de nombreux enfants qui viennent s’initier en famille à l’art de l’opéra.
Le Centre Pompidou expose une vaste rétrospective de Gérard Garouste, peintre-sculpteur-graveur français né en 1946. C’est l’occasion de survoler le parcours de cet artiste multicarte qui a produit tableaux, dessins, décors (aussi bien au Palace [boîte de nuit], que dans des cathédrales ou au palais de l’Elysée), sculpture et gravures.
L’homme est aussi en proie à ses ombres comme l’illustrent ses toiles sombres, torturées, souvent difficilement compréhensibles pour le néophyte. Sujet à la bipolarité Garouste a fait des séjours en hôpital psychiatrique pour tenter d’y soigner ses maux, notamment une relation difficile avec son père qui eut une attitude douteuse durant la dernière guerre, participant à la spoliation de biens appartenant à des juifs. Il s’est aussi rapproché des religions, jusqu’à se convertir au judaïsme. Il apprit l’hébreu et illustra plusieurs éditions de l’Haggada le livre de Pessah, la pâque juive, dont des extraits sont exposés.
Le visiteur sort troublé par cette exposition énigmatique qui traduit la complexité de l’artiste Garouste animé d’une inspiration perturbante guidée par sa maladie dont il donne l’impression de vouloir s’échapper par tous les chemins que lui permet une créativité débordante, elle-même sans doute aussi le produit de la bipolarité.
Il semble que l’armée russe ait acquis des drones « suicide » à l’Iran qu’elle utilise de façon importante contre l’Ukraine depuis une semaine pour détruire ses infrastructures énergétiques civiles. Moscou nie cette acquisition et explique que ces diaboliques petites machines sont russes, elles ont d’ailleurs été rebaptisés d’un nom russe, mais leur origine iranienne ne semble faire guère de doutes parmi les « experts de plateaux télévisés ».
Avec un certain culot, les puissances occidentales accusent Téhéran de violer on ne sait plus quel traité en vendant des armes à la Russie. Quand on voit les quantités astronomiques d’armes que le même Occident déverse sur l’Ukraine depuis des mois, on se demande s’il est bien sérieux d’utiliser les mêmes moyens de propagande que Moscou, et surtout à quoi cela sert-il ? Que la Russie soit réduite à aller acheter de l’armement à un pays en développement ne devrait pas forcément être une trop mauvaise nouvelle pour l’Occident. Prendre ensuite des sanctions contre la compagnie iranienne produisant ces drones comme l’ont fait les Occidentaux fait partie des règles du jeu. Mais critiquer un Etat iranien qui fait exactement la même chose que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et tous les autres, c’est-à-dire livrer des armes au belligérant pour qui on a pris parti : est-ce bien nécessaire ?
Pascal Maître, photographe né dans l’Indre en 1955, lauréat en 2020 du Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière, expose ses photos sur les Peuls entre le Niger, le Mali et le Burkina-Faso à l’académie des beaux-arts. Les clichés sont superbes et leur présentation est aussi politique qui explique pourquoi et comment les Peuls ont intégré le djihadisme pour en constituer l’essentiel des troupes au Sahel. Entremêlée avec la rébellion des Touaregs contre le pouvoir central au Mali qui dure depuis (au moins) les années 1970, cette population Peul forte d’environ 70 millions de personnes n’a jamais su tenu compte ni des frontières ni des Etats mais, surtout, majoritairement composée de d’éleveurs-nomades elle s’est opposée de tous temps aux populations sédentaires, souvent violemment.
Ces comportements corporatistes, ajoutés à l’influence religieuse musulmane, en ont fait des recrues de choix pour le terrorisme islamique. Plutôt bons guerriers, ils constituaient les troupes de chocs de la Libye de Kadhafi. Après l’effondrement du régime de ce dernier à la suite de l’intervention occidentale, ils ont regagné le Sahel avec armes et bagages.
Au Mali, le gouvernement a armé certaines populations, notamment les Dogons, les érigeant en milices pour lutter contre l’islamisme. Il s’en est suivi nombre de massacres, de vengeances et de contre-massacres qui durent toujours, souvent autant pour des raisons ancestrales et claniques que du fait du djihadisme. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est similaire et les pays où se déroulent ces conflits sont à la dérive.
Derrière les couleurs de ses photos, Pascal Maitre explique la triste réalité de cette population Peul avec réalisme.
La guerre d’Ukraine va bien se terminer un jour. On ignore quand. La seule certitude à ce jour est que l’ensemble Ukraine-Russie sera exsangue après la bataille et qu’il faudra des années, voir des décennies, pour redonner bonne figure à ces deux pays. Le chaos sera total et durable, sans parler des dommages collatéraux subis par le reste de la planète qui a pris parti pour l’un ou l’autre des belligérants.
Le désastre va être humain : on parle déjà de bilans à ce jour de 20 à 30 000 morts de chaque côté et la statistique militaire a l’habitude de multiplier le chiffre des morts par deux ou par trois pour estimer le nombre de blessés. Il sera aussi financier, et dans les grandes largeurs, pour reconstruire l’Ukraine et financer son Etat et les contribuables européens sont les meilleurs candidats pour assurer ce financement. Par ailleurs, il est plus que probable que les aides actuelles, budgétaires et en matériels militaires, ne seront jamais remboursées. Le chaos sera probablement aussi militaire, des quantités considérables d’armements, souvent sophistiqués, ont été déversés sur l’Ukraine et personne ne peut assurer que l’Etat ukrainien, ou ce qu’il en restera après la guerre, sera capable de contrôler ces équipements et d’éviter qu’ils ne soient un jour retournés contre leurs donateurs ou se retrouver dans les mains des mafieux de tous ordres qui pullulent à l’Ouest comme à l’Est.
Le chaos sera aussi politique tant l’Union européenne va être bouleversée par les suites de cette guerre et, notamment, par l’adhésion annoncée de l’Ukraine et de la Moldavie et celles des pays balkaniques occidentaux à venir déjà inscrits sur la liste (l’Albanie, la Macédoine du Nord et la Bosnie-Herzégovine, en attendant la Serbie, le Kosovo et le Monténégro). En cas de victoire ukrainienne on peut facilement imaginer la capacité de Kiev quand elle siégera à Bruxelles à se draper derrière le sang versé pour s’être battu « pour préserver l’Europe de la barbarie russe ». Qui osera s’opposer aux demandes de l’Ukraine dans les instances européennes ? Et même si les pays occidentaux de l’Europe avaient l’audace de le faire ils seraient rapidement emportés par la vague de l’Europe centrale et orientale. Et si l’Ukraine perdait la guerre, on ne sait pas encore bien ce qui adviendrait à l’Occident…
Pour la Russie le chaos semble aussi inévitable. Si elle perd la guerre il est probable que le président actuel et son clan seront déposés, voire éliminés, et qui sait qui les remplacera, ni quelles seront les réactions du peuple, des peuples de la Fédération ? Si elle gagne elle devra occuper une Ukraine ou une partie d’Ukraine dont un pourcentage de la population lui sera hostile comme le reste de l’Occident qui maintiendrait alors ses sanctions économiques.
Le mieux aurait été de ne pas faire cette guerre surtout que la Fédération de Russie est déjà le plus grand pays de la planète, quel besoin avait-elle de vouloir encore augmenter son territoire sinon pour satisfaire des égos surdimensionnés de dirigeants de rencontre préoccupés de laisser des traces dans une histoire qu’ils s’évertuent à réécrire avec le soutien plus ou moins affiché d’une partie de leurs citoyens ? Comme tout ceci est vain et inutile !
Emoi en France : malgré les grèves des transports, le blocage des raffineries de pétrole, l’inflation, les 300 000 emplois disponibles non dotés, la guerre d’Ukraine… tout est oublié car un fouteballeur français a obtenu le ballon d’or, sorte de prix corporatiste décerné par un jury de journalistes, sans doute spécialistes des jeux de baballe. Même France Culture en a fait ses gros titres c’est dire le niveau de soumission de la nation française au monde du fouteballe plus connu pour ses affaires judiciaires, de mœurs, pour la stupidité clinquante de ses vedettes et la corruption de ses élites, que pour ses valeurs sportives.
Ballonne d’orBallon d’or
Ce fouteux français affiche 17,9 millions de suiveurs de son compte Twitter. Bonne nouvelle il est loin derrière Kim Kardashian qui en a 73,8 millions. Cyril Hanouna en a 6 millions et Nabilla 2,7 millions. Comment un pays qui compte tant de fans de Cyril Hanouna et de Nabilla peut-il encore espérer s’en sortir ? Ces scores en réseaux dits « sociaux » en disent long sur le niveau d’abrutissement du pays.
On a beaucoup moins parlé de la ballonne d’or, une citoyenne espagnole, qui est beaucoup moins barbue que son homologue masculin.
Un merveilleux documentaire sur Leonard Cohen (1934-2016), immense poète-musicien canadien qui a illuminé la vie et l’âme de plusieurs générations. Le film est construit autour du parcours chaotique de son immense tube « Hallelujah », dont l’écriture lui prit sept années. Outre l’histoire de cette œuvre et de ses multiples reprises, c’est surtout l’occasion de revoir et réécouter cet artiste exceptionnel. Sa simple voix parlée, grave et rocailleuse, est émouvante, ses interrogations mystiques sont vertigineuses, son humour à froid et souriant est désarmant, sa modestie (parfois un peu forcée, mais toujours dans l’ironie) est touchante. Mais surtout, son parcours de la poésie au bouddhisme, de la musique à ses réflexions sur le sens de notre passage sur terre, en passant par sa relation à la Torah et, bien sûr, les femmes de sa vie dont la fréquentation l’a tant aidé dans son écriture et sa créativité, le documentaire survole cet homme simple auteur d’une œuvre de légende consignée dans une multitude de carnets noircis de ses poèmes et de ses réflexions sur lesquels il revient toujours, fruit de l’intense travail d’une vie de 82 années, si riche et prolifique.
A « L’Escurial » dans le XIIIème arrondissement qui présente ce documentaire en avant-première, Barbara Carlotti interprète « Hallelujah » avec un guitariste en introduction du film. C’est respectueux et bien mené.
La palme d’or du festival de Cannes 2022 du réalisateur suédois Ruben Östlund : une fable en trois actes sur le cynisme du monde capitaliste, la futilité de ses acteurs et l’inégalité régnant sur la planète entre le Nord et le Sud. Un couple (1 homme et 1 femme) de mannequins superficiels, elle est « influenceuses » c’est-à-dire vendeuse de vide et de sa bonne mine, se retrouvent passagers sur une croisière de luxe. Ils y rencontrent un vieux couple de britanniques enrichis par le business des mines anti-personnelles, un oligarque russe riche et clinquant recyclé avec succès dans le capitalisme, le capitaine du navire, alcoolique et marxiste… bref, un concentré de l’Occident arrogant, servi par une armée de serviteurs philippins.
Le bateau est pris dans une tempête (acte II), attaqué par des pirates et quelques survivants échouent sur une île en principe « déserte » (acte III) où la responsable philippine des toilettes du bateau va prendre le pouvoir car la seule sachant pêcher et faire le feu. La conclusion du film n’est pas vraiment optimiste…
Le film est drôle et grinçant, les images parfois crues, la critique de notre société et l’appel aux bons sentiments un peu faciles. Pas sûr que cette deuxième palme d’or délivrée au réalisateur suédois soit véritablement méritée, mais le film est de qualité.