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  • Angus & Julia Stone – 2024/06/15 – Le Grand Rex

    Angus & Julia Stone – 2024/06/15 – Le Grand Rex

    La sympathique fratrie australienne folk Angus & Julia Stone revient avec un nouvel album : Cape Forestier, et une tournée mondiale qui passe ce soir par le Grand Rex.

    Un grand tapis est installé au centre de la scène, pointe vers le public, sur lequel se répartissent les musiciens, tous assis sur des chaises de bistrot. Des lampes et lampadaires sont réparties de-ci de-là, la scène est surmontée par d’autres luminaires multicolores. On se croirait dans le salon d’une maison de bucheron du bush australien, il ne manque que le feu de cheminée. Julia est vêtue d’une longue robe dans les verts, recouverte d’un voile vaporeux. Angus a réduit son système pileux, cheveux et barbe, qu’il affichait plutôt fourni lors des tournées précédentes. Leur guitariste reste dans la totale coolitude, queue de cheval et chapeau de cow-boy, alternant la guitare avec la slide guitare, en passant par le banjo, avec nonchalance. Ses quelques solos discrets sont la marque d’un vrai talent. La bassiste vient d’Auckland, la batteuse est de Sidney, elles assurent aussi les chœurs.

    Angus & Julia Stone (tounée 2024)

    Leur nouveau disque est inspiré par les grands espaces, ceux de l’océan, mais aussi ceux des sentiments et de l’introspection. Il a été écrit et enregistré dans le studio de Sugarcane Moutains, installé dans le manoir d’Angus à Murwillumbah sur la côte est de l’Australie. Les photos du lieu parsèment le livret du CD et donnent une idée de l’atmosphère feutrée des compositions. D’autres chansons furent écrites au hasard des chambres d’hôtel fréquentées lors de leurs tournées. Comme toujours, ils autoproduisent leur musique qui est donc réellement issue de leur créativité qui assemble simplicité et élégance. Sur leur site web ils écrivent :

    Cape Forestier, our latest record, holds a really special place in our hearts – a chapter in the ever-unfolding book about the road we’re traveling together.

    It feels reminiscent of our earlier records in terms of style; there’s a real acoustic rawness to the sound. However, the songwriting and performances are naturally tied to the humans we are right now, with all the branches of experience hanging in there. We couldn’t be more excited to share this music. It’s been an incredible experience writing and recording these songs together.

    Le concert commence avec cette longue mélopée, Santa Monica Dream, extraite de leur premier album, chantée en duo sur des notes de guitare toutes simples. La voix de Julia est accompagnée en sourdine par Angus, merveilleux duo fraternel. Il est question de souvenirs enfantins, de ceux que l’on traîne toute une vie, de choses qui furent et d’êtres que l’on aimât, que l’on trompa, que l’on quitta mais qui restent vivaces au plus profond de nos mémoires.

    You tell me stories of the sea
    And the ones you left behind
    Goodbye to the roses on your street
    Goodbye to the paintings on your wall
    Goodbye to the children we’ll never meet
    And the ones we left behind

    Le ton est donné avec cette ballade mélancolique sortie en 2010, comme pour rappeler l’inspiration originelle du groupe malgré quelques incursions plus électriques et rythmées au cours des albums. Losing You est le premier extrait de leur dernier disque. Encore une histoire de fuite et de séparation, de regrets et de poursuite. Down to the Sea est le single de ce CD, posé sur une rythmique douce et entraînante. Cape Forestier interroge à nouveau sur nos origines et nos destinations, un joli solo de guitare électrique nous montre la voie vers un destin apaisant.

    Julia délaisse sa guitare de temps en temps pour jouer d’un petit clavier posé sur un guéridon, ou elle s’empare d’une trompette de la main droite sans lâcher sa guitare de la gauche. Elle demande l’aide des spectateurs pour une reprise de la chanson de Joe Dassin Aux Champs-Elysées et fait revenir Solann qui a assuré la première partie pour l’interpréter en sa compagnie. Ce fut difficile nous dit-elle, d’apprendre ce texte en français, elle apprécie d’autant plus le partage avec le public parisien qui le lui rend bien. Derrière un look d’éleveur de l’Outback en gros godillots Angus affiche sa grande finesse. Il a un toucher de cordes très singulier, sa main droite les effleurant en restant à plat. Sa voix se perd un peu dans le lointain lorsqu’il s’éloigne du micro en accompagnant sa sœur.

    Avant Wedding Song, Julia raconte que, lorsqu’ils étaient enfants, elle et Angus écoutaient leurs parents qui leur ont enseigné la musique, classique et folk, et qui chantaient dans des groupes de reprises pour des mariages ou autres cérémonies où ils jouaient les Beach Boys, Dylan, Neil Young… Et justement, Wedding Song a été écrite par Angus à cette époque, lorsqu’il avait 15 ans, puis ressortie des cartons pour le disque de 2024.

    Le show se termine sur le très beau Big Jet Plane qui nous ramène au point de départ, celui de l’album Down the Way.

    Le rappel est une reprise de Neil Young, Harvest Moon, l’un des inspirateurs du duo. Elle est jouée par tous les musiciens du groupe réunis, debout, sur le bord de la scène. Une merveilleuse chanson d’amour dédiée aux rêveurs :

    Come a little bit closer, hear what I have to say
    Just like children sleeping, we could dream this night away
    But there’s a full moon rising, let’s go dancing in the night
    We know where the music’s playing, let’s go out and feel the night

    Leurs deux voix si joliment posées font penser à des duos célèbres comme celui de Simon & Garfunkel ou aux harmonies vocales produites par les Beach Boys. Angus et Julia ont parfois tourné séparément mais c’est ensemble qu’ils réussissent cette fusion magique de leurs voix légères, éthérées, profondes, souvent à la limite de la brisure.

    Angus & Julia Stone (Sugarcane Mountains studio)

    Le Grand Rex fond sous le charme de ce duo si séduisant dont la musique coule de source comme une évidence pleine de douceur. Julia rend un hommage appuyé à son petit frère et on ne peut s’empêcher de penser au caractère légèrement incestueux de cette fratrie qui coécrit des chansons d’amour et de rupture, les met en musique et les interprète ensemble sur les scènes du monde. C’est leur histoire à deux qui est aussi à l’origine de cette musique, c’est leur complicité qui permet cette interprétation si touchante.

    Setlist : Santa Monica Dream/ Losing You/ Yellow Brick Road/ Nothing Else/ Just a Boy/ Flowers (Miley Cyrus cover)/ Draw Your Swords/ Down to the Sea/ Private Lawns/ Cape Forestier/ Wherever You Are/ Bella/ Les Champs-Élysées (Joe Dassin cover) (with Solann)/ The Wedding Song/ Love Song/ For You/ Chateau/ Big Jet Plane

    Encore : Harvest Moon (Neil Young cover)

    Warmup: Solann

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    https://leclaireur.fnac.com/article/cp63834-rencontre-avec-angus-julia-stone-on-ressent-le-besoin-de-refaire-de-la-musique-ensemble

  • PHILBY Kim, ‘Ma guerre silencieuse’.

    PHILBY Kim, ‘Ma guerre silencieuse’.

    Sortie : 1968, Chez : Nouveau Monde (2024).

    Kim Philby (1912-1988) a fait partie du célèbre « groupe des 5 de Cambridge », recrutés dans les années 1930 par les services secrets soviétiques comme agents doubles pour trahir la Couronne Britannique. Ils ont réussi à rester invisibles des services de contre-espionnage pendant des décennies. Pire, Philby exerça des fonctions importantes au sein des services secrets britanniques jusqu’à ce qu’il démissionne en 1954 devant les soupçons qui s’accumulaient contre lui. A la veille d’être finalement démasqué, il fuit en URSS où il retrouve 2 du groupe des 5 (Burgess et McLean) qui l’ont précédé. Il y poursuit sa « carrière » comme agent du KGB, l’espionnage soviétique, sans jamais manifester le moindre regret au sujet de sa trahison et avant de décéder à Moscou en 1988.

    Ses mémoires ne sont pas très révélatrices de ses motivations et donnent l’impression de beaucoup d’autocensure. Il n’en dit guère plus sur la matérialité de ses trahisons ni sur les moyens utilisés pour transmettre les informations à ses agents traitants du KGB. On sut par la suite qu’il révélât des secrets importants aux Soviétiques et causa des dommages significatifs aux services occidentaux, sans parler de la vie des agents qu’il dénonça. Il parle dans ce livre de l’organisation des services secrets britanniques durant la guerre et après celle-ci, de la collaboration avec FBI et CIA lorsqu’il fut envoyé en poste à Washington en 1950. Par contre il détaille un peu plus la montée des soupçons contre lui, son rappel à Londres et les interrogatoires serrés qu’il y subit. Mais il écrit surtout par allusions sans trop préciser ce qu’il fit ni comment on le lui reprocha.

    La trahison puis la fuite en URSS des 3 de Cambridge, en pleine guerre froide, provoqua à l’époque un scandale considérable en Occident. L’histoire confirma ensuite que ce groupe d’agents doubles avait agit par pure conviction communiste. On aurait aimé en savoir un peu plus par la plume de Philby mais il est quasiment muet sur ce sujet.

    « Nous trahissons pour rester loyaux » leur fait dire John Le Carré dans un de ses célèbres romans d’espionnage directement inspiré de la vie de Kim Philby.

  • MERVIN Yves, ‘Joli mois de mai 1944 – La face cachée de la Résistance en Bretagne’.

    MERVIN Yves, ‘Joli mois de mai 1944 – La face cachée de la Résistance en Bretagne’.

    Sortie : 2013.

    C’est un livre sur la résistance en Bretagne durant la seconde guerre mondiale qui a créé une polémique dans cette région à sa sortie. L’auteur raconte principalement les conflits internes qui ont vu s’affronter les FTP (Francs-tireurs et partisans), issus du parti communiste, et les FFI (Forces françaises de l’intérieur) d’inspiration plutôt gaulliste. L’auteur, manifestement anti-communiste, rappelle pour commencer la compromission de l’URSS, et donc des partis communistes affiliés dont le PCF (Parti communiste français), avec l’Allemagne nazi via le pacte germano-soviétique signé entre Ribbentrop et Molotov en 1939 avant qu’Hitler ne décide d’envahir l’URSS en juin 1941.

    Ces changements de cap n’ont pas toujours été faciles à suivre dans les campagnes bretonnes sous occupation allemande. Ceci ajouté aux tendances criminelles de certains individus plus préoccupés de piller ou de régler leurs comptes villageois que de défendre la patrie, permet à l’auteur de clôre son ouvrage par une conclusion lapidaire qui a créé un peu d’émotion, on le comprend.

    Le nombre de Bretons tués par la résistance […] serait au moins trois fois plus élevé que les Allemands disparus dans les combats. Cette proportion interpelle. Elle démontre que la Seconde guerre mondiale a été, en Bretagne, une guerre civile avant d’être une guerre de libération et que la résistance a été plus dangereuse pour les Bretons que pour les Allemands.

    La résistance communiste, en Bretagne comme ailleurs, suivait les instructions du Parti avec pour objectif de prendre le pouvoir au sortir de la guerre, ce que le Général de Gaulle réussit à empêcher, mais ce qui créa nombre de malentendus, parfois sanglants, sur le terrain et dans les états-majors. Il n’est pas sûr que les dérives décrites soient particulières à la Bretagne.

    Le livre est une longue narration de petits évènements documentés par M. Mervin qui a manifestement fait des recherches poussées dans les archives encore disponibles sur cette période trouble. Il évoque également le cas du nationalisme breton qui aurait pactisé avec l’occupant par rejet du centralisme français. Aujourd’hui encore bruissent des rumeurs et des menaces dans les villages bretons qui abritent les descendants des acteurs de cette époque.

    La ligne choisie pour ce livre manque un peu de hauteur, d’une vue d’ensemble qui permette de mieux appréhender les enjeux de la résistance bretonne. C’est aussi la raison pour laquelle il a été si fortement contesté à sa sortie en 2013.

  • Le chaos politique de la dissolution sera-t-il salvateur ?

    Le chaos politique de la dissolution sera-t-il salvateur ?

    La décision présidentielle prise dimanche dernier de dissoudre l’assemblée nationale à la suite du score de plus de 35% de la droite dure (le terme extrême-droite est devenu politiquement incorrect) a semé en France un chaos politique de première catégorie dont seuls les plus optimistes espèrent un sursaut salvateur. Il faut dire que c’est un peu l’objet de cette mesure constitutionnelle de la dissolution : secouer le cocotier et remettre les électeurs en mesure d’exprimer leurs choix électoraux partant du constat, réaliste en l’espèce, qu’ils ont perdu confiance dans le régime en place.

    Techniquement la France est à l’arrêt pour six mois. L’assemblée nationale est fermée jusqu’au 8 juillet, tous les projets et propositions de loi qui étaient en discussion parlementaires sont gelés (les lois sur la fin de vie, sur l’audiovisuel public, sur le financement des industries de défense… notamment). L’organisation des jeux olympiques et paralympiques Paris-2024 qui doivent se dérouler du 24 juillet au 8 septembre le seront dans un pays en plein psychodrame politique, gage d’une efficacité qui va être plus difficile à garantir. L’arrivée de la discussion budgétaire en septembre prochain, alors que les finances publiques sont hors de contrôle, va immanquablement être perturbée par cette dissolution, sauf dans le cas improbable où le camp présidentiel récupèrerait une majorité absolue à l’issue de ce scrutin imprévu. Sans parler du coût pour les contribuables qui vont devoir financer campagne et élection.

    Les membres du parti Les Républicains s’entre-déchirent entre leur président, Éric Ciotti, qui veut se rapprocher du Rassemblement National quand les vieilles ganaches du parti excluent un tel rapprochement au nom de « leurs valeurs ». La « destitution » contestée du président Ciotti a créé un imbroglio juridique digne de celui apparu en 2012 entre MM. Copé et Fillon. Toutes les tendances de la gauche sont en train de tenter de se réunir sous une bannière commune nouvellement intitulée « Front Populaire » dont les futures réunions risquent d’être animées tant certains sujets sont conflictuels entre les participants, de LFI au PS en passant par la NPA…

    Quelles que soient les convictions politiques de chacun, on peut raisonnablement constater quà ce jour les haines des différentes parties de la gauche ne les empêchent pas de se former une union, au moins de façade, qui sera sans doute aussi éphémère que celle de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale ), pour présenter des candidatures communes alors que la droite n’arrive pas à dominer ses propres haines internes. Il peut couler encore beaucoup d’eau sous les ponts d’ici le premier tour des élections dans deux semaines.

    Le bal des traîtres a par ailleurs été relancé. Marion Maréchal qui avait quitté le Rassemblement National pour rejoindre le parti d’Éric Zemmour en 2022 est en train de faire le trajet inverse. Zemmour, son président, la qualifie de « traître ».

    Xavier Bertrand qui avait quitté Les Républicains pour faire cavalier seul à l’élection présidentielle de 2017, avant de réintégrer piteusement ce parti pour participer à sa primaire désignant son candidat pour la présidentielle 2023 ; Rachida Dati qui a été exclue de LR en 2024 pour intégrer le gouvernement Attal ; ces deux personnages se retrouvent pour abominer Ciotti le traitant également de « traître ». L’hôpital qui se moque de la charité…

    Cette dissolution peut potentiellement amener une cohabitation entre le président Macron et un premier-ministre de droite dure, Jordan Bardella est déjà dans les starting-blocks, ou de gauche où les candidats sont nombreux : Jean-Luc Mélanchon, François Ruffin notamment qui n’ont pas brillé jusqu’ici par leur modération. Autre hypothèse, la France n’élit pas de majorité absolue et elle reste difficilement gouvernable, dernier cas, comme après la dissolution prononcée par MonGénéral en 1968, un raz de marée de la majorité présidentielle entre à l’assemblée et le problème est réglé pour quelques temps.

    Quoi qu’il en soit, ce sera le choix des électeurs qui, en principe, devrait être respecté. Le président Macron a voulu « clarifier » la situation politique française. Le résultat est incertain, pas sûr que ses nuits soient très paisibles d’ici le 7 juillet…

  • La culpabilité en bandoulière des « bobos »

    La culpabilité en bandoulière des « bobos »

    Dans les dîners en ville certains participants issus du haut de la classe moyenne, c’est-à-dire celle qui a pu accumuler un capital immobilier, voire aussi financier, au cours de sa vie professionnelle, souvent agrémenté de quelques biens hérités (c’est-à-dire qu’ils se sont « enrichis » mais l’adjectif est dur à assumer), se lamentent sur « l’inégalité » générée par le capitaliste. Il s’agit en gros de la catégorie dîtes des « bobos » (bourgeois-bohème) qui a le cœur à gauche et s’émeut à juste titre de la « pauvreté » que le système n’a pas réussi à endiguer, voire, a renforcé. 

    Libéralisme vs. étatisme

    Les choix socio-économiques de l’Occident depuis plusieurs décennies le portent globalement vers le « libéralisme » même si certains régimes choisissent en parallèle des options sociétales plus autoritaires comme actuellement la Hongrie, ou la Pologne lorsqu’elle était gouvernée il y a encore quelques mois par le PiS (Parti Droit et Justice), ou plus ou moins protectrice comme les pays latins versus leurs homologues anglo-saxons. Mais tous sont basés sur la liberté d’entreprendre, de faire du profit et le devoir de payer des impôts à l’Etat pour faire vivre la collectivité, chaque composante étant encadrée par la loi dans des proportions propres à chaque pays.

    En France, ce système dit « libéral » est loin de l’être intégralement dans ce pays où 57% du produit intérieur brut relève de la dépense publique, c’est-à-dire que l’Etat préleve dans la poche des uns pour redistribuer aux autres. Le taux de la redistribution faîte par l’Etat français est l’un des plus élevés dans le monde « libéral ». Mais il n’empêche pas bien sûr les rémunérations et enrichissements indécents de certains, se chiffrant en plusieurs dizaines de millions d’euros par an, ce qui renforce le sentiment d’injustice ressenti par les classes moyennes, même celles qui ont prospéré grâce au système contesté. Alors elles pointent sur le sort peu enviable des plus pauvres et prônent « plus de justice » sans aller beaucoup plus loin dans la proposition de solutions, oubliant tous ceux dont la situation a été améliorée par l’économie libérale, sans être des « ultra-riches », et que l’on entend fort peu.

    En réalité les offres politiques existent en France, susceptibles de satisfaire toutes les opinions, y compris les plus extrêmes auxquelles la majorité des électeurs n’arrive pas (encore) à se résoudre, même si elle s’en rapproche. Un changement total de système, évoluant vers plus d’étatisme est proposé par La France insoumise et les partis politiques qui s’y rallient. Une version plus sociale du capitalisme est affichée par ce qu’il reste du Parti Socialiste et du centre-gauche, qui entraînerait probablement une hausse des impôts, et pas que pour les ultra-riches. La droite dure qui a aujourd’hui le vent en poupe prône le retour à l’autorité, notamment dans la lutte contre l’immigration illégale, et affiche un programme économique plutôt flou comportant nombre de mesures que pourraient endosser les partis « progressistes ». Et puis il y a la majorité actuelle que l’on peut qualifier de « centre droit » qui croit au système économique libéral tout en cherchant à en adoucir les aspects les plus rugueux via les dépenses publiques financées aujourd’hui par la dette publique dont le remboursement pèsera sur nos enfants, mais sans réussir à ce stade à convaincre.

    Augmenter les impôts… « des autres »

    On peut voir ci-dessous dans les quelques extraits des tracts électoraux présentés par les principaux partis pour les élections européenne du 9 juin, qu’il y en a pour tous les goûts, toutes les aspirations et toutes les philosophies. Il y a ceux qui dépensent, ceux qui défendent la liberté, ceux qui transitionnent écologiquement, ceux qui taxent, ceux qui augmentent les salaires, ceux qui renversent le capitalisme, ceux qui soutiennent les Palestiniens, les Ukrainiens ou ceux qui décarbonent.

    S’agglomèrent dans ce gloubi-boulga idéologique le vieux débat sur l’efficacité du marché versus celle de l’Etat, mâtiné du parfum de marxisme qui a baigné des générations d’intellectuels germanopratins et continue à infuser une partie de la pensée socio-économique française et le résultat de 2000 ans d’éducation judéo-chrétienne qui génèrent un rejet plus ou moins conscient de l’argent et de la réussite.

    Il n’y a malheureusement aujourd’hui aucune offre politique qui augmente les dépenses sociales pour absorber la pauvreté et baissent les impôts pour favoriser le développement socio-économique tout en continuant d’accroître le patrimoine des classes moyennes supérieures. Il faudra choisir la proposition que chacun considère la moins mauvaise pour l’intérêt général. Chacun le fera en conscience dans l’isoloir, pour ceux qui consentent encore à aller voter…

    Choisir son camp

    Alors certains de leurs représentants portent leur culpabilité en bandoulière, travaillés par le remord de se retrouver à la tête d’un patrimoine supérieur à la valeur de celui qu’ils avaient en démarrant leur vie professionnelle. Ils cherchent une solution pour améliorer la situation des plus précaires tout en prônant les augmentations d’impôts pour les « plus riches », c’est-à-dire pas pour eux. C’est généreux mais souvent mission délicate au succès non garantie comme l’a montré l’histoire française contemporaine. Les deux tours des élections législatives annoncés pour les 30 juin et 7 juillet vont pousser les citoyens-électeurs en présence à choisir leur camp et voter en conscience pour le système qui leur paraît le plus à même de régler leurs états d’âme. Le plus probable est qu’il ne se dégagera pas de choix net et définitif et qu’il faudra bien compromettre et transiger. Personne ne sera content et la France poursuivra cahin-caha son décrochage régulier vers le rabougrissement. Ou alors peut-être les électeurs se décideront pour un « grand soir », soit de gauche, soit de droite, qui risque aussi de réserver quelques surprises pour tous.

    C’est « grandeur et décadence » de la démocratie », libérale ou « illibérale », qui donne la capacité à ses citoyens de choisir ce qu’ils veulent, mais aussi le devoir d’assumer la responsabilité de leurs choix ! La lecture des programmes sur lesquels s’appuieront les candidats aux élections législatives permettra d’en savoir plus sur les projets concoctés par les partis politiques en pleine agitation programmatique.

    Quelques extraits des tracts électoraux pour les élections européennes

    Rassemblement national > 31,37%

    • Votre pouvoir d’achat par la baisse des factures d’électricité et le refus de tout impôt européen.
    • Le patriotisme économique par la priorité aux entreprises française dans la commande publique.

    Majorité présidentielle (Renaissance et divers petits partis de centre droit) > 14,40%

    • « … réarmer notre continent, le réindustrialiser, décarboner nos économies et défendre avec force nos valeurs et notre modèle européen, fondé sur la justice sociale et fiscale, le respect des droits humains, la liberté et la laïcité » (signé : Valérie Hayer)

    Place publique / Le Parti socialiste > 13,83%

    • Créer un fonds souverain européen investissant 200 milliards par an dans les industries de la transition écologique et dans la révolution énergétique.
    • Financer cette grande bifurcation écologique de nos économies et de nos sociétés en taxant les superprofits des multinationales et des plus grandes fortunes européennes.

    La France Insoumise > 9,89%

    • Abroger les règles d’austérité qui détruisent les services publics.
    • Taxer les super-profits des entreprises et créer un impôt sur la fortune européen.
    • Mettre en place une allocation d’autonomie contre la détresse de la jeunesse.

    Les Républicains > 7,25%

    • Diminuer les impôts et les charges… pour augmenter les salaires.
    • Réduire les droits de succession et faciliter les donations jusqu’à 1 million d’euros.
    • Refuser les impôts européens voulus par Emmanuel Macron.

    Gauche Unie (Parti communiste et divers petits partis de gauche) > 2,36%

    • PROTEGEONS LES TRAVAILLEURS : Augmenter les salaires et les retraites en refusant le dumping social et les politiques d’austérité. Refuser l’élargissement de l’UE.
    • BAISSONS LES FACTURES : Diviser par deux les factures d’énergie en sortant du marché européen de l’électricité. Baisser la TVA sur l’essence.

    Pour mémoire citons également la liste du NPA (Nouveau parti anticapitaliste – révolutionnaires) :

    NPA > 0,15%

    • Renverser le capitalisme pour sauver la planète et en finir avec les oppressions.
    • Le capitalisme, c’est la guerre : nos vies valent mieux que leurs profits.

    Lire aussi : Le crépuscule des bobos, l’envol des ploucs !

  • Panique et faux-jettonerie

    Panique et faux-jettonerie

    La décision du président Macron de dissoudre l’assemblée nationale le 9 juin au soir suite à la victoire des partis de droite très conservateurs (Rassemblement National [RN] et Reconquête !) qui ont obtenu 37% des suffrages, les députés des partis minoritaires s’égayent dans la nature pour tenter de sauver leurs postes, tel un troupeau de gnous assoiffés à la recherche d’un point d’eau dans le cratère du Ngorongoro en saison sèche.

    Salch / Charlie Hebdo (24/05/2023)

    A droite, le chef du parti Les Républicains (LR), Eric Ciotti, a annoncé aujourd’hui vouloir faire alliance avec le RN afin de préserver le (faible) nombre de ses députés sortants qui risqueraient sinon de se retrouver face à des candidats RN, et pas forcément en position favorable. Aussitôt les caciques républicains ont poussé des cris d’orfraie toute la journée, jurant que « les valeurs » du parti empêchaient une telle alliance, que Ciotti était déloyal et menteur, qu’il devait démissionner, que « MonGénéral » et Jacques Chirac devaient se retourner dans leurs tombes et bla-bla-bla, et bla-bla-bla.

    En réalité tous ces élus LR ne font que critiquer la majorité présidentielle depuis 2022 (voire même depuis 2017), refuser de voter ses projets de loi, la menacer de motion de censure, voter certaines présentées par d’autres partis, brailler pour réclamer la démission du président, la dissolution de l’assemblée nationale, bref, s’opposer systématiquement à la politique actuelle alors que nombre des réformes sur la table sont largement compatibles avec la philosophie LR. Alors à force de s’opposer et de vouloir faire tomber le chef de l’Etat ils y sont presque arrivés mais entre-temps leurs électeurs sont allés voir du côté du RN et il ne va pas être facile de les faire revenir au bercail. L’alliance proposée par M. Ciotti semble cohérente, les opposants compulsifs à M. Macron cherchent à s’unir, leur haine à l’encontre du régime actuel est plus forte que ce qui les divise. Les vieux caciques se répandent dans les médias pour en appeler à l’histoire de leur parti et s’égosiller devant la décision du président de leur « famille politique » de se rapprocher du RN. Le mieux aurait été d’y penser un peu plus tôt pour être les acteurs d’une opposition intelligente en s’associant au moins aux projets qui allaient dans le sens de leur programme. Ils ont aujourd’hui le résultat de leur comportement politique stupide de ces dernières années.

    Certes, le président Macron est horripilant, s’écoute parler, a sans doute une haute idée de sa personne, a mal géré les finances publiques mais, à la fin de la journée il fait avancer les sujets propres à une démocratie protectrice dont 57% des dépenses sont publiques. Des sujets que la droite de gouvernement aurait dû partager très largement si elle avait mis de côté ses frustrations d’égo par suite des élections perdues. Il en a été différemment.

    Kiro / Le Canard Enchaïné (11/10/2023)

    A gauche la course aux alliances bat son plein et un Front Populaire est mis en place basé sur la forte composante propalestinienne de La France insoumise (LFI). La encore il s’agit de sauver les têtes des députés en évitant les faces-à-faces mortifères devant les électeurs dans les circonscriptions. Comme pour l’opposition de droite, on verra les programmes plus tard…

    Il reste la majorité actuelle qui fleure bon le centre droit qui devrait complaire à la majorité des électeurs si ce n’était cette détestation que le président provoque autour de lui. Tout ceci tourne un peu au chaos mais pouvait-il en être autrement au vu du comportement de nos élus ces dernières années ?

  • Temps agité pour les vieilles ganaches LR

    Temps agité pour les vieilles ganaches LR

    Il y a du bon et du mauvais pour la liste du parti Les Républicains présentée aux élections européennes ce 9 juin.  On se souvient que ce vieux parti n’avait pas réussi à rajeunir ses candidats en se sentant obligé de présenter Nadine Morano (60 ans) et Brice Hortefeux (65 ans) en 5e et 6e place. Le couperet est tombé entre les deux, Morano a été élue, pas Hortefeux qui peut maintenant prendre une retraite politique bien méritée.

    Lire aussi : Les vielles ganaches de LR s’accrochent au pouvoir

    En quoi le maintien de ces deux candidats sur la liste LR, tout sauf visionnaires politiques et encore moins glamours, peut expliquer le maigre résultat de LR de 7,25% ce 9 juin ? On ne le sait évidemment pas mais on peut penser que le renouvellement de la classe politique ne pourrait sans doute que motiver l’électeur à se prononcer en faveur de telles listes.

    Nadine Morano dans nos colonnes

  • Des journalistes aux petits pieds

    Des journalistes aux petits pieds

    Natacha Polony qui tient une place de choix dans le bal des pleureuses de la corporation journalistique, critiquant tout et son contraire, en permanence et à tout bout de champ, dans la politique suivie par l’Etat est une nouvelle fois prise en flagrant délit caractérisé de mauvaise foi. Elle appelle depuis des mois à « redonner la parole au Peuple » via des élections et, ce soir, alors que le président de la République annonce la dissolution de l’assemblée nationale, elle critique cette décision comme « contraire à l’esprit de la constitution de la Ve République » et déclenchée par la volonté du président de manipuler les partis politiques en semant le chaos en leur sein.

    Même ses collègues plumitifs lui ont fait remarquer ce soudain et fort peu compréhensible retournement de veste ce soir sur les plateaux télévisés tant il est flagrant. Mme. Polony, sous son joli minois, a l’habitude de noyer ses interlocuteurs sous un déluge de mots. Ses raisonnements sont souvent alambiqués, pour masquer leur légèreté. Ses critiques à l’encontre du pouvoir en place sont permanentes et un peu désespérantes tant elles sont récurrentes. Rien ne satisfait cette journaliste dont le fonds de commerce repose sur l’accusation systématique.

    Dans l’hebdomadaire Marianne dont elle est directrice de la publication elle a titré hier soir :

    Pas la moindre cohérence autre que tacticienne à la dissolution annoncée par Macron.

    Natacha Polony (Marianne du 10/06/2024)

    La dissolution, elle était pour mais du moment qu’elle a été décidée par le président Macron c’était donc une mauvaise décision. Après avoir usé le plateau télévisé de BFM dimanche soir en agitant son moulin à paroles une bonne partie de la soirée, elle s’est précipitée sur son ordinateur pour continuer sa logorrhée anti-Macron dans un article publié en ligne ce lundi. Il serait profitable pour les gens qui la lisent ou l’écoutent qu’elle réfléchisse un peu entre ses phrases pour afficher un peu plus de cohérence ce qui lui redonnerait de la crédibilité. En sera-t-elle capable ? Pour le moment, sa place de directeur de Marianne est potentiellement remise en jeu par suite du rachat de ce journal par un investisseur français, Pierre-Edouard Stérin, fervent catholique, qui ne serait sans doute pas opposé à accentuer encore la critique contre la majorité présidentielle.

    Rappelons que Mme. Polony bénéficie, comme tous les journalistes, d’une niche fiscale offrant une déduction de 7 650 EUR de ses revenus qui n’a plus vraiment de légitimité aujourd’hui. Elle reste malgré tout en vigueur et devrait pousser Natacha Polony à un peu de modestie lorsqu’elle critique la politique budgétaire de l’Etat.

    Natacha Polony est, hélas, assez représentative d’une profession journalistique qui a trop souvent remplacé l’analyse par le verbiage, et qui porte aussi une part de responsabilité dans le chaos politique actuel.

  • Retour aux urnes

    Retour aux urnes

    A l’issue du score peu reluisant de la majorité présidentielle aux élections parlementaires européennes le président de la République a annoncé ce soir la dissolution de l’assemblée nationale française et l’organisation de deux tours d’élections législatives les 30 juin et 7 juillet, forçant ainsi les partis à une précipitation certaine pour préparer un programme et le choix des candidats en trois semaines. Les élections européennes ont permis au Rassemblement national de marquer un score de plus de 30%, 37% même si l’on ajoute les votes apportés à la liste présentée par le parti d’Éric Zemmour. Fort de ce succès il est imaginable que ce parti fasse aussi la course en tête aux législatives prochaines, voire qu’un de ses représentants entre à Matignon comme premier ministre d’une incertaine « cohabitation ». On voit mal le parti présidentiel redresser la barre d’ici la fin du mois tant le président Macron déclenche le rejet de la majorité et la haine du plus grand nombre. La gauche propalestinienne reste aussi en embuscade avec un fort soutien populaire.

    Bref, cette décision inattendue va probablement amener les partis extrêmes au pouvoir. Voilà plusieurs années qu’ils s’en rapprochent sérieusement alors le réveil le 8 juillet au matin risque d’être agité. On ne connaît pas bien les motivations présidentielles qui ont poussé M. Macron à se lancer dans une telle incertitude, peut-être le désir de mettre les citoyens face à leurs responsabilités : « Vous voulez être dirigés par les extrêmes ? Eh bien c’est le moment de vous décider et de sauter le pas ! ». Sans doute est-il bien plus machiavélique ? Ou alors le président, simplement fatigué d’être sans arrêt contesté par tous, quoi qu’il fasse, veut laisser les « clés du camion » à un autre conducteur et advienne que pourra ? Dans ce dernier cas il aurait sans doute été plus efficace d’opter pour la démission plutôt que la dissolution.

    La plupart des partis d’opposition ont réclamé cette dissolution à un moment ou à un autre depuis le début de l’actuel quinquennat, et souvent pour des raisons diamétralement opposées. Ils viennent de l’obtenir, il va bien falloir qu’ils s’en débrouillent maintenant. Le peuple contestataire et parfois brailleur va aussi devoir faire avec ce qu’il a provoqué. L’heure de la responsabilisation, des dirigeants comme des citoyens, a sonné.

  • Le président ukrainien fait un discours devant une assemblée nationale aux rangs clairsemés

    Le président ukrainien fait un discours devant une assemblée nationale aux rangs clairsemés

    Invité en Normandie pour le 80e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, le président ukrainien Zelensky a fait ensuite une étape par Paris, la veille du scrutin incertain des élections européennes pour prononcer un discours devant l’assemblée nationale française. Il est venu demander plus de sous et plus d’armes pour « gagner la guerre contre l’agresseur Russe ». Ce fut une prestation un peu pathétique car le nombre de députés présents était assez faible et cela se traduisait par des rangs clairsemés dans l’hémicycle. On ne peut pas dire que ces absences étaient très respectueuses à l’égard du président d’un pays allié en guerre. Certes, les élus avaient sans doute l’esprit plus tourné vers les élections du lendemain, mais sans doute le désintérêt de nombre d’entre eux marque aussi leur fatigue devant un conflit qui dure et dont on ne voit pas vraiment comment le terminer.

    Ce qui est cependant bien visible ce sont les coûts engagés par les alliés de l’Ukraine pour tenir ce pays à bout de bras face à l’ogre russe et, surtout, ce qu’il faudra payer pour reconstruire le pays et dont la charge reviendra probablement majoritairement sur l’Europe. Quelle que soit l’issue du conflit, il est assez peu probable que Moscou participe aux frais…

  • « Matisse, l’atelier rouge » à la fondation Louis Vuitton

    « Matisse, l’atelier rouge » à la fondation Louis Vuitton

    La fondation Louis Vuitton revient sur l’histoire du célèbre tableau de Matisse (1869-1954) L’Atelier Rouge peint en 1911 et acquis par le musée d’art-moderne de New-York en 1945. Dans la grande pièce qui abrite cette toile, le musée expose toutes les œuvres originales qui figurent sur le tableau : peintures, sculptures, céramiques et même le mobilier. Il s’agit d’une représentation de l’atelier du peintre à Issy-les-Moulineaux sur le parcours de laquelle l’exposition revient, tout particulièrement sur sa caractéristique la plus frappante : sa couleur rouge.

    Il apparaît que Matisse a longuement réfléchi et hésité avant d’adopter ce rouge écarlate qui n’était évidemment pas la couleur des murs de l’atelier qui étaient gris. Matisse a pris soudainement ce choix chromatique et l’a mis en œuvre sans possibilité technique de retour en arrière. Le résultat est éclatant.

    Cette toile symbolise à elle-seule l’originalité du peintre, ami de Picasso et d’Aragon, et de bien d’autres artistes de son temps qui ont marqué une nouvelle étape dans la révolution permanente de la peinture.

  • Fin de vie : « c’est pas à nous d’faire ça ! »

    Fin de vie : « c’est pas à nous d’faire ça ! »

    Les débats parlementaires ont débuté les discussions sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Le thème est sensible en ce qu’il agite les convictions profondes des uns et des autres, auxquelles se mêlent éventuellement leurs croyances religieuses ou leur foi en la laïcité. Bien sûr nous somme en France, alors les petites querelles politiciennes ne sont jamais loin. Des réflexions profondes et respectables sont partagées dans les médias. Des membres du personnel soignant, des philosophes, des malades, des chercheurs font part, le plus souvent avec beaucoup de tact et de modération, de leurs positions sur des sujets aussi vertigineux que : faut-il autoriser un patient à mettre fin à ses jours ? Pour quelles pathologies, à quel stade de celles-ci ? Faut-il inclure les maladies mentales ? Si le patient exprime sa volonté de mourir mais n’est plus en mesure de se « suicider », faut-il autoriser quelqu’un de son entourage à administrer le produit qui va donner la mort ? Ou imposer ce geste au personnel soignant ? Faut-il s’arrêter au « suicide assisté », aller jusqu’à l’euthanasie ? Bref, on est au cœur d’une véritable modification du statut donné jusqu’ici à la vie dans nos sociétés occidentales depuis des siècles et il n’est pas facile de trouver une voie satisfaisante pour tous.

    Alors chacun y va généralement de son exemple personnel sur un cas tragique de son entourage pour en tirer des conclusions souvent diamétralement opposées sur la façon souhaitable de le traiter le cadre général de la loi. Les références à l’expérience des pays européens qui sont allés vers l’euthanasie donnent aussi souvent lieu à des interprétations contradictoires

    Dans un très intéressant podcast en quatre épisodes de l’émission « Lsd – la série documentaire », intitulé « Des vivants jusqu’à la mort » l’émission interroge les acteurs de ces questions, y compris les malades et leurs familles, et l’on entend s’exprimer avec intelligence des positions qui semblent irréconciliables.

    Ecouter aussi :

    La fille d’un patient explique comment elle a pu se procurer illégalement un produit létal via une association proactive en la matière et l’a administré elle-même à son père, pour respecter sa volonté. On imagine aisément le traumatisme engendré par ce geste sur les survivants. Dans un cri du cœur cette femme dit : « c’est pas à nous d’faire ça ! ». C’est bien là tout le problème, qui « doit faire ça » ? Réflexe bien français même en ces circonstances dramatiques, le citoyen répond : « l’Etat [ou ses représentants] doit le faire ». Facile…

    Le corps médical est partagé, certains soignants expliquent qu’ils se voient mal effectuer le geste léthal, d’autres y sont favorables. Beaucoup s’expriment pour dire que la loi dite « Leonetti – Claeys » (du 02/02/2016) actuellement en vigueur est un cadre juridique satisfaisant pour appréhender la fin de vie des malades. Elle prévoit la mise en sédation profonde jusqu’à la mort du patient.

    Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

    Article 2

    La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

    Article 3

    Avant cette loi, chacun admet que le corps médical prenait parfois les décisions qui s’imposaient dans le secret de réunions collégiales pour abréger les souffrances intolérables et sans espoir de certains patients. Cela se faisait sans cadre légal, ce qui n’était plus en accord avec la judiciarisation de notre société. MM. Claes et Leonetti avaient initié la réflexion sur le vote d’une loi pour encadrer la pratique, mais sans aller jusqu’à légaliser le suicide assisté ou à l’euthanasie comme envisagés dans la présente loi. Les allers-retours en cours entre sénat et assemblée nationale montrent qu’une presque-majorité cherche à assouplir le projet de loi pour élargir le plus possible l’accès à cette fin de vie assistée ou provoquée. La loi finalisée devrait être votée d’ici à l’été. La majorité des citoyens affirment dans les sondages qu’ils sont en faveur de l’accès au suicide assisté voire à l’euthanasie mais ils ne précisent pas s’ils sont prêts à pratiquer le geste léthal eux-mêmes ou s’ils entendent le « déléguer » à d’autres…

    D’ores et déjà ce projet de loi réactive l’éternel conflit entre Intérêts particuliers et intérêt général, ce dernier étant bien délicat à définir de façon unanime en la matière

  • « Andres Serrano – Portraits de l’Amérique » au musée Maillol

    « Andres Serrano – Portraits de l’Amérique » au musée Maillol

    Andres Serrano, photographe américain d’origine latinos est exposé au musée Maillol. On y voit des portraits de grandes dimensions, mis en scène et en couleurs avec beaucoup de soins, montrant des personnages issus d’une Amérique hors des sentiers battus, de Trump aux minorités raciales, en passant par une série de gros plans de jouets vintage en plastique aux couleurs criardes, symbolisant une ère robotique désormais dépassée par le monde numérique.

    L’exposition revient évidement sur une œuvre de Serrano ayant fait scandale dans les années 1980, celle d’un christ en croix baignant dans de l’urine ; l’artiste est intéressé par les fluides corporels comme le confirment d ‘autres clichés… Il partage aussi sa vision de la passion morbide des Américains pour les armes à feu avec des photos spectaculaires de détails de pièces de revolvers, froids et métalliques, inquiétants.

    Une vidéo montre l’interview du photographe dans sa maison new-yorkaise qui lui sert aussi de studio. Ce qu’on en voit ressemble à un château fort du moyen-âge dont les murs et les arches sont couverts de bondieuseries chers à cet artiste qui revendique sa foi chrétienne. Ses « portraits de l’Amérique » sont originaux, un peu effrayants. Serrano revendique sa neutralité et suggère à chacun de se faire une idée de l’Amérique qu’il donne à voir via ses photos, sans chercher à vouloir deviner l’opinion de leur créateur qui dépeint une modernité et une actualité dérangeantes !

  • Beth Gibbons – 2024/05/28 – Salle Pleyel

    Beth Gibbons – 2024/05/28 – Salle Pleyel

    Beth Gibbons (59 ans), la si mystérieuse et sincère chanteuse du groupe de trip-hop Portishead revient à Paris dans le cadre d’une tournée mondiale pour la sortie de son deuxième album solo : Lives Outgrown dont le titre (Des vies dépassées) marque bien les rivages introspectifs et mélancoliques sur lesquelles vogue toujours cette artiste si attachante. Elle fait partie de la bande de Bristol (Royaume-Uni) qui a lancé le mouvement trip-hop (Massiv Attack, Tricky…), une musique sombreet glaçante marquée par une rythmique urbaine obsessionnelle. La légende veut qu’elle ait rencontré Geoff Barrow dans la salle d’attente d’une agence de recherche d’emploi en 1991 et qu’ensemble ils aient décidé de créer Portishead avec Adrian Utley. Avec quelques autres musiciens (dont le batteur de Radiohead) le groupe a créé trois albums majeurs entre 1994 et 2008, réussites dans lesquelles le chant de Beth et sa participation aux compositions et à l’écriture des morceaux ne fut pas pour rien. Portishead semble retiré du monde la musique pour le moment mais qui sait s’ils ne reviendront pas un jour ?

    Beth Gibbons avait déjà sorti un premier disque solo en 2002, Out of Season, en collaboration avec Rustin Man ex-bassiste du groupe Talk Talk : une réussite. 22 ans plus tard, Lives Outgrown est aussi le fruit d’une collaboration avec Lee Harris, le batteur de Talk Talk, et James Ford, producteur d’Artic Monkey, Blur… Une seconde réussite vertigineuse. Elle a aussi participé à nombre d’albums, dont celui de Jane Birkin en 2004 : Rendez-Vous.

    Peu sensible à son apparence, elle apparaît depuis 30 ans toujours vêtue des même jeans-baskets et pull foncé un peu informe. Elle n’a pas non plus changé de coiffure depuis ses débuts avec ses cheveux roux et raides. Et elle marque toujours la même timidité face à son assistance. Elle se tourne souvent vers le fond de la scène lorsqu’elle ne chante pas, ou même stationne devant son claviériste, dos au public, comme si la vue de celui-ci la troublait. Autrefois elle fumait beaucoup sur scène, on dirait qu’elle a arrêté. Les lumières sont toujours tamisées et on sent qu’elle se cache un peu dans l’intimité de ce clair-obscur. Lorsqu’elle chante elle s’accroche à son micro avec les deux mains. Celui-ci est placé un peu plus haut que sa bouche alors elle est tendue vers lui et paraît comme une hirondelle solitaire sur son fil, prête à une grande migration vers l’inconnu.

    Derrière elle, sept musiciens sont déployés en arc-de-cercle, comme pour l’entourer et la soutenir, mais elle est seule au milieu de la large scène de la salle Pleyel : Eoin Rooney – guitares, Emma Smith et Richard Jones – violon et alto (mais aussi guitares sur certains morceaux, Tom Herbert – bass, Jason Hazeley – claviers, Howard Jacobs (véritable homme-orchestre) – percussion, flute, sax, vibraphone, gong, guitare frappée avec des baguettes et bien d’autres instruments bizarres, James Ford – batterie. Tous ces musiciens dévoués à leur chanteuse-compositrice si fragile assurent aussi les chœurs.

    Le show démarre sur Tell Me Who You Are Today, une intro toute en douceur jouée subtilement, comme en sourdine, sur laquelle s’élève la voix plaintive de Beth pour nous dire cette complainte.

    If I could change the way I feel
    If I could make my body heat

    Free from all I hear inside

    Come over me
    Listen to me

    Burden of Life qui est joué ensuite est aussi un long questionnement musical sur le poids de la vie que l’on porte sans fin mais qui a au moins l’avantage de ne jamais nous laisser seuls… Puis I’m Floating on a Moment qui nous dit l’impossibilité de comprendre où nos pas nous mènent (All going to nowhere/ To afraid… to be free) avant une reprise de l’album son premier album solo et le déchirant Lost Changes sur l’instabilité du monde et des sentiments alors que l’amour passé était si doux comme le léger sifflement qu’elle prodigue dans son micro sur le pont du morceau.

    We’re all lots together
    We’re fooling each other…

    And all that I want you to want me
    That way that you used to
    And all that I want is to love you
    The way that I used to

    La musique est mélancolique comme une larme salée qui coule sur la joue devant le temps qui passe. Les musiciens sont unis dans la douceur et la délicatesse pour accompagner cette voix unique. L’atmosphère est feutrée dans les lumières le plus souvent bleu électrique. Beth Gibbons n’a pas voulu bien entendu copier les rythmes du trip-hop et son folk sombre se déploie sur des percussions plus classiques, discrètes, qui encadrent parfaitement l’ensemble. Les cordes amènent aussi leur touche originale et parfois lancinante, avec un petit côté oriental qui pimente cette musique.

    Beth ni ses musiciens ne manifestent aucune émotion particulière, ni démonstration quelconque. Tous sont concentrés pour délivrer ce concert exceptionnel tout en réserve, tourné vers nous-mêmes. Après une deuxième reprise de Out of Season le groupe nous emmène jusqu’au terme du show avec un Whispering Love susurré dans nos oreilles et pour nos cœurs, avec ce petit grincement de violon répété à l’infini dans les aigus pour accompagner ce final à l’image de cet instant musical délicieux dont la beauté et l’élégance transcendent la tristesse qui en émane.

    Leaves of our tree of life
    Where the summer sun… always
    Shines through… the tree of wisdom
    Where the light is so pure… oh that summer sun
    Moon time will linger… through the melody
    Of life’s… shortening, longing view

    Oh whispering love
    Come to me… when you can

    Le rappel reprend Roads de Portishead. Le public n’en demandait pas tant. D’autant plus que Beth remercie et nous crie en riant à plusieurs reprises « Paris, je t’aime ». En trente années de carrière, on ne l’avait jamais entendu parler ni vue sourire…

    Setlist : Tell Me Who You Are Today/ Burden of Life/ Floating on a Moment/ Rewind/ For Sale/ Mysteries (Beth Gibbons & Rustin Man cover)/ Lost Changes/ Oceans/ Tom the Model (Beth Gibbons & Rustin Man cover)/ Beyond the Sun/ Whispering Love

    Encore : Roads (Portishead song)/ Reaching Out

    Warmup : Bill Ryder-Jones, ex-guitariste du groupe The Coral, qui joue ce soir avec une violoncelliste.

    Les photos de Roberto : https://www.photosconcerts.com/beth-gibbons-paris-salle-pleyel-2024-05-27-15543

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  • « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » au musée d’Orsay

    « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » au musée d’Orsay

    Le musée d’Orsay revient sur l’arrivée de l’impressionnisme à l’occasion de l’exposition qui s’ouvre le 15/04/1874 à l’initiative de Monet, Renoir, Degas, Morisot, Pissarro, Sisley ou encore Cézanne qui avaient décidé de faire exploser les règles et les normes de la peinture classique dont les acteurs et les critiques n’ont pas venu venir la vague qui allait les emporter, ancrés sur leurs certitudes et leur conservatisme. Quelques années auparavant la France avait été défaite par le Prussiens (1870) au cours d’une guerre courte et sauvage. Certains de ces peintres ont participé aux combats, Frédéric Bazille, promit à un brillant avenir, y laissa sa vie.

    Les survivants ont peint leur environnement tel qu’ils le voyaient, par touches fugitives et colorées. Comme tous les révolutionnaires ils ont été incompris à leurs débuts avant que leur vérité et leur modernité n’apparaissent comme une évidence, laissant loin derrière eux le classicisme de l’académie incarné par « le Salon » qui, depuis la fin du XVIIe siècle, définissait la norme en matière de peinture et de sculpture.

    Le musée d’Orsay présente des toiles impressionnistes, certaines archi-connues, d’autres beaucoup moins. On est frappé par la couleur et la légèreté qui émanent de ces œuvres tellement joyeuses, comme pour transcender la violence et les doutes qui agitaient cette période de l’histoire européenne. Et même lorsqu’il s’agit de paysages industriels, par nature moins gais, le style impressionniste noie la dureté du métal dans le flou de la couleur et la brume du climat.

    Ils sont impressionnistes en ce sens qu’ils rendent non le paysage, mais la sensation [l’impression] produite par le paysage.

    Castagnary (critique d’art – 1874)
  • Maustetytöt – 2024/05/23 – Le Hasard Ludique

    Maustetytöt – 2024/05/23 – Le Hasard Ludique

    Les amateurs de films d’art & essai qui ont vu le film « Les feuilles mortes » du finlandais Aki Kaurismäki y ont découvert le groupe Maustetytöt (Spice Girls en anglais) qui jouait une de ses chansons au milieu de cette fiction glaçantes. Elles deux sœurs, Anna et Kaisa Karjalainen, l’une chanteuse & claviers, l’autre guitare & chant, blondes comme seuls les pays scandinaves savent engendrer de pareils torrents de cheveux couleur paille. La petite salle du Hasard Ludique est comble.

    Habillées toutes deux de jupes noires, Anna porte une élégante chemise en Bazin de la même couleur, Kaisa est en T-shirt noir. Le light-show rayonne de couleurs bleutées, les musiciennes sont souvent en contre-jour et dans l’obscurité de la salle on ne voit que l’or de leurs chevelures, comme un champ de blé dans un tableau de Van Gogh. Anna joue de ses claviers et active une boîte à rythme ; après chaque morceau elle tourne les pages d’un petit carnet sur lequel sont sagement inscrits les accords de la prochaine chanson. Kaisa porte en bandoulière sa guitare Rickenbaker qu’elle jouera durant tout le concert. Toutes les deux chantent merveilleusement bien. Si Anna assure le chant principal elle est le plus souvent accompagnée de sa sœur, à l’octave ou décalée, voire avec un murmure, un filet de voix qui arrive dans les enceintes comme un instrument supplémentaire.

    La musique est de base électronique, harmonieuse et plutôt mélancolique. Bien sûr on ne comprend pas un traître mot de ces chansons écrites et chantées en finnois. Anna nous précise, en anglais, qu’elle est consciente de cette incommunicabilité en dehors de la Finlande mais, alors qu’elle se croyait la chanteuse d’un groupe à textes, elle découvre que ce n’est pas que ça puisqu’elles rencontrent le succès à l’international, dont Paris ce soir. Dans le film de Kaurismäki, leur chanson était sous-titrée en français et on trouve sur Youtube des traductions en anglais de certaines autres. Les mots sont à l’image du film et de l’impression qu’elles veulent donner par leur attitude et leur musique : froideur et élégance. Elles font d’ailleurs un peu dans l’autodérision sur scène vantant les mérites de la Finlande le pays « le plus heureux du monde » quand on sait que le taux de dépression et de suicide y est plutôt plus élevé que la moyenne…

    Sur scène elles ne sourient jamais, parlent plutôt peu et déroulent leur musique un peu mécaniquement. Aucune attitude démonstrative bien sûr mais l’harmonie de leur chant et leurs notes suffisent à emporter l’enthousiasme des spectateurs. Et lorsqu’elles lancent Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin (Né avec tristesse et vêtu de déception), le morceau qu’elles jouent dans Les feuilles morte, c’est une salve d’applaudissements qui couvre l’intro. Elles sont toutes deux froides comme des glaçons de la Baltique au fond d’un fjord en plein hiver mais elles nous font fondre de bonheur devant l’harmonie musicale et visuelle qu’elles prodiguent.

    Les deux musiciennes affichent leur sororité sans avoir besoin de l’exprimer, leur complicité est subtile et le résultat est parfait, celui d’une musique électronique portée par la mélancolie et le charme des voix. Le dernier morceau est chanté par Kaisa et brode autour du thème : « si tu n’étais pas ma sœur il n’y aurait rien dans la vie ».

    Après le concert elles dédicacent des sweat-shirts ornés d’un emoji qui affiche sa tristesse… Tout un programme !

    Maustetytöt

    Le groupe est très populaire en Finlande et le film Les feuilles mortes est en train de leur apporter un succès bien mérité au-delà de leurs frontières nordiques. En plus elles sont sympas : ce sont elles qui accordent leurs instruments sur scène avant leur prestation, et modestes : elles voyagent en Van. Quelques jours avant le show de Paris elles publiaient une photo d’elles deux, dépitées devant leur véhicule en panne dans un garage ce qui les a obligées à annuler le concert prévu le soir même à Cologne.

    Warmup : Mikko Joensuu, musicien folk, lui aussi… très blond et talentueux !

  • Le pardon de Saint-Yves à Tréguier

    Le pardon de Saint-Yves à Tréguier

    Saint Yves (Erwan en breton) est le saint catholique breton par excellence, patron des hommes de loi, défenseur des pauvres et des orphelins. Il est né et mort à Minihy-Tréguier (1253-1303), commune contiguë à Tréguier, et enterré dans la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier. Tous les ans un grand pardon y est organisé qui réunit de nombreux Bretons et des représentants des avocats, des magistrats, des juristes qui défilent dans le froufrou de leurs robes noires ou rouges.

    Puisqu’aujourd’hui, c’est votre pardon, saint Yves béni
    Priez pour vos compatriotes, priez pour les Bretons.
    Aujourd’hui les vrais Bretons, vous prient de bon cœur
    Donnez-leur, monsieur Saint Yves, donnez-leur à tous ce qu’ils désirent.

    Aujourd’hui, une grand-messe est célébrée par l’évêque auxiliaire de Rennes dans la cathédrale, avec grandes orgues et bombarde. Dans une aile du cœur s’entassent les voiturettes des personnes à mobilité réduite. Le reste de l’église est bondé, les retardataires suivront la cérémonie de l’extérieur. Quelques drapeaux bretons dépassent de la foule. A l’issue de la messe, la procession se met en route derrière les bannières de toutes les paroisses des alentours et les reliques du saint (son crâne notamment) dans un coffret de verre porté sur un brancard entre quatre drapeaux blancs à croix rouge, les drapeaux de procession qu’il y a dans toutes les paroisses. Sur le chemin les maisons et les haies sont parsemées d’arums et de genets, la foule avance doucement en murmurant des invocations religieuses et des chants bretons.

    Saint Yves, notre père.
    Saint Yves, notre père.
    Toi que nous implorons,
    Reçois notre prière
    Et bénis les Bretons.

    Arrivé à l’église Saint-Yves de Minihy, la relique entre dans la nef pour une courte cérémonie avant d’en ressortir et d’être respectueusement saluée par les bannières qui s’inclinent trois fois devant son passage. Le retour est toujours joyeux et se termine au son des binious dans Saint-Tugdual où les reliques sont replacées sur leur piédestal.

    Ferveur, tradition et émotion ; et un peu de communautarisme breton, font le sel de cette belle célébration qui remporte toujours un franc succès populaire.

    Voir aussi

  • ONFRAY Michel, ‘Immigrations – éviter le naufrage (FRONT-POPULAIRE n°4)’

    ONFRAY Michel, ‘Immigrations – éviter le naufrage (FRONT-POPULAIRE n°4)’

    Sortie : 2021.

    Quel étrange parcours que celui suivi par Michel Onfray (né en 1959), philosophe qui se définit lui-même « libertaire et proudhonien » et qui réjouit les auditeurs de la radio France-Culture, des années durant, qui diffusait sa Contre-histoire de la philosophie qu’il enseignait à l’Université populaire de Caen. Il avait une vision plutôt hétérodoxe de la philosophie tout en se mettant à la portée d’un auditoire non spécialisé. On se souvient notamment de ses conférences sur la psychanalyse et ses descriptions ironiques des pratiques professionnelles de Freud et Lacan. Onfray est un moulin à paroles qui a la remarquable qualité de savoir exprimer sa pensée de façon claire. Il possède une connaissance véritablement encyclopédique de la philosophie depuis l’antiquité et la faisait partager dans le cadre de cette « Université populaire ». Il est par ailleurs à l’origine d’une production littéraire impressionnante.

    Depuis la fin des années 2010 il se pique de politique, n’intervenant plus à l’Université populaire de Caen, diffuse ses idées sur les plateaux télévisés dont il est devenu bon client. Très critique à l’encontre des politiques suivies par les dirigeants français, de leur opposition et du concept européen, il publie la revue « Front Populaire » depuis mi-2020 où s’expriment différents intellectuels sur un sujet donné, la tendance générale étant à la critique et au conservatisme.

    En prologue de ce numéro, Onfray met en exergue une phrase qui explique sans-doute sa conversion intellectuelle. Aurait-il abandonné ses utopies ?

    L’idéalisme judéo-chrétien repris et augmenté par l’idéalisme marxiste-léliniste, sous couvert de matérialisme dialectique, voilà qui a failli. De part et d’autre, christianisme ou lélinisme, cette course à l’utopie a tué des millions d’hommes.

    Ce numéro 4 sorti au printemps 2002 était consacré à l’immigration, avec plus ou moins de bonheur. On y lit des intellectuels qui réfléchissent à la question mais aussi des polémistes qui assènent des slogans en dévalorisant quelque peu la crédibilité de l’ensemble. Globalement la ligne éditoriale est plutôt de mettre en avant les effets délétères de « l’arrivée massive » de populations étrangères en France, avec nombre de raisonnements qui méritent d’être entendus, et d’autres un peu plus polémiques. Il est bon en tout cas que tout ceci puisse être écrit.

  • Triste situation

    Triste situation

    On ne dit plus « un handicapé » mais « une personne en situation de handicap ».

  • Une tranche de vie sur la ligne de bus 62

    Une tranche de vie sur la ligne de bus 62

    Vendredi 3 mai, il est 11h dans le XIVe arrondissement, station Tombe-Issoire de la ligne de bus 62, non loin des allées ombragées du parc Montsouris, direction Porte de Saint Cloud et le XVIe. Il fait beau, l’ambiance de cette mi-journée est plutôt guillerette. Une petite foule tranquille monte dans le véhicule.

    A la station Convention dans le XVe une femme d’un certain âge, appelons là Simone, appuyée sur deux cannes, d’un tour de taille plutôt ample et traînant un lourd caddy, demande bruyamment de l’aide pour monter son chariot dans le bus, aide qui lui est bien volontiers octroyée par des gens debout sur la plateforme. A peine les pieds posés dans le bus, se tournant vers un jeune homme d’origine asiatique, avachi sur un siège, appelons-le Kevin, elle exige toujours aussi bruyamment qu’il lui cède sa place assise. Sous sa capuche jaune Kevin lui répond qu’il est atteint d’une scoliose et ne peut pas lui laisser sa place. Sur la plateforme les gens maugréent devant ce manque d’éducation.

    Simone se tourne alors vers l’autre côté du couloir et avant même qu’elle ait pu agresser un autre passager pour exiger son dû, une femme « racialisée » en boubou multicolore, appelons-la Fatoumata, se lève pour lui céder sa place. Entre temps, celle à côté de Kevin se libère et Fatoumata s’y assied. Simone a installé son volumineux caddy dans le couloir et la place côté fenêtre est restée libre. Pendant une bonne partie du reste du trajet elle bloque le couloir avec ses courses et interdit l’accès à la place libre à côté d’elle au motif qu’elle ne peut pas bouger.

    Fatoumata entre temps a branché ses écouteurs et converse très fort avec un interlocuteur dans une langue probablement d’origine africaine. Simone a démarré une partie de Pac-Man sur son téléphone. Lorsque Kevin se lève pour descendre à une station, il ne paraît pas particulièrement handicapé par sa scoliose et Simone commente bien fort « qu’il paraît plus handicapé de la tête que des jambes »… Elle est largement approuvée par les passagers debout qui maugréaient tout à l’heure.

    Trois stations plus loin, nous sommes dans le XVIe, une passagère monte dans le bus, appelons-là Bérangère. Elle est manifestement du quartier si l’on en juge par les visites régulières qu’elle fait à son chirurgien esthétique qui a beaucoup travaillé sur son visage, pour un résultat plus proche d’ailleurs de la tête Michaël Jackson à la fin de sa vie que de celle d’Adriana Karembeu. Bérangère se retrouve coincée devant le caddy de Simone qui bloque l’accès au couloir. Très naturellement elle se tourne vers Fatoumata pour lui demander de pouvoir passer alors qu’il s’agit du chariot de Simone. Fatoumata interrompt sa conversation en wolof et s’énerve devant ce comportement raciste de Bérangère qui présuppose que l’origine « racialisée » de Fatoumata en fait la responsable évidente de cette obstruction. Bérangère en prend pour son grade et tout le bus suit le débat. Un généreux passager debout sur la plateforme propose alors de déplacer le caddy à côté de lui, ainsi Bérangère, le nez pincé autant par son chirurgien que par la colère devant cet esclandre, peut aller s’assoir juste derrière Simone.

    L’histoire se termine à la station Pont Mirabeau dans le XVIe et la morale en est plutôt triste devant cette population nombriliste et mal élevée, habitant entre le XIVe et le XVIe, sans doute pas les quartiers les plus défavorisés de la capitale, et qui ne sait s’exprimer que de façon agressive et courroucée, méprisante et guindée. Des citoyens abrutis par la publicité envahissante, les matchs de fouteballe, les émissions de Cyril Hanouna et les informations de Pascal Praud et dont les synapses se déconnectent progressivement, laissant leurs neurones sans plus de communication entre eux. C’est une énième manifestation de la perte de toute notion de l’intérêt général au profit de misérables petits tas d’intérêts particuliers. Le résultat n’est vraiment pas brillant et il n’est pas facile de garder le moral devant une telle déchéance.