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  • Fin de vie : « c’est pas à nous d’faire ça ! »

    Fin de vie : « c’est pas à nous d’faire ça ! »

    Les débats parlementaires ont débuté les discussions sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Le thème est sensible en ce qu’il agite les convictions profondes des uns et des autres, auxquelles se mêlent éventuellement leurs croyances religieuses ou leur foi en la laïcité. Bien sûr nous somme en France, alors les petites querelles politiciennes ne sont jamais loin. Des réflexions profondes et respectables sont partagées dans les médias. Des membres du personnel soignant, des philosophes, des malades, des chercheurs font part, le plus souvent avec beaucoup de tact et de modération, de leurs positions sur des sujets aussi vertigineux que : faut-il autoriser un patient à mettre fin à ses jours ? Pour quelles pathologies, à quel stade de celles-ci ? Faut-il inclure les maladies mentales ? Si le patient exprime sa volonté de mourir mais n’est plus en mesure de se « suicider », faut-il autoriser quelqu’un de son entourage à administrer le produit qui va donner la mort ? Ou imposer ce geste au personnel soignant ? Faut-il s’arrêter au « suicide assisté », aller jusqu’à l’euthanasie ? Bref, on est au cœur d’une véritable modification du statut donné jusqu’ici à la vie dans nos sociétés occidentales depuis des siècles et il n’est pas facile de trouver une voie satisfaisante pour tous.

    Alors chacun y va généralement de son exemple personnel sur un cas tragique de son entourage pour en tirer des conclusions souvent diamétralement opposées sur la façon souhaitable de le traiter le cadre général de la loi. Les références à l’expérience des pays européens qui sont allés vers l’euthanasie donnent aussi souvent lieu à des interprétations contradictoires

    Dans un très intéressant podcast en quatre épisodes de l’émission « Lsd – la série documentaire », intitulé « Des vivants jusqu’à la mort » l’émission interroge les acteurs de ces questions, y compris les malades et leurs familles, et l’on entend s’exprimer avec intelligence des positions qui semblent irréconciliables.

    Ecouter aussi :

    La fille d’un patient explique comment elle a pu se procurer illégalement un produit létal via une association proactive en la matière et l’a administré elle-même à son père, pour respecter sa volonté. On imagine aisément le traumatisme engendré par ce geste sur les survivants. Dans un cri du cœur cette femme dit : « c’est pas à nous d’faire ça ! ». C’est bien là tout le problème, qui « doit faire ça » ? Réflexe bien français même en ces circonstances dramatiques, le citoyen répond : « l’Etat [ou ses représentants] doit le faire ». Facile…

    Le corps médical est partagé, certains soignants expliquent qu’ils se voient mal effectuer le geste léthal, d’autres y sont favorables. Beaucoup s’expriment pour dire que la loi dite « Leonetti – Claeys » (du 02/02/2016) actuellement en vigueur est un cadre juridique satisfaisant pour appréhender la fin de vie des malades. Elle prévoit la mise en sédation profonde jusqu’à la mort du patient.

    Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

    Article 2

    La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

    Article 3

    Avant cette loi, chacun admet que le corps médical prenait parfois les décisions qui s’imposaient dans le secret de réunions collégiales pour abréger les souffrances intolérables et sans espoir de certains patients. Cela se faisait sans cadre légal, ce qui n’était plus en accord avec la judiciarisation de notre société. MM. Claes et Leonetti avaient initié la réflexion sur le vote d’une loi pour encadrer la pratique, mais sans aller jusqu’à légaliser le suicide assisté ou à l’euthanasie comme envisagés dans la présente loi. Les allers-retours en cours entre sénat et assemblée nationale montrent qu’une presque-majorité cherche à assouplir le projet de loi pour élargir le plus possible l’accès à cette fin de vie assistée ou provoquée. La loi finalisée devrait être votée d’ici à l’été. La majorité des citoyens affirment dans les sondages qu’ils sont en faveur de l’accès au suicide assisté voire à l’euthanasie mais ils ne précisent pas s’ils sont prêts à pratiquer le geste léthal eux-mêmes ou s’ils entendent le « déléguer » à d’autres…

    D’ores et déjà ce projet de loi réactive l’éternel conflit entre Intérêts particuliers et intérêt général, ce dernier étant bien délicat à définir de façon unanime en la matière

  • « Andres Serrano – Portraits de l’Amérique » au musée Maillol

    « Andres Serrano – Portraits de l’Amérique » au musée Maillol

    Andres Serrano, photographe américain d’origine latinos est exposé au musée Maillol. On y voit des portraits de grandes dimensions, mis en scène et en couleurs avec beaucoup de soins, montrant des personnages issus d’une Amérique hors des sentiers battus, de Trump aux minorités raciales, en passant par une série de gros plans de jouets vintage en plastique aux couleurs criardes, symbolisant une ère robotique désormais dépassée par le monde numérique.

    L’exposition revient évidement sur une œuvre de Serrano ayant fait scandale dans les années 1980, celle d’un christ en croix baignant dans de l’urine ; l’artiste est intéressé par les fluides corporels comme le confirment d ‘autres clichés… Il partage aussi sa vision de la passion morbide des Américains pour les armes à feu avec des photos spectaculaires de détails de pièces de revolvers, froids et métalliques, inquiétants.

    Une vidéo montre l’interview du photographe dans sa maison new-yorkaise qui lui sert aussi de studio. Ce qu’on en voit ressemble à un château fort du moyen-âge dont les murs et les arches sont couverts de bondieuseries chers à cet artiste qui revendique sa foi chrétienne. Ses « portraits de l’Amérique » sont originaux, un peu effrayants. Serrano revendique sa neutralité et suggère à chacun de se faire une idée de l’Amérique qu’il donne à voir via ses photos, sans chercher à vouloir deviner l’opinion de leur créateur qui dépeint une modernité et une actualité dérangeantes !

  • Beth Gibbons – 2024/05/28 – Salle Pleyel

    Beth Gibbons – 2024/05/28 – Salle Pleyel

    Beth Gibbons (59 ans), la si mystérieuse et sincère chanteuse du groupe de trip-hop Portishead revient à Paris dans le cadre d’une tournée mondiale pour la sortie de son deuxième album solo : Lives Outgrown dont le titre (Des vies dépassées) marque bien les rivages introspectifs et mélancoliques sur lesquelles vogue toujours cette artiste si attachante. Elle fait partie de la bande de Bristol (Royaume-Uni) qui a lancé le mouvement trip-hop (Massiv Attack, Tricky…), une musique sombreet glaçante marquée par une rythmique urbaine obsessionnelle. La légende veut qu’elle ait rencontré Geoff Barrow dans la salle d’attente d’une agence de recherche d’emploi en 1991 et qu’ensemble ils aient décidé de créer Portishead avec Adrian Utley. Avec quelques autres musiciens (dont le batteur de Radiohead) le groupe a créé trois albums majeurs entre 1994 et 2008, réussites dans lesquelles le chant de Beth et sa participation aux compositions et à l’écriture des morceaux ne fut pas pour rien. Portishead semble retiré du monde la musique pour le moment mais qui sait s’ils ne reviendront pas un jour ?

    Beth Gibbons avait déjà sorti un premier disque solo en 2002, Out of Season, en collaboration avec Rustin Man ex-bassiste du groupe Talk Talk : une réussite. 22 ans plus tard, Lives Outgrown est aussi le fruit d’une collaboration avec Lee Harris, le batteur de Talk Talk, et James Ford, producteur d’Artic Monkey, Blur… Une seconde réussite vertigineuse. Elle a aussi participé à nombre d’albums, dont celui de Jane Birkin en 2004 : Rendez-Vous.

    Peu sensible à son apparence, elle apparaît depuis 30 ans toujours vêtue des même jeans-baskets et pull foncé un peu informe. Elle n’a pas non plus changé de coiffure depuis ses débuts avec ses cheveux roux et raides. Et elle marque toujours la même timidité face à son assistance. Elle se tourne souvent vers le fond de la scène lorsqu’elle ne chante pas, ou même stationne devant son claviériste, dos au public, comme si la vue de celui-ci la troublait. Autrefois elle fumait beaucoup sur scène, on dirait qu’elle a arrêté. Les lumières sont toujours tamisées et on sent qu’elle se cache un peu dans l’intimité de ce clair-obscur. Lorsqu’elle chante elle s’accroche à son micro avec les deux mains. Celui-ci est placé un peu plus haut que sa bouche alors elle est tendue vers lui et paraît comme une hirondelle solitaire sur son fil, prête à une grande migration vers l’inconnu.

    Derrière elle, sept musiciens sont déployés en arc-de-cercle, comme pour l’entourer et la soutenir, mais elle est seule au milieu de la large scène de la salle Pleyel : Eoin Rooney – guitares, Emma Smith et Richard Jones – violon et alto (mais aussi guitares sur certains morceaux, Tom Herbert – bass, Jason Hazeley – claviers, Howard Jacobs (véritable homme-orchestre) – percussion, flute, sax, vibraphone, gong, guitare frappée avec des baguettes et bien d’autres instruments bizarres, James Ford – batterie. Tous ces musiciens dévoués à leur chanteuse-compositrice si fragile assurent aussi les chœurs.

    Le show démarre sur Tell Me Who You Are Today, une intro toute en douceur jouée subtilement, comme en sourdine, sur laquelle s’élève la voix plaintive de Beth pour nous dire cette complainte.

    If I could change the way I feel
    If I could make my body heat

    Free from all I hear inside

    Come over me
    Listen to me

    Burden of Life qui est joué ensuite est aussi un long questionnement musical sur le poids de la vie que l’on porte sans fin mais qui a au moins l’avantage de ne jamais nous laisser seuls… Puis I’m Floating on a Moment qui nous dit l’impossibilité de comprendre où nos pas nous mènent (All going to nowhere/ To afraid… to be free) avant une reprise de l’album son premier album solo et le déchirant Lost Changes sur l’instabilité du monde et des sentiments alors que l’amour passé était si doux comme le léger sifflement qu’elle prodigue dans son micro sur le pont du morceau.

    We’re all lots together
    We’re fooling each other…

    And all that I want you to want me
    That way that you used to
    And all that I want is to love you
    The way that I used to

    La musique est mélancolique comme une larme salée qui coule sur la joue devant le temps qui passe. Les musiciens sont unis dans la douceur et la délicatesse pour accompagner cette voix unique. L’atmosphère est feutrée dans les lumières le plus souvent bleu électrique. Beth Gibbons n’a pas voulu bien entendu copier les rythmes du trip-hop et son folk sombre se déploie sur des percussions plus classiques, discrètes, qui encadrent parfaitement l’ensemble. Les cordes amènent aussi leur touche originale et parfois lancinante, avec un petit côté oriental qui pimente cette musique.

    Beth ni ses musiciens ne manifestent aucune émotion particulière, ni démonstration quelconque. Tous sont concentrés pour délivrer ce concert exceptionnel tout en réserve, tourné vers nous-mêmes. Après une deuxième reprise de Out of Season le groupe nous emmène jusqu’au terme du show avec un Whispering Love susurré dans nos oreilles et pour nos cœurs, avec ce petit grincement de violon répété à l’infini dans les aigus pour accompagner ce final à l’image de cet instant musical délicieux dont la beauté et l’élégance transcendent la tristesse qui en émane.

    Leaves of our tree of life
    Where the summer sun… always
    Shines through… the tree of wisdom
    Where the light is so pure… oh that summer sun
    Moon time will linger… through the melody
    Of life’s… shortening, longing view

    Oh whispering love
    Come to me… when you can

    Le rappel reprend Roads de Portishead. Le public n’en demandait pas tant. D’autant plus que Beth remercie et nous crie en riant à plusieurs reprises « Paris, je t’aime ». En trente années de carrière, on ne l’avait jamais entendu parler ni vue sourire…

    Setlist : Tell Me Who You Are Today/ Burden of Life/ Floating on a Moment/ Rewind/ For Sale/ Mysteries (Beth Gibbons & Rustin Man cover)/ Lost Changes/ Oceans/ Tom the Model (Beth Gibbons & Rustin Man cover)/ Beyond the Sun/ Whispering Love

    Encore : Roads (Portishead song)/ Reaching Out

    Warmup : Bill Ryder-Jones, ex-guitariste du groupe The Coral, qui joue ce soir avec une violoncelliste.

    Les photos de Roberto : https://www.photosconcerts.com/beth-gibbons-paris-salle-pleyel-2024-05-27-15543

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  • « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » au musée d’Orsay

    « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » au musée d’Orsay

    Le musée d’Orsay revient sur l’arrivée de l’impressionnisme à l’occasion de l’exposition qui s’ouvre le 15/04/1874 à l’initiative de Monet, Renoir, Degas, Morisot, Pissarro, Sisley ou encore Cézanne qui avaient décidé de faire exploser les règles et les normes de la peinture classique dont les acteurs et les critiques n’ont pas venu venir la vague qui allait les emporter, ancrés sur leurs certitudes et leur conservatisme. Quelques années auparavant la France avait été défaite par le Prussiens (1870) au cours d’une guerre courte et sauvage. Certains de ces peintres ont participé aux combats, Frédéric Bazille, promit à un brillant avenir, y laissa sa vie.

    Les survivants ont peint leur environnement tel qu’ils le voyaient, par touches fugitives et colorées. Comme tous les révolutionnaires ils ont été incompris à leurs débuts avant que leur vérité et leur modernité n’apparaissent comme une évidence, laissant loin derrière eux le classicisme de l’académie incarné par « le Salon » qui, depuis la fin du XVIIe siècle, définissait la norme en matière de peinture et de sculpture.

    Le musée d’Orsay présente des toiles impressionnistes, certaines archi-connues, d’autres beaucoup moins. On est frappé par la couleur et la légèreté qui émanent de ces œuvres tellement joyeuses, comme pour transcender la violence et les doutes qui agitaient cette période de l’histoire européenne. Et même lorsqu’il s’agit de paysages industriels, par nature moins gais, le style impressionniste noie la dureté du métal dans le flou de la couleur et la brume du climat.

    Ils sont impressionnistes en ce sens qu’ils rendent non le paysage, mais la sensation [l’impression] produite par le paysage.

    Castagnary (critique d’art – 1874)
  • Maustetytöt – 2024/05/23 – Le Hasard Ludique

    Maustetytöt – 2024/05/23 – Le Hasard Ludique

    Les amateurs de films d’art & essai qui ont vu le film « Les feuilles mortes » du finlandais Aki Kaurismäki y ont découvert le groupe Maustetytöt (Spice Girls en anglais) qui jouait une de ses chansons au milieu de cette fiction glaçantes. Elles deux sœurs, Anna et Kaisa Karjalainen, l’une chanteuse & claviers, l’autre guitare & chant, blondes comme seuls les pays scandinaves savent engendrer de pareils torrents de cheveux couleur paille. La petite salle du Hasard Ludique est comble.

    Habillées toutes deux de jupes noires, Anna porte une élégante chemise en Bazin de la même couleur, Kaisa est en T-shirt noir. Le light-show rayonne de couleurs bleutées, les musiciennes sont souvent en contre-jour et dans l’obscurité de la salle on ne voit que l’or de leurs chevelures, comme un champ de blé dans un tableau de Van Gogh. Anna joue de ses claviers et active une boîte à rythme ; après chaque morceau elle tourne les pages d’un petit carnet sur lequel sont sagement inscrits les accords de la prochaine chanson. Kaisa porte en bandoulière sa guitare Rickenbaker qu’elle jouera durant tout le concert. Toutes les deux chantent merveilleusement bien. Si Anna assure le chant principal elle est le plus souvent accompagnée de sa sœur, à l’octave ou décalée, voire avec un murmure, un filet de voix qui arrive dans les enceintes comme un instrument supplémentaire.

    La musique est de base électronique, harmonieuse et plutôt mélancolique. Bien sûr on ne comprend pas un traître mot de ces chansons écrites et chantées en finnois. Anna nous précise, en anglais, qu’elle est consciente de cette incommunicabilité en dehors de la Finlande mais, alors qu’elle se croyait la chanteuse d’un groupe à textes, elle découvre que ce n’est pas que ça puisqu’elles rencontrent le succès à l’international, dont Paris ce soir. Dans le film de Kaurismäki, leur chanson était sous-titrée en français et on trouve sur Youtube des traductions en anglais de certaines autres. Les mots sont à l’image du film et de l’impression qu’elles veulent donner par leur attitude et leur musique : froideur et élégance. Elles font d’ailleurs un peu dans l’autodérision sur scène vantant les mérites de la Finlande le pays « le plus heureux du monde » quand on sait que le taux de dépression et de suicide y est plutôt plus élevé que la moyenne…

    Sur scène elles ne sourient jamais, parlent plutôt peu et déroulent leur musique un peu mécaniquement. Aucune attitude démonstrative bien sûr mais l’harmonie de leur chant et leurs notes suffisent à emporter l’enthousiasme des spectateurs. Et lorsqu’elles lancent Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin (Né avec tristesse et vêtu de déception), le morceau qu’elles jouent dans Les feuilles morte, c’est une salve d’applaudissements qui couvre l’intro. Elles sont toutes deux froides comme des glaçons de la Baltique au fond d’un fjord en plein hiver mais elles nous font fondre de bonheur devant l’harmonie musicale et visuelle qu’elles prodiguent.

    Les deux musiciennes affichent leur sororité sans avoir besoin de l’exprimer, leur complicité est subtile et le résultat est parfait, celui d’une musique électronique portée par la mélancolie et le charme des voix. Le dernier morceau est chanté par Kaisa et brode autour du thème : « si tu n’étais pas ma sœur il n’y aurait rien dans la vie ».

    Après le concert elles dédicacent des sweat-shirts ornés d’un emoji qui affiche sa tristesse… Tout un programme !

    Maustetytöt

    Le groupe est très populaire en Finlande et le film Les feuilles mortes est en train de leur apporter un succès bien mérité au-delà de leurs frontières nordiques. En plus elles sont sympas : ce sont elles qui accordent leurs instruments sur scène avant leur prestation, et modestes : elles voyagent en Van. Quelques jours avant le show de Paris elles publiaient une photo d’elles deux, dépitées devant leur véhicule en panne dans un garage ce qui les a obligées à annuler le concert prévu le soir même à Cologne.

    Warmup : Mikko Joensuu, musicien folk, lui aussi… très blond et talentueux !

  • Le pardon de Saint-Yves à Tréguier

    Le pardon de Saint-Yves à Tréguier

    Saint Yves (Erwan en breton) est le saint catholique breton par excellence, patron des hommes de loi, défenseur des pauvres et des orphelins. Il est né et mort à Minihy-Tréguier (1253-1303), commune contiguë à Tréguier, et enterré dans la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier. Tous les ans un grand pardon y est organisé qui réunit de nombreux Bretons et des représentants des avocats, des magistrats, des juristes qui défilent dans le froufrou de leurs robes noires ou rouges.

    Puisqu’aujourd’hui, c’est votre pardon, saint Yves béni
    Priez pour vos compatriotes, priez pour les Bretons.
    Aujourd’hui les vrais Bretons, vous prient de bon cœur
    Donnez-leur, monsieur Saint Yves, donnez-leur à tous ce qu’ils désirent.

    Aujourd’hui, une grand-messe est célébrée par l’évêque auxiliaire de Rennes dans la cathédrale, avec grandes orgues et bombarde. Dans une aile du cœur s’entassent les voiturettes des personnes à mobilité réduite. Le reste de l’église est bondé, les retardataires suivront la cérémonie de l’extérieur. Quelques drapeaux bretons dépassent de la foule. A l’issue de la messe, la procession se met en route derrière les bannières de toutes les paroisses des alentours et les reliques du saint (son crâne notamment) dans un coffret de verre porté sur un brancard entre quatre drapeaux blancs à croix rouge, les drapeaux de procession qu’il y a dans toutes les paroisses. Sur le chemin les maisons et les haies sont parsemées d’arums et de genets, la foule avance doucement en murmurant des invocations religieuses et des chants bretons.

    Saint Yves, notre père.
    Saint Yves, notre père.
    Toi que nous implorons,
    Reçois notre prière
    Et bénis les Bretons.

    Arrivé à l’église Saint-Yves de Minihy, la relique entre dans la nef pour une courte cérémonie avant d’en ressortir et d’être respectueusement saluée par les bannières qui s’inclinent trois fois devant son passage. Le retour est toujours joyeux et se termine au son des binious dans Saint-Tugdual où les reliques sont replacées sur leur piédestal.

    Ferveur, tradition et émotion ; et un peu de communautarisme breton, font le sel de cette belle célébration qui remporte toujours un franc succès populaire.

    Voir aussi

  • ONFRAY Michel, ‘Immigrations – éviter le naufrage (FRONT-POPULAIRE n°4)’

    ONFRAY Michel, ‘Immigrations – éviter le naufrage (FRONT-POPULAIRE n°4)’

    Sortie : 2021.

    Quel étrange parcours que celui suivi par Michel Onfray (né en 1959), philosophe qui se définit lui-même « libertaire et proudhonien » et qui réjouit les auditeurs de la radio France-Culture, des années durant, qui diffusait sa Contre-histoire de la philosophie qu’il enseignait à l’Université populaire de Caen. Il avait une vision plutôt hétérodoxe de la philosophie tout en se mettant à la portée d’un auditoire non spécialisé. On se souvient notamment de ses conférences sur la psychanalyse et ses descriptions ironiques des pratiques professionnelles de Freud et Lacan. Onfray est un moulin à paroles qui a la remarquable qualité de savoir exprimer sa pensée de façon claire. Il possède une connaissance véritablement encyclopédique de la philosophie depuis l’antiquité et la faisait partager dans le cadre de cette « Université populaire ». Il est par ailleurs à l’origine d’une production littéraire impressionnante.

    Depuis la fin des années 2010 il se pique de politique, n’intervenant plus à l’Université populaire de Caen, diffuse ses idées sur les plateaux télévisés dont il est devenu bon client. Très critique à l’encontre des politiques suivies par les dirigeants français, de leur opposition et du concept européen, il publie la revue « Front Populaire » depuis mi-2020 où s’expriment différents intellectuels sur un sujet donné, la tendance générale étant à la critique et au conservatisme.

    En prologue de ce numéro, Onfray met en exergue une phrase qui explique sans-doute sa conversion intellectuelle. Aurait-il abandonné ses utopies ?

    L’idéalisme judéo-chrétien repris et augmenté par l’idéalisme marxiste-léliniste, sous couvert de matérialisme dialectique, voilà qui a failli. De part et d’autre, christianisme ou lélinisme, cette course à l’utopie a tué des millions d’hommes.

    Ce numéro 4 sorti au printemps 2002 était consacré à l’immigration, avec plus ou moins de bonheur. On y lit des intellectuels qui réfléchissent à la question mais aussi des polémistes qui assènent des slogans en dévalorisant quelque peu la crédibilité de l’ensemble. Globalement la ligne éditoriale est plutôt de mettre en avant les effets délétères de « l’arrivée massive » de populations étrangères en France, avec nombre de raisonnements qui méritent d’être entendus, et d’autres un peu plus polémiques. Il est bon en tout cas que tout ceci puisse être écrit.

  • Triste situation

    Triste situation

    On ne dit plus « un handicapé » mais « une personne en situation de handicap ».

  • Une tranche de vie sur la ligne de bus 62

    Une tranche de vie sur la ligne de bus 62

    Vendredi 3 mai, il est 11h dans le XIVe arrondissement, station Tombe-Issoire de la ligne de bus 62, non loin des allées ombragées du parc Montsouris, direction Porte de Saint Cloud et le XVIe. Il fait beau, l’ambiance de cette mi-journée est plutôt guillerette. Une petite foule tranquille monte dans le véhicule.

    A la station Convention dans le XVe une femme d’un certain âge, appelons là Simone, appuyée sur deux cannes, d’un tour de taille plutôt ample et traînant un lourd caddy, demande bruyamment de l’aide pour monter son chariot dans le bus, aide qui lui est bien volontiers octroyée par des gens debout sur la plateforme. A peine les pieds posés dans le bus, se tournant vers un jeune homme d’origine asiatique, avachi sur un siège, appelons-le Kevin, elle exige toujours aussi bruyamment qu’il lui cède sa place assise. Sous sa capuche jaune Kevin lui répond qu’il est atteint d’une scoliose et ne peut pas lui laisser sa place. Sur la plateforme les gens maugréent devant ce manque d’éducation.

    Simone se tourne alors vers l’autre côté du couloir et avant même qu’elle ait pu agresser un autre passager pour exiger son dû, une femme « racialisée » en boubou multicolore, appelons-la Fatoumata, se lève pour lui céder sa place. Entre temps, celle à côté de Kevin se libère et Fatoumata s’y assied. Simone a installé son volumineux caddy dans le couloir et la place côté fenêtre est restée libre. Pendant une bonne partie du reste du trajet elle bloque le couloir avec ses courses et interdit l’accès à la place libre à côté d’elle au motif qu’elle ne peut pas bouger.

    Fatoumata entre temps a branché ses écouteurs et converse très fort avec un interlocuteur dans une langue probablement d’origine africaine. Simone a démarré une partie de Pac-Man sur son téléphone. Lorsque Kevin se lève pour descendre à une station, il ne paraît pas particulièrement handicapé par sa scoliose et Simone commente bien fort « qu’il paraît plus handicapé de la tête que des jambes »… Elle est largement approuvée par les passagers debout qui maugréaient tout à l’heure.

    Trois stations plus loin, nous sommes dans le XVIe, une passagère monte dans le bus, appelons-là Bérangère. Elle est manifestement du quartier si l’on en juge par les visites régulières qu’elle fait à son chirurgien esthétique qui a beaucoup travaillé sur son visage, pour un résultat plus proche d’ailleurs de la tête Michaël Jackson à la fin de sa vie que de celle d’Adriana Karembeu. Bérangère se retrouve coincée devant le caddy de Simone qui bloque l’accès au couloir. Très naturellement elle se tourne vers Fatoumata pour lui demander de pouvoir passer alors qu’il s’agit du chariot de Simone. Fatoumata interrompt sa conversation en wolof et s’énerve devant ce comportement raciste de Bérangère qui présuppose que l’origine « racialisée » de Fatoumata en fait la responsable évidente de cette obstruction. Bérangère en prend pour son grade et tout le bus suit le débat. Un généreux passager debout sur la plateforme propose alors de déplacer le caddy à côté de lui, ainsi Bérangère, le nez pincé autant par son chirurgien que par la colère devant cet esclandre, peut aller s’assoir juste derrière Simone.

    L’histoire se termine à la station Pont Mirabeau dans le XVIe et la morale en est plutôt triste devant cette population nombriliste et mal élevée, habitant entre le XIVe et le XVIe, sans doute pas les quartiers les plus défavorisés de la capitale, et qui ne sait s’exprimer que de façon agressive et courroucée, méprisante et guindée. Des citoyens abrutis par la publicité envahissante, les matchs de fouteballe, les émissions de Cyril Hanouna et les informations de Pascal Praud et dont les synapses se déconnectent progressivement, laissant leurs neurones sans plus de communication entre eux. C’est une énième manifestation de la perte de toute notion de l’intérêt général au profit de misérables petits tas d’intérêts particuliers. Le résultat n’est vraiment pas brillant et il n’est pas facile de garder le moral devant une telle déchéance.

  • SAINT-SIMON, Louis de, ‘Mémoires 1/20’

    SAINT-SIMON, Louis de, ‘Mémoires 1/20’

    Sortie : 1743, Chez : Jean de Bonnot (1965)

    Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755), fut un incomparable mémorialiste d’une grande partie du long règne de Louis XIV (1638-1715). Ce premier tome d’une série de vingt réédités chez Jean de Bonnot en 1965 donne un aperçu de la gouvernance de l’époque et de toute la futilité de la vie à la cour du Roi. Malgré des us et coutumes plutôt singuliers pour ceux qui les observent depuis le XXIe siècle, il y avait un Etat, une autorité, une justice des ministres, des lois, des armées, bref, tous les éléments qui annonçaient un Etat moderne et ce qu’est la France d’aujourd’hui, heureusement devenue démocratie sur les cendres de la monarchies de droit divin.

    Au-delà de cette progression vers la modernité, le récit s’étend (parfois un peu trop) sur les petites histoires de cour, de mariages arrangés, de transmissions ou rachats de charges attribuées par le monarque que l’ont peu passer rapidement. Il est aussi souvent question de guerres contre les voisins, les nobles dont Saint-Simon étant officiers supérieurs dans ces conflits. Une tranche de la vie du XVIIe siècle vue du côté de la caste des nobles. Il reste 19 volumes à lire…

    Un peu plus tard, le cousin éloigné de Saint-Simon, Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825), fondera la doctrine du saint-simonisme qui a pensé la société industrielle qui prenait progressivement la place de l’ancien régime.

  • Nestlé et le blackface

    Nestlé et le blackface

    Les capsules Nespresso de couleur marron sont composées de café d’origine africaine, celles rouge-orangé sont faîtes avec du café d’Amérique latine. Pas sûr qu’une telle convention de couleurs plaise aux décolonialistes… Ne pourrait-elle rentrer dans ce qui est dénommé le blackface, ou « grimage en noir », synonyme pour les défenseurs des théories wokistes de racisme antinoir ?

    Cet industriel helvétique ayant déjà des comptes à rendre en ce moment sur la toxicité de certains de ses produits ménagers et eaux minérales, il est étonnant que le fabricant Nestlé n’ait pas encore été attaqué sur le sujet du blackface de ses capsules de café !

  • « Jusqu’au bout du monde » de Viggo Mortensen

    « Jusqu’au bout du monde » de Viggo Mortensen

    Nous sommes dans un monde de brutes, le Far-West américain durant la guerre de Sécession, qui n’empêche pas Vivienne (jouée par Vicky Krieps, lumineuse), sans doute acadienne car elle parle aussi le français avec un fort accent québécois, de rencontrer son amoureux, Olsen, immigré danois joué par Vigo Mortensen qui est aussi le réalisateur du film.

    Ils vont vivre ensemble une courte mais intense histoire d’amour au cœur de la sauvagerie de ce monde de conquérants sans foi ni loi, interrompue par le départ à la guerre d’Olsen pour lutter contre l’esclavage défendu pour les « confédérés ». Il en revient et les retrouvailles sont délicates, chacun ayant affronté d’importantes difficultés durant la séparation. Cela ne se termine pas très bien pour Vivienne alors Olsen voyage vers l’Ouest avec le jeune fils, jusqu’au Pacifique.

    Les paysages sont sublimes, les acteurs sont beaux, l’histoire est romantique, féministe même sous les traits de Vivienne contrainte de se faire respecter dans un monde de machos armés. Un joli film, élégant.

  • Un chemin heurté vers l’inévitable indépendance de la Nouvelle-Calédonie

    Un chemin heurté vers l’inévitable indépendance de la Nouvelle-Calédonie

    Le territoire de la Nouvelle-Calédonie est de nouveau à feu et à sang depuis quelques jours, pillages, émeutes et guérilla ont fait quatre morts à ce stade, dont un gendarme, de nombreux blessés et des dégradations matérielles importantes. Les accords dits « de Nouméa » signés en 1998 entre l’Etat et les représentants de cet archipel ont reconnu le statut de « colonie » à la Nouvelle-Calédonie et la nécessité de mettre en œuvre un processus de décolonisation. Hélas, la succession de trois référendums organisés entre 2018 et 2020 n’a pas permis de dégager une majorité en faveur de l’indépendance et de permettre ainsi à ce territoire de voguer de ses propres ailes et à la France de se libérer du poids politique et financier de cette colonie.

    Les accords de Nouméa précisaient dans leur préambule :

    Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.
    Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d’origine. …

    … Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun.

    La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. …

    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000555817

    Les émeutes en cours montrent qu’on est loin de cet objectif. La raison de cet échec est toujours la même, celle de la composition du corps électoral. La France est une démocratie qui ne sait pas différencier le droit de vote de ses citoyens, quand bien même ils résident dans une ancienne colonie déjà pourvue d’une grande autonomie. Une exception avait été incluse dans la constitution (Titre XIII) pour régir le statut spécifique de la Nouvelle-Calédonie et, notamment, la composition de son corps électoral. En gros, étaient autorisés à voter pour les trois référendums, les résidents sur le territoire depuis plus de dix ans en 1998. Rien n’a été changé depuis si ce n’est que le parlement français a voté le « dégel » du corps électoral puisque de nombreuses évolutions démographiques ont modifiés la structure de la population et de l’électorat depuis 1988, date du gel actuel.

    Cela ne fait pas l’affaire des indépendantistes principalement composés des Kanaks, les populations originaires de l’île qui ne seraient toujours pas majoritaires aujourd’hui face aux Caldoches, les descendants des colons auxquels il convient d’ajouter les expatriés qui restent sur place plusieurs années.

    Cela dérange encore plus les affaires de la France qui ne sait comment se tirer de cet imbroglio juridique. En réalité la seule solution pour assurer l’indépendance souhaitable de la Nouvelle-Calédonie serait de pouvoir concevoir un corps électoral ad hoc qui donnerait le droit de vote sur le « destin commun » uniquement aux populations indigènes. Cela reviendrait à exclure les Caldoches et les expatriés. Ce serait évidement très complexe à mettre en œuvre car il faudrait inventer des critères pour prouver « l’indigénéité » des « indigènes » qui seraient forcément subjectifs, « présence en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs générations » par exemple puisqu’il est difficile de retenir des critères physiques…

    Une telle solution serait forcément injuste pour les Caldoches qui porteraient ainsi la responsabilité collective de la colonisation menées par leurs ancêtres sous l’autorité du gouvernement français mais il est des situations où l’intérêt général du pays peut mériter d’être défendu au détriment des intérêts particuliers. Il faudrait en échange garantir la nationalité française à tous les citoyens ainsi exclus du corps électoral et, probablement, financer leur rapatriement et installation en France pour ceux qui ne souhaitent pas rester sur place après l’indépendance. Il s’agit de 100 à 150 000 personnes qui, tels les rapatriés d’Algérie en 1962, garderont alors pour des générations une rancœur contre la France. Quels élus ou dirigeants auront le courage de lancer une telle réflexion ?

    Ce qui devrait les guider est la question : « existe-t-il la moindre chance pour qu’un jour les Kanaks acceptent la tutelle de la France de façon apaisée et positive ? » La réponse est évidement non, ce qui devrait conduire des dirigeants à mener à bien le plus rapidement possible la décolonisation de ce territoire, fusse au prix d’une injustice au détriment des Caldoches !

    Lire aussi : La dépendance de la Nouvelle-Calédonie reste légèrement majoritaire à l’issue du référendum du 4 octobre

  • ERNAUX Annie, ‘La vie extérieure 1993-1999’.

    ERNAUX Annie, ‘La vie extérieure 1993-1999’.

    Sortie : 2000, Chez : Gallimard / Folio n°3557.

    Annie Ernaux, née en 1940, prix Nobel de littérature en 2022, accumule dans ce livre les descriptions de ce qu’elle voit de la vie courante de tous ces inconnus que l’on croise jour après jour. Il s’agit de courts paragraphes datés du jour de l’observation. Beaucoup de ces flashs sont pris dans le métro ou l’inaction et l’attente la poussent à regarder ceux qui l’entourent. Il ne se passe rien dans ces lignes étranges et froides que la transcription de ce que relève l’œil de l’écrivaine. Elle ne cherche même pas à deviner ou approfondir ces situations mais juste à exposer qu’elles sont là.

    Bien sûr Annie Ernaux est plutôt portée vers une vision sociale du monde qui tend parfois au misérabilisme, comme si son regard se concentrait sur ce qui va mal en implorant comme une certaine commisération de l’observateur : les couloirs de métro, les supermarchés de banlieue, les immigrés, les salons de coiffure ; mais aussi quelques brèves nouvelles picorées à la radio ou dans le journal : la guerre en Yougoslavie, le procès Papon…

    Annie Ernaux semble écrire comme elle traverse la vie, tristement, au cœur d’un insondable néant.

    Lire aussi

  • MANŒUVRE Philippe, ‘Les Enfers du Rock’ .

    MANŒUVRE Philippe, ‘Les Enfers du Rock’ .

    Sortie : 2009, Chez : Tana éditions.

    Philippe Manœuvre, l’incontournable historien du rock et ancien patron du non-moins incontournable magazine « Rock & Folk » poursuit en quelques chapitres bien sentis la trace du diable dans le rock. Le court ouvrage est superbement illustré par des dessins originaux de Marie Meir. De AC/DC à Robert Johnson, de Black Sabbath aux Rolling Stones, l’imaginaire diabolique a régulièrement peuplé les mots et l’inspiration de ces rockers de légende. Il s’agissait le plus souvent de références ironiques mais certains d’entre eux ont véritablement vécu ce lien avec le malin et cela ne s’est pas toujours bien terminé pour eux…

    Just as every cop is a criminal
    And all the sinners saints
    As heads is tails, just call me Lucifer
    ‘Cause I’m in need of some restraint
    So if you meet me, have some courtesy
    Have some sympathy and some taste
    Use all your well-learned politesse
    Or I’ll lay your soul to waste
    Mmm, yeah

    Sympathy for the Devil (The Rolling Stones – 1968)

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  • « Etat limite » de Nicolas Peduzzi

    « Etat limite » de Nicolas Peduzzi

    Le documentariste Nicolas Peduzzi a suivi durant quelques mois la vie professionnelle d’un jeune psychiatre, Jamal, en poste à l’hôpital Beaujon situé dans le nord de Paris (Clichy). Il n’y a plus de service de psychiatrie dans cette institution qui accueille tout de même des patients atteints aussi de troubles psychiatriques. On fait alors appel à ce spécialiste qui passe son temps à courir de service en service pour essayer de parer au plus pressé avec ses internes qui l’épaulent.

    Il est d’origine syrienne, ses parents venus en France pour terminer leurs études de médecine y sont resté. Il a fait sa médecine pour suivre l’exemple de son père chirurgien, mais en optant pour la psychiatrie plus propice aux rapports humains.

    Dans le flux continu des entrants aux urgences de l’hôpital Beaujon, chaque jour apporte son cortège de cas sociaux qui nécessitent son intervention : alcool, drogue, violences, tentatives de suicides, jeunes à la dérive, réfugiés en déshérence… Alors on appelle Jamal qui vient essayer de régler les problèmes, toujours disponible et bienveillant. Il s’occupe aussi des moments de passage à vide d’un infirmier, des aides-soignantes parfois. On attend de lui des miracles qu’il n’est guère en mesure de délivrer dans le capharnaüm que semble être cet hôpital où se presse toute la misère du monde.

    Evidement Jamal intervient sur les cas les plus délicats, psychiatrisés, sans doute beaucoup d’autres se passent très bien et ne nécessitent pas l’intervention d’un psychiatre, heureusement. Son engagement est touchant et admirable, il trouve encore le temps et l’énergie d’organiser un groupe de théâtre pour certains de ses jeunes patients. Il s’interroge avec sincérité sur le sens de cet engagement dans l’univers un peu kafkaïen de cette grosse machine hospitalière.

    Le réalisateur lui prête une oreille attentive et le documentaire sombre parfois dans le misérabilisme insistant sur « le manque de moyens » répété comme un mantra à tout bout de champ par le personnel soignant. Il n’est pas sûr que multiplier les postes de psychiatre à Beaujon réglerait l’origine de toute cette misère sociale qui dévale à flot continu. Mais qu’importe, c’est la plainte du moment que les citoyens aiment bien entendre et relayer. Nicolas Peduzzi est dans la salle de l’Escurial. Interrogé à la fin du film il admet que les choses se passent bien mieux dans les autres services mais ce n’est pas l’objet de ce film.

  • « Brâncusi – l’art ne fait que commencer » au Centre Pompidou

    « Brâncusi – l’art ne fait que commencer » au Centre Pompidou

    Constantin Brâncusi (1876-1957), sculpteur roumain, est venu s’installer à Paris en 1903 après avoir traversé l’Europe à pied. Après un rapide passage dans l’atelier de Rodin il décide voler de ses propres ailes et développer son concept singulier de la sculpture caractérisé par des lignes extraordinairement épurées et ces bronzes polis caractérisés par cette tête d’enfant. Le travail du bronze ajoute un effet de lumière et de reflet poussant à la méditation du visiteur devant sa propre image reflétée et déformée par l’or de la sculpture.

    Sur des vidéos on voit le caractère physique de la création de certaines œuvres, Brâncusi scie, cloue, frappe des matériaux divers, par exemple pour monter la « Colonne sans fin », faites d’éléments identiques comme une vis sans fin, assemblés sur 8 mètres de hauteur dans son pays d’origine. L’atelier de l’artiste reconstitué au Centre Pompidou ressemble un peu à une succursale du BHV avec une accumulation impressionnante d’outils variés.

    Brâncusi a aussi beaucoup travaillé sur le mouvement, celui des animaux en particulier, il est vrai souvent plus élégant que celui des humains. Les sculptures d’oiseaux, de phoques, de coqs, de poissons sont fascinantes par ce qu’elles évoquent aux regardeurs dans un dépouillement total et la pureté absolue, tant du mouvement inspiré par la sculpture que du matériau utilisé.

    Je n’ai cherché pendant toute ma vie que l’essence du vol. Le vol, quel bonheur !

    Brâncusi a également pratiqué la photographie et nombre de ses clichés sont exposés. Peut-être en hommage à ce talent, il y a beaucoup de téléphones portables qui se promènent dans l’exposition avec leurs propriétaires derrière qui gênent un peu la découverte des documents de plus petite taille : lettres, photos, cartes postales. Mais, « Brâncusi à Pompidou », c’est l’endroit où il faut être un dimanche après-midi.

    Brâncusi dans son atelier avec sa chienne Polaire
  • Les vielles ganaches de LR s’accrochent au pouvoir

    Les vielles ganaches de LR s’accrochent au pouvoir

    Le parti Les Républicains (LR) a publié sa liste des candidats pour les élections européennes du 9 juin et on constate que Nadine Morano (60 ans) et Brice Hortefeux (65 ans) y figurent aux 5e et 6e place, sans doute des positions éligibles. Il se murmure que les instances LR auraient bien voulu se débarrasser de ces vieilles ganaches qui ne plaident pas vraiment pour le renouveau du parti mais elles n’ont pas osé. L’apport de Morano et Hortefeux à la politique et l’avenir du parti est probablement proche de zéro, voire négatif si l’on en juge par leurs prestations dans les méfias où ils sont plutôt contre tout, y compris l’Europe. On ne sait d’ailleurs pas bien ce qu’ils ont fait ou promu dans l’enceinte du parlement européen.

    Nadine Morano est un cas d’école. Elle aura déjà fait deux mandats comme député européen, soit 10 ans et elle va sans doute rempiler pour 5 ans ce qui devrait l’amener jusqu’à la retraite.

    En réalité, ces vieux grognards de la droite française seraient de véritables repoussoirs si LR les présentait dans les élections nationales tant ils sont marqués par leur implication dans le passé et leur absence d’idées et de charisme. Mais il faut bien les récompenser de leurs bons et loyaux services bien que leur capacité de nuisance doive être quasiment nulle, qui se sent encore intéressés par ce que peuvent dire ou penser ces deux lascars ? Mais on les case quand même comme députés européens où ils disposent de revenus confortables et d’éléments de standing qui flattent leurs égos vieillissants. On peut espérer qu’ils ne seront pas élus le 9 juin mais, si par malheur ils l’étaient, LR devrait quand même veiller à ne pas les maintenir trop longtemps dans ses listes électorales où ils seraient très avantageusement remplacés par des plus jeunes et dynamiques candidats qui piaffent déjà d’impatience.