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  • Jean-Louis Murat est mort

    Jean-Louis Murat est mort

    Le musicien français Jean-Louis Murat (1952-2023) est mort ce 25 mai à l’âge de 71 ans. Rocker bougon et poète, il était fermement attaché à son Auvergne natale où il réside et enregistre ses disques. Ses textes sont empreints de poésie et sa musique souvent originale, empruntant parfois des voies électro intéressantes.

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  • La Polynésie française suit la voie de la Nouvelle Calédonie

    La Polynésie française suit la voie de la Nouvelle Calédonie

    La Polynésie française vient d’élire à la tête de son gouvernement local un indépendantiste, M. Moetai Brotherson, comme la Nouvelle-Calédonie l’a fait fin 2021. Dans le même temps, l’assemblée territoriale polynésienne a élu un président autonomiste. Les deux vastes territoires français dans le Pacifique marquent leur volonté de s’éloigner de la France. Les trois parties ont intérêt à ce que le processus se passe de façon intelligente, apaisée et coordonnée.

    Même si M. Brotherson serait un indépendantiste « modéré » le message envoyé à la métropole est clair : il faut accompagner progressivement ces régions (la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie) vers l’autonomie, puis, l’indépendance. Le processus va être long et probablement chaotique, il va falloir faire preuve de subtilité et ce chemin va nécessiter des responsables visionnaires. Paris va devoir avaler son chapeau et affronter une blessure d’ego à l’idée de perdre des territoires, Nouméa et Tahiti vont devoir faire preuve de responsabilité face à un objectif qui va les faire passer du stade d’enfants à celui d’adultes. Ce n’est pas gagné et, sans cesse, il faudra remettre l’ouvrage sur le métier. Il y aura des échecs (comme celui des référendums calédoniens de la période 2018-2022), sans doute des violences, cela prendra des générations mais cette direction doit être maintenue. L’indépendance des colonies africaines dans les années 1960 était aussi inévitable. La France l’a réalisée dans des conditions acceptables dans la majorité des cas. L’exception est évidemment l’Algérie où une guerre sauvage a été menée pour aboutir finalement… à l’indépendance de ce pays, suivie de décennies de mauvaises relations entre Paris et la nouvelle République algérienne.

    L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française est écrite. Il reste maintenant à l’exécuter dans des conditions acceptables. L’une des conditions à la réussite des ces indépendances est de donner la garantie à ces territoires que la France continuera à les financer pendant une durée raisonnable en attendant leur pleine émancipation économique. C’est l’intérêt de tous.

  • La Nouvelle-Calédonie attend de la métropole les orientations de son avenir

    La Nouvelle-Calédonie attend de la métropole les orientations de son avenir

    La Nouvelle Calédonie a élu fin 2021 un dirigeant indépendantiste, Louis Mapou, à la tête de son « gouvernement collégial » qui est l’exécutif qui gouverne cet archipel. C’était une bonne nouvelle pour l’avenir du processus de décolonisation entamé avec les accords dits « de Matignon » (1988), puis « de Nouméa » (1998) qui n’ont pas pu aboutir à une issue heureuse en 2022. Un nouveau processus est maintenant à mettre en place pour définir l’avenir de cette colonie pour les décennies à venir et personne ne sait très bien par quel bout prendre le problème.

    Lire aussi : La dépendance de la Nouvelle-Calédonie reste légèrement majoritaire à l’issue du référendum du 4 octobre

    M. Mapou était récemment en visite à Paris et a déclaré à différents médias que les propositions d’avenir devaient venir de l’Etat :

    C’est le moment de la République. Les derniers points en discussion sont en lien avec la République. A trop demander aux Calédoniens eux-mêmes de trouver la solution, on risque de ne pas y parvenir


    Le Monde 13/05/2023

    Il est tout de même un peu inattendu qu’un dirigeant indépendantiste attende que les propositions sur le futur calédonien viennent « de la République ». Certes, elles seront ainsi plus faciles à critiquer mais on peut douter qu’elles satisfassent localement les partis indépendantistes. Pourquoi cette fuite ? Peut-être car, après le rejet lors de trois référendums, plus personne ne sait que proposer…

    Le gouvernement calédonien qui dispose d’une quasi autonomie en matières économiques, sociales et culturelles a par ailleurs besoin de sous et Louis Mapou était aussi à Paris pour demander une rallonge aux contribuables métropolitains puisqu’il ne souhaite pas augmenter les impôts des contribuables locaux, tout en reconnaissant la nécessité d’une réforme fiscale.

    Malgré les habituels effets de manche de Nouméa à Paris, pas sûr que nous aboutissions rapidement à l’indépendance de la Nouvelle Calédonie ! Comme pour le cas de la rétrocession de Mayotte aux Comores, la France est prise à son propre piège et ne sait pas comment s’en sortir sinon en maintenant le statuquo et les dépenses publiques conséquentes.

    Lire aussi : L’éternel syndrome des citoyens d’anciennes colonies françaises

  • « L’amour et les forêts » de Valérie Donzelli

    « L’amour et les forêts » de Valérie Donzelli

    L’histoire d’un couple, commencé dans l’amour fou, se terminant dans la violence, puis devant le juge. Tout avait pourtant bien commencé : rencontre dans une soirée, premier enfant, mariage suivi d’un second enfant… Mais le mari, sorte de gendre idéal manœuvre pour éloigner sa femme Blanche de sa famille normande et de sa sœur jumelle Rose qui avait déjà pressenti que quelque chose ne tournait pas rond avec ce mari.

    La suite révèle ce dernier jaloux, possessif et violent. Le film montre cette dérive et l’enfermement dans lequel sombre Blanche, coincée avec ses deux enfants dans l’Est de la France, effrayée par le comportement de son mari dont elle découvre progressivement les errements. Cela ira jusqu’à une tentative de suicide dont elle se relèvera avec l’aide de sa jumelle qui montera sa fuite et celle de ses enfants pour un retour en Normandie. Blanche reverra son mari au tribunal devant lequel la réalisatrice laisse de spectateur inventer la fin.

    C’est un film sur l’enfermement de la femme dans la spirale de violence où peut l’entraîner un mari à la dérive. La séparation n’est pas dilemme facile à trancher lorsqu’on ignore jusqu’où peut aller ce conjoint et que deux enfants et une situation professionnelle sont également en jeu. Le comportement pathologique de ce mari est minutieusement décrit et doit s’approcher de la réalité de bien des couples dévastés par la violence. A la fois charmeur et dramatiquement possessif, après chaque éclat il tente de se faire pardonner de sa femme à laquelle il est désespérément attaché. Le scénario montre qu’elle n’est pas dupe et n’a plus d’espoir de le voir s’amender positivement tant il est incapable de contrôle sur lui-même. Un excès qui relève de la médecine psychiatrique ou d’une cure psychanalytique, plus que d’une énième réconciliation. Elle n’est manifestement pas tombée sur le bon numéro et ne sait comment s’en sortir.

    Le combat féministe est loin d’être gagné si l’on en juge par le nombre de féminicides et de violences conjugales constatés chaque année en France. La très grande majorité de ces violences est exercée par l’homme sur la femme, et non l’inverse ; sans doute le fruit de millénaires de patriarcat menés par une société machiste et satisfaite d’elle-même, sous le regard bienveillant des religions. Ce film apporte son écot à une meilleure compréhension de ce phénomène destructeur. Il est bienvenu.

  • Destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine : la guerre fait des ravages, c’est son rôle

    Destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine : la guerre fait des ravages, c’est son rôle

    Le barrage de Kakhovka en Ukraine sur le fleuve Dniepr a été détruit ce 6 juin. Il est situé juste sur la ligne de front entre les Ukrainiens et les Russes. Il était occupé par les forces russes, et ce qui en reste l’est toujours. L’inondation qui s’ensuit ravage des milliers de kilomètres carrés et entraîne l’évacuation de milliers d’habitants. On ne connaît pas encore le nombre de victimes et on ne sait pas qui a procédé à cette destruction, des Russes ou des Ukrainiens.

    Les plateaux télévisés européens désignent la Russie responsable mais le silence des autorités occidentales est troublant, il l’est tout autant pour ce qui concerne la responsabilité de la destruction des deux gazoducs Nord Stream dans le fond de la mer Baltique en septembre 2022. On sait que les deux parties sont capables d’exécuter de tels actes et on est capable de démontrer que chaque côté pouvait avoir intérêt à ces destructions et vice-versa. L’avenir dira bien un jour qui a ordonné et réalisé ces destructions.

    En attendant on constate que cette guerre joue le rôle habituel fixé à une guerre : la destruction des hommes et des matériels. C’est la raison pour laquelle il faut y mettre fin avant que l’on en perde complètement le contrôle et que le chaos soit total en Europe. Il est indéniable que le mieux aurait été de ne pas la commencer. Personne ne semblait vraiment croire à cette hypothèse jusqu’à quelques semaines avant qu’elle ne soit déclenchée, mais l’invasion a bien été lancée par la Russie qui occupe aujourd’hui une partie de l’Est de l’Ukraine. Aucune des parties ne souhaite aujourd’hui mettre fin à cette guerre puisque chacune espère encore améliorer ses positions.

    Arrêter la guerre maintenant voudrait dire accepter la partition du territoire ukrainien et l’acceptation du fait accompli de la conquête russe au détriment du concept de « droit international » sur lequel est basée l’organisation du monde depuis 1945 mais que ne reconnaissent désormais plus nombre de pays. L’ouverture de négociations avec Moscou serait une décision difficile à prendre, dont personne ne peut aujourd’hui anticiper les effets politiques internationaux qui seraient peut-être moins lourds que les inconvénients générés par la poursuite de la guerre, ou peut-être pas…

    Evidemment, les deux parties sont en principe déjà allés trop loin pour arrêter mais il faut pourtant l’envisager puisqu’aucune d’entre elles ne semble devoir écraser l’autre à court terme. Ce serait pourtant une position raisonnable. Imaginons un instant une victoire totale de l’Ukraine, elle serait suivie d’un chaos probablement dévastateur en Russie aux conséquences mondiales imprévisibles, et de règlements de compte sévères en Ukraine puisqu’une partie de la population de l’Est est pro-russe. A l’inverse, une victoire totale de Moscou verrait les troupes russes stationnées directement à la frontière est de l’Europe, un peu comme à Berlin avant la chute du mur, et l’Occident perdre sérieusement la face et donc de sa puissance, et le droit international définitivement enterré.

    Les accords de Minsk, hélas jamais appliqués par les parties, prévoyaient déjà d’octroyer une autonomie constitutionnelle aux régions ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk. Pourquoi ne pas envisager de repartir sur une base similaire, en y ajoutant la Crimée, susceptible de prendre en compte la volonté des Ukrainiens prorusses. Un processus de consultation sous contrôle international des populations locales du style de celui qui aboutit à la partition du Soudan avec la création du Soudan du Sud en 2011, ou de celui mis en place par la France pour décoloniser la Nouvelle-Calédonie, pourrait permettre de faire s’exprimer de façon démocratique les populations locales sur leur volonté d’être rattachées à la Russie ou à l’Ukraine.

    Evidemment, il faudrait pour ce faire détricoter l’annexion de ces régions par la Russie qui pourrait demander en échange de détricoter aussi les processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. Bien sûr le processus serait long, douloureux, semé d’embûches, entraînant des déplacements de population une fois le choix entériné. Mais peut-être faut-il tenter l’expérience plutôt que de continuer à détruire.

    Le parallèle avec les accords de Munich de 1938 qui entérinèrent l’annexion des Sudètes (en Tchécoslovaquie où vivait une forte minorité d’origine allemande) par l’Allemagne nazie, sans éviter finalement la seconde guerre mondiale, est troublant. L’alternative à l’époque aurait été que les alliés entrent en guerre contre l’Allemagne dès 1938, et les Etats-Unis étaient loin d’y être prêts en 1938… Pas sûr que la suite aurait été fondamentalement différente. Aujourd’hui l’Occident, représenté par l’OTAN, a clairement énoncé son refus d’engager des soldats sur le terrain ukrainien pour éviter une confrontation directe avec l’armée se la Russie dotée de la puissance nucléaire. Ce choix se défend.

    En tout état de cause, la Russie est et restera une puissance malfaisante pour l’Occident, et vice-versa, qu’elle que soit l’issue de la guerre. Après les espoirs déçus d’intégration de la Russie au système international post-perestroïka/glasnost de la fin des années 1980, l’Occident sait de quoi est capable ce pays rongé par ses ambitions de puissance et ses frustrations post-Empire soviétique. Il se réorganise en conséquence et réarme de façon significative pour parer à toute aventure militaire de Moscou contre son propre territoire, quitte à reconstruire un mur, fictif ou réel, entre la frontière russe, quelle qu’elle sera à l’issue de potentielles négociations, et l’Occident.

    Alors que s’ouvre à Londres une deuxième conférence pour la reconstruction de l’Ukraine, on parle de plus de 400 milliards d’euros nécessaires à ce stade des destructions, il va bien falloir faire preuve à un moment ou un autre d’audace diplomatique et de sens de l’intérêt général. Qui en sera capable ?

    Rehve-06/2023
  • L’éternel syndrome des citoyens d’anciennes colonies françaises

    L’éternel syndrome des citoyens d’anciennes colonies françaises

    Alors que la situation de l’Île de Mayotte dans l’archipel des Comores ne cesse de se dégrader, sans solution viable en vue autre que sa rétrocession aux Comores, le journal Le Monde nous informe que le ministre des affaires étrangères comoriens et son épouse bénéficient de la nationalité française. Cette dernière résiderait à La Réunion où le couple serait impliqué dans une fraude aux prestations sociales.

    Evidemment cela ne manque pas de sel alors que ledit ministre était encore récemment à Paris au sein d’une délégation officielle comorienne dans le cadre des relations bilatérales entre les deux pays. Il apparaît que d’autres ministres comoriens de l’actuel gouvernement bénéficient également de la nationalité française. Alors que les Comores revendiquent légitimement le retour de Mayotte dans leur giron, on imagine le conflit d’intérêt existant lorsque lesdits ministres s’assoient au Quai d’Orsay devant leurs homologues français quand le site web du ministère français publie un extrait de son point de presse du 02/05/2023 :

    Les mises en cause du ministère des Affaires étrangères n’ont pas lieu d’être. Il y a une seule position du gouvernement, tous ministères confondus : Mayotte est un territoire de la République française, par le choix des mahorais d’être et de demeurer français. Nous défendons ce choix dans les enceintes régionales et internationales, comme dans notre dialogue avec les Comores.

    https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/comores/evenements/article/comores-q-r-extrait-du-point-de-presse-02-05-23

    Au-delà de la situation judiciaire du ministre franco-comoriens et de sa femme résidant à La Réunion, finalement de peu d’intérêt, et alors que le débat fait rage en France sur l’immigration illégale comorienne à Mayotte, il est étonnant que personne sur les plateaux télévisés mondains n’ose aborder l’hypothèse d’une ouverture de négociations avec les Comores sur la rétrocession de Mayotte qui est demandée à la France par l’assemblée générale des Nations Unies. On imagine aisément le tonnerre de polémique qui serait déclenché par un tel débat mais au fond d’eux-mêmes, la majorité des débatteurs savent bien qu’il n’y a aucun espoir que les choses s’arrangent tant l’attrait de la richesse et de du système social de Mayotte aimante les Comoriens, dont même le ministre des affaires étrangères bénéficie des prestations…

    La France se berce de l’illusion de sa puissance en détenant ce confetti qui lui octroie un domaine maritime dans le canal du Mozambique. Ce confetti de l’empire n’est qu’une source d’ennuis pour la métropole, une aberration juridique issue de la décolonisation du XXème siècle, à l’origine d’une montagne de frustrations : à Mayotte où les Français y résidant s’estiment oubliés par Paris et aux Comores où les autorités nationales s’estiment spoliés par l’ancienne puissance coloniale qui a conservé sous sa souveraineté une partie de l’archipel comoriens sur lequel elle n’avait aucun droit.

    Pour la France qui a globalement échoué dans son processus de décolonisation, le syndrome post-colonial génère aujourd’hui toujours de sérieux effets négatifs, en Algérie, au Mali, aux Comores…

    Lire aussi : L’erreur tragique de 1974 sur Mayotte, ses conséquences inextricables

  • « L’Île rouge » de Robin Campillo

    « L’Île rouge » de Robin Campillo

    Campillo a réalisé en 2017 le film-choc : 120 Battements par minute, sur le combat mené par l’association Act-up pour la reconnaissance de la maladie du Sida et l’accélération de la recherche en vue de traitements efficaces. Avec LÎle rouge il présente un film plus intimiste sur les années 1970 dans une base militaire française à Madagascar dix années après l’indépendance de l’île, ex-colonie française.

    La petite communauté militaire française mêle des acteurs de la période coloniale française : pieds noirs, anciens des guerres d’Indochine ou d’Algérie, ils ont tourné dans les différentes bases militaires que la Paris a conservé sur les territoires décolonisés. Ils ne sont pas foncièrement mauvais mais n’ont pas encore complètement tourné la page d’une puissance française passée. Ceux qui ont connu l’expatriation en Afrique reconnaîtront dans ce film les petites choses qui émaillèrent leur vie protégée sous les tropiques : les boys, les amours à la dérive, les coups d’Etat locaux et les uniformes français ! Un film dispensable mais agréable.

  • « Vermeer, la plus grande exposition » au cinéma

    « Vermeer, la plus grande exposition » au cinéma

    L’exposition Vermeer au Rijksmuseum d’Amsterdam était à peine en train de se terminer au printemps 2023 qu’un film sur l’exposition était diffusé dans les salles. Les tableaux présentés sont magnifiquement filmés, vues d’ensemble comme gros plans sur les détails. Les commentaires et explications des spécialistes du peintre néerlandais du XVIIème siècle (1632-1675) et des commissaires de la rétrospective éclairent intelligemment le spectateur.

    On se laisse aller à plonger dans cette superbe transcription d’une époque passée des Pays-Bas et de ses habitants. Vermeer fut le peintre d’une quarantaine d’œuvres, seulement, mais chacune d’elle est éclairée d’une lumière qu’il sait rendre de façon magique et sophistiquée donnant une apparence très caractéristique à ses couleurs. Voir la peinture au cinéma est une bonne idée, d’ailleurs le petit cinéma de quartier où le film était présenté en matinée ce dimanche était complet.

  • « Basquiat x Warhol, à quatre mains » à la fondation Louis Vuitton

    « Basquiat x Warhol, à quatre mains » à la fondation Louis Vuitton

    1983, New York, la Factory d’Andy Warhol (1928-1987) a déménagé, le Velvet Underground a raccroché des guitares depuis longtemps, Basquiat (1960-1988) a transformé la culture populaire du graffiti mural en une explosion de peinture magistrale, il rencontre enfin Warhol qui l’a toujours profondément inspiré. Une génération les sépare et ils décident de travailler ensemble sur des toiles gigantesques. Ils en produiront 160. Les locaux de la Factory, vides, sont encore disponibles et servent d’atelier à la mesure des ambitions de nos deux compères qui partageait les services du même marchand d’art. La fondation Louis Vuitton expose le résultat de ce travail dans onze salles déployées sur trois étages.

    Leur méthode est détaillée : Andy démarrait la toile en y inscrivant un élément d’actualité ou une marque commerciale, sérigraphiée ou peinte (ce travail à quatre mains l’a fait revenir à la peinture), sur laquelle intervenait ensuite Basquiat avec, généralement, ses thèmes favoris : ses origines africaines (haïtiennes en fait) illustrées par des masques d’homme noir, des mots raturés, des nombres, des prix en $, des instruments de musique… Les premières toiles exposées sont également cosignées par le peintre italien Francesco Clemente, acteur de cette période new-yorkaise débridée et créative.

    Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, 6,99, (1984)

    Les conceptions du monde l’art des deux artistes s’affrontent, Warhol sans doute plus impliqué dans le business joue avec les marques quand Basquiat les conteste. Ils dialoguent et se répondent par pinceaux et couleurs interposés. Ils se portraiturent l’un-l’autre, l’un avec l’autre, jouant avec les symboles qu’ils ont contribué à créer. Warhol est décliné à plusieurs reprise mêlé à la fameuse banane dessinée pour la couverture du premier album du Velvel Underground. On se croirait dans un article du Village Voice.

    Les toiles à deux sont immenses, à la fois infantiles et complexes, aux couleurs vives. A première vue elles ressemblent à du Basquiat tant son dessin est caractéristique mais l’intervention de Warhol, généralement plus discrète, est aussi notable. Il faut se perdre dans les détails quand le regard veut prendre du recul, fasciné par l’ensemble coloré éclatant. Les deux artistes ont fait preuve d’une incroyable productivité et une exposition sera montée à New York en 1985 avec une (petite) partie de ces créations et dont l’affiche est celle des deux boxeurs, reprise par la fondation Louis Vuitton près de quarante années plus tard. Ces tableaux réjouissent le visiteur tant ils sont représentatifs du foisonnement de l’art à New York à cette époque, sous toutes ses formes. Ce fut une véritable explosion de créativité dans laquelle ces deux là ont pris une place de choix.

    La mort inattendue de Warhol en 1987 surprend et peine son premier admirateur qui a su s’émanciper du maître avec beaucoup de talent. Il produit une installation en sa mémoire : « Gravestone », une porte beigne sur laquelle est incrit deux fois la mention « Perishable », entourée de chaque côté de deux petits panneaux joints à la porte par des charnières, une croix et une fleur sur celui de gauche, un masque africain sur celui de droite. Hélas, Basquiat lui succédera dans l’au-delà un an plus tard. Il reste leurs œuvres, sublimes !

    La fin de l’exposition revient justement sur l’atmosphère de ces années 1980 avec moulte photos où l’on reconnait, outre Warhol et Basquiat, les acteurs de la scène artistique du downtown new-yorkais de ce temps : Keith Haring, David Hockney, William Burroughs, Timothy Leary, mais aussi Brian Ferry, Madonna, Grace Jones, Nick Rhodes et Simon Le Bon (du groupe Duran Duran), Julian Schnabel… On se croirait dans un article du Village Voice.

    Keith Haring & La II (1987)

    Une dernière vidéo montre les deux artistes, émouvants, Basquiat aux cheveux courts lui donnant un air adolescent, Warhol, énigmatique et souverain, posant des questions absurdes à son « élève qui l’a dépassé [en $] » et qui y répond dans de grands éclats de rire.

    Lire aussi : Basquiat-Shiele à la Fondation Louis Vuitton

  • LONDON Arthur, ‘L’Aveu 1/2’.

    LONDON Arthur, ‘L’Aveu 1/2’.

    Sortie : 1968, Chez : Editions Gallimard.

    Arthur London (1915-1986) fut un militant et homme politique tchécoslovaque qui connut le parcours classique des engagés communistes de l’époque et fut victime du « procès de Prague » en 1952. Il signe des aveux de « conspiration contre l’Etat » arrachés sous la torture. Condamné à la prison à perpétuité il sauve sa tête, ce qui ne fut pas le cas de onze de ses treize co-accusés qui furent exécutés. Il est réhabilité et libéré en 1956. Il s’exile alors en France avec sa famille, sa femme étant une communiste française.

    Dans « L’Aveu » London revient sur l’incroyable mécanisme des purges communistes du XXème siècle consistant à broyer les militants que l’on veut éliminer sur la base de leurs propres aveux, extorqués par les pires méthodes et reposant, dans la majorité des cas sur une reconnaissance de « culpabilité » totalement fictive. Inspiré des purges staliniennes des années 1930, le procès de Prague permit au président Gottwald de se débarrasser de ses principaux opposants avec l’aide idéologique de conseillers soviétiques.

    London s’engage dans le communisme dès son adolescence et est d’ailleurs emprisonné dans les années 1930 par le régime libéral en place à l’époque car il a participé à la création du parti communiste tchécoslovaque. Entré dans la clandestinité il rejoint Moscou (le pays du bonheur communiste, de « l’homme nouveau » et de « l’avenir radieux »), participe à la guerre d’Espagne dans les brigades internationales, entre dans la résistance en France durant la deuxième guerre mondiale, est déporté à Mauthausen (il est de confession juive), revient en Tchécoslovaquie après la guerre où il est nommé vice-ministre des affaires étrangères avant d’être « purgé » par le régime en 1952 puis réhabilité en 1956. Les autres accusés furent également réhabilités, mais un peu tard pour onze d’entre eux qui avaient été exécutés par le régime.

    La description du régime judiciaire et carcéral en vigueur contre les « traîtres à la patrie » est édifiante. L’obsession développée par les « référents » pour obtenir des « aveux » des accusés est terrifiante et se traduit par des mois, parfois des années, d’interrogatoires, d’auto-accusations, de trahisons, de procès-verbaux pour arriver à la version qui correspond au désir du parti. Le plus souvent, épuisés moralement et physiquement, les accusés cèdent et finissent par signer n’importe quoi pour mettre fin à leur calvaire. La seule différence entre eux réside dans le temps qu’ils mettront avant d’abdiquer de la vérité.

    Mais le plus monstrueux dans tout le processus est l’espèce de « foi communiste » qui ne s’éteint jamais, même au pire des accusations mensongères. Arthur London lui-même continue à annôner que si le parti, « qui ne peut pas se tromper », le soupçonne de complot contre l’Etat c’est qu’il doit bien être coupable de trahison, même s’il ne s’en aperçoit pas. Sa femme française, fille de communistes, elle-même communiste pure et dure écrit à son mari (dans une lettre qui ne lui sera communiquée qu’après ses « aveux ») :

    J’avais une telle confiance en toi, mon Gérard. Est-il possible que tu en étais indigne ? Je t’aime Gérard, mais tu sais qu’avant tout je suis communiste. Malgré mon immense douleur, je saurai t’arracher de mon cœur si j’ai la certitude de ton indignité.

    En t’écrivant ces mots, je pleure comme une Madeleine, nul mieux que toi ne sait combien je t’ai aimé, combien je t’aime. Mais je ne puis vivre qu’en accord avec ma conscience. »

    Comme London fut condamné par la justice du parti, il était donc coupable aux yeux de son épouse qui demanda le divorce avant d’annuler sa demande après la réhabilitation de son mari par le parti. Le parti ne peut pas se « tromper » ! C’est sans doute la plus grande réussite du monde communiste au XXème siècle : avoir réussi le plus étrange et pernicieux lavage de cerveaux de toute l’histoire de l’humanité. « L’aveu » en est un des innombrables récits et fut mis en image par Costa-Gavras. Yves Montand et Simone Signoret y jouaient le couple London, ce qui ne manque pas d’ironie quand ont sait que les deux acteurs furent également victime de l’illusion du communisme avant de revenir sur leur engagement.

    Lire aussi : « L’Aveu » de Costa-Gavras (1970)

  • Le nouveau monde à la peine…

    Le nouveau monde à la peine…

    Les Etats-Unis d’Amérique sont déjà rentrés dans la campagne électorale pour les présidentielles qui se dérouleront en novembre 2024. Les deux grand candidats déclarés, Joe Biden (né en 11/1942) et Donald Trump (né en 06/1946) présentent une moyenne d’âge de à 78 ans aujourd’hui, qui sera donc de 80 au jour de l’élection. Certes ce sont donc des hommes « d’expérience » mais on ce n’est quand même pas vraiment une bonne nouvelle de voir la première puissance mondiale, si fort et si créative, se donner à la gérontologie, telle le Kremlin dans les années Brejnev !

    Comment peut-il se faire que ce pays ne soit pas en mesure de renouveler son élite politique au point de s’apprêter à élire un nonagénaire ? Soit les partis politiques ont pris soin de tout verrouiller pour empêcher tout intrus dans le fromage, soit il n’y a plus de volontaires, soit sans doute un peu des deux. Alors que les Etats-Unis ont su faire émerger un Bill Clinton (président de 1993 à 2001) ou un Barak Obama (président de 2009 à 2017), l’un et l’autre assez peu connus à l’époque de leur élection, l’élection de 2024 devrait se jouer entre deux vieilles carnes sur le retour. Pas sûr que ce soit un message très convaincant à envoyer à tous les pays et leurs dirigeants qui veulent mettre à bas la démocratie !

  • Roger Waters – 2023/05/04 – Paris Bercy

    Roger Waters – 2023/05/04 – Paris Bercy

    Roger Waters, 79 ans, bassiste cofondateur des Pink Floyd en 1965, fait parler de lui non seulement par des interventions politiques pas toujours très consensuelles, irriguées par un antimilitarisme et un antiimpérialisme (essentiellement dirigé contre les Etats-Unis) sur lesquels il s’est construit, et finalement de peu d’intérêt, mais, surtout par une tournée mondiale qui est passée ce soir à Paris. Sur le billet émis pour le concert il est écrit : « Roger Waters – his first farewell tour – this is not a drill ». Voilà qui semble laisser entendre que l’histoire n’est peut-être pas encore terminée. Si Dieu lui prête vie, nous devrions le revoir en concert !

    Le Pink Floyd fut l’un des groupes phare des années 1970-1980, toujours présent sur la scène rock ensuite, au hasard des brouilles entre ses membres et des reformations, jusque dans les années 2000. Waters en est devenu le meneur après le retrait de Syd Barett, en indigestion de LSD, place qu’il se disputât avec l’immense guitariste David Gilmour avant de définitivement abandonner le groupe au mitan des années 1980.

    La setlist de la tournée actuelle est surtout composée de morceaux des Pink Floyd. Lorsque les portes de Bercy s’ouvrent, les spectateurs découvrent une immense croix posée au sol au centre du palais et dont les quatre côtés de 3 ou 4 mètres de hauteur séparent la scène en quatre quarts, les huit côtés se transformant en huit gigantesques écrans.

    Lorsque les lumières s’éteignent démarre une version lente et sombre de Comfortably Numb pendant que les écrans diffusent des images vues de ciel d’une ville vide et dévastée, comme anéantie après un conflit nucléaire. Avec ces vues en vert de gris qui défilent lentement sur fond de bitume, de béton et de buildings, on se croirait dans un roman de Cormac McCarthy… Cette chanson est extraite du grand œuvre floydien de Waters : The Wall, et lorsque retentit le Hello répercuté à l’infini par la réverbération, les sexagénaires se retrouvent projetés d’un coup dans leur jeunesse, en 1979 année de sortie du double-vinyle qui donna lieu aussi à un film d’animation de légende signé par Alan Parker. Le thème de ce concept-album est celui de l’isolement qui mène à la folie…

    Hello? (Hello, hello, hello)
    Is there anybody in there?
    Just nod if you can hear me
    Is there anyone home?

    Come on (Come on, come on), now
    I hear you’re feeling down
    Well, I can ease your pain
    And get you on your feet again

    Relax (Relax, relax, relax)
    I’ll need some information first
    Just the basic facts
    Can you show me where it hurts?

    A la fin de cette introduction sur le chant majestueux d’une des choristes, la croix se soulève, et restera fixée au-dessus de la scène pour le reste du show, servant d’écrans de projection pour illustrer les morceaux et les messages de Waters.

    Roger Waters est habillé en jeans et t-shirt noirs, échangeant les instruments et les places sur la scène centrale au fur et à mesure de la progression du concert. Les morceaux défilent nous rappelant les albums des Pink Floyd dont cette musique psychédélique, souvent planante, a bercé les années 1960-1970 et dont des millions d’exemplaires ont été vendus à travers le monde : Another brick in the wall, Wish you were here, Shine on you crazy diamond, Money, Us and them… L’assistance se laisse aller gentiment sur ces mélodies du bonheur, même si les textes ne fleurent pas toujours une franche joie de vivre. Mais quelle créativité de ces musiciens, quelle somptuosité de cette musique !

    Quelques chansons en propre de Waters s’insinuent dans les interstices, elles sont moins connues.

    Sur In the flesh, Waters apparaît en manteau de cuir noir, costumé en dictateur avec un brassard rouge aux relents nazis, reprenant le personnage du film de Parker pendant que sont diffusés des slogans antifascistes, anti-impérialistes et anti-oppressions en tous genres. Les noms de quelques martyrs récents se succèdent en rouge sur les écrans, Anne Franck y croise… Adama Traoré qui déclenche un hourvari du public français. Entre les chansons il reprend son souffle en déclinant des discours politiques un peu simplistes mais sans doute sincères. Il réussit même à déclencher des « Macron démission » qui s’éteindront assez vite au milieu des spectateurs qui ont tout de même payé leurs billets en 100 et 150 euros. Aucun président américain ne passe la rampe et ils se font copieusement abominer par l’artiste. Le nom de Trump est même apposé sur le flanc d’un cochon volant qui parcourt l’espace en mémoire de celui volant entre les cheminées d’usine sur la couverture de Animals (1977) dont Sheep est joué ce soir en fin de première partie. Sur l’autre flanc du cochon-drone est inscrit un rageur « Fuck the poor ». C’est du deuxième degré bien sûr.

    Les projections suivent le rythme des morceaux. D’une qualité technique remarquable elles présentent toute la misère de la planète : des bombardements en Palestine, des drones de combat en Irak, la famine dans des camps de réfugiés, des images d’enfants désespérés… le tout agrémenté de slogans politiques en immenses lettres rouges. C’est la dévastation du monde transposée en format numérique. Impressionant !

    Sur Shine on you les écrans racontent son amitié avec Syd Barrett avant qu’il ne sombre dans la maladie et quitte le groupe n’étant plus en mesure d’y jouer son rôle. La chanson est un hommage à Syd, tous deux ont lancé l’une des plus formidables expériences musicales du XXème siècle, alliant psychédélisme et surréalisme sur fond d’une extraordinaire musique progressive rarement entendue à l’époque, ni depuis d’ailleurs. La folie et l’aliénation qui ont atteint Barrett ont aussi profondément marqué Waters qui en fera deux des thèmes particuliers de son œuvre inspirée.

    Remember when you were young
    You shone like the Sun
    Shine on, you crazy diamond

    Now there’s a look in your eyes
    Like black holes in the sky
    Shine on, you crazy diamond

    Les Pink Floyd ont aussi lancé le principe des concerts gigantesques avec des installations techniques innovantes à une époque où ce n’était pas si courant (écrans géants, rayons laser…) et auxquels se prêtaient si bien leur musique et leurs excès. Waters en perpétue la tradition ce soir avec l’apport de la technologie moderne et, sans doute, de gros moyens. C’est un spectacle complet mené de main de maître par une équipe de musiciens hors pair. Mention spéciale pour le guitariste David Kilminster, chevelu en perfecto noir, qui jouait déjà sur la précédente tournée du Maître, on peut dire qu’il se défend remarquablement bien. Un autre guitariste chevelu, à la voix plus douce, assure le chant réservé à Gilmour sur les disques. Remarqués aussi, deux merveilleuses choristes et un saxophoniste envoutant.

    Pour le final The bar et Outside the wall, tous les musiciens se rassemblent autour du piano sur lequel joue Roger avant de partager un verre de mescal à la santé de cette exceptionnelle soirée musicale. Les musiciens sortent à la queue-leu-leu et leur tête est filmée sur les écrans avec, inscrits en sous-titre, leurs noms et instruments utilisés.

    Le concert a duré un bon 2h30, ce soir le musicien Roger Waters a été sublime et a su faire vivre cette musique exceptionnelle qu’il a contribué à créer il y a plusieurs décennies.

  • PODALYDèS Denis, ‘Voix off’.

    PODALYDèS Denis, ‘Voix off’.

    Sortie : 2008, Chez : Mercure de France.

    Denis Podalydès, acteur, metteur-en-scène, scénariste et écrivain, évoque sa vie et ceux qui lui sont chers à travers leurs voix. Evidemment, pour un homme de théâtre, cet organe majeur est une voie d’entrée originale pour analyser son environnement.

    Les voix de ses grands anciens sont passées en revue : Charles Denner, Michel Bouquet, Gérard Philippe, André Dussolier, mais aussi Pierre Mendès-France ou Léon Zitrone. Chaque paragraphe consacré à l’un d’eux décrit la texture de sa voix et le rapport qu’eut Podalydès à son propriétaire.

    Mais il y a surtout les voix de ses proches, sa famille, ses amis, par lesquelles on apprend l’histoire algérienne « pieds-noirs » de ses grands-parents et de son père, le suicide de son frère, les premiers émois de son adolescente « empotée » et le quotidien d’une famille bourgeoise et cultivée dans la France des années 1960-1970.

    En conclusion de nombre de chapitres est inscrit : « Voix de mes frères » marquant l’importance de cette fratrie, avec ses drames et ses bienfaits, dans l’âme de Denis.

  • « Manet / Degas » au musée d’Orsay

    « Manet / Degas » au musée d’Orsay

    Edouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) ont marqué la peinture de la fin du XIXème siècle. Ce que l’on ne savait pas forcément est qu’ils furent amis, ont subi des influences communes et porté un regard croisé sur le monde d’alors. Le musée d’Orsay (sur-fréquenté en ce jeudi de l’ascension) expose les deux peintres en une succession de tableaux : portraits variés de familles (les leurs ou celle de Berthe Morisot), amis et donneurs d’ordre, autoportraits, scènes de bistrot, de salles-de-bain, de champs de course… On apprend que les deux peintres se sont fâchés et réconciliés, menant de concert une rivalité artistique très féconde.

    Degas le solitaire s’est consacré sur des atmosphères un peu diffuses et brumeuses quand Manet, plus mondain et ouvert sur le monde marque les contours de ses peintures de façon plus nette et précise. Tous deux ont été marqués par la guerre contre les Prussiens en 1870 et la commune qui s’en suivie. Des dessins rendent la violence de cette période. Le dernier tableau montré est de Manet qui reprend l’exécution de l’empereur Maximilien au Mexique par les rebelles républicains en 1867 après avoir été lâché par la France de Napoléon III.

    Toute une époque… et une époque qui fait des émules si l’on en juge par le nombre de téléphones mobiles qui défilent devant les tableaux avec des visiteurs derrière prenant des photos !

  • « Ramona fait son cinéma » d’Andrea Bagney

    « Ramona fait son cinéma » d’Andrea Bagney

    Un film délicieux, premier long métrage de la réalisatrice espagnole Andrea Bagney sur l’histoire intimiste d’une apprenti-actrice (Lourdes Hernandez) ballotée entre son fiancé et le réalisateur du film dans lequel elle tourne. L’actrice, la vraie, est une chanteuse folk connue en Espagne sous le nom de Russian Red (du nom du rouge-à-lèvres qu’elle utilise) avec quatre albums à son actif depuis 2008 et des tournées internationales.

    Elle fait parfaitement l’affaire dans le rôle de la femme amoureuse et versatile qui hésite à choisir l’homme de sa vie et n’arrive pas à cacher à son financé-cuisinier qu’elle éprouve un coup de cœur pour un potentiel fiancé-réalisateur… Le film est en noir-et-blanc, tourne autour des trois personnages et de la réalisation du film dans le film. Lourdes est désarmante de fraîcheur et d’indécision. C’est la comédie de l’amour dans notre vie de tous les jours. Un très joli moment.

  • ANTELME Robert, ‘L’espèce humaine’.

    ANTELME Robert, ‘L’espèce humaine’.

    Sortie : 1947, Chez : Gallimard (1957)

    Robert Antelme (1917-1990) est un écrivain entré dans la résistance durant la seconde guerre mondiale. Arrêté en juin 1944, il est déporté à Buchenwald puis transféré dans une « annexe » du camp à Gandersheim où se situait une usine dans laquelle travaillaient et étaient détenus des déportés affectés là pour travailler. Très vite après son retour en France, Antelme écrit et publie cet ouvrage qui prend immédiatement une place marquante dans la littérature de la barbarie.

    Il décrit longuement de façon clinique l’état de dégradation extrême dans laquelle les déportés sombrent, non seulement physiquement du fait des mauvais traitements, mais aussi moralement face à la stratégie de déshumanisation appliquée par les geôliers (les Allemands) et leurs affidés : les kapos (de différentes nationalités), également détenus, souvent comme « droit commun » et à qui les Allemands délèguent les basses tâches qu’ils appliquent à l’encontre des prisonniers avec parfois encore plus de sauvagerie que leurs maîtres. Les kapos récoltent quelques avantages de leur compromission, notamment en étant moins mal nourris. Et l’on voit des égos prospérer sur la misère, les comptes se régler entre victimes du même système concentrationnaire, des égoïsmes se heurter violemment, des classes de prisonniers se créer. Dans la lutte pour la survie il n’est pas facile de rester noble.

    Antelme insiste douloureusement sur l’état de famine dans lequel étaient laissés les déportés, sans doute de façon calculée pour diminuer les risques de révolte. Il décrit sa propre déchéance jusqu’à mendier des épluchures ou voler des pommes pourries lorsque la faim était par trop intolérable.

    Ils avaient l’estomac vide, et, à défaut d’autre chose, la haine occupait ce vide. Il n’y avait que la haine et l’injure qui pouvaient distraire de la faim. On mettait à en découvrir le sujet autant d’acharnement qu’à chercher un morceau de patate dans les épluchures. Nous étions possédés.

    Dans l’usine aéronautique dans laquelle ils travaillent, les prisonniers sont encadrés par des civils dont la majorité est plutôt pronazie et appliquent leurs méthodes. Parfois une heureuse surprise émerge avec la complicité entre les prisonniers et un civil allemand, ce qui ne permet pas d’arrêter la machine indusrielle de guerre mais fait briller un petit coin de ciel bleu sur l’horizon tragique des déportés.

    Début 1945 les rumeurs du camp annoncent la fin de la guerre et, bientôt, le bruit de la canonnade de la ligne de front se rapproche de Buchenwald. Un bruit et une agitation qui réjouissent la majorité des déportés. Mais la libération n’est pas encore pour tout de suite. Les responsables du camp de Gandersheim l’évacuent avec les déportés encore valides, les éclopés sont assassinés dans le bois d’à côté par les SS et leurs kapos avant le départ. Ceux qui n’arriveront pas à suivre au cours du chemin le seront plus tard. La cohorte va marcher 15 jours pour rejoindre le camp de Dachau, traversant des villages allemands dans lesquels de bonnes familles bien nourries regardent, hallucinées, passer ces zombies en costumes rayés tout en commençant à réaliser que la guerre est en train d’être perdue. Ce voyage dantesque se termine en train d’où les déportés sont débarqués à Dachau. Le 29 avril 1945 les soldats alliés libèrent le camp, y entrent et découvrent l’indicible.

    Le grand intérêt de l’écriture d’Antelme est qu’elle décrit de l’intérieur le processus de délabrement humain qui est infligé aux déportés tout autant que sur les sévices physiques qu’ils subirent sous le joug allemand. Il est difficile de comparer les deux traumatismes, beaucoup sont morts du second, tous ont été dévastés par le premier pour le restant de leurs jours. Il y a ceux qui ont choisi le silence pour survivre, et certains qui ont décidé de parler, voir d’écrire, pour transmettre : Robert Antelme, Charlotte Delbo, Primo Levi… Ils ont fait œuvre utile pour expliquer que la barbarie peut survenir même au cœur des civilisations les plus hautes. Ces ouvrages sont des appels à la vigilance et les évènements en cours dans la guerre d’Ukraine montrent une nouvelle fois combien ils sont nécessaires.

    Le livre est dédié à sa sœur Marie-Louise, déportée elle aussi mais décédée après la libération du camp de Ravensbrück.

    Antelme fut par ailleurs marié avec Marguerite Duras de 1939 à 1947. Dans un livre bouleversant, La Douleur, elle raconte le retour de son mari en 1945 et les soins moraux et physiques qu’elle lui prodigua pour tenter de le faire revenir à la vie d’avant les camps… On y apprend aussi l’énergie du désespoir qu’elle déploya pour faire libérer Robert qui était consigné dans le camp libéré mais en quarantaine pour cause d’épidémie de typhus. Il fut « enlevé » par des camarades français rendus sur place avec cette mission et ramené chez son épouse.

    Lire aussi : DURAS Marguerite, ‘La Douleur’.

  • Bonjour les gogos

    Bonjour les gogos

    On ne dit plus « influenceuse » mais « créatrice de contenu » !

    Sur le fond rien n’a changé, on parle toujours de nunuches à gros seins assurant la promotion de marques de vernis à ongles histoire de vendre à des gogos des produits dont ils n’ont pas besoin.

    Lire aussi : Booba Robin de Bois

  • Bruce Springsteen & The E-Street Band – 2023/05/15 – Paris Défense Arena

    Bruce Springsteen & The E-Street Band – 2023/05/15 – Paris Défense Arena

    Bruce Springsteen et les 17 musiciens du E-Street Band ont asséné un coup de massue aux 40 000 spectateurs de la Défense Arena ce soir pour le deuxième concert parisien de leur tournée mondiale. La dernière fois que ce groupe de légende et son leader de fer étaient passés par Paris remonte à 2016. A 73 ans, Bruce ne lâche pas l’affaire, continue à sortir des disques (en solo ou avec le E-Street Band), à faire des tournées internationales et, surtout, à déclencher le même déchaînement d’affectueuse reconnaissance de ses fans à travers le monde entier.

    Lire aussi : Bruce Springsteen & The E-Street Band – 2016/07/16 – Paris Bercy

    Ce soir n’a pas dérogé à la règle maintenant bien établie depuis le début des années 1970, les débuts du groupe et la sortie son premier album : Greetings from Asbury Park, N. J.. Seule la taille des salles les accueillant et la composition de la bande a évolué vers le toujours plus grand.

    Après le décès de deux membres fondateurs, Clarence Clemons, saxophoniste, en 2011 et Danny Frederici, claviériste, en 2008, tous amis très proches de Bruce, le groupe a été étoffé d’une section cuivre, dont Jack Clemons, neveu de Clarence, au saxophone et de choristes. Ce soir c’était 17 musiciens qui œuvraient sur scène pour encadrer Bruce et cela fait tout de même beaucoup de monde.

    « One-Two-Three-Four »

    Les lumières s’éteignent à 19h15 pour laisser entrer les musiciens qui montent, un par un, un escalier violemment éclairé pour atteindre la scène gigantesque, les images retransmises sur trois vastes écrans, déclenchant un hourvari grandissant des spectateurs, Springsteen arrivant le dernier dans un tonnerre d’acclamations. Ne perdant pas trop de temps à cultiver les applaudissement, Bruce n’a jamais le temps, il démarre le show sur My Love Will Not Let You Down et ne l’arrêtera que 3 heures plus tard, sans un instant de respiration, les notes finales d’un morceau devenant celles lançant la chanson suivante, lancée par les classiques « One, Two, Three, Four ». My Love est une chanson datant des années 1980 jouée plutôt rarement sur scène ; une excellente façon de démarrer cette soirée dont la setlist réservera d’autres surprises. Il enchaîne ensuite sur Death to My Hometown le single de Wrecking Ball sorti en 2012, reconnaissable à sa rythmique celtique jouée avec ardeur par les cuivres.

    Sur No Surrender Steve arbore une guitare décorée aux couleurs bleu et jaune du drapeau ukrainien :

    Blood brothers in the stormy night with a vow to defend
    No retreat, baby, no surrender

    There’s a war outside still raging
    You say it ain’t ours anymore to win
    I want to sleep beneath peaceful skies
    In my lover’s bed
    With a wide open country in my eyes
    And these romantic dreams in my head

    Because we made a promise we swore we’d always remember
    No retreat, baby, no surrender
    Like brothers in the stormy night with a vow to defend
    No retreat, baby, no surrender
    No retreat, baby, no surrender

    Régulièrement Bruce hurle « Come on Steve » et son vieux compère vient reprendre les refrains au même micro, à l’octave au-dessus, d’une voix un peu nasillarde, la tête toujours couverte d’un foulard-bandana, les oreilles décorées de plumes accrochées à des boucles, portant d’improbables costumes moitié-pirate, moitié-pacha ottoman, des bottes effilées à bouts (très) pointus et aux reflets argentés, ses guitares décorées de motifs cachemire plutôt originaux. Steve Van Zandt, le vieux pote du New Jersey, qui a déserté le E-Street Band quelques mois avant d’y redevenir le pilier qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.

    Le sombre Darkness on the Edge of Town vient calmer quelque peu l’ouragan qui fait rage dans l’Arena, extrait du disque du même nom, sorti en 1978, sans doute le meilleur de tous, dont est extrait également l’inégalable Badlands qui clôture le premier set du show.

    Il y en a pour tous les goûts

    Deux reprises (les Comodores [où a chanté Lionel Richie] et The Weavers [fondés par Pete Seeger]) donnent lieu, peut-être, à quelques longueurs durant lesquelles les cuivres sont en démonstration. Evidemment les vieux fans préfèrent la formation initiale du E-Street Band dans laquelle seul Clarence Clemons assurait les cuivres avec son sax, et il n’y avait pas de choristes. Aujourd’hui le groupe tourne parfois un peu au brass band de la Nouvelle Orléans s’éloigant de l’esprit rock d’origine. Tous ces musiciens ajoutés ne sont pas présents sur la scène pour tous les morceaux. Il y en a ainsi pour tous les goûts. C’est aussi bien.

    Last Man Standing est jouée par Bruce seul à la guitare acoustique avec seulement un déchirant solo de trompette au milieu. Springsteen explique en introduction (traduite en français sur les écrans) qu’il a écrit cette chanson après la mort de son ami George Theiss : « En 1965 il m’a fait intégrer mon premier groupe de Rock & Roll, The Castiles. Il sortait avec ma sœur et c’est très bien ainsi. Il a transformé ma vie pour toujours et maintenant je suis le dernier survivant de ce groupe. La mort offre aux survivants une vision élargie de la vie elle-même. Cela m’a permis de saisir à quel point il est important de vivre chaque instant. Alors soyez bons avec vous-mêmes, avec ceux que vous aimez et envers ce monde dans lequel nous vivons. »

    Born to Run

    Lorsque Springsteen entame une chanson au micro, il se débarrasse de sa guitare en la balançant à un roady en fond de scène dix mètres plus loin. Dans la brulante urgence qui saisit le concert, il n’a pas le temps de la déposer sur un support, les musiciens ont déjà lancé l’intro. Bruce n’a jamais le temps, « Born to run » est la devise ! Ce soir en tout cas le roady a réceptionné les guitares sans casse à chaque envoi…

    L’indestructible Roy Bittan, le seul non vêtu de noir mais d’une veste en cuir marron, entame l’intro de Because the Night, une ode à l’amour et à la jeunesse, coécrite en 1978 par Bruce et Patti Smith. Le pianiste virtuose apporte une touche particulière à l’atmosphère musicale du groupe. Il est plutôt rare de voir un piano à queue sur une scène rock mais en martelant ses accords sur les touches de son piano il enrichit l’électricité des guitares. Un cocktail parfait. Nils Lofgrens effectue un magnifique et original solo sur ce morceau. Il joue avec un onglet au pouce droit ce qui donne une allure particulière à son jeu de main. De petite taille il ressemble un peu au fou du roi : chapeau rond en cuir noir, tunique noire décorée de motifs blancs dans le bas, des morceaux de tissus sont accrochés au manche de sa guitare et volètent au fur et à mesure du jeu.

    La première partie se termine sur un Badlands enfiévré repris en chœur par des gamines de 17 ans pour un morceau écrit 40 ans avant leur naissance…

    Badlands, you gotta live it everyday
    Let the broken hearts stand
    As the price you’ve gotta pay
    We’ll keep pushin’ till it’s understood
    And these badlands start treating us good

    Un diabolique enchaînement

    Les dix-huit musiciens se réunissent sur le devant de la scène pour saluer, ne prennent même pas la peine de réintégrer les coulisses et repartent d’un seul homme sur leurs instruments pour les rappels avec un diabolique enchaînement de Born in the U.S.A./ Born to Run/ Bobby Jean/ Glory Days/ Dancing in the Dark. L’audience hurle, saute, trépigne, chante, déborde de bonheur et l’arène de Nanterre rend les armes, estourbie et comblée.

    Contrairement à l’habitude Bruce n’invite pas une spectatrice sur scène sur Dancing in the Dark, grosse déception dans les premiers rangs où manifestement toute une armada de jeunes filles se préparaient à ce quart d’heure de gloire dans les bras du « Boss ». De même, il ne propose pas à l’audience de demander des chansons particulières, généralement écrites sur un carton brandi devant la scène. Les cartons fleurissent mais sans succès.

    Les dernières notes de Tenth Avenue Freeze-Out retentissent alors que les images-hommage de Clarence et Dany défilent sur les écrans. Bruce se tient ensuite en haut de l’escalier et salue chacun de ses musiciens qui le redescendent, fourbus, débordant de bonne humeur, manifestement heureux de cette nouvelle messe rock célébrée à Paris. Le dernier à passer est Jack Clemons qui échange une longue accolade avec le Boss. C’est le neveu de son ami Clarence qui a tant donné au E-Street Band. Sans doute une relation filiale qui perdure…

    « The E-Sreet Band loves you Paris »

    Et Springsteen revient sur scène avec sa guitare acoustique pour une émouvante interprétation de I’ll See You in My Dreams, précédé d’un « on vous aime Paris » ! Une chanson douce et mélancolique de 2020 sur l’ami qui est mort mais dont on a gardé les disques et la guitare et qu’on reverra dans nos rêves pour vivre et rire ensemble, encore, car « la mort n’est pas la fin ».

    D’origine irlandaise par son père, italienne par sa mère, Bruce Springsteen a su capter comme aucun les humeurs et la vigueur de l’Amérique. Avec son incroyable et unique bande de copains-musiciens il délivre la puissance dont son pays est capable, avec ses mots simples il illustre la sensibilité des histoires de tout le monde. Sa voix rocailleuse soulève les âmes et les foules. Lorsqu’il chante les veines de son front se gonflent sous la tension, les jugulaires strient le cou, les rides sur ses joues s’étirent, ses yeux se plissent de joie et, le plus souvent, un rire éclatant illumine son visage rayonnant.

    Une légende vivante

    Alors bien sûr, à 73 ans les thèmes abordés tournent un peu à la mélancolie, mais qu’il parle d’histoires d’amour adolescentes, de vétérans de la guerre du Vietnam, des usines qui ferment, des Twin-Towers qui s’effondrent, des amis qui disparaissent, il le fait avec le feu et la tendresse qui lui valent le respect de tous, depuis plus de 50 ans.

    On ne sait pas bien quand Springsteen raccrochera ses guitares, sans doute jamais, ce genre d’artistes meure sur scène même si on lui, et nous, souhaite encore de nombreuses années de musique. Mais quand on se retourne sur sa carrière, l’œuvre immortelle déjà laissée laisse pantois. Quand on l’entend asséner Born to Run avec la même énergie qu’il y a 50 ans : chapeau bas ! Et puis l’homme inspire aussi tellement de sympathie comme l’illustrent sa flamboyante autobiographie en 2016 « Born to Run », ses engagements politiques, sa prestation avec Pete Seeger pour chanter This Land is your Land sous la statue de Lincoln à Washington pour la première investiture du président Obama…

    Bruce Springsteen, une légende américaine !

    Setlist

    My Love Will Not Let You Down/ Death to My Hometown/ No Surrender/ Ghosts/ Prove It All Night/ Darkness on the Edge of Town/ Letter to You/ The Promised Land/ Out in the Street/ Kitty’s Back/ Nightshift (Commodores cover)/ Mary’s Place/ Pay Me My Money Down (The Weavers cover)/ The E Street Shuffle/ Last Man Standing (acoustic, with Barry Danielian on trumpet)/ Backstreets/ Because the Night (Patti Smith Group cover)/ She’s the One/ Wrecking Ball/ The Rising/ Badlands

    Encore : Born in the U.S.A./ Born to Run/ Bobby Jean/ Glory Days/ Dancing in the Dark (followed by band introductions)/ Tenth Avenue Freeze-Out (pictures of Danny Federici… more)/ I’ll See You in My Dreams (solo acoustic)

    Composition du groupe ce soir

    4 historiques  

    1 guitariste (Steve Van Zandt), 1 bassiste (Garry Talent), 1 batteur (Max Weinberg), 1 pianiste (Roy Bittan),

    13 plus récents

    1 guitariste (Nils Lofgrens qui joue aussi dans le groupe de Neil Young Crazy Horse, presque désormais devenu « historique »), 1 clavier (Charles Giordano), 1 violoniste/guitariste/choriste (Soozie Tyrell), 1 percussionniste, 5 cuivres (dont Jack Clemons devenu le clone instrumental de son père et avec un vague air de Laurent Voulzy en plus costaud), 4 choristes.

    Patti Scialfa, Mme. Springsteen à la ville, choriste/guitariste, souvent présente sur les tournées n’est pas là ce soir.

  • « Esclavage, mémoires normandes » à l’Hôtel Dubocage de Bléville du Havre

    « Esclavage, mémoires normandes » à l’Hôtel Dubocage de Bléville du Havre

    C’est la partie havraise de l’exposition sur l’esclavage partagée entre les villes de Rouen, Honfleur et Le Havre. La traite des esclaves a considérablement enrichi les armateurs normands et toute la région, comme ce fut le cas pour les autres ports « négriers » de Nantes, La Rochelle et Bordeaux. Le Havre revient sur cette histoire trouble dans l’hôtel Dubocage de Bléville, du nom du navigateur-explorateur havrais (1676-1727) qui y installe une grande maison de négoce maritime après un voyage de neuf années qui l’a mené jusqu’en Chine.

    L’histoire est désormais connue et documentée mais il ne fait jamais de mal d’y revenir. L’Europe disposait de colonies en Amérique (sur le territoire continental américain et les îles des Caraïbes [Saint-Domingue notamment]) qui produisent des biens (coton, bois, cacao…) qui étaient vendus sur le vieux continent qui, à l’époque, est encore « neuf ». Au début travaillaient dans les colonies des européens plus ou moins volontaires. Assez rapidement il fallut augmenter la productivité de la production et seule une force de travail « bon marché » pouvait permettre d’attendre cet objectif. Les Etats comme la France encouragent l’achat d’esclaves en Afrique et leur installation dans les colonies d’Amérique. Le « code noir » officialise en 1685 sous Louis XIV ce trafic dit « triangulaire » tout en édictant quelques limites pour le traitement des exclaves, qui furent généralement allègrement dépassées.

    Les marchands esclavagistes français affrétaient des bateaux quittant les ports français chargés de « verroterie » (bracelets, bijoux de pacotille, mais aussi des armes plus ou moins antédiluviennes) qui servaient à payer les esclaves achetés à leurs propriétaires africains. L’esclavage existe bien entendu depuis des millénaires, y compris en Afrique. La traite (le « commerce » de ceux-ci) se pratique également depuis des lustres mais la « traite atlantique » va industrialiser le phénomène avec des objectifs « commerciaux » ambitieux. Pour les atteindre il va falloir déshumaniser les esclaves et les traiter comme des « intrants » au processus industriel…

    L’exposition de l’Hôtel Dubocage revient sur les différentes étapes de ce trafic d’êtres humains et sur les conditions de celui-ci à travers des tableaux et des gravures d’époque. Sont également exposés des relevés « comptables » des échanges de marchandises : combien de verroterie remises aux vendeurs locaux pour acheter les esclaves. Ceux-ci étaient complètement anonymisés sur ces relevés : pas de nom, juste des valorisations. Des schémas montrent la disposition des esclaves dans les bateaux qui les transportaient d’Afrique vers les Amériques, installés tête-bêche dans les entreponts du navire où ils ne pouvaient pas même se tenir debout, ce qui n’est pas sans rappeler les châlis où étaient entassés les déportés dans les camps de concentration allemands de la seconde guerre mondiale. Cela explique les taux de mortalité de 10 à 20% constatés au bout du voyage et consciencieusement notés sur le journal de bord car venant minimiser la marge des négociants.

    Les conditions de vie dans les plantations antillaises où ils étaient débarqués n’étaient guère meilleures et leurs maîtres prenaient des libertés avec le « Code noir » et avaient quasiment droit de vie ou de mort sur leurs esclaves. Certains esclaves se révoltèrent, en Haïti notamment, d’autres furent libérés, certains mêmes habitèrent aux Havre pour servir leurs maîtres en France. Il y eut tout de même des consciences pour s’élever contre l’esclavage comme l’écrivain havrais Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre qui publia « Paul et Virginie » en 1788. Ouf, cela rattrape un peu la réputation de la région…

    Une exposition troublante !

    Voir aussi : https://esclavage-memoires-normandes.fr/

  • « Marquet en Normandie » au MuMa du Havre

    « Marquet en Normandie » au MuMa du Havre

    Le Musée André Malraux (MuMa) expose Albert Marquet (1875-1947) peintre « fauviste » et inspiré par la Normandie et ses couleurs si particulières. Les œuvres accrochées ont toutes rapport à la côte normande, Le Havre, Honfleur, Rouen, la Seine…, des ports, des plages, et, surtout, la mer et le ciel, avec toutes les nuances de vert et de bleu que la Normandie sait offrir. Marquet a arpenté cette côte avec son chevalet et son ami de Raoul Duffy. C’est le résultat de ces pérégrinations artistiques que présente de MuMa. Il a aussi parcouru le monde dont l’Algérie où il passe la seconde guerre mondiale quelques années avant sa mort, là-encore un pays de toutes les lumières. Certaines toiles de cette période sont exposées.

    Je ne sais ni écrire ni parler mais seulement peindre et dessiner. Regardez ce que je fais. Ou je suis arrivé à m’exprimer ou j’ai échoué. En ce cas, que vous me compreniez ou pas, par votre faute ou par la mienne, je ne peux pas faire plus.

    Albert Marquet (1936)

    L’eau est partout, rendue dans des paysages de plages ou de falaises bucoliques mais aussi peinte sur fond d’outils industriels et portuaires. Marquet est spécialisé dans la « vue plongeante » comme ne le montre pas le port d’Honfleur ci-dessus. Il est surtout un maître hors pair de la lumière dont le rendu dans ses toiles est subjuguant. Les personnages ou objets présents dans ses tableaux sont les plus souvent esquissés d’un trait, sans trop de détails, laissant le visiteur se plonger dans la méditation inspirée par les couleurs de la nature et des paysages.

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    Le MuMa est posé sur le port marquant l’influence de la mer sur l’art en Normandie. Entre la digue et le musée trône une sculpture monumentale d’Henri-Georges Adam : « Le Signal ». En plus de Marquet, il dispose d’une belle collection de tableaux des artistes Sisley, Duffy, Renoir, Braque, Pissarro, Boudin, Monet… C’est l’ancien musée des Beaux-Arts qui n’a pas résisté aux bombardements de 1944, les sculptures ont été transformées en cendres mais les peintures qui avaient été déplacées en lieu sûr furent épargnées. Il est reconstruit en 1952 à l’entrée du port. Inauguré par André Malraux en 1961, il préfigure à l’époque ce que seront les « maisons de la culture », grand œuvre du ministre de la culture de De Gaulle.

    Le MuMa et, devant, la scupture « Le Signal »

    Avant de sortir, repas ou café au restaurant du musée, vue sur les incessantes entrées et sorties de gros navires au milieu desquels se mêlent des kite-surfers agiles et élégants ; la mer, vous dit-on, toujours la mer.