Basquiat-Shiele à la Fondation Louis Vuitton

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Merveilleuse exposition groupée Jean-Michel Basquiat / Egon Shiele à la Fondation Louis Vuitton, deux artistes sublimes, emportés en pleine jeunesse, le premier en 1988 d’une overdose à 28 ans, le second en 1918, au même âge, emporté par la grippe espagnole, deux êtres torturés et créatifs qui sont magnifiquement racontés ici !

Shiele, autrichien, fils spirituel de Klimt, est l’auteur d’une profusion de dessins, souvent des nus plutôt provoquants, mais aussi de troublants autoportraits ; ses personnages sont long et osseux, déglingués, à mi-chemin entre Giacometti et Corto Maltese, ils rapportent une vision du monde toute en angles et en érotisme.

Puis l’on monte dans les étages rejoindre les toiles de Basquiat, parfois gigantesques, qui nécessitent les grands espaces de ce bâtiment baroque. Le choc est total dans une explosion de couleurs, de personnages robotisés, de collages inattendus, de références multiples, de mots et d’images, de graffitis et de copies ; c’est une profusion d’idées et de visions d’une folle modernité. Basquiat est l’homme d’un lieu et d’une époque, new-yorkais des années 70 et 80’  il a vécu et animé cette folle période où le Velvet Undergound jouait à la Factory, où les poètes de la beat génération croisaient Bob Dylan au bar du Chelsea Hotel, il est devenu l’ami de Keith Haring, et au milieu de cette fabuleuse énergie créatrice, il a créé sans réserve, dessiné, peint, imaginé, il a bu son époque comme un buvard aspire l’air du temps, il a aussi et surtout restitué la souffrance de l’homme noir dans une société violente et raciste. Toute son œuvre est tournée vers cette mission rédemptrice : faire comprendre le sort du Noir sous la férule du pouvoir blanc, celui d’une complète domination, politique, sociétale, artistique ; un pouvoir absolu qui continue à asservir les descendants de l’esclavagisme, fléau de la civilisation américaine.

Les toiles se succèdent comme dans un tourbillon et le visiteur erre dans les salles, fasciné par l’incroyable et spectaculaire productivité de cet artiste dont quelques photos montrent l’aspect juvénile. Le tragique des thèmes abordés cohabite avec la naïveté des formes et des couleurs. Mais au cœur de ce temps l’étoile Basquiat va exploser, victime de l’héroïne, autre marqueur de cette époque avec le Sida. Création-destruction, on se croirait dans une chanson de Lou Reed. Il subsiste face à cette perte brutale un énorme regret mais surtout une fabuleuse actualité.