Avec une mauvaise foi digne de la Russie s’estimant attaquée par l’OTAN dans sa guerre d’Ukraine, le président français et son gouvernement explique que le déficit des finances publiques de 11% en 2023 est lié à la non-réalisation des objectifs de recettes alors que les dépenses ont été réalisées telles que prévues, sans dépassement par rapport au budget. Cette explication suffirait à exonérer les gestionnaires des dépenses publiques de toute faute. En réalité, l’analyse n’est pas recevable tant la tendance déficitaire est lourde et durable, le dernier budget de la France en équilibre remontant à 1974, soit deux générations entières. Dans ces conditions on peut difficilement plaider le déficit « conjoncturel » comme le font les responsables dans un bel ensemble. N’importe quel ménage ou entreprise sait que lorsque les recettes ne sont pas au rendez-vous on ajuste les dépenses.
D’ailleurs le gouvernement doit bien se rendre compte de son impéritie puisqu’il s’est empressé d’annoncer une première tranche d’économie de 10 Mds d’euros pour 2024 et de 20 Mds pour 2025 afin d’essayer d’atteindre l’objectif d’un déficit ramené sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2027.
Le problème est maintenant de répartir la misère et chaque corporation pousse des cris d’orfraie afin d’échapper au train d’économies annoncées. Comme d’habitude, toute les monde est d’accord pour faire des économies, mais en commençant par… les autres. La variable d’ajustement étant l’augmentation de la dette publique, le paiement des intérêts aux prêteurs (50 Mds d’euros en 2023) va devenir rapidement le premier poste de dépenses publiques.
Après la gabegie en cours des jeux olympiques organisés à Paris cet été on a appris que la région Auvergne-Rhône-Alpes s’était déjà portée candidate pour l’organisation de jeux olympiques d’hiver en 2023… On n’a pas l’impression que la France ait bien compris le message de la nécessité de reprendre le contrôle de ses dépenses publiques à la dérive. Le rappel à la réalité risque d’être tonitruant !
Les très brillants « Chœur & Orchestre symphonique de Paris » dirigés par Xavier Ricour ont investi ce soir l’Eglise de la Sainte-Trinité, place d’Estienne d’Orves dans le XIXe arrondissement parisien, pour une représentation du requiem de Gabriel Fauré (1845-1924), composé dans les dernières années du XIXe siècle, pièce intemporelle pour les défunts, jouée ici avec orchestre et deux solistes, dans une église entièrement rénovée à l’intérieur alors que les échafaudages défigurent toujours la façade.
La seconde œuvre est chantée en polonais puisque son compositeur, Karol Szymanowski (1882-1937) est polonais, né dans l’empire russe. C’est un Stabat Mater, écrit en 1925-1926. Une musique plus contemporaine, qui titille parfois les oreilles. L’un des solistes est un contre-ténor qui remplace la soprano pour laquelle la pièce a été écrite. Impressionnant !
D’un requiem au stabat-mater, l’ambiance est plutôt morbide ce soir. Heureusement, la « danse sacrée » et la « danse profane » de Debussy viennent égayer l’atmosphère avec un magnifique jeu de harpe.
The Royal Opera House de Londres organise régulièrement la diffusion en direct dans des salles de cinéma partenaires des concerts et opéras montés dans la salle anglaise. Aujourd’hui c’est le célèbre opéra de Giacomo Puccini, Madama Butterfly, qui est présenté au cinéma parisien L’Escurial avec quelques semaines de différé par rapport à la diffusion en direct.
L’histoire d’amour de Mme. Butterfly est éternelle : au début du XXe siècle, une jeune japonaise de 15 ans, Cio-Cio-San, dans les mains d’un marieur cynique, épouse un officier de marine américain de passage dans le port de Nagasaki, le lieutenant Pinkerton. C’est un mufle, elle est un ange. Il déserte Nagasaki peu après le mariage, disparaît pour trois ans avant d’y revenir avec… sa femme américaine. Il découvre alors que Cio-Cio-San a eu un fils de leur union. Le premier acte se termine sur le trio Butterfly, son fils endormi et Suzuki (la servante) immobile sous le ciel étoilé pendant que le chœur murmure, bouches fermées, une émouvante mélodie marquant l’attente, triste mais pleine d’espoir, de Pinkerton
Deux actes plus tard, dans une fin tragique, elle lui demande d’emmener son fils en Amérique puis se fait hara-kiri dans un chant désespéré adressé à son fils :
Pour toi, Pour tes yeux Si purs, Meurt Butterfly… ! Afin que, tout là-bas, Ton destin change !… Et sans qu’à ton jeune âge, Soit fait l’outrage D’avoir quitté ta mère !…
Traduction de l’italien
Mais au dernier moment s’élève la voix de Pinkerton au loin qui grimpe la colline en appelant « Butterfly ! Butterfly ! ». Vient-il essayer de racheter sa félonie au dernier moment ? Trop tard, le traître a gagné, la morale est perdante !
L’opéra a été composé en 1900 à partir d’une pièce de théâtre éponyme. Puccini qui n’était jamais allé au Japon s’est beaucoup documenté sur le pays et sa culture pour l’écriture. Ce soir la mise en scène est sobre à base de grands panneaux coulissants japonisants ouvrant sur le port de la ville ou sur la nuit. Le spectateur se concentre sur les personnages et les mélodies bouleversantes de Puccini. Les retraités qui composent la majorité de l’assistance clairsemée écrasent une larme sur l’image finale du petit garçon blondinet agitant son drapeau américain pour guider son père qui, finalement, vient le chercher pendant que Butterfly expire.
L’opéra au cinéma a des avantages, surtout quand il est bien filmé comme ce soir, on voit mieux les artistes et les sous-titres et, pour faire oublier les fauteuils de la salle veillotte qu’il faudrait un jour rénover, la direction offre un verre de vin blanc à l’entracte.
Distribution
Cio-Cio-San, Asmik Grigorian
Pinkerton, Joshua Guerrero
Suzuki, Hongni Wu
Orchestre et chœur du Royal Opera House dirigé par Kevin John Edusai
Il y a 70 ans, le 7 mai 1954, le camp français retranché de Diên Biên Phu tombait devant les assauts des troupes communistes du Viêt Minh menées par le Général Giap. On parle de 8 000 morts côté vietnamien et 2 500 du côté français. A l’issue de la furieuse bataille qui dura près de deux mois, les vainqueurs vietnamiens emmenèrent plus de 10 000 prisonniers originaires de l’empire français dans une marche harassante de 700 km jusqu’à leurs lieux d’internement. Seuls 2 à 3 000 furent finalement libérés une fois la paix signée via les accords de Genève signé en juillet 1954, aboutissant notamment à l’évacuation du Vietnam du nord par la France.
Les troupes françaises étaient composées, outre de soldats métropolitains d’active, de toute une série de recrues venant d’Indochine et d’Afrique mais aussi de la Légion étrangère qui avait recyclé nombre de soldats allemands après la défaite de 1945. Il se disait que l’on parlait plus le français du côté des troupes de Giap qui avait suivi l’enseignement colonial, que dans le camp français où la langue allemande était très présente…
Cette défaite militaire fut d’abord le résultat de l’inconséquence des stratèges militaires français qui, en s’installant au nord de la colonie voulait couper les routes d’approvisionnement de la rébellion au Sud par les rebelles communistes du Nord. Le problème est qu’ils installèrent la corp expéditionnaire dans une cuvette d’environ 17 km sur 6, cernée par une ceinture de collines que les galonnés coloniaux pensaient inatteignable par le Viêt Minh. Mais contre toutes attentes, et hors de la vue des observateurs français, les Vietnamiens du nord ont transporté nombre de pièces d’artillerie, et leurs munitions, en pièces détachées, transportées à dos d’homme ou à bicyclette jusqu’à ces collines « inatteignables ». Une fois remontées et mise en batterie, elles ont taillé en pièces le camp français qui ne put plus être ravitaillé par air du fait de la destruction de la piste d’aviation. La fin de Diên Biên Phu n’était plus qu’une question de patience et de tonnes d’obus déversés sur la cuvette.
Après la IIe guerre mondiale et la défaite japonaise dont les troupes occupaient les colonies asiatiques de la France et du Royaume-Uni, ces deux puissances sévèrement affaiblies pensèrent reprendre leurs activités coloniales « comme avant ». Il n’en fut rien et les mouvements d’émancipation des peuples de ces territoire exigèrent leurs indépendances parfois conquises par la force des armes. Mais les deux empires connurent le même sort, qui était écrit : la fin de la colonisation.
Le problème spécifiquement français est que Paris ne comprit pas immédiatement le message de Diên Biên Phu et envoya immédiatement son corps expéditionnaire indochinois en Algérie où avait débuté, la même année 1954, une rébellion armée de lutte pour l’indépendance de ce qui était encore à l’époque un département français. On connait la suite : l’indépendance de l’Algérie en 1962 après une guerre qui ne disait pas son nom, des dizaines de milliers de morts et blessés des deux côtés, un déchaînement de barbarie largement partagé entre les parties. Contrairement à l’Indochine, les troupes militaires françaises étaient surtout composées d’appelés dont toute une génération (en train de s’éteindre) garda un traumatisme profond.
La décolonisation du reste des territoires coloniaux français s’est heureusement déroulée plus pacifiquement dans le reste de l’Afrique, bien que la Françafrique substitua des relations postcoloniales perverses à une relation de domination obsolète. Depuis le XXIe siècle et l’apparition d’une philosophie de la « déconstruction » poussant dans certains cas à la victimisation, la responsabilité des ex-puissances coloniales est régulièrement mise en cause pour expliquer le sous-développement et les difficultés politiques actuels des anciens pays colonisés, d’où leur volonté de rompre définitivement avec les anciens colons comme au Mali, au Burkina-Faso ou au Niger. Le fait colonial français a été et il aurait mieux valu qu’il ne fut pas. Idem pour l’esclavage. On ne peut pas revenir en arrière, on doit par contre lancer, ou accélérer, le processus de décolonisation des confettis de l’Empire que sont les territoires dits « ultramarins » : Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, les iles caraïbes, la Guyane et la Réunion. Et s’il faut payer des indemnités comme solde de tous comptes, il ne faut pas s’interdire de l’envisager.
Sonia Kronlud est productrice-animatrice de l’émission « Les pieds sur terre » sur France-Culture. Elle a réalisé ce documentaire en souvenir de ses premiers amoureux qui étaient mythomanes. Celui objet du film est un Brésilien qui mène plusieurs vies sentimentales en parallèle, à Paris, en Pologne, aux Pays-Bas, après avoir sévi au Brésil et en Argentine. Il s’invente des nationalités, des métiers, des passés et réussit à séduire des femmes qui sont loin d’être des godiches jusqu’à construire des vies comunes. L’une d’entre elles est d’ailleurs enceinte de ses œuvres quand elle découvre la manipulation qu’elle va partager avec d’autres victimes dont elle retrouve la trace sur le profil de « Ricardo » laissé sur son propre ordinateur qu’il utilisait de temps à autre.
La réalisatrice a retrouvé certaines de ces femmes qu’elle fait témoigner dans le film, parfois via des actrices qui jouent le rôle de celle qui veulent rester anonyme. Mais surtout elle part à la recherche de Ricardo qu’elle va retrouver en Pologne et qu’elle fait apparaître dans le documentaire sans qu’il ne comprenne à qui il a à faire. Le final est plutôt burlesque pour le parcours d’un homme détestable. Mais Sonia Kronlud n’a pas de pouvoir de police, son but est seulement d’empêcher si possible de nouvelles victimes en dénonçant médiatiquement ce coupable. Il n’est pas violent, juste menteur. Il n’a tué personne mais seulement joué avec les femmes pour les séduire. Mais qui sait si un homme doué d’une telle duplicité ne serait pas capable du pire ?
On reste stupéfait de la facilité avec laquelle il a mené ses victimes en bateau, et sur la durée. L’une d’entre elles évoque l’aveuglement de l’état amoureux comme explication. Il y a certainement de çà, mais il s’agit surtout de la machiavélique habilité de « Ricardo » pour séduire via la tromperie. Le sujet est traité un humour pince-sans-rire de la réalisatrice et des victimes, atténuant quelque peu l’énormité des manipulations exécutées par le séducteur pervers.
Stéphane Lambert est un écrivain belge né en 1974 dont l’art inspira une partie de son œuvre. Il se penche ici sur Nicolas de Staël dont il décrit le caractère fougueux et le talent fulgurant. Il évoque bien sûr l’enfance d’émigré russe ballotée entre Saint-Pétersbourg, la Pologne, Bruxelles dans sa famille adoptive et puis la France où il s’installa finalement. Ses amours enflammés pour des femmes qui chacune marqueront des périodes d’inspiration du peintre et dont la dernière, Jeanne, refusant de poursuivre leur union serait à l’origine de son suicide.
« Dès lors que l’on se met à se poser la question du sens de l’existence humaine cette pensée ne vous laisse plus aucun repos et vous poursuit jusqu’à votre mort.
Ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine. »
N. de Staël, écrit lors d’un voyage au Maroc
Lambert décrit un artiste lumineux mais angoissé. Il se glisse dans ce qu’il croit être ses pensées troubles qui fondent la magnificence de ses tableaux aux couleurs éclatantes. Des couleurs pêchées dans les déserts d’Afrique du nord, sur les bords de la Méditerranée à Antibes ou au cœur d’une salle de concert ou d’un stade de football.
Il explique le talent du peintre par la coexistence du vertige et de la foi tiraillant son âme entre l’absolu et le désespoir…
« La foi est la force qui anime ; appliquée dans le domaine de l’art, c’est la certitude de devoir créer. Le vertige est la perte de confiance qui fait violemment douter de la légitimité d’être vivant. »
De Staël alterne en permanence entre les extrêmes, la violence des sentiments, les sommets des amours déçus, la lumière aveuglante des couleurs, ses certitudes brisées, mais aussi l’inspiration sublime qui ne lui fit jamais défaut tout au long d’une trop courte existence à laquelle il mit fin à 41 ans, emporté par le vertige qui, un court instant de trop, domina sa foi dans l’art, pourtant solide comme le roc.
On s’amuse à la Philharmonie avec une exposition « Metal » au rez-de-chaussée de l’immeuble futuriste de la Porte de Pantin qui accueille les plus grands orchestres classiques de la planète. L’ambiance est dédiée au diabe aujourd’hui et on revient sur l’histoire du hard-rock lancé il y a cinquante ans par les groupes britanniques Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin, suivis jusqu’à aujourd’hui par de nombreux groupes et fans qui s’expriment dans les décibels et la bière lors de nombreux festivals métalleux estivaux à travers la planète.
La Philharmonie nous emmène à travers la multitude de sous-genres créés dans l’univers du Metal avec une excellente sonorisation, des images live réjouissantes et tous les totems de ces groupes. Beaucoup de guitares bien entendu car la virtuosité des guitaristes est l’un des fondements du genre, mais aussi toute la quincaillerie plus ou moins diaboliques popularisée par ces groupes (costumes, masques, croix, chaînes…) dont certains ont flirté avec des rites initiatiques pas toujours très rassurants. L’alcool et les drogues ont laminé une partie de ces musiciens mais le genre se renouvelle et de nouveaux groupes métalleux fleurissent pour remplacer ceux qui disparaissent.
L’intérêt majeur de l’exposition réside dans le choix et la qualité des vidéos de concert montrées dans les différentes salles, de Black Sabbath dans les années 1970 à Rage against the machine aujourd’hui.
La guitare bass du leader de Motörhead, Lemmy Kilmister (1945-2015)
La MEP présente une exposition croisée d’extraits de « Journal du dehors » d’Annie Ernaux, publié en 1993, avec des photos. Artistes de l’instant, l’écrivaine et les photographes exposent des textes et des clichés saisis dans la vie quotidienne, essentiellement en France mais avec aussi quelques incursions à l’étranger. Les extraits de textes d’Annie Ernaux sont des descriptions froides, des observations cliniques, souvent faites dans le métro de banlieue, de personnages ordinaires que l’écrivaine s’efforce de sortir de l’indifférence, avec une petite tendance au misérabilisme. L’illustration des textes par ces clichés instantanés choisis dans les collections de la MEP, le plus souvent en noir-et-blanc, est appropriée. Il ne se passe rien sur ces photos ni dans les textes, seulement le rendu brut d’un réel pas toujours très reluisant.
Le déficit budgétaire de l’Etat pour 2023 s’est finalement établi, selon l’INSEE, à 5,5% du produit intérieur brut (PIB) soit 154 milliards d’euros. Il représente aussi près de 11% du total des dépenses, Etat et prestations sociales. C’est à dire que pour 100 EUR dépensés la France en a emprunté 11 sur les marchés financiers et prélevé la différence de 89 sur les contribuables. C’est un mauvais résultat au regard de l’objectif plus ou moins agréé pour les pays membres de la zone euro de ne pas dépasser un déficit de 3% du PIB. Mais c’est surtout un mauvais résultat en soi qui ne va pas dans le sens de la « trajectoire budgétaire » d’une réduction du déficit.
Tout le monde est à peu près capable de comprendre que dépenser plus d’argent qu’on en gagne ce n’est pas bien, dans un ménage comme pour un Etat. La France est en déficit budgétaire depuis 1974. Cela fait presque deux générations que les citoyens français naissent dans un Etat qui n’a plus vraiment le contrôle sur ses dépenses et ils considèrent maintenant cette situation comme la norme. A chaque montée de tension financière les querelles et polémiques de bas étage sont à peu près les mêmes avec la gauche qui veut augmenter les impôts, la droite qui veut baisser les dépenses et Mme Michu au Café du commerce qui est d’accord pour faire des efforts mais à la condition que l’on commence par les autres. Généralement une solution provisoire est trouvée en piochant un peu dans les deux directions sans toutefois jamais arriver à équilibrer dépenses et recettes puisque nous sommes en déficit depuis… 1974.
Nous en sommes à peu près là aujourd’hui et les mêmes débats reprennent alors que le niveau de la dette nationale a dépassé les 3 000 milliards d’euros soit plus de 110% du sacrosaint PIB et que le poids des intérêts à payer sur ces dettes devient mécaniquement de plus en plus visible d’autant plus que les taux d’intérêt augmentent. Heureusement les guerres au Proche-Orient et en Ukraine permettent de passer allègrement ce sujet sous le tapis des politicailleries nationales. La France est, comme souvent sur ce sujet, l’un des pires élèves de l’Union européenne et cela se paiera un jour. La permanence de cette mauvaise gestion financière est un élément de plus de la décadence nationale.
Finalement, malgré la tentative de résistance de l’ancien président du Sénégal, Macky Sall, en poste depuis dix ans, qui a tenté en février dernier de reporter l’élection présidentielle sans doute pour empêcher l’opposition d’arriver à la présidence, il a finalement rejoint le droit chemin et mis en place le processus électoral qui a permis d’élire son successeur dans les délais constitutionnels avant le 2 avril. Toute cette agitation ne lui a finalement servi à rien et il a remis le pouvoir dans les mains d’un de ses opposants, Bassirou Diomaye Faye. Tout ça pour ça ! C’était la première bonne nouvelle, le Sénégal est resté dans la démocratie.
La seconde est que l’un des points forts du programme électoral du nouveau président est de sortir son pays de la zone monétaire du franc CFA pour redonner sa souveraineté monétaire au Sénégal. C’est un beau projet que tout le monde veut mener à bien, la France y compris, mais que personne n’ose mettre en œuvre. Lancé en Côte d’Ivoire en 2019 par les présidents français (Macron) et ivoirien (Ouattara) le projet piétine. La pandémie de Covid, les épidémies de coups d’Etat dans le Sahel, sans doute aussi la résistance au changement des acteurs de ce dossier, font que cette zone monétaire du franc CFA est toujours opérationnelle. Le Sénégal, qui a bien des égards a montré l’exemple d’un pays responsable, va peut-être réussir à prendre les rênes de ce démantèlement du franc CFA. S’il y réussissait ce serait une évolution favorable pour le continent et le Sénégal, amené à l’indépendance par Léopold Sedar Senghor, poète et politique visionnaire, gagnerait définitivement sa place de leader moral de l’Afrique subsaharienne.
Que le futur passe pour les pays de la zone France par une monnaie unique ou commune, régionale ou nationale, l’Afrique devrait pouvoir ainsi contrôler sa ou ses politiques monétaires et l’ajuster à sa ou ses choix économiques. Bien sûr la valeur de ces monnaies ne sera plus rattachée à l’euro ou à une autre devise mais c’est bien le but de l’opération, faire en sorte que la monnaie soit la variable d’ajustement de la balance des paiements, ce qui est son rôle premier. Après tout, les anciennes colonies britanniques ont été décolonisées chacune avec sa propre devise et ne s’en portent économiquement pas plus mal que leurs homologues ex-colonies françaises. Surtout, le retour à une souveraineté monétaire pour ces anciennes colonies satisfera les égos à fleur de peau des populations et de leurs dirigeants en plantant les derniers clous dans le cercueil de la Françafrique qui a piteusement succédé à la décolonisation.
Dans un communiqué du 12 mars 2024 le Comité des Gouverneurs des Banques Centrales des Etats membres de la CEDEAO annonce :
Sous la présidence de la BCEAO, l’AMAO, chargée de piloter la conception et les modalités opérationnelles du lancement de l’Eco, la monnaie unique ouest-africaine, a réalisé des avancées significatives. Il s’agit notamment du renforcement de la stabilité macroéconomique de la région ainsi que de la préparation du cadre institutionnel et juridique de la future union monétaire de la CEDEAO.
Sortie en 1999, Chez : Editions Au diable vauvert.
John Cale est un britannique né au Pays de Galles en 1942, d’un père mineur et d’une mère enseignante qui jouait du piano. Il a fondé à New York le légendaire groupe de rock The Velvet Underground avec Lou Reed, né une semaine avant lui, et sous l’impulsion d’Andy Warhol. Dans cette autobiographie coécrite avec Victor Bockris il revient sur son passé et sa vie musicale jusqu’en 1999. Car, musicien dans l’âme, il ne s’est jamais détourné de cet art malgré des excès et des dérives qui ont valu de mourir à bien de ses coreligionnaires.
Mauvais élève, il s’oriente rapidement vers des études musicales classiques pour lesquelles il affiche de bonnes dispositions. Il adopte l’alto comme instrument de cœur mais sera multiinstrumentiste toute sa vie. Il émigre assez rapidement aux Etats-Unis en 1963, alors le pays de tous les possibles. Il y rencontre le gratin de la musique contemporaine : John Cage, La Monte Young, Aaron Copland…, participe à des œuvres improbables comme la création d’une pièce d’Erik Satie qui consiste à jouer pendant 18 heures 840 fois le même morceau du compositeur, et, il rencontre Lou Reed dans le monde du rock. Avec Maureen Tucker (batterie), Sterling Morisson (guitare) et Nico (chant) ils créent en 1965 l’un des groupes les plus fulgurants de l’époque dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui.
John Cale vs. Lou Reed, c’est un choc de géants, le musicien associé au magicien des mots, dans l’ambiance déglingue des années 1960 d’un New York envahi par la drogue, les « expériences » culturelles et les personnalités les plus ravagées de ce monde artistique contemporain qui sera désigné assez rapidement sous le qualificatif « underground ». Rapidement ces deux caractères se heurtent violemment et Reed qui revendique la direction du Velvet pousse Cale dehors, le tout dans un déluge d’héroïne, de querelles d’égos, de rentrées financières et de périodes de vaches (très) maigres, mais toujours avec la musique comme seul guide.
Très prolifique, John Cale sort ses disques solo, au moins une quarantaine depuis son départ du Velvet Underground, fait des tournées et produit des artistes. Il a notamment produit Horses de Patti Smith, The Stooges, le premier disque d’Iggy Pop et des Stooges, et bien sûr aussi les disques de Nico dont il fut le compagnon et pour laquelle il écrivit un ballet. On croise dans ce livre d’autres musiciens remarquables : David Byrne, Brian Eno, U2, Philip Glass et bien d’autres.
En hommage à Andy Warhol, il se réunit en 1990 avec Lou Reed pour écrire Songs for Drella, disque qui donne lieu à de nouvelles et sordides querelles entre les deux artistes. En 1993 le Velvet Underground se reforme, sans Nico décédée accidentellement en 1988 pour une tournée rapidement avortée par suite des comportements caractériels de Lou. Trois shows furent donnés à l’Olympia à Paris, donnant lieu à la sortie d’un disque live exceptionnel : Live MCMXCIII.
Cette autobiographie revient sur des années de dérives, de violence et d’excès, sur une vie privée aussi quelque peu agitée. L’un des pères du punk, aujourd’hui plus apaisé, John Cale, 82 ans, continue à sortir des disques et faire des tournées. Il est le dernier survivant du Velvet avec Maureen (79 ans). Sterling, à qui est dédié ce livre, est mort de maladie en 1995 à 53 ans, Lou est mort en 2013 à 71 ans et Andy est mort en 1987 à 58 ans.
On passait une année et demie presque complètement dans une voiture ou un camion, on allait dans ces petites villes, c’était marrant, j’avais un immense respect pour lui, comme tous ceux qui jouaient avec lui , et on avait sans arrêt un nouveau groupe, il virait toujours tout le monde.
Sur la route ou à New York, John pouvait être très effrayant. Mais j’ai toujours pensé que Lou l’était encore plus. Il était totalement glacé, presque inhumain, alors que John avait une certaine humanité en lui, et un fantastique sens de l’humour, et en plus il était vraiment doué, au-delà de ce qu’on peut dire de lui, il était brillant.
John pouvait prendre la guitare ou la basse et jouer et chanter, il n’a réellement besoin de personne, on était là mais on se demandait pourquoi, peut-être juste pour le distraire, ou parce que toute cette histoire avec Lou Reed l’énervait et qu’il était furieux. Mon vieux il était furieux, furieux, furieux. Mais en même temps, c’était le plus drôle et le plus exubérant des mecs.
Deerfrance (choriste sur les tournées solo de Cale 1978-1980)
La composition du livre en grand format est aussi déjantée que le personnage : illustrations baroques dans tous les sens, photos confuses en filigrane, paragraphes imbriqués les uns dans les autres, marges courbes et variables, bienvenue dans le monde underground…
Les films asiatiques sont généralement plutôt tournés vers la méditation que vers l’action, celui-ci du japonais Ryûsuke Hamaguchi est un modèle du genre. Dans un petit bourg à quelques heures de voiture de Tokyo, au milieu des bois, nous suivons l’histoire d’un père et sa fille, amoureux de la nature, confrontés au projet d’installation d’un camping de luxe pour bobos tokyoïtes, potentiellement ravageur pour la nature environnante. C’est un sujet classique transposé au pays du soleil levant, celui de l’incompréhension entre les urbains et ruraux, entre consommateurs et défenseurs de la vie sauvage. Le tout est filmé avec lenteur, à la limite de l’ennui, mais le miracle du cinéma asiatique fait que l’on évite généralement de sombrer dans ce dernier. On n’est pas sûr d’avoir tout compris de la fin, sinon qu’elle n’est pas heureuse.
Construite en hauteur sur une ancienne voie ferrée, la coulée verte circule sur cinq kilomètres de la Bastille, sur les arches de l’avenue Daumesnil, jusqu’au bois de Vincennes dans un environnement verdoyant agréablement reconstitué. Il y a des pièces d’eau, des bancs, des espaces au soleil, d’autres ombragés, et beaucoup de joggers quand il fait beau.
Les armes continuent de parler au Proche-Orient. Les combattants du Hamas, et sans doute aussi d’autres courants islamistes, se battent toujours contre l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Contre toute attente, ces mouvements armés arrivent encore à survivre et à causer des pertes à Israël dans une bande de Gaza aplatie par le tapis de bombes qui y est déversé depuis six mois.
Pour compléter sa guerre sur le terrain, Israël utilise aussi sa supériorité technologique contre les pays voisins soutenant plus ou moins ouvertement les Palestiniens. Une bombe précise a été lancée ce 1er avril contre une annexe du consulat iranien de Damas dans laquelle se déroulait une réunion de militaires iraniens de haut rang, et qui ne discutaient sans doute pas de la pluie et du beau temps… Il y aurait une quinzaine de morts dont la moitié d’officiers iraniens. Ces pertes ont été reconnues par Téhéran qui annonce une vengeance à venir. Tel-Aviv n’a pas revendiqué cette attaque sur le territoire syrien mais on voit mal quel autre pays aurait les moyens et intérêt à lancer une telle opération. Il s’agirait d’un bâtiment disposant d’un statut diplomatique ce qui équivaudrait donc à une attaque sur le territoire iranien, mais la question juridique est toujours en discussion car ce n’était pas le consulat mais une annexe de celui-ci. Il est vrai qu’en matière de statut diplomatique les Iraniens en connaissent un rayon après l’envahissement de l’ambassade américaine de Téhéran en 1977 et la prise en otages de 52 diplomates et civils américains, dont une quarantaine resteront prisonniers pendant plus d’un an. Au-delà de ces subtilités juridiques, le mieux pour ces officiers iraniens aurait sans doute été qu’ils soient restés chez eux.
On reste étonné de la qualité des renseignements israéliens qui indiquaient précisément l’heure, le lieu et le statut des participants à cette réunion, sans parler de la « précision » des armes employées qui ont permis de pulvériser le bâtiment en pleine ville sans dommages collatéraux excessifs. Pour être aussi précis ce sont certainement des renseignements qui viennent de l’intérieur des organisations iranienne ou syrienne, d’agents doubles donc.
Quelques jours plus tard un énième bombardement à Gaza tuait, entre autres, trois des fils du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, réfugié au Qatar et plusieurs de ses petits-enfants. Tel-Aviv affirme que les fils étaient engagés dans le terrorisme sans se prononcer sur le statut des petits-enfants. Depuis Doha M. Haniyeh a déclaré :
Je remercie Dieu pour l’honneur que nous fait le martyre de mes trois fils et de certains de mes petits-enfants. Le sang de mes fils n’est pas plus cher que le sang de notre peuple.
On mesure par ces mots le niveau d’engagement quasi mystique des mouvements palestiniens, Hamas et assimilés, qui, probablement, rend vain même une victoire israélienne par les armes, encore loin d’être acquise d’ailleurs. En tuant ainsi des officiers iraniens dans une ambassade ou en ciblant la famille du chef du Hamas, Israël joue avec le feu sans être certain que ces actions guerrières servent ses buts. Face à la détermination renforcée des ennemis ancestraux on a de plus en plus de mal à se faire une idée de ce que pourrait être la paix au Proche-Orient A moins que de l’enfer n’émerge un jour l’espérance ?
C’est une exposition de photos un peu interminable présentée à la BNF site « François Mitterrand », fruit d’une commande publique du ministère de la Culture en 2021 pour établir un panorama de la France au sortir de la crise sanitaire, organisée en 4 parties – libertés, égalités, fraternités, potentialités. Il y eut 200 lauréats et chacun expose deux photos. A l’image de notre époque, les thèmes évoqués dans chacune des parties sombrent un peu dans le « wokisme » et la victimisation. Le thème « libertés » est introduit par un texte édifiant, notamment :
La liberté d’expression est revendiquée dans la volonté d’affirmer, à travers son corps et sa sexualité, une identité émancipée des carcans et des stéréotypes.
S’en suivent des photos plutôt tournées vers les minorités « défavorisées » et les questions « sociétales » qui auraient été cristallisés par la crise sanitaire. Tout y passe, les questions de « genre », de statut de la femme, de couleur de peau, de violence familiale, de cultes, de territoires ultra-marins… Cette vision de la France pèche sans doute par excès de misérabilisme, pas sûr ne qu’elle soit véritablement holistique. Lorsque nos descendants visionneront ces clichés dans 100 ans, ils ne se feront pas une idée très positive de notre art de vivre en ce début de XXIe siècle.
Un joli film du réalisateur hongrois Gábor Reisz, que l’on dirait tourné en Super8, narrant la petite histoire d’une famille hongroise sous le régime politique actuel de Victor Orban. Abel est un élève distrait qui échoue au bac. Par mégarde il a laissé épinglé sur son costume une cocarde qu’il portait pour la fête nationale mais qui habituellement marque aussi l’appartenance au parti au pouvoir. Il s’en suit un imbroglio dans lequel interviennent les parents d’Abel, plutôt conservateurs, un professeur plutôt progressiste, une journaliste plutôt jolie et fouineuse, une amoureuse d’Abel plutôt versatile, le tout ponctué des évènements ordinaires de la vie de Monsieur Tout le monde. Abel se pense incapable, sa fiancée le quitte mais ses parents comprennent son mal-être et, finalement, le réconfortent. On dirait aujourd’hui qu’il est « déprimé ». On ne s’ennuie pas devant ce film découpé en chapitres journaliers étalés sur une semaine estivale à Budapest.
La Corse et la Nouvelle Calédonie organisent leur éloignement de la République, dans la douleur.
L’assemblée de Corse s’est mise d’accord sur un texte issu de négociations avec le gouvernement qui prévoit une nouvelle modification de la Constitution pour renforcer le statut spécifique dont dispose déjà cette ile au regard du droit français.
Le premier alinéa stipule que :
La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre.
Très bien, très bien. Le reste est à l’avenant et on envisage de donner à ce territoire un pouvoir « d’adaptations justifiées » des lois et règlements à la collectivité de Corse, ainsi qu’au gouvernement « d’adapter » les dispositions législatives « aux spécificités de la collectivité ». Qu’en termes élégants ces choses sont dites puisqu’il s’agit donc d’accroître encore les différences de statut entre les citoyens corses et leurs homologues français du continent. Cette possibilité, si elle était constitutionalisée, ne manquerait d’être utilisée et de donner lieu à de sévères bagarres juridiques que pimenteront quelques « nuits bleues » au gré de l’inspiration des vrais indépendantistes.
Dans un avis adopté par 25 voix pour, 8 contre, 1 abstention et 25 absents l’Assemblea di a Giuventù di a Corsica :
SOUTIENT la volonté exprimée par les élus, dans le respect du fait majoritaire, que la Corse acquiert une autonomie comprenant un pouvoir législatif et qu’ainsi la Collectivité de Corse puisse générer des normes dans les domaines de compétences qui lui seront dédiés.
CONSENT à une progressivité dans l’attribution des nouvelles compétences propres à la future Collectivité de Corse.
SE SATISFAIT que la proposition de modification constitutionnelle ouvre la voie à une future loi organique dont les dispositions devraient permettre d’atteindre les objectifs fixés par la délibération de l’Assemblée de Corse du 5 juillet 2023.
On ne peut pas dire que ce soit un oui franc et massif d’autant plus que cet avis est assorti de toute une série de considérations commençant par « REGRETTE », « S’INQUIETE », « ALERTE », « DEMANDE », « RAPPELLE »… Bref, la méfiance est de mise. Avant d’arriver à intégrer une modification du statut de la Corse dans la Constitution il faut maintenant que le parlement le vote à une majorité des trois cinquièmes, ou qu’un référendum l’approuve. Ce ne serait d’ailleurs pas intéressant de demander l’avis des citoyens français. Dans un cas comme dans l’autre ce n’est pas gagné et l’indépendance, souhaitable, ne sera pas immédiate. En revanche toute étape vers le détachement de la Corse de la République sera bénéfique. Dans ce but il reste à espérer que la Constitution puisse être modifiée tel que prévu.
En Nouvelle-Calédonie la décolonisation de l’archipel se passe dans la douleur, rendue encore plus aigüe par la crise économique générée par la non-compétitivité de la filière locale du nickel. Après le rejet de l’indépendance à l’occasion de trois référendums organisés ces dernières années il s’agit de mettre sur pieds un nouveau processus pour prendre la suite des accords dits de Nouméa de 1998 qui sont désormais échus. Il semble qu’une réforme constitutionnelle soit également envisagée de ce côté-là. Sur place les indépendantistes (qui gouvernent le territoire) ne parlent plus aux loyalistes depuis longtemps. L’une des questions majeures concernent la composition du corps électoral qui sera appelé à voter lors des nouveaux référendums sur l’indépendance qui seront immanquablement organisés dans le futur. Selon les options prises, les indépendantistes seront majoritaires ou, au contraire, dilués si l’on admet dans le corps électoral les résidents non canaques présents sur le territoire depuis une durée à déterminer. Selon où sera placé le curseur le corps électoral, qui est gelé depuis l’accord de Nouméa, pourra pencher d’un côté ou de l’autre. C’est donc un point fondamental.
Bien entendu, devant ces évolutions qui s’annoncent pour la Corse comme pour la Nouvelle-Calédonie, d’autres régions françaises signalent qu’elles souhaitent également renégocier leurs statuts au sein de la République, y compris à l’intérieur de l’hexagone. Nous sommes peut-être à la veille d’une évolution sensible de l’organisation de la République vers un système plus fédéral et moins centralisé provoquée par la volonté d’indépendance d’anciennes colonies que les hasards de l’Histoire ont laissé rattachées à la France. Tout cela va prendre du temps et de l’énergie, mais si l’objectif d’indépendance des territoires « ultramarins » doit entraîner une véritable décentralisation de la République, il faut sans doute en passer par là.
L’Orchestre de Paris joue ce soir sous la direction de Christoph Eschenbach, son ancien directeur musical entre 2000 et 2010, pianiste émérite reconnu mondialement. A 84 ans, démarche hésitante, habillé de noir, le crâne toujours éternellement poli émergeant de son col Mao, malgré la rigidité toute germanique dont il ne se départ pas (on a un peu envie de claquer des talons en le saluant…), il est capable d’emmener son orchestre au bout de sa baguette vers les sommets de la musique romantique allemande.
Il s’agit aujourd’hui du double concerto pour clarinette et alto op. 88 de Max Bruch (1838-1920) et du quatuor avec piano n°1 op. 25 de Johannes Brahms (1833-1897) transcrit en version orchestrale par Arnold Schönberg (1874-1951). Musique romantique certes, mais enlevée et dynamique, fort peu larmoyante. Le quatuor réorchestré, en particulier, est même guilleret comme une cavalcade dans un champ de coquelicots un jour de printemps en Bavière. Le maestro est tellement imprégné de la musique de Brahms qu’il le dirige sans partition.
Une très jolie soirée musicale portée par le talent de tous ces musiciens dédiés à des compositeurs de génie.
La photographe « officielle » du président de la République a publié une photo de celui-ci sur son compte Instagram (https://www.instagram.com/soazigdelamoissonniere/). On peut imaginer qu’elle l’a fait avec l’accord de l’impétrant qui avait lui-même publié une vidéo de sa pomme avec ses gants de boxe autour du cou pour inciter les citoyens à faire au moins 30 minutes de sport journalier et leur vanter les mérites des jeux olympiques qui s’annoncent en France cet été, tout particulièrement à Paris.
Qu’un président pratique la boxe est une information de peu d’intérêt pour la République et ses citoyens, mais si cette activité lui permet de mieux gérer le stress généré par la fonction qu’il occupe, grand bien lui fasse. On espère juste que ces séances n’empiètent pas trop sur le temps qu’il doit consacrer au travail pour lequel il est payé par le contribuable. Cependant qu’il perde du temps à se faire photographier et, comble, à publier le résultat de ces séances sur les réseaux dits « sociaux » est pour le moins affligeant. N’a-t-il rien de mieux à faire en ces temps de crise ?
Outre le nombrilisme inapproprié que dénote ce comportement, celui-ci illustre métaphoriquement la situation actuelle du président Macron. Il boxe dans le vide, celui d’une majorité absolue perdue au parlement, celui de la perte de contrôle sur les finances publiques, celui de grandes déclarations laissant froids les partenaires du pays, celui d’un mandat qui sera forcément le dernier. On lui souhaite de n’être pas mis KO, mais dans le combat qu’il mène ce ne sont pas les muscles qui permettent la victoire. Et si par malheur le président français était étendu sur le ring par les éléments contraires on lui dédie ces mots de Claude Nougaro.
La joue sur le tapis, j’aperçois les chaussettes De l’arbitre là haut 4… 5… 6… 7… Enfant je m’endormais sur des K. O. de rêve Et c’est moi qu’on soutient Et c’est moi qu’on soulève