C’est un petit musée provincial, simple et bien aménagé, offert aux visiteurs de passage. La cafétaria donne sur les « Jardins de Victor Hugo ». La cafétaria donne avec au loin, les grues du port, la mer et l’ile de Sark. Chaque parterre du jardin est supposé avoir été composé en référence à l’écrivain, qui était très porté sur la nature, ou à son œuvre. Nous sommes en hiver, seuls les camélias sont en fleurs.
Comme il se doit, la visite commence par une repentance : la Grande Bretagne fut un empire, et quelques pièces présentées ici sont issues de cet empire. Une vitrine présente des reproductions en verre de plantes et invertébrés marins réalisés par des verriers du cru au XIXe siècle. Leur succès fut tel qu’ils devinrent les producteurs officiels de toute une série de musées mondiaux qui, avant cette innovation, présentaient ces objets dans des bocaux de formol. Plusieurs pièces sont consacrées à l’histoire des iles Anglo-Normandes dont on apprend qu’elles étaient rattachées à la France il y a 7 000 ans, faisant partie intégrante du continent, la Manche était manifestement plus basse à l’époque. Une exposition de photos sur la biodiversité locale et nous sommes prêts pour la cafétaria, après un passage respectueux devant l’inévitable buste de Victor Hugo !
Les lecteurs du journal LeMonde du 24 février ont découvert avec stupéfaction l’existence d’une structure « culturelle » créée en 2017 sous le doux nom d’Afalula (Agence française pour le développement d’Alula) qui est en affaire avec l’Arabie-Saoudite pour le développement du site touristique « Al-Ula » prévoyant la création sur un « site de la taille de la Belgique, d’un complexe archéologique, culturel et touristique, aux allures de musée vivant à ciel ouvert. Un investissement majeur qui ambitionne de faire d’Al-Ula l’une des capitales culturelles du Royaume. » Cette agence a été dotée que quelques dizaines de millions d’euros par les contribuables français pour faire fonctionner cette structure administrative dont le site web vante tous les mérites, du développement durable « pierre angulaire du projet » au « partage », en passant par la « bienveillance » et la « cohésion », et tout un gloubi-boulga insipide de « valeurs » qui sont sans doute le dernier des soucis des partenaires…
Nous faisons du respect mutuel la valeur maîtresse de notre relation aux autres.
Cette bienveillance est garante des liens de confiance qui sont les nôtres, au sein de l’Agence comme avec nos partenaires.
L’écoute, la disponibilité et l’empathie doivent favoriser nos collaborations multiples et fructueuses. …
Des bisbilles sévères semblent déjà être intervenues entre la partie saoudienne qui vient d’emprisonner le président de la commission royale pour Al-Ula et l’Afalula qui se plaint que les marchés passés en Arabie Saoudite ne feraient pas la part assez belle aux entreprises françaises. Le premier président de l’agence française fut Gérard Mestrallet (74 ans aujourd’hui, ancien chef de Suez, puis de GDF-Suez) remplacé l’an passé par Jean-Yves Le Drian (76 ans aujourd’hui, ancien ministre socialiste), et ce dernier vient de commander un audit interne de l’institution à l’Inspection des finances. On peut supposer qu’il subodore quelques irrégularités dans la gestion de son prédécesseur… Vouloir faire des affaires dans cette région, même sous couvert de coopération culturelle est et restera œuvre complexe et hautement risquée. On y laisse généralement des plumes, voire plus, surtout lorsque l’on est un Etat ou l’un de ses représentants. C’est ce qui semble se vérifier sur le site saoudien Al-Ula, au détriment de la France bien entendu. L’histoire n’est pas terminée, bien heureusement, mais on peut tout de même se demander si notre pays n’avait pas d’autres priorités plus importantes que d’aller se jeter dans la gueule du loup au risque de se faire dévorer par des Saoudiens qui ont globalement assez peu d’estime pour l’Europe.
Plus personne ne sait quoi faire avec l’ile de Mayotte, stupidement élevée au rang de département français en 2010. Pour tenter de contrôler les flux d’immigration en provenance des Comores et d’Afrique de l’Est, le ministre de l’intérieur français lance le projet d’une révision constitutionnelle qui permettrait de réformer, voire révoquer, le droit du sol pour les personnes étrangères naissant sur ce confetti malencontreusement resté français après l’indépendance acquise par l’archipel des Comores, dont Mayotte fait géographiquement et historiquement partie, en 1974. L’ile est maintenant littéralement prise d’assaut par une population immigrée, illégale, souvent mineure, démunie, générant la quasi-paralysie de l’administration et de l’économie, il y a une crise de l’eau et des infrastructures qui ne répondent plus à la demande, sans parler d’une insécurité grandissante.
La droite est en faveur d’une telle révision constitutionnelle, la gauche est contre, l’extrême droite voudrait révoquer le droit du sol pour l’ensemble du territoire français. Il n’est pas sûr qu’une majorité puisse s’entendre sur une telle réforme à court terme. Il est d’ailleurs assez peu probable que même adoptée elle puisse permettre de résoudre le problème. Tant que cette ile restera un abcès de fixation occidental perdu au milieu de l’océan Indien si proche des côtes d’Afrique, de Madagascar et, surtout, des Comores, elle continuera d’attiser les envies de passeport français de tous les citoyens des pays avoisinants qui seront prêts à tout pour tenter de rejoindre Mayotte, à moins peut-être que le Mozambique, la Tanzanie ou les Comores connaissent un développement économique soudain qui pousserait leurs citoyens à ne plus chercher l’exil.
Les élus mahorais et leurs électeurs se retournent vers l’Etat en criant « mais que fait le gouvernement, nous sommes des français comme les autres ? ». Celui-ci envoie des ministres, de l’argent, des bouteilles d’eau minérale et des CRS à l’autre bout du monde, lance des opérations de reconquête du territoire et des idées pour réformer la constitution de la République. Et… le « problème » continue de s’aggraver et l’espoir de s’amenuiser.
En réalité, la seule solution qui vaille serait de suivre les recommandations des Nations Unies et d’ouvrir les négociations avec les Comores pour restituer Mayotte qui fait partie de cet archipel. Chaque année le président Comorien rappelle d’ailleurs à la tribune de l’assemblée générale de l’ONU la « comorianité » de Mayotte qui a été décolonisée illégalement en 1974. Son gouvernement (dont certains membres ont la double nationalité franco-comorienne) manifeste la plus extrême mauvaise volonté dans sa « coopération » avec la France qui lui demande, contre espèces sonnantes et trébuchantes, de mieux contrôler le départ de ses propres citoyens vers Mayotte.
Personne en France n’ose aborder l’hypothèse d’une rétrocession mais c’est probablement la seule solution susceptible de stopper le désastre en cours. Sa mise en œuvre demanderait un courage politique inédit mais serait globalement soutenue par la communauté internationale. Ce qui devrait pousser à la décision est de se poser la question : « existe-t-il le moindre espoir que Mayotte puisse un jour se sortir de son pétrin actuel ? », et d’y répondre honnêtement. Toute personne connaissant un peu l’inextricable désastre socio-culturo-historico-économique que représentent les territoires « ultramarins » de la République sait bien qu’il n’y a aucun espoir sérieux que Mayotte s’en sorte, pas plus que les Comores ne cessent un jour de revendiquer cette île qui leur reviendra un jour ou l’autre. Evidemment si Mayotte réintégrait le giron des Comores c’est ensuite l’île de la Réunion qui risquerait d’être la cible de flux d’immigration illégale.
Comme la Nouvelle-Calédonie qui est inscrite sur la liste onusienne des « territoires non autonomes » (https://www.un.org/dppa/decolonization/fr/nsgt#_edn2) et dont la situation est suivie par le « Comté spécial de décolonisation » chargé « d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (décision 1514 (XV) de l’Assemblée générale) », va retrouver un jour son Indépendance, Mayotte va irrémédiablement suivre aussi cette voie. Ce sera bien sûr un déchirement pour la France. Il faudra prendre en compte le sort des Mahorais français qui ne souhaiteraient devenir comoriens et, sans doute, les rapatrier dans l’hexagone. Ce ne sera pas simple, la route sera longue et semée d’embûches mais ce serait un moindre mal versus garder ce territoire destiné à sombrer toujours plus bas dans un environnement toujours plus hostile.
Sur une vidéo publiée sur le site Facebook de la présidence guinéenne, une troupe de galonnés en tenues de combat aux couleurs chamarrées annonce la « dissolution du gouvernement » en lisant intégralement un décret signé par le galonné président de la République à la suite du coup d’Etat de septembre 2021. Cette dissolution n’est pas motivée mais est-ce bien nécessaire de justifier les actes politique d’une junte militaire ?
Les galonnés ont pris le pouvoir, sans provoquer de réaction négative de la population, alors ils l’exercent. C’est plus simple et plus clair ainsi !
On parle moins en France de la Guinée car l’armée française n’y disposait pas de base militaire qu’elle n’a donc pas eu à évacuer comme au Mali ou au Niger. Mais rappelons que la Guinée du dictateur Sékou Touré fut l’une des premières colonies françaises devenues indépendantes (en 1958) à se rebeller contre le néocolonialisme en refusant par référendum de rester membre de l’Union française, une fiction juridique par laquelle la France de De Gaulle pensait retarder les indépendances africaines, ou, au pire, les encadrer, fiction qui n’a d’ailleurs pas duré bien longtemps.
Le premier président fut Sékou Touré qui, comme nombre de ses coreligionnaires, avait aussi été député à l’assemblée nationale française avant l’indépendance de son pays. D’inspiration marxiste-léniniste il renonça à poursuivre la coopération avec Paris et s’orienta vers l’Union soviétique alors marraine des pays dits « non alignés ». Sékou Touré applique une politique socialiste et développe une sévère répression interne contre ses opposants. Ceux qui connaissent Conakry sont immanquablement passés sous le « pont des pendus », un pont du centre-ville où le dictateur faisait pendre (et laissait pendouiller les corps plusieurs jours) afin de montrer qui était le patron.
Les relations diplomatiques rompues avec la France de De Gaulle furent rétablies sous Giscard d’Estaing. La Guinée ne fut jamais membre de la zone Franc et utilisait (et utilise toujours) sa propre monnaie nationale, le franc guinéen. Sékou Touré est mort d’une crise cardiaque en 1984 alors qu’il était toujours au pouvoir. Malgré la dictature sinistre et implacable qu’il a dirigée dans son pays, il est resté un héros pour ses nombreux admirateurs, en Afrique et au-delà car il a su s’opposer à l’ancienne puissance coloniale et mener sa route loin des méandres parfois nauséabonds de la Françafrique. Il a préféré le camp « socialiste » et ses méthodes violentes.
Est-ce que la Guinée a plus souffert, ou s’est moins développée que les autres colonies françaises restées sous la « protection » de Paris après leurs indépendances ? C’est difficile à dire. Il y a certainement eu un déficit de démocratie si l’on compare la Guinée au Sénégal par exemple, mais c’est beaucoup moins vrai si l’on regarde le Tchad ou la Centrafrique où les régimes post décolonisation ont été largement aussi sanguinaires et meurtriers qu’en Guinée. Sur le plan du développement économique en général l’impression est qu’il n’y a guère de différence dans les résultats plutôt modestes atteints par tous ces pays de l’ex-Empire français.
En revanche, côté français l’avantage politique de la réelle indépendance décidée par ce pays en 1958 est certain. Paris ne s’est pas compromis en stationnant des troupes dans le pays, n’a pas eu à maintenir artificiellement le cours de sa monnaie et, globalement, a dépensé moins de sous en Guinée que dans ses anciennes colonies qui lui sont restées affidées et qui, aujourd’hui, la rejette massivement. Bien sûr, quelques bétonneurs français ont peut-être moins bénéficié de contrats pour construire des routes, cela reste d’ailleurs à confirmer sur la durée, mais au niveau macro-économique français, la Guinée a sans doute coûté moins cher à Paris depuis son indépendance que les autres anciennes colonies.
Alors l’agitation galonnée en cours à Conakry n’est finalement que la continuation des régimes qui se succèdent depuis 1958, d’autant plus qu’elle ne semble pas rencontrer d’opposition franche de la population qui est sans doute plus libre que du temps de Sékou Touré. La vraie démocratie sera peut-être pour plus tard.
La société des Amis du Louvre a invité l’universitaire Florence Naugrette, auteur d’une récente biographie de Juliette Drouet, et Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor-Hugo (1806-1883) à Paris-Place des Vosges mais aussi à Guernesey (Hauteville House) à deviser sur le rôle que jouât Juliette Drouet, maîtresse en titre de Victor Hugo (1802-1885), sur la personnalité et l’œuvre de l’écrivain.
Ils nous déroulent l’incroyable destin de Juliette, bretonne née à Rennes, orpheline très jeune, pensionnaire d’un couvent parisien dont elle sort à peine adulte pour se livrer à une prostitution plus ou moins mondaine, avant de tenter sa chance comme actrice. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre Victor Hugo et que naît ce coup de foudre qui va durer leur vie entière. Elle ne fut pas une très grande actrice semble-t-il et elle renonce assez rapidement à une carrière, décision facilitée lorsque Hugo s’engage à l’entretenir, elle et sa fille Claire Pradier. Hugo va alors emmener officiellement Juliette partout où il va vivre avec sa femme Adèle, qui elle entretient des relations équivoques avec Sainte-Beuve… Cette double vie n’empêche d’ailleurs pas l’écrivain de multiplier les conquêtes.
Evidemment, à l’heure du féminisme un peu revanchard qui s’est fait jour au XXIe siècle, il est délicat de qualifier la frénésie affective et sexuelle de Hugo au XIXe, et ce jusqu’au crépuscule de sa vie, mais Juliette Drouet sera plus qu’une amante. Elle fut aussi sa muse, sa conseillère et sa partenaire. Elle lui a écrit au moins une lettre par jour durant 50 ans et ce sont 22 000 lettres que Mme. Naugrette a lues pour mener à bien ses travaux sur cette amante magnifique. Hugo fut par ailleurs un amant plutôt dictatorial voulant tout régir et surveiller dans la vie de Juliette.
L’écrivain-poète, est également dessinateur et Juliette va couver le talent de son amoureux en exigeant toujours plus de lui dans ce domaine. Lorsqu’il quitte son appartement de la Place des Vosges qu’il occupe avec sa famille légitime elle lui installe un atelier de dessin chez elle dans le XIXe arrondissement où il dessine sous son regard amouraché. Une bonne part de la documentation préparatoire à ces dessins est accumulée lors de leurs voyages estivaux qu’ils partagent de façon tout à fait publique. Il développe un talent propre qui fait passer sa production de « dessin d’écrivain » au « dessin de Victor Hugo » qui veut traduire son âme et sa poésie. Et son cœur parfois où l’on voit ses initiales VH entremêlées avec des JD. Il offre nombre de ses dessins à Juliette encadrés dans des cadres souvent également peints par lui.
Leur histoire d’amour se réalise aussi dans les lieux qu’ils partagent. A Paris ou dans les îles anglo-normandes Hugo laisse éclater sa créativité dans l’aménagement et l’ameublement de ses résidences familiales comme de celles de Juliette. Souvent ces dernières sont le miroir de celles d’Hugo. A Guernesey notamment Hauteville II, la maison achetée par l’écrivain pour sa maîtresse, est à l’image de Hauteville House occupée par lui et sa famille. Il développe une attention particulière pour l’ameublement en chinant des vieux meubles qu’il fait démonter et remonter selon ses instructions. C’est ainsi que l’on peut retrouver un bas de buffet réinstallé en haut d’une armoire car telle est sa fantaisie.
Pour avoir une idée du style assez empesé et encombré qu’il chérissait, il suffit de se rendre au musée installé dans son ancienne demeure de la Place des Vosges à Paris : meubles tarabiscotés en bois sombre, lourdes teintures murales, plus un centimètre carré libre sur les murs remplis de tableaux et de dessins…
C’est ensemble aussi qu’ils affrontent le malheur, à quelques années d’intervalle : la perte de Claire, la fille de Juliette (âgée de 20 ans) et de Léopoldine la fille de Victor (âgée de 19 ans).
Et alors que Louis Napoléon Bonaparte, président de la IIe République mène son coup d’Etat en 1851 pour rétablir l’Empire dont il prend les commandes sous le nom de Napoléon III, c’est Juliette qui persuade Hugo de prendre la route de l’exil, lui évitant ainsi sans doute l’emprisonnement tant ses positions politiques, exprimées en tant que parlementaire élu de la seconde République, étaient opposées à la dictature qui se mettait en place par celui qu’il appellera « Napoléon le petit ».
C’est ainsi que Victor Hugo, sa femme, ses enfants (au moins pour un temps) et sa maitresse vont partir à Bruxelles, puis vivre près de vingt ans à Jersey et Guernesey. Il ne reviendra à Paris qu’en 1870 après la capture de l’Empereur à la suite de la défaite militaire de la France à Sedan face aux Prussiens. Sa femme Adèle est morte en 1868, son fils Charles en 1871, puis son autre fils François-Victor en 1873. Il s’installe avec Juliette à son retour à Paris où ils reçoivent à leur table le tout Paris politique et artistique. L’écrivain qui est devenu sénateur va alors faire des accidents vasculaires cérébraux qui l’affaiblissent mais ne l’empêcheront pas de défendre ses causes de cœur que sont l’abolition de la peine de mort, le pardon à octroyer aux « communards ». Juliette meurt en 1883, deux ans avant Victor. Elle a transmis au neveu d’Hugo tout ce qu’elle avait accumulé sa vie durant concernant l’écrivain : dessins, œuvres, objets, correspondances, jusqu’aux décors de sa maison Hauteville II à Guernesey.
A sa mort en 1885 Victor Hugo reçoit un hommage national et près de deux millions de personnes suivent son cercueil le jour de son transfert au Panthéon le 1er juin 1885. S’il fut incontestablement « homme du siècle », les conférenciers qualifient Juliette Drouet de « compagne du siècle » ! Pendant cinquante ans Juliette a déployé amour, admiration et dévouement pour Victor Hugo ce qui a aussi contribué à l’œuvre gigantesque de cet homme de légende.
Traduite par Microsoft, la prose de l’ancien président russe durant la période 2008-2012 et toujours président du parti « Russie unie », pro-poutinien, depuis plus de dix ans, fait toujours dans la nuance… C’est étrange cette obsession du nazisme aujourd’hui chez les Russes. Leurs références à l’Ukrainien Bandera (1909-1959) pour justifier la guerre menée contre Kiev est permanente. Bandera fut un nationaliste ukrainien qui, durant la seconde guerre mondiale, s’est retourné contre l’Union soviétique avec l’aide des Allemands. Comme nombre d’Ukrainiens il n’avait pas gardé que de bons souvenirs de la soviétisation de son pays par Moscou…
Dans la même période, le général de l’armée rouge Vlassov, fait prisonnier par les Allemands en 1942, est retourné par eux et se rallie à leur cause. Il fonde « l’armée russe de libération » qui combat aux côtés de la Wehrmacht. En France, nombre de volontaires ont également combattu aux côtés des Allemands. L’internationalisation de la révolution russe n’avait tout de même pas emporté l’enthousiasme de tous les peuples au point que certains d’entre eux se sont compromis avec l’idéologie nazie contre le « judéo-bolchevisme ». Beaucoup eurent des comptes à rendre après la défaite allemande. Le Français Jacques Doriot, ancien communiste qui a porté l’uniforme nazi, est mort lors du mitraillage de son auto par un avion en 1945 alors qu’il avait fui en Allemagne. Vlassov a été livré aux Soviétiques par les alliés après la défaite de Berlin, emprisonné, torturé, condamné et pendu avec ses généraux en 1946. Bandera réussit à échapper aux soviétiques juste après la guerre et à se réfugier en Suisse puis en Allemagne où il est retrouvé mort un jour de 1959, sans doute assassiné par les services secrets soviétiques du KGB.
Durant ce conflit de la deuxième guerre mondiale, tous les pays alliés ont connu la dérive de certains de leurs citoyens, la Russie (ex-Union Soviétique) comme les autres. La justice est plus ou moins passée sur ces évènements peu brillants, des règlements de comptes ont également eu lieu, plus ou moins publics et étalés dans le temps. La Russie qui eut à déplorer environ 25 millions de morts dans ce conflit continue à en faire l’un des éléments fondateurs de son existence aujourd’hui, bien au-delà de la révolution bolchévique ou de son histoire tsariste. Le problème pour la partie occidentale est qu’elle utilise aussi cette référence pour justifier son invasion de l’Ukraine en février 2022.
Dans son message, Medvedev assimile le président ukrainien Zelenski à Bandera et le chancelier allemand Scholz à Hitler. Le président russe Poutine, commandant en chef des armées russes, s’exprime généralement en public de façon plus mesurée mais sa pensée intime ne doit pas être très éloignée de celle de son âme damnée Medvedev. A moins que le nazisme supposé des dirigeants ukrainiens ne soit pour lui qu’un prétexte, qu’il n’en pense pas un mot mais l’utilise pour justifier sa soif de conquête de ses voisins, surtout quand ils furent intégrés à un moment ou un autre à l’Empire russe ou soviétique.
On ne semble en tout cas pas vraiment sur la voie de l’apaisement dans la guerre d’Ukraine qui perturbe sérieusement l’ensemble de la planète…
Pour des raisons pas forcément très claires, des dirigeants et élus français envisagent de modifier la constitution pour y inclure le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG, en d’autres termes l’avortement) et l’Eglise catholique rappelle à ceux qui l’ignoreraient encore qu’elle reste opposée au principe de l’avortement, et encore plus à son inscription dans le texte fondamental d’un Etat.
Sur le média en ligne Vatican News, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail sur la bioéthique de la Conférence des évêques de France, déclare les doutes de l’Eglise française sur le sujet :
…c’est un sujet trop sérieux, trop grave et qui mérite beaucoup de réflexion et d’humilité pour pouvoir discerner quel serait le mieux dans un cadre législatif, et d’autant plus si on choisit le cadre constitutionnel. Cela mérite une grande prudence. … … à quoi sert la Constitution si on y met des libertés de ceci ou de cela qui sont affichées comme des droits quand il s’agit de problématiques sociétales ? Au lieu de servir la vie de la société et son débat, elle devient un instrument pour clore le débat !
Il n’est pas particulièrement étonnant de voir confirmée la position anti-avortement de l’Eglise et sa crainte de la constitutionalisation de ce droit qui risque ainsi d’être un peu plus définitif, sans l’être complètement d’ailleurs.
Il est plus intriguant de voir le président français vouloir se lancer dans une réforme constitutionnelle qui n’a que peu de chances d’aboutir sur ce sujet. Il faudrait effectivement une majorité des 2/3 du parlement sur un texte pour que celui-ci puisse être présenté au vote, soit du congrès, soit des électeurs dans le cadre d’un référendum.
Ce sujet sociétal concerne certes nombre de citoyens mais à ce stade le droit à l’IVG qui relève de la loi n’est pas remis en cause et on peut véritablement se demander si le président de la République (sans majorité absolue) et le parlement n’ont rien de mieux à faire par les temps qui courent que d’ouvrir un nouveau combat, sans doute perdu d’avance, qui va générer insultes, postures, crispations et, surtout, perte de temps considérable pour les élus qui sont payés avec les impôts des contribuables ? En termes d’efficacité de la dépense publique il serait bien préférable qu’ils s’occupent de remplumer l’armée française ou d’équilibrer les finances publiques !
Donald Trump (77 ans aujourd’hui) a quitté la présidence américaine en janvier 2021 dans le fracas de l’assaut du Capitole mené par des troupes de furieux à sa solde, fortement excités par le discours de leur idole contestant sa défaite électorale dans les jardins de la Maison Blanche. L’évènement avait fait cinq morts et provoqué l’évacuation en urgence des parlementaires sous la protection de la police, provoquant la stupeur chez les alliés occidentaux des Etats-Unis, et le sourire narquois du pays dits du « Sud global ». M. Trump n’a jamais reconnu la victoire de son challenger Joe Biden et a même refusé d’assister à son investiture. Il a passé ces quatre dernières années à tonitruer contre tout, à moquer et injurier ses adversaires (même ceux à l’intérieur de son parti), à se défendre contre les multiples procédures pénales en cours contre lui et… à préparer son retour à la présidence.
Les premières élections primaires qui se sont déroulées au sein du parti républicain ces dernières semaines laissent penser que Trump sera le candidat du parti tant son avance sur les autres candidats est forte. Il sera sans doute confronté au candidat démocrate qui devrait être l’actuel président Joe Biden (81 ans à ce jour) dont l’état de santé paraît chancelant même si son bilan économique et politique est plutôt bon. C’est en tout cas une misère que le peuple américain n’ait le choix qu’entre un trublion caractériel et imprévisible, et un homme pus raisonnable mais manifestement sur le retour.
Afin de maintenir sa réputation, Donald Trump se laisse aller dans ses meetings électoraux à des sorties dont il est familier depuis des années mai qui donnent froid dans le dos. Lors d’un rassemblement le 10 février il a asséné à la tribune que si les pays membres de l’OTAN ne payaient pas ce qu’ils doivent pour maintenir cette alliance militaire et qu’ils étaient attaqués, il laisserait faire et encouragerait les agresseurs :
Non, je ne vous protégerais pas. En fait je les encouragerais à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes.
Ce n’est pas la première fois que Trump marque son désintérêt pour l’alliance atlantique (OTAN), et même sa volonté d’en sortir (ou d’en éloigner) les Etats-Unis d’Amérique. Il est à craindre que s’il est réélu il avance un peu plus vers la réalisation de cet objectif. Des dirigeants du vieux continents soulignent l’incohérence de tels propos mais il va bien falloir expliquer aux citoyens européens un jour ou l’autre que le parapluie américain devient de plus en plus fragile et que pour le maintenir ou le remplacer il va falloir payer plus.
La triste réalité vécue aujourd’hui montre que faire la guerre avec les armes fournies par d’autres, ce qui est le cas de l’Ukraine et d’Israël vous rend particulièrement fragile en cas de changement d’humeur de votre fournisseur. L’Europe va devoir prendre en compte ce risque qui va bien se réaliser un jour ou l’autre. Peut-être la France, par exemple, pourrait-elle réfléchir à l’intérêt de financer des jeux olympiques et autres compétitions sportives internationales versus fabriquer des obus et des chars d’assaut ?
A la suite d’une saisine du conseil d’Etat par l’association Reporters sans frontières (RSF) concernant le « pluralisme et l’indépendance de l’information » de la chaîne d’information en continue CNEWS, propriété du groupe Bolloré, le conseil demande à l’ARCOM, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, de réexaminer dans les six mois « l’indépendance de l’information » au sein de la chaîne. Dans son communiqué le conseil d’Etat demande à l’ARCOM de ne pas comptabiliser uniquement le temps de parole des personnalités politiques invitées sur la chaîne pour mesurer son pluralisme, mais aussi les « interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ». Depuis la publication du communiqué du conseil d’Etat le 13 février, les médias du groupe Bolloré tournent en boucle sur leur indignation d’être ainsi ciblé par des institutions « de gauche » alors que les médias publics « financés avec nos impôts, repaire de gauchistes » ne sont pas mis en cause.
Il s’agit d’une énième polémique contre les télévisions Bolloré, CNEWS et C8, qui sont accusées d’être « d’extrême droite », ce qui ne veut pas dire grand-chose en soi. La réalité est que ces chaînes sont surtout « d’extrême bêtise », au sens où l’intelligence est quasiment absente de leurs plateaux. Sur « L’heure des pros », le talk-show emblématique de CNEWS, animé par Pascal Praud, un ancien commentateur de fouteballe, réunissant un quarteron de journalistes, pour beaucoup à la retraite, on ressasse principalement le sujet de l’insécurité en France, « corolaire de l’immigration incontrôlée », et du « gauchisme » supposé des médias publics. Les sujets sont lancés avec quelques micros-trottoirs dans lesquels Mme. Michu fait part de son désarroi sur l’augmentation du ticket de métro et en avant pour le « Café du Commerce » où le spectateur est submergé de poncifs, de jugements à l’emporte-pièce et de critiques systématiques de tout et son contraire. Bien entendu, très peu des journalistes ou d’invités ont lu ou étudié les textes ou décisions qu’ils passent à leur moulinette médiatique simpliste. Ils rejettent par définition la complexité du monde et de l’action publique. Tous les élus et gouvernants sont au mieux des incompétents, au pire, des voleurs et des incompétents. Seuls eux s’estiment connectés avec le peuple depuis leurs plateaux clinquants.
Pascal Praud sert un peu de tête de gondole à la chaîne qui repasse ensuite toute la sainte journée des extraits de ses deux émissions, celle du matin et celle du soir, avec les mêmes commentaires dénués d’intérêt proférés par d’autres journalistes de la chaîne.
Sur C8, autre chaîne de la galaxie Bolloré, son collègue Cyril Hanouna relaie les mêmes sujets mais cette fois-ci les « journalistes » sont remplacés par un plateau « d’animateurs » dont le niveau de réflexion est consternant. Les invités sont le plus souvent des « influenceuses » à fortes poitrines et lèvres sévèrement botoxées qui racontent leurs aventures et activités sordides, dégradantes, déclenchant l’excitation du plateau mené avec autorité par un Hanouna à la vulgarité assumée, bardé de tatouage, portant d’amples débardeurs ou des sweat-capuches, déroulant un vocabulaire assez limité, ponctué de « j’vous l’dis moi » et de « voilà » tous les trois mots. Quelques hommes politiques, oubliant l’honneur, renonçant à la décence, se commettent dans son émission « Touche pas à mon poste (TPMP) » pour participer au festin de la beaufitude à une heure de grande écoute. Une partie de la campagne électorale des dernières élections présidentielles s’est tenue avec Hanouna en 2022. Pour interroger les candidats ou leurs soutiens, le garçon portait quand même costumes-cravate pailletés et modérait un peu le ton de ses questions, n’osant tout de même pas (encore) traiter un ministre comme Loanna.
Le problème posé par ces chaînes télévisées du groupe Bolloré relève plutôt du délit de racolage des bas instincts, du vide sidéral de la réflexion, de l’excitation des réflexes primaires, bref de la glorification de la bêtise humaine, plutôt que de penchants politiques qualifiés « d’extrême droite » par les critiques de ces médias. Après-tout ils ont le droit d’afficher leurs opinions politiques et ils prennent bien soin d’avoir toujours un intervenant ou journaliste « de gauche » qui se fait généralement étouffer par le reste de la bande, mais le « pluralisme » est ainsi affiché.
Il est vrai que la décision du conseil d’Etat est incongrue et, sans doute, impossible à mettre en œuvre dans une démocratie tant la détermination de la couleur politique de tous les intervenants est difficile à identifier. Il est probable que cette exigence du conseil tombera d’elle-même aux oubliettes compte tenu de sa non-applicabilité. Il aurait été plus avisé de se baser sur les engagements pris par ces chaînes en échange de l’attribution par l’Etat des fréquences dont elles disposent.
La relecture des conventions conclues entre le CSA (l’ancêtre de l’ARCOM) montre à quel point C8 ne respecte pas ses engagements dont l’article 2-3-4 « droits de la personne » stipule :
[L’éditeur] ne doit diffuser aucune émission portant atteinte à la dignité de la personne humaine telle qu’elle est définie par la loi et la jurisprudence.
Il respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, à son image, à son honneur et à sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence.
Il veille en particulier :
– à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ;
– à éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine ainsi que tout traitement avilissant l’individu ou le rabaissant au niveau d’objet ;
– à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu’avec leur consentement éclairé ;
…
Il fait preuve de mesure lorsqu’il diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou de détresse.
Regardons une ou deux émissions de TPMP animée par M. Hanouna et l’on peut conclure assez rapidement au non-respect de cet engagement par la chaîne qui a déjà subi de multiples sanctions pécuniaires devant l’outrance démagogique de certaines de ses émissions. Jusqu’ici, la suspension de l’utilisation de la fréquence octroyée n’a jamais été prononcée. Elle serait pourtant une œuvre de salubrité publique.
Pour ce qui concerne CNEWS il est plus difficile de démontrer la violation de ses engagements, le délit d’imbécilité ou de quasi-complotisme n’étant pas considéré comme formellement contraire à la déontologie. La convention requiert néanmoins pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, représentation de la diversité, respect des droits de la personne, honnêteté de l’information et des programmes, indépendance éditoriale de la rédaction, et toute une série de grands principes éminemment sympathiques, mais assez flous et faciles à contourner pour un éditeur malin, capable de rester à la limite sans trop franchir la ligne jaune.
La mauvaise foi de ces médias est évidente mais non formellement constituée. Le groupe Bolloré continue à surfer sur la bêtise en se parant de son « devoir d’informer ». On imagine assez aisément que les parents Bolloré mettent leurs enfants mineurs à l’abri de la propagande racoleuse des chaînes dont ils sont propriétaires mais, à ce stade, rien ne peut les empêcher de diffuser leurs insanités « pour le peuple ». Leur puissance leur permet par ailleurs de contrer vigoureusement toute tentative en ce sens, hurlant avec les loups à « la censure du gouvernement ».
Oui, la raison voudrait que l’on censure ces Thénardier de l’infotainment mais les règles de la démocratie ne le permettent heureusement pas. Il faut donc accepter leur influence délétère sur le niveau intellectuel du pays. La seule arme restante est de parier sur l’intelligence et la réflexion en espérant que les spectateurs crédules de ces chaînes de l’abrutissement délaissent Cyril Hanouna et se dirigent progressivement vers Arte… Le combat sera long et difficile mais il y va de l’avenir de la République de le poursuivre quoi qu’il en coûte !
L’IMA expose Etienne Dinet (1861-1929), peintre français dont peu de gens ont entendu parler. Représentant de la peinture orientaliste, il fait partie de ces artistes qui furent passionnés par l’Algérie et ses lumières, au point d’y passer une partie de sa vie, de se convertir à l’islam en adoptant le nom musulman de « Nasr-Eddine » et de s’être fait enterrer à Bou-Saâda aux portes du Sahara. Il apprend l’arabe, s’imprègne des légendes locales, illustre des livres publiés par des écrivains arabes.
Les toiles présentées sont féériques, pleines des couleurs majestueuses de ces paysages qui s’étendent de la Méditerranée aux sables du désert. L’artiste a manifestement été emporté par les contrastes et la lumière de ce pays colonisé par la France au point d’en magnifier la représentation dans des toiles qui semblent parfois échappées des contes des Mille et Une Nuits. Une pièce est consacrée à des nus de femmes inspirés par les quartiers de la prostitution fréquentés, notamment, par l’armée d’occupation française. Les formes érotisées de ces femmes semblent montrer une liberté et une joie de vivre sans doute irréalistes compte tenu de leur condition réelle. Qu’importe, c’est l’œil et l’imagination du peintre qui parlent ici et cela suffit pour faire rêver le visiteur.
Depuis quelques mois, à l’initiative de l’actuelle présidente de l’assemblée nationale, Mme. Yaël Brau-Pivet, des visites gratuites de cette institution sont organisées régulièrement. Il suffit de s’inscrire sur le site web de l’assemblée, d’attendre 48 h la confirmation et le visiteur se présente Quai d’Orsay, aux pieds de la statue de Colbert (honni par le courant de pensée « décolonialiste » [mais la mention de sa participation à l’élaboration du « code noir » figure sur le socle de la statue) et l’on entre dans ce lieu emblématique de la République où tant de moments historiques se sont déroulés qui influent encore aujourd’hui sur nos vies, plus de deux siècles après sa création en 1789 dans la fureur de la révolution française.
Une guide souriante retrace quelques-unes des grandes dates de l’assemblée et citent quelques grands personnages qui l’ont animée, tout en cheminant à travers des pièces imposantes, incroyablement décorées (des plafonds de Delacroix notamment), dans un luxe élégant qui est surtout celui du symbole de la démocratie. Il n’y a pas de session aujourd’hui alors l’accès au « cercle sacré » est autorisé, c’est-à-dire aux pièces réservées aux personnes accréditées lorsque l’assemblée siège. Le protocole a l’air aussi lourd que le bronze gigantesque représentant Mirabeau, député tiers-état, expliquant à la police du Roi lors des « Etats généraux » de 1789 que réunis par la volonté du peuple, les députés ne sortiraient que par la puissance des baïonnettes. Les ministres rentrent par telle porte et pas telle autre, les élus accèdent à telle salle et pas à celle-là, idem pour les journalistes. On passe devant la poste de l’assemblée décorée d’un immense tableau street-art représentant « la liberté guidant le peuple » de Delacroix, on déambule dans les salons, la salle des « quatre colonnes », celle des « pas perdus », tout n’est que boiserie, marbre, cuir, luxe et volupté. Il n’y a personne en cette fin de journée sans session parlementaire. La bibliothèque est fermée pour grands et longs travaux. On voit, de loin, la porte d’accès à la célèbre « buvette de l’assemblée » qui est aussi un restaurant, comme il en existe beaucoup d’autres dans les nombreux immeubles du quartier qui sont des annexes de l’assemblée nationale.
Et l’on arrive enfin, avec émotion, dans l’hémicycle, tendu de rouge. Le lieu réel est bien plus petit que ne laissent croire les grands angles des caméras de télévision. Les sièges des députés et ministres sont étroits, sans doute peu confortables. Le fauteuil de la présidence sur le « perchoir » est aussi réputé fort peu douillet. Qu’importe, la démocratie exige quelques sacrifices que les élus sont aussi appelés à consentir.
Au-dessus de l’hémicycle une première mezzanine est réservée au public. Chacun peut s’inscrire pour assister aux sessions de son choix. Bien entendu, le nombre de places est limité. Encore au-dessus, une autre mezzanine est réservée à la presse.
Ce matin Robert Badinter est mort. Il n’a jamais siégé ici comme député, il ne fut que sénateur, mais, en levant la tête vers le pupitre de des orateurs le visiteur entend encore résonner le fameux discours de Badinter un jour de septembre 1981 :
Le débat qui est ouvert aujourd’hui devant vous est d’abord un débat de conscience et le choix auquel chacun d’entre vous procédera l’engagera personnellement. (…)
La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire. (…)
Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.
À cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de ‘service’. Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon cœur, je vous en remercie.
Mais on se dit aussi que c’est dans cette salle que se déroulent si régulièrement des séances de pitreries et d’insultes déclenchées par des élus irresponsables, comme il s’en produit trop souvent, hélas ! En sortant à la nuit tombée, le visiteur chemine le long de l’hôtel de Lassay, magnifique bâtiment sur les bords de Seine servant aux réceptions de la présidence et où sont réunis les services dépendants d’elle. La présidente y dispose d’un appartement de fonction mais Mme. Braun-Pivet n’y réside pas en permanence, rejoignant sa famille dans son domicile des Yvelines, sauf en cas de session parlementaire nocturne.
Malgré les nombreux coups d’Etat menés par des képis en Afrique sahélienne, le Sénégal était toujours resté un relatif havre de stabilité démocratique. La République amenée à l’indépendance puis dirigée par le poète Léopold Sédar Senghor n’a même jamais connu de coup d’Etat depuis sa fondation en 1960. Il y a quelques jours, son président Macky Sall annonçait le report des élections présidentielles initialement prévues à la fin du mois de février pour des raisons un peu floues où il est question de corruption du conseil constitutionnel sénégalais. Le président Sall avait déjà annoncé qu’il renonçait à se présenter pour un troisième mandat. Il a peut-être changé d’avis et tente avec ce report de se relancer dans la course.
Pour le moment cette agitation électorale au Sénégal est moins brutale que les coups d’Etat des galonnés du Mali, du Burkina-Faso, du Niger ou de la Guinée, mais elle marque aussi un éloignement du processus démocratique par un Etat que l’on croyait pourtant convaincu des mérites de la démocratie. Sans doute M. Sall, inspiré par l’exemple de ses petits camarades sahéliens a pensé que lui aussi pouvait se jouer d’une constitution théoriquement contraignante pour se maintenir au pouvoir ? Décidemment le XXIème siècle n’est pas celui de la démocratie pour le continent africain. Les prochaines années diront si celle-ci était un frein au développement du continent ou si celui-ci se portera mieux avec des régimes militaires ou dictatoriaux.
Dans une tribune publiée dans Le Monde le 3 février, Patrick Kanner, sénateur socialiste de 66 ans, ancien ministre des sports, s’émeut que « En cette année olympique, le sport n’est toujours pas une priorité pour le gouvernement ». Et de se lamenter sur « la responsabilité de l’Etat, qui n’a donné aucun cap, aucune stratégie lisible en matière de haute performance », et de pleurnicher sur « Le sport reste le parent pauvre de notre système éducatif » et bla-bla-bla.
Heureusement Monsieur le Sénateur que le sport n’est pas une priorité nationale ! La France a bien d’autres sujets autrement plus prioritaires à gérer. L’énergie et les sous actuellement déployés pour les jeux olympiques de Paris 2024, après la coupe du monde de rugby en 2023, seraient mieux utilisés pour réformer l’enseignement, améliorer les institutions de santé, subventionner la « ruralité » ou rembourser le surendettement du pays qui lui fait tangenter la faillite.
A force de tout vouloir faire « prioriser » par l’Etat on ne fait que répartir la misère d’un budget de la République déficitaire depuis 1974. Le sport est nécessaire pour une vie saine et pour améliorer la santé publique mais ce n’est pas et ne doit pas être une « priorité » de l’Etat, c’est juste une politique comme les autres. Les collectivités publiques et l’Etat subventionnent des clubs sportifs, la construction de terrains de fouteballe… très bien, mais cela ne doit pas se faire au détriment des bibliothèques publiques. En faire une « priorité » cela implique que le sport passera avant d’autres politiques et ce n’est pas souhaitable en ces temps de budgets très sérieusement contraints.
Evidemment il est toujours difficile pour un homme politique français d’aujourd’hui, qui n’existe que par le montant des fonds publics qu’il distribue, il est difficile d’intégrer que s’il existe des sujets prioritaires c’est donc bien qu’il en a qui ne sont pas prioritaires et que si les sous vont aux premiers il y en aura moins pour les seconds. C’est ainsi, ce sont les conditions de la vie, on ne peut pas tout faire. Sans doute M. Kanner comprend ces règles pour la gestion de son budget ménager, il a manifestement des difficultés à l’appliquer à la gestion des finances publiques.
C’est un très bon film réalisé par le britannique Jonathan Glazer sur la vie domestique dans la maison du commandant du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, située aux pieds du mur qui la sépare des miradors du lager. Le thème de la vie « normale » de la population allemande, y compris celle résidant aux abords de camps, alors que la « solution finale » était en œuvre a été déjà abordé de nombreuses fois. Il l’est ici tracé de façon encore plus radicale et glaçante puisqu’il ne s’agit pas d’Allemands ordinaires mais de la propre famille de l’exécutant en chef avide d’améliorer la productivité de son entreprise morbide.
Sa femme et leurs enfants sont d’une blondeur tout aryenne et organisent des goûters autour de la piscine dans le jardin aménagé avec amour avec l’aide d’un personnel mené à la baguette, sans doute extrait du camp, sous les fenêtres grillagées du camp et des cheminées crachant nuit et jour la fumée des corps qui y sont incinérés. Et quand Höss annonce à sa femme qu’il est muté ailleurs elle se désespère de devoir quitter ce petit « paradis » composé avec tout son art de femme d’intérieur. Sa mère, par contre, venue les visiter semble comprendre ce qui se passe et s’enfuit un matin sans demander son reste.
Le génocide qui se déroule à deux pas de la piscine n’est jamais montré, seulement évoqué par le rougeoiement des cheminées et les bruits qui proviennent de derrière les murs, des bruits de répression, des hurlements, des coups de feu. Le spectateur averti sait évidement ce qu’il s’est passé derrière ces murs et réalise d’autant mieux l’anachronisme de la cohabitation entre la petite vie de la famille du commandant Höss et l’ampleur des tueries qu’il dirige à quelques mètres de là. Il n’est pas sûr que les plus jeunes qui iraient voir ce long métrage réalisent bien précisément de quoi il s’agit.
Le film repose la question de ce que savait, ne savait pas ou ne voulait pas savoir le peuple allemand du génocide mené par le pouvoir qu’il avait porté aux commandes du pays via des élections régulières. Cette question est d’autant plus prégnante dans le cadre encore plus particulier de la famille Höss. Les psychologues freudiens parlent de « clivage », l’existence de deux « moi », l’un qui tient compte de la réalité, l’autre qui la « dénie et la remplace par une réalité produit par son désir », un mécanisme de défense permettant « d’éviter la tension psychique que la prise en compte par la conscience aurait provoqué[1] ». Peut-être un moyen d’accepter des ordres répugnants à tout être humain, de faire primer la discipline sur l’humanité…, on sait néanmoins que certains nazis exécuteurs de la « Shoah par balles » (mise en œuvre avant la mise ne service du gazage industriel des condamnés, notamment lors des premiers mois de l’avance des troupes allemandes vers l’Est en 1941) ont rencontré certains troubles devant l’ampleur des tueries qu’on leur demandait d’exécuter.
Ce ne fut manifestement pas le cas de la famille Höss même si toutefois sa fiche Wikipédia indique que le commandant a souffert de ce qu’on appellerait aujourd’hui un « burn-out » durant quelques mois, sans que l’on sache s’il fut provoqué par un excès de « travail » ou un excès de remords. La même fiche indique que lors de ses confessions qu’il déroula en 1946 entre son arrestation et son exécution (sur le lieu de ses méfaits) Höss révéla qu’après avoir expliqué à son épouse la nature exacte de ses activités, celle-ci se refusa physiquement à lui. Ce point n’est pas abordé dans le film qui évoque néanmoins une relation sexuelle de Höss avec une détenue, sans doute juive, et le montre se laver consciencieusement ensuite de cette « souillure ».
Ce film aborde, sans y répondre, les insondables questions que posent toujours la représentation ou l’évocation des camps de concentration et d’extermination mis en place au cœur de la vieille Europe au mitan du XXème siècle, dont un dans l’Alsace occupée. Comment cela fut-il possible ? Un tel mécanisme de mise à mort aurait-il été possible en France ? Le peuple français aurait-il exécuté de pareilles instructions avec la même discipline ? Et moi, comment me serais-je comporté face à des ordres et des processus aussi abjects ? Chacun se plaît à répondre de façon certaine et optimiste à ces interrogations, se référant à son « niveau de civilisation », mais le comportement humain est en fait un vertigineux mystère, tout spécialement dans des conditions aussi tragiques.
Petit détail, l’acteur jouant Höss est coiffé à la mode de l’époque, touffu sur le crâne et bien rasé derrière les oreilles… une mode qui a été reprise par les punks dans les années 1970, l’extrême droite dans les années 1980-2000 et, aujourd’hui, par les fouteballeurs et hélas, les millions de jeunes qui les vénèrent et ignorent certainement à quoi se réfère cette coiffure. Triste chose car ils n’iront sans doute pas voir le film.
Le centre Pompidou présente une vaste perspective de l’évolution de la photographie-portait depuis le début du XXème siècle. Des noms de photographes célèbres (Cartier-Bresson, Dorothea Lange, Boltanski, Weegee) et d’autres moins connus ont été retenus pour cette fresque du genre humain, du noir-et-blanc à la couleur, tous formats confondus, plus de cinq cents tirages sont sous nos yeux. Beaucoup, tournés vers la noirceur du monde, montrent la misère des milieux ouvriers au début des années 1900, le travail des enfants, la violence politique, l’exploitation de l’homme par l’homme… tous traduisent cette désolation au travers de visages et de regards pris sous tous les angles par des photographes inspirés. On découvre même des photographies prises par l’écrivain Claude Simon dans sa jeunesse à Madagascar où il est né.
Heureusement, une pièce consacrée aux surréalistes vient apporter un peu de diversion avec Dora Maar photographiant Nush Eluard (clichés retenus pour l’illustration du tragique et déchirant poème « Le temps déborde » écrit par Paul après le décès de sa femme) ou Man Ray illustrant un roman d’Aragon, Breton s’auto-portraiturant…
La photo c’est l’instinct de chasse sans l’envie de tuer. C’est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et… clac ! au lieu d’un mort, on fait un éternel.
Chris Marker (1966)
Une belle revue qui marque la puissance du média photographie pour restituer l’humain !
La soirée est organisée autour de Claude Simon (1913-2005) en coproduction avec l’Association des lecteurs de Claude Simon dont l’actuel président, David Zemmour, en profite aimablement pour appeler au recrutement de nouveaux membres. La petite salle du IIIème arrondissement est bondée. Alaistair Duncan, professeur écossais de littérature française anime un débat avec trois écrivains : Maylis de Kerangal, Christine Montabelti et Marc Graciano. Duncan est bavard mais finit par donner la parole à ses invités qui racontent alors leur découverte de Claude Simon.
Pour Granciano ce fut à l’occasion du prix Nobel de littérature octroyé à l’écrivain en 1985, il a alors 19 ans, intéressé beaucoup par le football mais déjà un peu par la littérature. Son professeur de français l’a mis en garde de « ne pas faire du Proust sans l’avoir lu »… Il est frappé par la phrase descriptive de Simon qui fait naître le réel. Une espèce d’hallucination des mots, de remémoration de ce qui a été vu dans le passé pour créer du réalisme.
De Kerangal est venue à Claude Simon du fait de l’aura qui l’entourait. Quelque peu intimidée elle découvre une langue « magmatique, convulsive » au gré de pages noircies par des blocs de lignes noires. Alors étudiante en histoire & géographie elle pense qu’elle « ne méritait pas » un tel auteur. Elle y reviendra 20 ans plus tard après avoir commencé à se forger une expérience de la littérature.
Montabelti a 17 ans quand son petit frère lui offre « La Bataille de Pharsale », elle est alors fascinée par « l’étymologie de la lumière » qu’irradie cet auteur lui-même passionnément tourné vers la lumière naturelle. La longueur de ses phrases lui apparaît motrice, dynamisante pour le lecteur, un souffle « d’énergie désirable » qui a emporté Montabelti.
Les trois auteurs lisent et commentent alors chacun quelques paragraphes de livres qui les ont marqués, en l’occurrence, « Leçons de chose », « L’Acacia » et « Le cheval ». On y retrouve la hantise de la guerre, très prégnante dans l’œuvre de Simon (il fut mobilisé en 1940 puis fait prisonnier par les Allemands avant de s’évader), et ces phrases qui donnent la sensation d’envelopper le lecteur qui se laisse emporter et enserrer par les mots dans lesquels il s’immerge. « Le bâti des phrases fonde l’œuvre comme un palais » exprime Montabelti. Elles sont une « mélopée ».
S’en suit un débat un peu technique sur l’utilisation des parenthèses par Claude Simon qui « attestent la puissance en réserve de la phrase » car elles font surtout apparaître les parenthèses qui ne sont pas là selon Kerangal. Ces parenthèses créent un « effet ressac » pour Montabelti, qui aident le lecteur.
Les invités planchent alors sur la question posée par l’animateur de savoir si Claude Simon est un auteur « difficile ». Avec un bel ensemble ils répondent, contre toute évidence, « non ». Le débat tourne alors quelque peu vers un verbiage légèrement germanopratin où il est question de désir qui dissout cette soi-disant difficulté qui n’est en rien décourageante face à la fadeur et la platitude de certaines autres catégories de la littérature. Au contraire, selon Kerangal, la « synesthésie » (association de deux ou plusieurs sens NDLR) de la lecture des descriptions fines écrites par Simon permet de mêler le son, le registre visuel, le descriptif, les souvenirs. C’est une expérience physique, intimidante parfois, mais certainement pas « difficile ».
Une dernière citation permet de clore la table ronde, extraite du discours prononcé à Stockholm par l’écrivain après avoir reçu son prix Nobel :
Eh bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble magma d’émotions, de souvenirs, d’images qui se trouve en moi, d’autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire, la syntaxe par laquelle ils vont être ordonnés et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte se cristalliser.
Et, tout de suite, un premier constat : c’est que l’on n’écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le très vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention.
Il y a dix ans, à l’occasion de la célébration du centenaire de la naissance de Claude Simon avait été organisé une exposition intitulée « Claude Simon – L’inépuisable chaos du monde » comme le rappelle Dominique Viart, professeur de littérature, essayiste et critique littéraire, qui a réalisé un film d’une heure trente sur cette exposition dont il présente ce soir un extrait de trente minutes. On y découvre l’aspect très iconique des plans des livres de Simon pour lesquels il utilisait un code couleurs dont chaque élément correspondait à l’un des personnages et qui étaient ensuite mêlées en une tache chromatique devant chaque titre de chapitre. Les miracles de la numérisation ont ainsi permisau réalisateur du film de composer un montage singulier durant quelques secondes en jouant de toutes ces taches sans plus les lier à leurs chapitres. Sont également montrés les cartes qu’il dessinait des lieux narrés dans ses romans avec les formes des maisons, des routes, des fleuves. On reste ébahi devant le travail préparatoire, presque scientifique, de cette littérature.
On fait également la connaissance de Rea Simon (1928-2017), grecque délicieuse, qui fut la seconde femme de Claude et l’accompagna tout au long d’une grande partie de son œuvre. Déjà assez âgée au moment de l’interview, une cigarette à la main, elle raconte de sa voix rocailleuse de vieille fumeuse, l’œil complice, les petits évènements qui peuplèrent leur vie commune : la « récupération » du bureau de Claude, avec l’aide de Jérôme Lindon, dans l’appartement de sa première épouse en son absence, Beckett qui buvait beaucoup, la relecture des manuscrits de Claude, les rares chamailleries sur le choix de certains mots…
Le film dans son intégralité est disponible avec le livre éponyme dirigé par Viart qui synthétise les différentes rencontres tenues à l’occasion de l’exposition. Certains intervenants expliquent le rôle très large joué par Simon dans la littérature, bien au-delà du seul nouveau roman auquel on a parfois limité son influence. Successeur de Proust, il fut un écrivain géographe, rattaché à la terre qu’il n’a cessé de découvrir et de décrire comme un explorateur.
C’est aussi l’occasion de se souvenir que Simon fut parfois, dans sa jeunesse, peintre et photographe. Une série de ses clichés pris à Madagascar où il est né sont exposés en ce moment à Beaubourg dans l’exposition « Corps à corps – Histoire(s) de la photographie ».
Basé sur une histoire vraie, le film retrace le parcours d’une actrice (Elisabeth jouée par Nathalie Portman) qui doit interpréter le rôle d’une femme (Gracie jouée par Juliane Moore) qui a causé un scandale des années auparavant en épousant un jeune américano-coréen d’une vingtaine d’années plus jeune qu’elle, éleveur de papillons, Joe. Par souci de vérité pour le futur rôle qu’elle doit incarner elle veut s’imprégner de la personnalité de son modèle et va alors découvrir les zones d’ombre de cette famille recomposée. Avec l’accord de Gracie elle rencontre son premier mari et les enfants issus de cette union, son employeur de l’époque, les enfants nés avec son nouveau et jeune mari, ses amis… Elle passe même une soirée torride avec Joe sans que l’on ne devine bien si c’est juste une question de désir ou de volonté de coller au personnage qu’elle doit jouer. La scène finale montre d’ailleurs la séance de séduction d’origine filmée et jouée par Elisabeth qui caresse un serpent qui la sépare de l’acteur jouant Jo…
Comme souvent les films sur le cinéma sont troublants avec le vrai qui s’emmêle dans le faux et la fiction qui s’enroule autour de la réalité. Tout est possible et Haynes en profite pour ajouter sa vision des névroses qui agitent les personnages de son film sans que l’on ne sache vraiment si elles caractérisaient aussi les vraies personnes. Un film à voir.
Malgré des efforts méritoires, le pape n’arrive pas à faire passer dans ses troupes l’idée que l’Eglise puisse bénir les couples homosexuels le désirant. Dans un document alambiqué intitulé « DICASTÈRE POUR LA DOCTRINE DE LA FOI Déclaration Fiducia supplicans sur la signification pastorale des bénédictions » publié le 18/12/2023 par le Vatican la papauté s’emberlificote dans dix pages pour expliquer que la bénédiction des « couples en situation irrégulière et des couples de même sexe » n’est pas un mariage et que « la bénédiction exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu telle qu’elle est exprimée dans les enseignements de l’Église. »
Le document qui explique la position du pape François 1er confirme :
…il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage. Dans ces cas, on donne une bénédiction qui n’a pas seulement une valeur ascendante, mais qui est aussi l’invocation d’une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint. Ces formes de bénédiction expriment une supplication à Dieu pour qu’il accorde les aides qui proviennent des impulsions de son Esprit – que la théologie classique appelle « grâces actuelles » – afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l’Évangile, se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités et s’exprimer dans la dimension toujours plus grande de l’amour divin.
L’Église est ainsi le sacrement de l’amour infini de Dieu. C’est pourquoi, même lorsque la relation avec Dieu est obscurcie par le péché, il est toujours possible de demander une bénédiction, en lui tendant la main, comme l’a fait Pierre dans la tempête lorsqu’il a crié à Jésus : « Seigneur, sauve-moi ! » (Mt 14, 30).
Le problème de l’Eglise romaine et que cette argumentation en dix pages ne semble pas avoir convaincu beaucoup de monde dans les arcanes catholiques à travers le monde à commencer par les évêques français qui, dans leur déclaration du 10/01/2024, rappellent que :
…le Christ Seigneur » (n° 11), comprend le mariage comme « union exclusive, stable et indissoluble, entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants » (n° 4). C’est ce que nous recevons de Jésus lui-même sur le mariage et son indissolubilité (cf. Mt 19, 3-9).
Bref, le statut de couple homosexuel ou divorcé est considéré comme « irrégulier » par l’église catholique. Malgré le progressisme affiché par le pape argentin en poste, ses troupes ne semblent pas vouloir le suivre sur le simple détail de pouvoir bénir ces couples qui le souhaitent. Le rejet de l’homosexualité et du divorce reste un élément fondamental de la religion catholique. C’est ainsi. Vouloir aller contre aujourd’hui c’est un peu comme attendre d’un stalinien qu’il tresse des louanges à Trotski, c’est juste peine perdue. Il reste à conseiller aux couples « irréguliers » qui ont vraiment le besoin de se marier, de se contenter du mariage généreusement offert par la République, au moins en France, ou de changer de religion, il semble que les protestants ou les bouddhistes soient plus souples à ce sujet.
Un film émouvant et délicat sur une mère et son fils juifs habitant une cité de Sarcelles peuplée de personnes plutôt issues de l’immigration africaine. Tous les habitants de confession juive ont progressivement quitté le coin qui s’est communautarisé. Belisha y mène une vie paisible et inactive, au milieu de ses potes « noirs et arabes », cachant consciencieusement à sa mère, jouée par Agnès Jaoui, qu’ils sont les derniers juifs de la cité et que si les comportements individuels de leurs voisins sont bienveillants, il n’en est pas de même du sentiment antisémite diffus qui anime la collectivité.
Le scénario est parsemé de petits détails légers et drôles : le bureau de l’adjoint au maire qui veut faire ami-ami avec Belisha et le reçois dans un bureau aux murs décorés avec des affiches militantes pro-palestiennes, Belisha qui ment à sa mère en lui jurant que le poulet a été acheté chez le magasin casher alors que celui-ci a fermé récemment, la décoration de leur appartement avec le plastique pour protéger les coussins, la mezouzah qui empêche l’électricien musulman d’entrer faire une réparation et que Belischa faillit oublier au moment de rendre les clés du HLM, la mère qui se demande « mais où sont passés les arabes, il n’y a plus que des noirs ? », etc.
Michael Zindel joue à la perfection son personnage de Belisha, plein de tendresse, semblant planner bien haut au-dessus des querelles religieuses, tout entier dédié à protéger sa Maman. Il ne la sauvera pas et le générique de fin démarre sur l’image de Belisha quittant la cité avec sa valise pour une destination inconnue après une émouvante scène où les voisines arabophones sonnent à la porte de l’appartement pour rendre hommage à la défunte et à son fils avec, selon la tradition, de la nourriture.
C’est le premier long métrage de Noé Debré, scénariste reconnu, et représentant de la branche juive alsacienne des Debré, la branche parisienne « étant convertie depuis longtemps » comme il l’explique au Monde (27/01/2024). Il aborde, tout en douceur et subtilité, le dilemme de l’exil intérieur et de la communautarisation qui sévit en France.