L’Europe eldorado

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Des centaines de morts en mer Méditerranée depuis des mois. Des migrants, économiques et politiques, s’entassent sur des navires de fortune qui tentent de forcer le barrage des frontières européennes pour espérer une vie meilleure au nord. Des passeurs de la pire espèce coulent les rafiots en vue des côtes ou fuient en laissant le navire aller droit devant sans personne à la barre, avec sa cargaison de misère. Les bonnes âmes appellent à des « actions fortes ». François 1er, toujours jésuite, demande à «agir avec décision et rapidité ». Quant aux partis politiques et associations en tous genres qui se lamentent… n’en parlons même pas.

Le problème est aigu. En fait si l’on ne veut pas que ces gens se noient lors de la traversée il faudrait que les Etats occidentaux aillent les chercher sur de vrais navires et les transportent dans les pays européens pour les y installer, en attendant des jours meilleurs. Personne n’ose le dire alors chacun en appelle à des actions sans avoir la moindre envie de les définir. C’est la faux-jetonnerie de première catégorie, propre à nos sociétés modernes rongées par l’obésité et le cholestérol.

Quel gouvernement prendra le risque politique de se déclarer prêt à accueillir de tels mouvements de population dans une vieille Europe qui a favorisé, pour beaucoup de bonnes raisons, la chute des gouvernements dictatoriaux dans le Maghreb et le Machrek ? L’extrême droite montre son nez un peu partout sur le vieux continent où les électeurs ne se sentent plus à l’abri de leur douillet et historique confort. Le terrorisme religieux qui sévit ces dernières années accentue encore ce sentiment du « on est plus chez nous » largement relayé par les chroniqueurs petits bras de la théorie du « grand remplacement » qui délayent leur pensé limitée dans Valeurs Actuelles.

La générosité des peuples qui s’est exprimée dans les immenses mouvements de population apparus en Europe après les deux dernières guerres mondiales, voire même en Allemagne lors de sa réunification, ou dans les années 70 lorsque les vietnamiens fuyaient leur régime communiste, n’est plus de mise. La précarité ressentie par les peuples qui se sont pourtant considérablement enrichis depuis 1945 a tué la solidarité. C’est un des dommages collatéraux du libéralisme mondialisé. On ne veut plus partager. Le fantastique accroissement des inégalités, à la fois entre les pays de la planète, mais aussi à l’intérieur de ces mêmes pays, augmente encore cette volonté de départ des pays pauvres vers chez les riches.

Avec l’anarchie qui règne en Lybie, les mafias locales prospèrent sur le trafic d’êtres humains. L’Occident culpabilise et  personne ne sait plus comment bloquer les départs comme le faisait Kadhafi en échange d’un peu de reconnaissance internationale. Les plus cyniques doivent penser qu’au-delà d’un certain nombre de noyés, le flux de départ se tarira compte tenu du danger. Les plus émotifs continuent à réclamer « des mesures ». Le bon peuple occidental continue de soigner son cholestérol et personne au nord de la Méditerranée n’envisage d’installer des camps de réfugiés dans son jardin.

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