Une pleine page sur Bryan Ferry dans… le journal économique Les Echos

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Ecrit par Christian Eudeline

Bryan Ferry rocker de ces dames

L’ex-(futur ?) leader de Roxy Music ne change pas. La séduction est toujours son arme fatale. Le crooner, qui marie avec bonheur rock et mode, va distiller son cocktail de nostalgie et d’avant-garde dans les grands festivals de l’été.

Bryan Ferry a beau afficher soixante-cinq ans au compteur, il dégage toujours une classe folle, son costume panne de velours bleu nuit lui va même à la perfection, un peu comme sa mèche folle qui lui descend sur les yeux et souligne son sourire ravageur. Sa façon de se tenir dans un canapé relève également d’une élégance rare parce que naturelle. Bryan Ferry ne pose pas, il incarne.

Symbole du dandysme à l’anglaise, depuis ces années 1970 où son groupe Roxy Music s’inspirait de l’esthétisme hollywoodien, Bryan Ferry est chic et distingué, contrecarrant à jamais le blouson sale et vulgaire du rocker. « Vers l’âge de quinze-seize ans, je travaillais chez un tailleur dans la rue principale de Newcastle, et je me suis vite aperçu que la mode masculine était essentiellement constituée de petits détails : un dessin particulier sur la chaussure, une ceinture qui se ferme d’une manière originale… Mon goût pour les vêtements provient de cette période, j’avais sans doute remarqué que les types les mieux sapés avaient à leur bras les plus jolies filles ! »

Roxy Music a été le premier véritable lien entre le monde de la mode et le monde du rock and roll, Amanda Lear, Jerry Hall et Lucy Hellmore posèrent pour des pochettes avant de craquer pour le chanteur. Si les deux premières le quittèrent pour une autre rock-star, respectivement David Bowie et Mick Jagger, Lucy est la mère de ses quatre enfants, Otis, Isaac, Tara et Merlin. Leur histoire d’amour dura une vingtaine d’années.

Kate Moss en couverture

Aujourd’hui, l’histoire se répète… presque. Kate Moss pose en effet pour la photo de pochette du nouvel album de Bryan Ferry, mais elle n’a pas craqué pour le rocker de ces dames, apparemment. Elle vit déjà avec un musicien flamboyant, Jamie Hince, le chanteur des très branchés Kills. « Kate est connue, ce n’est pas seulement une jolie fille, elle a aussi du caractère et une forte personnalité. La controverse à son encontre [NDA : Kate photographiée sniffant de la cocaïne] n’a pas lieu d’être. La photo est un clin d’oeil au tableau d’Edouard Manet, « Olympia », jugé scandaleux à son époque. La fille sur la pochette de mon disque n’est pas innocente… en cela, c’est la parfaite rock and roll girl. »

L’homme a beau être un rocker, il est avant tout un séducteur, un concurrent sérieux au titre d’objet à fantasmes. « Je n’ai jamais eu l’impression d’être le beau gosse de service, jamais, même si certaines femmes me reconnaissent et deviennent du coup encore plus pressantes… Cela fait partie de mon métier non ? Je n’ai jamais utilisé ma musique ou ma carrière comme carte de visite. » Bryan Ferry n’a pas besoin de passer des petites annonces, il est vrai, pour être bien entouré. Sa dernière conquête en date s’appelle Amanda Sheppard, elle succède à la danseuse Katie Turner. Point commun : leur jeunesse et leur beauté. Depuis son divorce d’avec la mère de ses enfants, chacune de ses conquêtes est bien sûr passée au crible par la presse britannique. « Sans présence féminine à mes côtés je deviens dépressif et paresseux, j’ai besoin que l’on me protège de la mélancolie, ça m’aide à avancer. Etre immortalisé avec des jeunes femmes et traité de play-boy jet-setteur est lassant, mais je n’y peux rien. »

Amis de toujours

On parle toujours d’un retour possible de Roxy Music en studio – le dernier album du groupe remontant à 1982. Une bonne partie du chemin a été fait, lors de l’enregistrement de sa dernière livraison solo, puisque sont venus le rejoindre Brian Eno, Phil Manzanera et Andy Mackay, trois musiciens emblématiques de Roxy Music. « Cela faisait un petit moment que je n’avais pas enregistré de nouveau disque », souligne-t-il. En effet, si l’on met de côté son hommage à Bob Dylan sorti en 2007, son dernier opus remonte à 2002. « Ce qui ne m’a pas empêché de tourner régulièrement. J’avais donc quelques nouveaux titres en réserve. J’ai du mal à entretenir plusieurs projets en même temps. Je dois faire les choses l’une après l’autre et il m’était impossible de me plonger dans un éventuel nouvel album de Roxy Music sans en avoir terminé avec le mien. Mais comme les vieux amis répondent toujours présent ! Il y en a beaucoup ici… Ils me rassurent. C’est comme lorsque vous organisez une soirée chez vous – les amis de longue date sont présents. » On retrouve ainsi pêle-mêle Rhett Davies, producteur de Bryan depuis le milieu des années 1970, Marcus Miller, Nile Rodgers (Chic), David Gilmour (Pink Floyd), Chris Spedding, Dave Stewart (Eurythmics), Flea (Red Hot Chili Peppers), les Scissor Sisters ou encore son propre fils, Tara Ferry. « J’aime enregistrer en solo car je ne suis pas obligé de faire appel à chaque fois à la même équipe, je peux tester de nouveaux musiciens. C’est un « mix » de nostalgie et de nouvelles forces qui se rencontrent et s’unissent plutôt que de croiser le fer. J’aime la balance des deux. J’ai toujours travaillé ainsi. »

Pionnier du punk

La musique de Roxy Music peut être perçue comme une relecture blanche de la « soul » qu’écoutait adolescent Bryan Ferry. Apparue quelques années plus tard, la disco en serait une déclinaison lointaine plus démonstrative. Tandis que le punk-rock, lui, s’inscrirait directement dans la continuité des exactions sonores que Roxy Music fut le premier groupe à expérimenter, grâce à Brian Eno, savant fou des studios. « Nile Rodgers m’a souvent dit qu’il avait créé Chic avec ses comparses parce qu’il nous avait vus nous produire à la télé. Les punks nous adoraient, mais je n’ai jamais vraiment travaillé avec eux. Pourtant nous étions, semble-t-il, une source d’inspiration pour eux… »

Bryan Ferry est un touche-à-tout de génie, un semeur de petits cailloux précieux que beaucoup se sont empressés de ramasser. Sur scène, il sait se faire crooner à la voix de miel, pour se transformer la chanson suivante en amant torride et âpre. Il y a tout un monde entre certains de ses disques, car, comme David Bowie, l’homme a souvent changé de costume. Mais il y a une constante, immuable : la frange féminine qui n’a d’yeux que pour lui et lui en demande toujours plus. Son numéro de téléphone ? Il est sur liste rouge. « What did you expect ? »

CHRISTIAN EUDELINE, Les Echos