King Crimson – 2015/09/20et22 – Paris l’Olympia

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Retour réussi pour King Crimson reformé sous la houlette de son créateur-compositeur-guitariste de génie, Robert Fripp, 40 ans après la sortie de Red, le dernier album studio de la première période de ce groupe de légende qui, toujours sous l’inspiration de Fripp, emprunta nombre chemins de traverse, connut de multiple formations, créa d’incroyables hymnes au modernisme et influença fortement le rock contemporain.

Rien de bien créatif aujourd’hui, sinon le personnel en partie renouvelé, mais l’objectif est plus revival que conceptuel. Soit, et pour ceux qui n’avaient jamais assisté aux concerts des années 70’, trois Olympia leur permettent de combler (en partie) ce manque.

L’Olympia (aménagé en places assises) accueille le groupe qui se répartit en trois batteries sur la scène et quatre musiciens sur une estrade. Tout ce petit monde est en costume-cravate. En bas le trio inattendu de batteurs : Pat Mastelotto (déjà vu ces dernières années sur les tournées des différentes formations de King Crimson), Gavin Harrisson (qui joue aussi du méllotron) et Bill Rieflin ; au-dessus Mel Collins aux instruments à vent (historique du groupe qui joua avec lui dans ses années fondatrices et sur les disques de cette époque), Tony Levin, bassiste (qui accompagna la période King Crimson des années 80’ puis 2000), Jakko Jakszyk, chanteur-guitariste (à la sonorité de voix proche des chanteurs clés du groupe que furent Greg Lake et John Wetton) et l’irremplaçable Robert Fripp, 70 ans, toujours un casque audio sur les oreilles, assis sur un tabouret et branché au bout de ses fils raccordés à un mur de machines électroniques qui transforment le son de ses guitares au gré des morceaux.

C’est de cette position qu’il entame le murmure de cordes allant crescendo jusqu’au déchaînement des accords qui lancent Larks’ Tongues In Aspic Part One pièce musicale emblématique du groupe déclinée au cours de ces décennies de sa partie I à la partie IV avec toujours plus de brio et d’énergie ! On ne pouvait mieux faire comme intro surtout quand, pour la première soirée, elle fut enchaînée sur Red. C’est un empilement de guitares métalliques en fusion mené avec brio par le maître qui marque le tempo. L’audience revient avec gourmandise quatre décennies en arrière…

S’en suit un pêle-mêle de pièces extraites de toute l’épopée musicale que Fripp a menée avec tellement d’iventivité. On pensait le show tourné uniquement vers les premières œuvres du groupe mais la soirée a également abordé certaines morceaux des années 2000 co-écrites par Adrian Belew (Vroom, The ConstrucKction of Light) qui accompagna le groupe à la guitare et au chant avec brio de longues années dans la deuxième phase de sa vie et qui continue à tourner sur les Crimson ProjeKCt, sortes de déclinaisons à géométries variables du concept initial où la virtuosité l’emporte parfois sur l’inspiration. Fripp laisse aussi la place à des compositions de son trio de batteurs, des morceaux qui s’intègrent bien dans le show.

Mais les spectateurs chavirent lorsque retentissent les hymnes Crimsoniens et que les couches de mellotron envahissent la cathédrale Olympia : Epitaph et cette confusion qui qualifie nos vies où la voix de Jakko Jakszyk porte bien cette si belle chanson ; Easy Money et ses riffs de guitares saturées ; In The Court of the Crimson Kings, l’hommage magnifique à une époque révolue ; et le final flamboyant sur 21st Century Schizoid Man, l’ode d’une génération : Death seed blind man’s greed/ Poets’ starving children bleed/ Nothing he’s got he really needs/ Twenty first century schizoid man.

Et nous reviennent les mots de Pete Singfield, co-fondateur de King Crimson, producteur et paroliers des premiers albums : une poésie épique et douloureuse qui participa aussi à l’aspect fantasmagorique et révolutionnaire de la musique de King Crimson lorsqu’elle apparût, faisant des premiers albums du groupe de véritables OVNI dans le monde musical de cette époque.

Picture in the City joué lors des deux concerts auxquels nous assistons marque ce décalage toujours ressenti d’une musique si extraordinairement contemporaine, le mélange des guitares et des saxophones, les voix étirées qui se superposent à l’infini, la montée du mugissement de guitare dans les aigus qui lance l’emballement général de tous les instruments vers une cacophonie si bien organisée :

Concrete cold face cased in steel/ Stark sharp glass-eyed crack and peel/ Bright light scream beam brake and squeal/ Red white green white neon wheel.

 Dream flesh love chase perfumed skin/ Greased hand teeth hide tinseled sin/ Spice ice dance chance sickly grin/ Pasteboard time slot sweat and spin.

 Blind stick blind drunk cannot see/ Mouth dry tongue tied cannot speak/ Concrete dream flesh broken shell/ Lost soul lost trace lost in hell.

On trouve dans l’œuvre de King Crimson à la fois les pièces émouvantes d’un répertoire romantique (Cadence and Cascade, Starless, I talk to the wind…) porté par des voix bouleversantes, mais aussi les créations annonciatrices du rock industriel où le déchaînement de l’électricité et le métal des guitares jouent dans la dissonance et le caractère obsessionnel de la musique répétitive. C’est l’illustration parfaite de ce rock qualifié de progressiste en ce qu’il a fait converger le rock et la musique contemporaine.

Starless qui clôt les deux shows en est un parfait résumé. Un morceau de 20mn comme on en fait plus, véritable joyau que les deux guitaristes interprètent de façon magistrale, Fripp en développant cette petite ritournelle triste sur fond de méllotron qui entrecoupe le chant déchirant de Jakszyk, le même Jakszyk reprenant ensuite les commandes du morceau pour une longue injection de tension, note après note remontées sur le manche de sa guitare (décorée avec le dessin de In the Court…) avant un final démesuré et explosif où réapparaît la petite ritournelle reprise au méllotron dans le délire d’électricité, de boucles et d’aigus métalliques.

La créativité exceptionnelle de Fripp explique la permanence de son influence à travers le temps. Cette reformation inattendue du groupe pour un retour sur son œuvre ressemble un peu à un adieu, comme le désir de ranimer celle-ci avant son dernier souffle. C’est du moins l’impression ressentie lorsque l’on voit le guitariste saluer la foule, les yeux plissés sous la lumière et avec toujours ce petit sourire énigmatique avant de disparaître en coulisses. Renaissance ou prestation finale, ces concerts furent bons à prendre, un nouveau moment partagé avec un musicien d’exception.

20 septembre 2015 22 septembre 2015
Larks’ Tongues In Aspic Part One (« La Marseillaise » snippet by Mel Collins)

Red

Suitable Grounds For The Blues

Radical Action (To Unseat The Hold Of Monkey Mind)

Meltdown

Pictures Of A City

The ConstruKction Of Light

Hell Hounds Of Krim

Level Five

Epitaph

Banshee Legs Bell Hassle

Easy Money

The Letters

Sailor’s Tale

One More Red Nightmare

Starless

Encore : Devil Dogs Of Tessellation Row

The Court Of The Crimson King

21st Century Schizoid Man

Larks’ Tongues in Aspic, Part One (« La Marseillaise » snippet by Mel Collins)

VROOOM

Radical Action (To Unseat the Hold of Monkey Mind)

Meltdown

Hell Hounds of Krim

Suitable Grounds for the Blues

The ConstruKction of Light (instrumental part only)

Interlude (Jakszyk plays 2nd flute)

Pictures of a City

Epitaph

Banshee Legs Bell Hassle

Easy Money

The Letters

Sailor’s Tale

The Light of Day (Jakszyk, Fripp and Collins cover) (first time live in Europe)

One More Red Nightmare

Starless

Encore : Devil Dogs Of Tessellation Row

The Court of the Crimson King

21st Century Schizoid Man

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