La Russie face aux conséquences de sa guerre

par

dans Catégorie : ,
Biche/Charlie Hebdo (13/03/2022)

Les experts militaires de plateaux télévisés, officiers en retraite ou journalistes de champs de bataille sur petit écran, affirment unanimes que le Kremlin et son président élu sont surpris de ne pas avoir conquis l’Ukraine, « pays frère », en quelques jours grâce à leur puissante armée qui n’aurait pas été véritablement accueillie en « libératrice » de « l’oppression » du pouvoir ukrainien « génocidaire » dirigé par « une bande de nazis drogués ».

Ce que l’on peut savoir des faits diffusés par les propagandes respectives de l’Ukraine et de la Russie semble aller dans leur sens. Au-delà, les élucubrations de « spécialistes » de Café du commerce sont à prendre avec des pincettes tant la capacité de nuisance de la Russie éternelle est encore forte et dirigée contre l’Ukraine et l’Occident. Des images diffusées par Kiev montrent des chars russes détruits et laissés à l’abandon sur les bords des routes, un gros navire de transport militaire en flammes après avoir été atteint par un missile qui pourrait être ukrainien dans le port de Berdiansk (mer d’Azov) en principe contrôlé par les troupes russes, un dépôt de pétrole en feu sur le territoire russe suite à une attaque d’hélicoptères, et, depuis quelques jours, le retrait de l’armée russe des environs de Kiev, la capital jamais conquise par Moscou. Il apparaît que la Russie n’a pas réussi à acquérir la domination de l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine malgré son armée de l’air bien dotée en avions de combat, que plusieurs de ses généraux ont été tués sur le front, que l’utilisation des fameux missiles « hypersoniques » n’a pas vraiment changé le cours des choses, que son armée est animée d’une motivation limitée, etc. etc.

Bref, si tout ceci se confirme, la nouvelle est appréciable, l’ours russe serait toujours aussi méchant mais peut-être pas aussi musclé qu’il semblait vouloir le faire croire. En tout cas, pas au point d’être capable d’asservir un pays souverain de grande dimension en quelques jours. L’aide militaire délivrée par l’Ouest et la Turquie à l’Ukraine apparaît quant à elle relativement efficace, comme quoi les démocraties « décadentes » selon le récit de Moscou ne sont pas encore complètement assoupies par le cholestérol et le « wokisme ». L’armée russe a annoncé se concentrer désormais sur l’Est de l’Ukraine, frontalier de son propre territoire, pour, sans doute, essayer d’y pérenniser et renforcer ses conquêtes.

L’Occident serait toutefois bien avisé d’avoir le triomphe modeste, la Russie n’a pas fini de nuire aux démocraties occidentales, ni à tous ses vassaux s’il leur prenait l’idée saugrenue de vouloir adopter un régime démocratique en renversant les satrapes qui les gouvernent. Et d’abord il va falloir payer pour reconstruire l’Ukraine une fois les hostilités terminées. Les destructions semblent importantes et nombre de villes ont été substantiellement dévastées par les bombardements russes. Il est peu probable que Moscou envisage de financer la reconstruction, tâche qui va donc probablement revenir aux contribuables occidentaux pour les décennies à venir.

L’urgence est maintenant de finir cette guerre. Des pourparlers directs se déroulent entre ces deux pays et chaque partie communique sur les progrès réalisés. Kiev vient même de préciser qu’une rencontre entre les deux présidents serait possible à court terme. Elle risque d’être intéressante bien qu’un peu réfrigérante…

Voyons les compromis qui seront entérinés. Quels qu’ils soient, la Russie risque d’être durablement éloignée de l’Occident qui se méfiera de Moscou pour encore quelques générations, au moins jusqu’à ce que les contribuables de l’Ouest aient finis de payer pour reconstruire ce que Moscou a cassé. Mais est-ce vraiment un problème ?