LAURENS Henry au Collège de France, « Crises d’Orient : les origines de l’autoritarisme à partir de 1949 » 5/6.

Cinquième épisode des aventures haletantes du Moyen-Orient de l’après IIème guerre mondiale : cela ressemble à une série policière télévisée, ce n’est que l’Histoire tragique narrée par Henry Laurens.

En 1954 en Egypte les Frères musulmans présentent leur pays comme une dictature prooccidentale et la compare à la Syrie. Le traité de rétrocession de la base de Suez est signé avec la Grande-Bretagne incluant une clause de retour possible en cas de guerre mondiale ou d’attaque turque. En octobre a lieu un attentat a lieu contre Nasser du fait d’un tireur Frère musulman. C’est a priori un acte isolé et nom de résultat d’un complot. A cette occasion Nasser sort de l’ombre et se révèle un redoutable orateur. La répression déclenchée contre les Frères musulmans est sévère par suite de cet attentat. La tendance du nationalisme arabe est de casser toute relation avec un islam politique. Naguib est démis de ses fonctions et mis en résidence surveillée. Il y restera 20 ans avant d’en être libéré par Sadate.

Les Etats-Unis aident le régime, y compris via des ventes d’armes. Le procès des saboteurs juifs d’dEgypte se conclut par 2 exécutions. Le pays abrite les nationalistes des pays du Maghreb opposés à la présence française. Le Caire lance la radio « La voix des arabes » qui diffuse son nationalisme anti-impérialiste et supplante BBC et VOA (Voice America). Le FLN algérien est créé en Egypte où Nasser accueille Ben Bella (qui ne parle pas arabe).

En France, la guerre d’Indochine est financée par les Etats-Unis car jugée de nature anticommuniste. L’aide restera financière et Washington prendra la suite du combat après Dien Bien Phu. Paris poursuit son réarmement, y compris nucléaire. La France vend sa technologie nucléaire à Israël en 1954 (Simon Peres est le négociateur de Tel Aviv).

Les nationalistes arabes (et tout particulièrement en Irak) se désolidarisent avec les nationalistes du Maghreb en lutte contre la France. Après le traité passé entre l’Egypte et le Royaume-Uni, les anglosaxons initient le projet Alpha de règlement du conflit entre Israël et les pays arabes. Il prévoit la réinstallation des réfugiés palestiniens, la gestion des eaux du Jourdan, des garanties de sécurité offertes et un soutien à l’Egypte pour emporter un accord de paix avec Israël.

En février 1956 le « pacte de Bagdad » est signé entre l’Irak et la Turquie soulevant quelques réactions opposées de pays arabes compte tenu du passé de la Turquie au Moyen-Orient. Ce traité est censé organiser de façon apaisée la relation entre ces deux pays.

En 1954 des soldats israéliens sont faits prisonniers en Syrie. Israël détourne un avion Syrien pour obtenir leur libération inaugurant ainsi une longue série de détournements d’avion, la méthode devenant très prisée dans la région. Il existe un conflit interne en Israël entre Ben Gourion partisan de la solution forte et un clan plus modéré. En février 1955 une infiltration de palestiniens venant de Gaza fait des morts en Israël. Ben Gourion ordonne des représailles qui sont exécutées sous le commandement d’Ariel Sharon et la supervision de Moshe Dayan. L’attaque israélienne porte sur un camp en Egypte près de Gaza et fait beaucoup de morts arabes. Des manifestations populaires éclatent un peu partout, Nasser visite Gaza, même les angloaméricains sont mécontents de ces représailles qui provoquent la réprobation internationale.

En Egypte Nasser radicalise son discours et attaque verbalement tous les régimes de la région les traitant de laquais impérialisme, de réactionnaires, etc. Son arme est le verbe et celui-ci devient de plus en plus marxiste. Il cherche malgré tout aussi à moderniser son armée. Cette évolution politique le fait mal considérer par le Liban et la Syrie qui ont tendance à le mépriser.

Novembre 1955, la Grande Bretagne adhère au pacte de Bagdad, de même que le Pakistan. Désormais une série de pactes cernent l’URSS du Canada aux Philippines avec chaque fois un pays jonction d’un pacte à l’autre.

Cette période marque le rejet domination coloniale européenne. La chartre ONU retient la décolonisation comme « mission sacrée ». La capitulation du Japon a bloqué la reconstitution des empires coloniaux en Asie. C’est aussi le début des guerres de décolonisation : Indochine, Philippines, …

L’Orient arabe affiche son anti-impérialisme et envoie ses étudiants dans les universités américaines plutôt qu’européennes. Le « nouvel impérialisme » américain se construit sur un mode différent : il favorise l’influence par l’édification de bases militaires plutôt que les conquêtes territoriales qui étaient le but des anciens empires coloniaux….

L’URSS fait évoluer son discours vers l’antifascisme ce qui lui permet de s’allier aux… impérialistes. En Occident le débat intellectuel entre antifascisme et anti-impérialisme fait rage.

Dans les années 50 la guerre froide a gelé la situation en Europe et la violence a été exportée vers Asie. Alfred Sauvy invente le concept de « tiers monde » en plus de ceux de l’Occident et de l’URSS. C’est une référence au « tiers-état » de la révolution française : « il est tout et veut être quelque chose » !

Les nations Afro-asiatiques luttent ensemble pour l’autodétermination et contre impérialisme. L’URSS se rapproche de ces non-alignés. En 1955 se tient la réunion Bandung (Indonésie) sans les « blancs » (URSS et Israël) mais avec la Chine populaire. Moscou rappelle néanmoins sa position anti-impérialiste. Nasser y participe. Ces pays « non-alignés » discourent tous en… anglais… Le concept des droits de l’homme est mis en avant pour justifier l’autodétermination des peuples mais oublié face au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. On parle de droits de l’homme pour le collectif mais pas pour les individus.

Les pays pro-occidentaux attaquent l’impérialisme soviétique en Asie centrale. Les pays Afro-asiatiques prônent le neutralisme et y associent URSS. Ils constituent un ensemble divisé, se retrouvant sur la nécessaire décolonisation et l’anti-impérialisme, mais supportant les dictatures locales.

A la conférence de Genève en 1955 apparaît la détente. C’est l’équilibre des forces nucléaires, on commence à parler désarmement.

Au Moyen-Orient le plan de paix Alpha continue à être (difficilement) discuté. Les va-t’en guerre israélien envisagent la conquête de Gaza pour en sortir l’Egypte. Celle-ci entraîne des commandos « fedayin » destinés à être infiltrés en Israël. Personne ne veut accepter un règlement politique. Israël veut juste des armes et des garanties de sécurité, mais n’est pas intéressée par un plan de partage de la Palestine ni, bien sûr, par un retour des réfugiés…